Prévention des toxicomanies par les écoles et par l`intermédiaire

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Prévention des toxicomanies par les écoles et par l`intermédiaire
PR É V E N T IO N D E S TOX I C OMANIES PAR LES ÉCOLES ET PAR
L’I N T E R M É D I A I R E D E S É COLES
Gary Roberts, Nancy Comeau, Angela Boak, David Patton, Jodi Lane, Komali Naidoo et Marvin Krank
L
’usage de l’alcool et du tabac, et dans une moindre mesure, des
drogues illicites, est responsable au Canada des coûts énormes
attribuables aux décès, aux maladies et aux incapacités.
En général, les jeunes commencent à utiliser l’alcool, le tabac, le
cannabis et d’autres drogues à l’adolescence. Il est donc important
que les écoles, et d’autres, se penchent sur la consommation qu’en
font les jeunes, si l’on veut éviter des coûts futurs à la société.
Toxicomanie et réussite scolaire
On peut ne pas être d’accord sur le rôle de l’école en matière
de grands problèmes de société, par exemple les toxicomanies,
mais ce rôle devient plus évident lorsqu’on comprend que des
élèves souffrant d’une toxicomanie peuvent également voir leur
apprentissage en souffrir, et que la prévention peut améliorer leur
rendement scolaire.
Bien que la relation soit complexe, il est clair que toxicomanie
et rendement scolaire sont liés. Une toxicomanie peut empêcher
une jeune personne de maîtriser des habiletés clés pour son
développement (cognitif, émotionnel et social).
Les élèves ayant une relation étroite avec leur environnement social,
leur milieu d’apprentissage et leurs enseignantes et enseignants
réussissent le mieux plus tard à éviter les problèmes de santé mentale
et les comportements dangereux pour la santé, et ont plus de chance
d’avoir de bons résultats scolaires.
Les jeunes et la consommation d’alcool, de tabac et
d’autres drogues
Ces facteurs universels sont à bien des égards limités à la période
de l’adolescence et font ressortir le besoin d’une programmation
universelle pour aider les élèves à passer cette période difficile en
sécurité.
Il est clair que certains jeunes ont dans leur vie une plus grande
accumulation de facteurs de risque. Ces facteurs sont présents en
général depuis leur jeune âge (p. ex. personnalité, famille) et leur
interaction a déjà rendu difficile l’ajustement à l’école. Ce sont ces
jeunes-là qui sont particulièrement à risque pour la consommation
de substances dangereuses, légales ou non, et pour d’autres
problèmes également.
Une programmation ciblée est nécessaire si l’on veut faire dévier
la trajectoire développementale de ces enfants et de ces jeunes
particulièrement à risque.
Programmes efficaces
On a évalué une gamme de programmes universels (visant tous
les jeunes) et de programmes ciblés. Bien qu’il n’existe pas de
solution miracle, un certain nombre de programmes ou d’initiatives
semblent être efficaces. Les recherchistes mesurent de plus en plus
les avantages des programmes de prévention en milieu scolaire
en termes de coûts pour la société et un certain nombre de ces
programmes sont efficaces à cet égard.
Programmes à l’élémentaire
Bien qu’au Canada, une large proportion des élèves du palier
intermédiaire ne boivent pas, ni ne prennent de drogues, licites ou
non, la consommation d’alcool devient la norme au secondaire, et
celle du cannabis et du tabac est courante.
Aborder le problème de la consommation de tabac, d’alcool et de
cannabis à un âge précoce (12 ou 13 ans) doit être une priorité des
programmes de prévention scolaire. Du fait que la consommation
commence souvent à un âge précoce, en raison de facteurs qui sont
évidents dès les petites classes, des programmes universels et ciblés
avant l’intermédiaire sont importants.
En ce qui concerne l’alcool, on pourrait qualifier les élèves de 7e et
8e année « de consommatrices-et-consommateurs-à-venir » plutôt
que de « non-consommateurs-et-consommatrices ». Avec l’âge, les
habitudes dangereuses de consommation deviennent plus courantes
et la consommation de tabac suit la même courbe.
La programmation à l’élémentaire ne traite pas spécifiquement de
toxicomanie, mais est plutôt axée sur le développement d’habiletés
d’autogestion. Elle s’adresse soit à tous les élèves soit à des groupes
ciblés et offre des suggestions au personnel enseignant et aux
parents.
La consommation généralisée d’alcool et d’autres substances par les
jeunes n’est pas surprenante, si l’on tient compte de l’étape où ils se
trouvent dans leur développement (p. ex. ils ont besoin de faire des
expériences, de prendre des risques et de devenir autonomes) et des
divers messages qu’ils reçoivent.
Les programmes de compétences familiales offerts à toutes les
familles ou aux familles particulièrement à risque sont efficaces pour
améliorer les compétences en matière de relations interpersonnelles
et ont prouvé qu’ils pouvaient prévenir la toxicomanie plus tard
chez les jeunes.
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Des programmes complets qui sont consacrés à améliorer les
compétences parentales et à modifier les pratiques d’enseignement
en faveur de tous les élèves ou seulement des élèves particulièrement
à risque ont prouvé qu’ils pouvaient aider les élèves à apprendre et
prévenir les problèmes ultérieurs de comportement, y compris la
consommation de substances dangereuses.
Programmes à l’intermédiaire et au secondaire
Il est particulièrement important à l’intermédiaire d’axer les
programmes sur une substance spécifique et il a été prouvé que cette
approche était d’une efficacité modeste. Le modèle le mieux étayé
par la recherche est celui des influences sociales, qui aide les élèves à
prendre mieux conscience de l’influence des médias et de la société
et leur fait acquérir les compétences nécessaires pour analyser et
minimiser cette influence.
Les programmes qui ont fait leurs preuves mettent invariablement
l’accent sur les interactions élève-élève (plutôt que élève-enseignant).
Il est donc essentiel que les enseignantes ou enseignants ou les
responsables de programmes soient à l’aise avec cette approche.
Les enseignantes et enseignants doivent être capables de créer
une ambiance respectueuse où l’on ne porte pas de jugement et
de s’assurer que les élèves obtiennent de l’information exacte, sans
discours moralisateur.
Dans de nombreuses communautés et populations scolaires
au Canada, le pourcentage d’élèves consommant des quantités
dangereuses d’alcool est particulièrement perturbant. Du fait que
la consommation dangereuse d’alcool et d’autres substances peut
souvent avoir pour résultat toute une gamme de problèmes, y
compris des activités sexuelles non désirées, des blessures, la surdose
et la mort, il est important d’envisager des programmes qui aident
explicitement les élèves à éviter ces tendances de consommation
et les méfaits qu’elles peuvent causer. Peu de programmes axés
spécifiquement sur ces objectifs ont été évalués, mais ceux qui l’ont
été montrent des résultats prometteurs.
Des programmes complets à composantes multiples et qui portent
attention à la fois à l’éducation par rapport à la substance visée et à
l’environnement scolaire sont prometteurs sur le plan de la réduction
de la consommation, des problèmes de santé mentale, de l’activité
sexuelle précoce et des comportements antisociaux.
Bien entendu, bon nombre des facteurs contribuant aux problèmes
de consommation de substances dangereuses par les élèves ne sont
pas du ressort de l’école. Les écoles devraient donc envisager de
lier et d’intégrer leurs programmes à l’effort de programmation
communautaire. Grâce à cette intégration, il serait possible
d’atteindre une plus grande variété d’individus et de facteurs
environnementaux et, peut-être, de retarder l’âge auquel les
adolescentes et adolescents commencent à boire de l’alcool.
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En ce qui concerne les élèves à risque,y compris les élèves autochtones,
les recherches au Canada montrent que des interventions courtes
(moins de quatre séances) sont prometteuses, dans le sens qu’elles
encouragent l’abstinence et contribuent à réduire les risques liés à la
consommation d’alcool et de produits dangereux.
Les politiques scolaires sont importantes car elles fixent les normes
et les attentes pour tous les élèves. Quel que soit le défi que cela
représente, les politiques scolaires doivent tenter d’aider les élèves
particulièrement à risque à rester en contact avec l’école et avec leurs
pairs ayant un comportement « non déviant ». Les suspensions ont
souvent comme résultat de voir augmenter les comportements
antisociaux.
Implantation dans les écoles canadiennes
La recherche montre que les programmes de prévention basés à
l’école et liés à des initiatives en-dehors de l’école peuvent retarder
le début de la consommation de substances et réduire les méfaits et
les dangers que cette consommation représente. Cependant, cette
recherche a été menée dans un cadre prédéterminé bien contrôlé;
il est donc juste de se demander si on peut compter sur ces effets
dans le cadre réel dans lequel fonctionnent le personnel enseignant,
d’orientation et d’administration.
Dans nos écoles, un certain nombre de variables peuvent affecter
la façon dont une nouvelle initiative sera implantée, y compris des
facteurs au niveau du système (p. ex. état de préparation de l’école,
leadership, soutien des autres intervenantes et intervenants), des
facteurs au niveau du personnel enseignant (p. ex. auto-efficacité,
épuisement professionnel, perception de l’acceptabilité du
programme, formation) et des facteurs au niveau du programme luimême (p. ex. temps de préparation, complexité). Vue de cette façon,
la formation de toutes les parties intéressées (c.-à-d. le personnel
enseignant, d’orientation, des corps de police et des services de santé
mentale et de toxicomanie) devraient être considérée comme d’une
importance vitale – mais n’est pas suffisante. La prévention des
toxicomanies dans le cadre scolaire sera la plus efficace lorsqu’elle
se fera selon une approche large de perfectionnement de tous
les intervenantes et intervenants, qui prendra en compte toute la
gamme des facteurs au niveau du système et de la salle de classe qui
risquent d’influer sur la pratique.
Presque toutes les initiatives qui ont prouvé leur efficacité dans ce
résumé des connaissances exigent des ressources précieuses et on
peut comprendre que les écoles hésitent à ajouter un autre projet à
une charge de travail déjà imposante.
Il pourrait être plus fructueux d’intégrer les initiatives de promotion
de la santé et de prévention des toxicomanies dans les grands objectifs
des écoles en mettant la priorité sur les facteurs qui retentissent à la
fois sur l’apprentissage et sur le bien-être.
Ce glissement, de la collaboration entre les programmes à l’intégration des programmes, exige du personnel de l’éducation et des
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services de promotion de la santé et de toxicomanie qu’ils travaillent
de concert à cerner les valeurs, les objectifs et les stratégies qu’ils
partagent, et qu’ils élaborent ensemble des programmes communs
pour élargir le champ des résultats de leurs élèves.
Du cours magistral à l’apprentissage
Comme l’approche des cours d’hygiène en général, l’approche
de l’éducation visant la prévention en matière d’alcool et d’autres
drogues a évolué avec les années. À l’origine, l’éducation visant la
prévention des toxicomanies était basée sur le principe selon lequel
il suffisait de donner aux jeunes une information solide qui pourrait
leur permettre de prendre de saines décisions.
Typiquement, les enseignantes et enseignants présentaient
l’information sur les effets et les dangers de la drogue, dans l’espoir
que cette nouvelle information allait influencer le comportement
des élèves. Bien qu’il soit important de faire passer de l’information
exacte et équilibrée sur la drogue, les cours sur la drogue que
beaucoup d’entre nous ont connus ne sont pas efficaces (en fait il a
même été prouvé qu’ils étaient néfastes, dans le sens qu’ils incitaient
à l’expérimentation).
Ces programmes axés sur les connaissances ont été remplacés par
des programmes d’éducation de l’affectivité, qui se concentraient
sur les attitudes et les valeurs. Ceux-ci ne sont également pas
parvenus à produire les effets désirés, peut-être parce qu’ils étaient
trop abstraits pour vraiment intéresser les jeunes – c’est-à-dire qu’ils
ne faisaient pas explicitement le lien entre le développement des
compétences et les décisions à prendre face à la drogue.
La nouvelle génération de programmes de prévention des
toxicomanies axés sur les programmes d’études a des racines
théoriques plus fortes : la théorie de l’apprentissage social et le
modèle de croyances relatives à la santé, entre autres.
Les deux modèles dominants utilisés à l’heure actuelle – le
modèle des influences sociales et le modèle de l’amélioration des
compétences ou des aptitudes à la vie quotidienne – sont dérivés
de ces deux théories et ont fait l’objet de nombreuses évaluations
au cours des années. La conclusion incontournable, à laquelle sont
arrivés presque tous les recherchistes, est que même les meilleurs
de ces programmes universels axés sur les programmes d’études
ne sont que d’une efficacité modeste et que leurs effets s’atténuent
après une année ou deux. En plus, les bienfaits qu’ils procurent sont
limités aux élèves le moins à risque.
Cette conclusion importante a suscité ou concrétisé quatre points
de vue différents du milieu de la recherche, sur la façon dont on
peut faire le mieux évoluer la prévention des toxicomanies en milieu
scolaire :
1.
2.
3.
4.
avoir des avantages importants pour la santé publique et
est une initiative qui mérite d’être poursuivie;
Il n’est pas réaliste de penser que tous les élèves vont
s’abstenir; il faut envisager d’autres résultats positifs en
termes de consommation, à part l’abstinence;
Il faut concentrer les efforts sur les élèves
particulièrement à risque plutôt que sur tous les élèves
(programme universel), ou leur consacrer plus d’efforts;
Il est nécessaire, mais non suffisant, de porter attention
au programme d’études – le programme de prévention
doit être formulé selon une approche globale, dans
l’optique de l’école entière.
Facteurs qui peuvent se répercuter sur les résultats
Méthodes de transmission du programme
L’élément des programmes de prévention de la toxicomanie
bénéficiant de la base de recherche la plus solide est l’interactivité
des élèves. Les programmes interactifs se sont révélés deux à quatre
fois plus efficaces que les programmes qui ne l’étaient pas. La métaanalyse de Tobler et Stratton (1997) a fourni une perspective utile
sur le type d’interactivité qui est le plus efficace. Ils ont découvert
que les programmes mettant l’accent sur l’interaction élève-élève,
plutôt que sur l’interaction élève-enseignant, avaient des effets
beaucoup plus positifs sur la consommation de drogues des élèves.
Ils ont prouvé que c’est l’interaction entre camarades de classe,
structurée et non structurée et axée sur des tâches précises, qui est
la variable importante en matière d’efficacité du programme. Dans
cette démarche, les élèves doivent avoir l’occasion d’interagir en
petits groupes, pour tester et échanger leurs idées sur la façon de
réagir face à la drogue, et de recevoir de la rétroaction de leurs pairs
dans un environnement où ils se sentent à l’aise. Tobler (2000) va
même plus loin et suggère que c’est l’échange d’idées et d’expériences
entre les élèves, et l’occasion de pratiquer de nouvelles habiletés et
de recevoir de la rétroaction sur la pratique de ces habiletés, qui
sert de catalyseur du changement plutôt que le contenu même du
programme.
Le rôle de l’enseignante ou l’enseignant ou du ou de la chef de
groupe dans ce type de séance est d’instaurer un climat ouvert où
on ne juge personne, de gérer la démarche en tant que facilitateur
(plutôt que présentateur) et d’utiliser au mieux l’occasion que les
élèves ont de pratiquer leurs habiletés et d’échanger entre eux.
L’enseignant joue également un rôle important, celui de rectifier
les erreurs de perception et d’offrir de l’information lorsque c’est
nécessaire. Les techniques suivantes fonctionnent bien dans cette
démarche : jeu de rôle, questionnement socratique, simulations,
remue-méninges, apprentissage coopératif, discussion entre pairs et
projets d’apprentissage par le service.
Étant donné l’étendue des méfaits liés à une
consommation précoce, retarder l’âge auquel les jeunes
commencent à consommer, même d’un an ou deux, peut
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Qualités de l’enseignant ou de l’enseignante ou du ou
de la chef de groupe
Bien que la plupart des programmes évalués aient été menés par
des enseignantes ou enseignants, beaucoup d’autres personnes,
et en particulier des pairs, en ont également menés. Gottfredson
et Wilson (2003), dans leur méta-analyse de 94 programmes de
prévention des toxicomanies, ont découvert que des programmes
menés par les pairs sans aucune aide des enseignants étaient plus
efficaces que les programmes menés par des enseignants ou menés
conjointement par des enseignants et des pairs.
La méta-analyse de Tobler et al. (1998) a permis de découvrir que
les programmes menés par des professionnelles et professionnels de
la santé mentale et par des pairs étaient supérieurs aux programmes
menés par des enseignantes ou enseignants, mais pas de beaucoup.
Il arrive couramment que les enseignants demandent aux élèves
de présenter la composante normative du programme, de façon à
améliorer la crédibilité de l’information. Les élèves qui mènent les
programmes sont souvent ceux qui en bénéficient le plus, plus que
les jeunes qui y assistent. Le point a été soulevé qu’il fallait faire
attention lorsqu’on choisit des élèves pour mener les programmes à
sélectionner ces jeunes soigneusement et à les former correctement.
Les programmes menés par les pairs demandent également plus de
planification, avec quelques considérations pratiques, parmi lesquelles
horaire, absence des jeunes chargés de mener les séances, période
s’écoulant entre la formation et la séance en classe, et financement
nécessaire pour mener de tels programmes.
On conclut souvent que l’éducation visant la prévention des
toxicomanies sera mieux faite par les enseignantes ou enseignants
en classe pour les raisons suivantes : c’est tout un défi d’organiser
un programme mené par des élèves, les enseignants connaissent
directement les besoins des élèves et leur niveau de développement
et les enseignants sont mieux placés pour présenter (et modifier si
besoin est) les composantes du programme au moment approprié,
selon le niveau de leurs élèves.
La question de savoir qui présente le programme est sans doute
secondaire, par rapport à la question de savoir quelles qualités sont
importantes chez la personne qui fait la présentation. On suppose
que les professionnelles et professionnels de la santé mentale sont
efficaces du fait des habiletés qu’ils possèdent et de la formation qu’ils
ont suivie en matière de facilitation et de démarche de groupe, par
exemple pour créer une ambiance où l’on ne porte pas de jugement,
pour être à l’aise dans un rôle non directif (p. ex. avec l’ambivalence) et
pour rester silencieux de façon à faciliter le dialogue. Quelle que soit
la personne qui fait la présentation, on peut s’attendre aux meilleurs
résultats lorsqu’on sélectionne des enseignants ou des présentateurs
qui possèdent ces qualités, qui seront acquises par un mélange
d’attributs personnels et de formation professionnelle, préalable ou
suivie sur place. On pense souvent inviter des présentateurs pour les
séances sur la prévention des toxicomanies. Si l’on se fie aux résultats
de la recherche, il est important que ces présentateurs invités soient
capables d’aborder les objectifs du programme d’études et de
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travailler en interaction avec les élèves, plutôt que de faire une séance
isolée sans rapport direct avec le programme d’études. Les nouvelles
technologies interactives (p. ex. CD-ROM, DVD, Internet) peuvent
être utiles pour présenter ou renforcer les connaissances et les
habiletés pertinentes en matière de prévention.
Quand présenter le programme
Élémentaire
Bien qu’il n’existe que relativement peu de programmes pour
les élèves de l’élémentaire (5-10 ans) destinés à prévenir la
consommation future de drogues, il en existe tout de même, mais
peu ont été évalués. Un des défis de ces programmes, c’est le temps
qui doit s’écouler avant que l’on puisse voir des résultats. Lorsqu’on
pose la question aux enseignantes ou enseignants, ils suggèrent
qu’il vaut mieux aborder l’éducation en matière de prévention de
la toxicomanie dans les écoles élémentaires en parlant de façons
sécuritaires de prendre des médicaments et des substituts aux
médicaments, et de placer la question de la drogue dans le contexte
plus vaste de questions telles que « Comment est-ce que je prends
de saines décisions pour ma vie? » et « Comment est-ce que je
prends des décisions pour ma santé? ». Il n’existe cependant que peu
de résultats de recherches à l’appui de l’efficacité des programmes de
prévention de la toxicomanie en matière de drogue à l’élémentaire.
Le petit nombre de publications spécialisées qui existent suggèrent
que les interventions au niveau de l’élémentaire devraient plutôt se
concentrer sur les facteurs de risque fondamentaux et se consacrer
à la programmation pour les familles et les parents, à l’organisation
de l’école et à la gestion des comportements.
Intermédiaire et premier cycle du secondaire
La plupart des programmes visant la prévention des toxicomanies
sont destinés aux élèves de l’intermédiaire et du premier cycle du
secondaire. Gottredson et Wilson (2003) ont découvert que les
programmes ciblant cette tranche d’âge sont plus efficaces que ceux
qui visent les élèves plus jeunes et les élèves plus âgés, mais que
leur effet est médiocre dans tous les cas. Selon la méta-analyse de
Roona et al. (2000), la méthode la plus efficace à ce niveau est celle
du modèle des influences sociales.
Deuxième cycle du secondaire
Une autre approche pour déterminer le meilleur moment de
présenter le programme est de baser la décision sur les données
locales en matière de consommation de drogues par les élèves.
McBride (2003) a proposé une approche en trois étapes basée sur le
développement comportemental et les tendances de consommation
des élèves. Il n’existe pas de résultats de recherches sur la valeur de
cette approche, mais elle est basée sur des données et de la théorie.
La fourchette d’âge suggérée qui est présentée ici est basée sur
l’ensemble des écoles canadiennes (s’il existe des raisons de penser
que la situation est différente dans une école ou une région donnée,
il faudra apporter des ajustements au programme).
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Selon cette approche, la première étape de l’éducation visant la
prévention des toxicomanies est l’inoculation, qui devrait avoir lieu
avant l’âge moyen de la première consommation, mais au moment
où l’intérêt pour la consommation commence à se faire sentir (p. ex.
pour l’alcool, environ à 11 ou 12 ans, soit en 5e ou 6e année). La
pertinence précoce, l’âge où la plupart des élèves font leur première
expérience et où certains en sont déjà à la deuxième étape de leur
expérimentation (p. ex. pour l’alcool, environ 13 ou 14 ans, soit en
7e ou 8e année) est la deuxième étape. Un nombre plus important
d’élèves commencent à boire de l’alcool à cette période de leur vie,
donc des discussions pertinentes seraient d’une valeur pratique. La
troisième et dernière étape est la pertinence tardive. Cette dernière
étape devrait se faire lorsque les élèves sont exposés à des formes
plus risquées de consommation, des situations différentes ou des
substances différentes (p. ex. pour l’alcool, vers 15 à 17 ans, soit de la
9e à la 11e année). Le message de la pertinence tardive doit prendre
en compte le niveau et les habitudes de consommation (p. ex. un
message d’abstinence complète visant une classe dans laquelle 60
à 70 p. 100 des élèves ont bu de l’alcool dans l’année qui vient de
s’écouler, et un quart à un tiers d’entre eux se sont enivrés, ne sera
pas pris très au sérieux). Comme il y aura des élèves qui choisiront
de ne pas consommer et que ceux-ci auront besoin d’être soutenus
dans leur décision, des stratégies destinées à renforcer la sécurité et
à réduire les habitudes de consommation dangereuses doivent être
envisagées quelle que soit la substance posant problème.
La meilleure façon d’adapter les programmes à un groupe précis est
de se servir des données sur la prévalence locale. Il est également
important d’avoir une idée de la culture des jeunes locaux, qui a
tendance à évoluer rapidement. Cela représente un défi impossible
pour la plupart des adultes et la meilleure façon de le faire, ce
sont des activités qui permettent aux élèves de créer leurs propres
scénarios « dans la vie réelle ». De cette façon on se donne une
certaine flexibilité qui permet de viser les questions de drogue
lorsqu’elles se présentent ou deviennent pertinentes, et de mener
des séances qui intéressent les élèves, grâce à des scénarios réels,
plutôt qu’abstraits.
Durée du programme
On accepte généralement que lorsqu’on vise l’efficacité, il vaut
mieux mettre en place un programme plus long. McBride suggère
que dix séances ou plus par an seraient préférables au premier cycle
du secondaire, mais que si cela n’est pas possible, il serait bon de
faire suivre le module initial de dix leçons par quatre à huit séances,
suivies d’une seconde série de trois à huit séances de renforcement,
et si les données sur la prévalence l’indiquent, de faire suivre cette
seconde série d’une autre série, de trois à cinq séances chacune,
chaque année subséquente. Bien qu’il reste bien évident que des
manifestations uniques ou des présentations occasionnelles n’ont
pas d’effets mesurables sur les comportements, les résultats de
recherches sur cette question ne sont pas clairs et cela est peut-être
dû à la confusion entourant les termes « intensité » et « durée ».
Dans leur étude des programmes consacrés aux drogues illicites,
White et Pitt (1998) ont trouvé que 80 p. 100 des programmes
efficaces s’étendaient sur une durée de dix séances ou plus. Mais
en 2002, Cuiper concluait qu’il n’y avait aucune évidence que les
programmes intensifs étaient plus efficaces que les programmes qui
l’étaient moins. Gottfredson et Wilson (2003) n’ont trouvé aucune
différence en efficacité entre les programmes durant plus de quatre
mois et demi et les programmes plus courts, mais ils ont reconnu
que la durée était peut-être une mauvaise approximation du nombre
d’heures de contact.
De la même façon, les résultats de recherches concernant les
séances de renforcement (c.-à-d. des programmes plus courts, de
trois à cinq séances, offerts les années suivantes pour renforcer les
concepts et les habiletés) sont également partagés. Skara et Sussman
(2003) ont découvert que les programmes proposant des séances
de renforcement étaient moins susceptibles de tomber dans les
oubliettes à long terme (deux ans ou plus), tandis que Gottfredson
et Wilson (2003) n’ont trouvé aucune évidence que les séances de
renforcement amélioraient les résultats.
Il peut sembler contre-intuitif qu’un programme plus court soit
aussi efficace qu’un programme plus long, mais des interventions
courtes (une à six séances) ont prouvé leur efficacité dans diverses
populations particulièrement à risque. En attendant que les résultats
de recherches offrent une vision plus claire de la situation, il vaut
mieux prendre des décisions en matière de durée du programme
en prenant en compte les objectifs poursuivis, tout en gardant à
l’esprit que les programmes interactifs ont tendance à prendre plus
de temps que les programmes axés sur les cours magistraux.
Références
Les références citées dans cet article sont disponibles sur les pages
Web qui contiennent le matériel de ce projet sur les écoles et la
toxicomanie. Veuillez les consulter à : www.ecolessaines.org.
Cet article est basé sur un résumé de la recherche sur la prévention des
toxicomanies par le biais des écoles, préparé pour l’Association canadienne
pour la santé en milieu scolaire. Ce résumé et le reste du matériel et des
activités sont financés par le Fonds des initiatives communautaires de
Santé Canada. Pour plus d’information sur ce projet national, veuillez
vous rendre à : www.ecolessaines.org.
Tableau 1 : Facteurs de risque et facteurs de protection
en milieu scolaire
Si l’on considère le temps que les élèves passent à l’école, il n’est
pas surprenant d’apprendre que les écoles peuvent offrir bien
des façons de contribuer au bien-être des élèves. Les résultats
des recherches sont suffisamment clairs qui prouvent que
des relations valorisantes et bienveillantes au sein de l’école
favorisent la motivation et la réussite scolaire des élèves. On
a moins de résultats de recherche concernant l’influence de
l’environnement scolaire sur les comportements dangereux pour
la santé parmi les ados, mais de plus en plus de recherches se
font à cet égard. Du fait qu’il s’agit là d’un domaine de recherche
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relativement nouveau, il n’existe pas encore de base théorique claire
et l’environnement social n’est pas encore défini uniformément.
L’implication scolaire est souvent définie comme comprenant les
relations élèves-enseignant et les relations sociales ou entre pairs.
Le modèle de développement social a été suggéré comme modèle
théorique, qui considère l’implication avec la famille, l’école,
les pairs et la communauté comme agent protecteur contre les
comportements antisociaux et de toxicomanie. Un autre modèle
considère les écoles comme des communautés, avec une culture
caractérisée par des relations bienveillantes et valorisantes entre
les élèves et le personnel enseignant et une participation des
élèves à la politique de l’école, et des pratiques d’enseignement qui
favorisent la santé et la réussite scolaire.
Implication élève-enseignant
Il est apparent que la perception de rapports étroits avec l’enseignante ou l’enseignant a un effet protecteur en matière
de toxicomanie et d’une vaste gamme d’autres problèmes de
comportement à la fin de l’élémentaire, à l’intermédiaire et au
secondaire. Dans une école secondaire d’Alberta, les élèves qui
n’aimaient que la moitié de leurs enseignantes ou enseignants ou
moins (44 p. 100 des élèves au total) avaient 70 p. 100 de chance de
plus de consommer de la marijuana, 20 p. 100 de plus de fumer du
tabac, 43 p. 100 de plus d’avoir des relations sexuelles et deux fois
et demie plus de chance de souffrir de dépression. L’intermédiaire
semble être une période critique où les élèves souffrent souvent
d’un manque d’implication; lorsqu’ils ont la perception de
rapports étroits durant cette période, c’est un indicateur positif de
leur succès au secondaire. En mettant l’accent non seulement sur
le programme, mais également sur le contexte, les relations et la
démarche d’enseignement et d’apprentissage, les enseignantes et
enseignants peuvent contribuer au bien-être et au succès scolaire
de leurs élèves.
Implication sociale
Il semble également que l’établissement de liens sociaux ou entre
pairs peut avoir un effet protecteur ou négatif, selon la nature et
la qualité des relations formées; si les liens affectifs se créent avec
des pairs au comportement non traditionnel ou si la vie sociale
est caractérisée par l’intimidation ou les menaces, les rapports
sociaux auront un effet négatif et mettront l’élève à risque. Si
l’élève continue d’avoir de saines relations avec ses enseignants et
enseignantes, cela peut compenser les effets de ces relations moins
bonnes dans la vie sociale de l’élève.
Implication scolaire générale
Les élèves ayant des rapports étroits avec leurs enseignantes
et enseignants et leur environnement scolaire et social sont
en meilleure position en matière de santé mentale et de
comportements dangereux pour leur santé à l’avenir. Ils sont
également plus susceptibles de mieux réussir à l’école. Il est donc
important de se pencher sur des façons de développer les relations
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avec les enseignantes et enseignants et les relations sociales, de
façon à favoriser l’apprentissage et le bien-être des élèves.
Manque d’implication scolaire
Les jeunes qui ne sont pas impliqués dans leur apprentissage
et qui ont de mauvaises relations avec leurs pairs et leurs
enseignantes ou enseignants (p. ex. font l’objet d’intimidation,
n’ont pas de sentiment d’appartenance et sont stressés) sont plus
susceptibles d’avoir des problèmes scolaires et de santé mentale, et
d’adopter des comportements à risque pour leur santé, y compris
la toxicomanie.
Élèves particulièrement à risque
Même les élèves particulièrement à risque (p. ex. qui ont été
suspendus ou mis en retenue) mais qui ont la perception de
rapports étroits avec leurs enseignantes ou enseignants sont moins
susceptibles de consommer des substances dangereuses ou d’adopter
d’autres comportements déviants que les élèves qui n’ont pas cette
perception.
Différence entre les filles et les garçons
Du fait que les filles ont tendance à accorder plus d’importance
aux relations que les garçons, elles sont plus susceptibles de
juger favorablement la culture de l’école et d’exprimer un fort
sentiment d’appartenance. Les dimensions interpersonnelles
de l’environnement scolaire auront sans doute plus d’impact
sur leur niveau de participation à la classe et de motivation pour
l’apprentissage.
Normes scolaires
Les élèves du premier et du deuxième cycle du secondaire sont
plus susceptibles de consommer de l’alcool et d’autres drogues
lorsque les normes de l’école sont plus tolérantes à cet égard. Cette
constatation tient même après qu’on s’est assuré que les jeunes ne
sont pas d’accord avec cette consommation. Elle tient également
lorsque les autres variables en termes de population scolaire sont
les mêmes.
Environnement physique
Les endroits peu sûrs et où personne n’est dans son « territoire »,
comme les couloirs, les salles à dîner et les stationnements, où le
personnel de l’école n’est pas toujours présent et les règles sont plus
difficiles à faire respecter, peuvent contribuer à divers problèmes, y
compris celui de la consommation d’alcool et d’autres drogues, par
des interactions entre les normes et les comportements sociaux (p.
ex. intimidation verbale, victimisation). Il faut saisir l’importance
de cette interaction pour comprendre le problème et trouver des
moyens d’intervenir le plus efficacement possible.
Suite à la page 24
| VERS L’IMPLANTATION DURABLE DE L’ÉCOLE-SANTÉ |
•
•
•
l’éducation et de la santé et on assiste graduellement à
une plus grande compréhension mutuelle. Ce processus
comprend la clarification des priorités, des valeurs, de la
terminologie et des concepts.
Des postes communs aux secteurs de l’éducation et de
la santé sont créés et le milieu de l’éducation offre des
ressources.
La recherche s’affine et le suivi des progrès s’améliore
à mesure que la visibilité politique s’accroît et que les
attentes sont plus élevées.
Élaboration de modèles pour établir les liens entre
l’éducation et la santé par rapport à l’école-santé
(St. Léger et Nutbeam, 2000).
Phase d’implantation
•
•
Au niveau national, les énoncés de politique qui ont
d’abord tendance à se faire dans le secteur de la santé
concernent de plus en plus le secteur de l’éducation.
Les énoncés de politique relatifs à des initiatives
scolaires spécifiques en matière de santé s’inscrivent
de plus en plus dans le contexte de l’école-santé,
•
•
par exemple les énoncés ayant trait au programme
d’enseignement, à la politique sur les aliments offerts
dans les écoles.
Le secteur de l’éducation assume plus de responsabilités
en matière de promotion de la santé dans les écoles et
intègre la promotion de la santé dans l’ensemble des
programmes d’éducation.
Au niveau de l’école, la promotion de la santé
s’institutionnalise, autrement dit, elle fait désormais
partie intégrante des principales valeurs de l’école et de
la façon normale de travailler
Au sujet de l’auteur
Ian Young est chef du Développement international, Service
national de santé de l’Écosse.
Références
Pour une liste complète des références, veuillez contacter:
[email protected].
Suite de la page 30
Importance du rôle de la direction
De nombreux éléments entrent en jeu dans la nature et la qualité des relations qui déterminent le niveau de protection ou de
risque offert par une école, mais il est apparent que le ton doit être donné par la direction de l’école. C’est elle qui va déterminer les
sortes de politiques, l’uniformité de leur application et la mesure dans laquelle les élèves pourront y contribuer. La direction, par sa
politique d’embauche, de formation et d’exemple, peut également influencer la nature des relations élèves-enseignants en fixant des
attentes élevées, en exigeant le respect et en mettant l’accent sur la démarche d’apprentissage (plutôt qu’uniquement sur les résultats).
« Effet école »
Il est important de noter qu’une grande partie de cette recherche est basée sur des enquêtes transversales qui ne peuvent pas déterminer
d’effet causal. Une grande partie de la recherche sur le rapport à l’école ressenti par l’élève n’est pas destinée à déterminer dans quelle
mesure ce sentiment de rapport à l’école vient d’attributs des enseignantes ou enseignants et de l’école et dans quelle mesure il est
dû à des attributs et des motivations de l’élève, ou même des attributs des parents ou du voisinage. Les résultats d’une étude récente
montrent bien qu’il existe un « effet école ». Cette étude portait sur 2 500 élèves d’une école élémentaire en Écosse dont la « culture »
est positive (c.à-d. élèves attachés à leur école, impliqués dans leurs études et s’entendant bien avec leurs enseignantes ou enseignants).
Elle prenait en compte un large éventail d’autres facteurs possibles (p. ex. milieu socioéconomique, privation, religion, structure familiale,
aptitudes parentales, revenu disponible et comportement des parents en matière de santé, et comportement préalable en matière de
santé) et a déterminé que ces élèves étaient moins susceptibles de fumer, boire ou consommer des drogues illicites entre 13 et 15 ans
que les élèves d’une école dont la « culture » était médiocre.
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