Lettre ouverte à M. Jacques Chirac au sujet du génocide rwandais

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Lettre ouverte à M. Jacques Chirac au sujet du génocide rwandais
Lettre ouverte à M. Jacques Chirac au sujet du génocide rwandais
Monsieur le Président de la République,
Aujourd'hui, un nombre croissant de faits et témoignages sont portés à la connaissance des citoyens français sur le rôle
joué par la France au Rwanda, de 1990 à 1994.
"Pour moi, la France a protégé les auteurs du génocide." Roméo Dallaire, général canadien en retraite, témoin direct des
événements, en tant que chef des forces de l'ONU. Interview parue dans le Figaro du 6 avril 2004.
"Les militaires français ont en effet soutenu, d'une manière très forte, l'armée rwandaise hutu, en participant à
l'élaboration des plans de bataille quotidiens, en étant partie prenante aux décisions, en faisant des contrôles aux portes des villes.
On a encadré cette armée et même, on peut le dire, on l'a commandée indirectement." Pierre Brana, député PS, corapporteur de la
mission d'information parlementaire sur le Rwanda. France Info, 6 avril 2004.
"C'était une extermination d'Etat, réalisée au nom d'un Etat. Commise par un Etat qui était notre ami, notre protégé, notre
pion. Je veux dire : le pion de l'Etat français." Patrick de Saint Exupéry, journaliste, témoin direct des événements. L'Inavouable.
La France au Rwanda, éd. les arènes.
Pierre Galinier, coopérant français au Rwanda jusqu’en 1994, à propos de sa femme Yvonne Galinier : "dès février 1993,
elle subissait régulièrement des contrôles d'identités "ethniques" effectués par des patrouilles mixtes composées de militaires
rwandais et français. Dans son témoignage, elle donne également des détails sur les instructeurs français en fonction dans les camps
d'entraînement des miliciens du MRND, le parti des extrémistes hutus." Propos recueillis par France Soir, 6 avril 2004.
Monsieur le Président de la République, pouvons-nous laisser des accusations de complicité de génocide peser sur
la France sans autre réaction que le déni ?
Cette question se posait déjà en 1998. La mission d'information parlementaire sur le Rwanda y répondit en dégageant la
France de toute responsabilité. Toute ? Il se trouve que Pierre et Yvonne Galinier ont déposé devant la mission en question, qui a
censuré leurs témoignages, lesquels "auraient dû figurer dans les annexes du rapport final comme ceux de tous les témoins
entendus par la mission d'enquête. Paul Quilès, son président, s'y est opposé", affirme Pierre Galinier. France soir, source citée.
Toujours en 1998, vous déclarez, en réponse à une question portant sur les "fortes critiques venant de certains courants
par rapport à l'ensemble de la politique africaine de la France, notamment après le drame du Rwanda" :
"Vous savez, vous avez toujours, en France, des courants qui critiquent la France. C'est une de nos grandes spécialités (...). Alors,
cela ne m'a jamais vraiment impressionné." Conférence de presse à Luanda, Angola – 30 juin 1998. www.elysee.fr.
Aujourd'hui, des journalistes, d'anciens militaires, des chercheurs, d'anciens coopérants français, des couples mixtes
franco-rwandais, des hommes politiques, des rescapé(e)s du génocide, d'anciens bourreaux, témoignent de l'engagement de l'Etat
français dans l'un des crimes les plus odieux du XXe siècle, le massacre d'un million d'hommes, femmes, enfants, dans un petit pays
de neuf millions d'habitants, en cent jours (essentiellement des Tutsis, ainsi que des Hutus "modérés").
Vraiment, Monsieur le Président de la République, cela ne vous impressionne pas ?
Aujourd'hui, il vous appartient de faire cesser ce révisionnisme d'Etat, le même qui permettait à M. Dominique de
Villepin, en septembre 2003 sur RFI, de mentionner les "génocides", la thèse d'un double génocide ouvrant directement la voie à sa
négation.
Aujourd’hui, il vous appartient d'instaurer un véritable contrôle démocratique de notre politique africaine, afin
d'empêcher que des dirigeants français ne commettent de nouveau l'irréparable au nom de leurs citoyens.
Aujourd'hui, il vous appartient enfin, au nom de la France, de demander pardon au Peuple tutsi, à ceux qui ont échappé à
l'extermination totale.
Rodolphe Ollivier, citoyen français, le 15 avril 2004.

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