Youth in Armed Conflict in Africa_Ftraternel_Amuri

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Youth in Armed Conflict in Africa_Ftraternel_Amuri
TOPIC : « YOUTH IN ARMED CONFLICT IN AFRICA »
Le phénomène de milicianisation des espaces de guerre en Afrique centrale :
Réponse des jeunes à la crise de la citoyenneté ? Que faire ?
Fraternel Divin AMURI MISAKO(Université de Kisangani RDCongo)
Téléphone mobile : (243)812005218
Email : [email protected]
[email protected]
Regional Meeting on Youth Development
in Africa
Economic Commission for Africa
&
the United Nations Programme on Youth
Addis Ababa – 27 - 29 June 2006.
Réunion régionale sur le Développement de la
Jeunesse en Afrique
Commission économique pour l’Afrique
&
Programme des Nations Unies sur la Jeunesse
Addis-Abeba – 27 - 29 juin 2006
Catégorie : Consultance (version remaniée)
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SOMMAIRE
I. Propos sur la jeunesse et le contexte de la crise de la citoyenneté en Afrique
II. Trajectoires africaines de la jeunesse pendant les conflits armés : études de cas
II.1. Congo-Brazzaville : De la démocratisation contre l’Etat à la mondialisation contre la démocratie
II.2. Congo-Kinshasa : De la démocratisation contre l’Etat à la démocratisation de la violence
1. Les Kivu : Poudrière et sanctuaire des rebelles, triomphe de la jeunesse milicienne
2. Le Nord-Katanga et la ville de Kinshasa : Exemples d’un paradigme de l’"Etat contre l’Etat"
pendant la guerre
3. L’Ituri : Exemple d’un échec des politiques de pacification des espaces de guerre
4. Kisangani : Activisme des jeunes et dérives partisanes
II.3. Le groupe "Ouganda, Rwanda et Burundi" : De l’humanisation du social à la légitimation
militariste du domaine politique
III. Pour la réhabilitation et le développement de la jeunesse africaine
III.1. Sur le plan des politiques nationales
III.2. Sur le plan des politiques régionales/sous-régionales
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I. PROPOS SUR LA JEUNESSE ET LE CONTEXTE DE LA CRISE DE LA
CITOYENNETE EN AFRIQUE.
De nos jours, il ne fait l’ombre d’aucun doute que la question de l’avenir de la jeunesse
africaine est devenue l’un des principaux axes de débats en matière de développement à
l’échelle mondiale. En l’occurrence les Nations Unies, conscientes du fait qu’on ne saurait
bâtir un monde meilleur tant que subsistent encore des entités vivant sous l’emprise des
conflits armés et des violences, organisent régulièrement des enquêtes susceptibles d’établir
un état des lieux du développement humain à travers tous les continents de la planète.
Les données statistiques révèlent que la jeunesse constitue 70% (Mfumu 2003 : 139) de la
population active (c’est-à-dire, une partie de la population qui est capable de travailler) de la
planète. La communauté internationale, à ce jour, met de plus en plus l’accent sur la capacité
de la jeunesse dans la résolution non-violente des conflits entre les Etats et entre les sociétés
encore beaucoup plus réduites.
Rappelant, pour sa part, que l’Organisation des Nation Unies pour l’Education, la Science et
la Culture (UNESCO) a pour objectif de contribuer à la paix et à la sécurité en favorisant la
collaboration entre les nations grâce à l’éducation, la science et la culture, et reconnaissant le
rôle et la contribution de cette organisation en matière d’éducation des jeunes dans un esprit
de compréhension, de coopération et de paix internationales, l’Assemblée Générale de
l’Organisation des Nations Unies (ONU) dans sa résolution 2037 (XX) du 7 décembre 1965
avait proclamé la Déclaration concernant la promotion parmi les jeunes des idéaux de paix, de
respect mutuel et de compréhension entre les peuples (Mfumu 2003 : 139-140).
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Fort du constat selon lequel la jeunesse constitue la couche sociale la plus active dans toutes
les sociétés à cause du rôle important que les jeunes jouent dans tous les domaines d’activités
de la société et du fait qu’ils sont appelés à diriger le destin de l’humanité, nous nous
proposons de réfléchir sur la situation de la jeunesse face aux conflits armés en Afrique
centrale afin de dégager des pistes de solution en faveur du développement de celle-ci.
Point n’est besoin de rappeler ici que l’Afrique centrale dite des Grands Lacs constitue la
principale zone endémique de conflits armés de deux dernières décennies marquées par deux
phénomènes mondiaux majeurs à savoir : la démocratisation postulant l’autonomie et le
renouveau nationaliste, d’une part, et la mondialisation avec la pensée unique combattant
l’autonomie et donc l’opposition à l’échelle planétaire, d’autre part. Ces deux phénomènes
vivant en contraste (Amuri 2004 : 3) ont produit des conséquences néfastes jamais
enregistrées dans l’histoire de cette sous-région africaine. Les jeunes, garçons ou filles, à la
fois victimes et acteurs de la guerre, en sont les plus touchés jusqu’à devenir des frustrés
quasi-permanents et prédisposés en majorité à la vengeance.
Embarrassé par l’analyse de cette triste réalité devenue paradoxale, à savoir la violence, car
perçue de plus en plus par la majorité des gens comme une véritable ressource politique
disponible pouvant garantir l’ascension sociale, l’on peut se demander si les jeunes sont
essentiellement des victimes des conflits armés avant d’en être considérés comme des acteurs.
A juste titre, le phénomène de milicianisation des espaces de guerre nous permet de
comprendre une chose fondamentale : parallèlement à la prolifération des factions rebelles du
fait de l’éclatement ou des dissensions internes de mouvements rebelles ayant commencé la
lutte (cas de la République Démocratique du Congo pendant la guerre de 1998), existent de
nombreuses milices dites populaires ou d’autodéfense populaire utilisant également des
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jeunes. Le concept de milicianisation est un néologisme qui doit être entendu ici, de manière
simple, comme cette tendance ou prédisposition observée chez des populations en situation de
domination à se transformer ou à s’organiser en des milices soit d’autodéfense soit de
résistance contre des forces (généralement armées) menaçant leurs intérêts et ce quel que soit
le domaine de la vie. Ce concept de milicianisation est davantage perçu comme étant en
relation avec des "espaces de guerre" c’est-à-dire les zones de conflits armés dominées par
des groupes identifiés comme des rebelles dont les actions auraient pour effet la constitution
des milices populaires pour pallier aux déficiences de l’Etat devenu faible. Ce dernier, réputé
démissionnaire et donc incapable de remplir ses missions, se voit relégué en seconde zone
pour céder la place à l’auto prise en charge de la population, notamment en matière de
sécurité et de participation politique par la violence qu’incarnent les milices. La
milicianisation, pour tout dire, correspond à l’effet de la privatisation de la violence à la suite
du déclin de monopole dont jouit, en principe, l’Etat.
Par rapport à la définition de jeunes proposée par les Nations Unies, qui retient la tranche de
15 à 24 ans, il s’avère que la plupart des jeunes participant dans les mouvements rebelles,
avec ou sans leur consentement, ainsi que dans les milices (généralement ethniques en milieu
rural) méritent d’être considérés comme des « enfants soldats » et qu’à ce titre, une action en
vue de leur démobilisation et leur réinsertion sociale devrait être envisagée. Cependant, la
question des enfants soldats ne constitue pas la préoccupation centrale de la présente étude
malgré le caractère fluide des frontières existant entre les jeunes proprement dits et ces
derniers. Si dans certains cas le processus de démobilisation a réussi, dans d’autres cas il n’a
été qu’un échec. D’où la nécessité de procéder à une analyse au cas par cas si l’on tient à
résoudre avec efficacité le problème des jeunes dans les conflits armés en Afrique et à garantir
la prévention de ceux-ci dans l’avenir. Mfumu (2003 : 139) reconnaît l’importance de la prise
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en compte des particularités dans les tentatives de résolution des problèmes de jeunes lorsqu’il
déclare : « Aucun jeune de quelque région, sexe ou langue qu’il soit n’est un simple numéro
dans une foule anonyme. Chacun dispose des facultés, des aptitudes et des possibilités de
penser, et de bien penser, avec la capacité de faire changer le cours des choses. La jeunesse
est donc en dernière analyse un gage permanent de la défense de la paix puisqu’elle peut en
être le bâtisseur ».
Par contre, il importe de souligner que le recours à la violence par les jeunes procède d’une
certaine rationalité du type autonome c’est-à-dire les motivations qui sous-tendent les actes de
violence dans lesquels sont impliqués les jeunes demeurent toujours légitimes à leurs propres
yeux. Ces actes de violence, pouvant évoluer jusqu’à embrasser la pratique de criminalité,
comportent une corrélation positive non négligeable avec le système de gouvernance en place
dans les Etats africains. L’analyse du conflit en Sierra Leone, faite par Paul Richards, est
emblématique de ce courant de pensée à propos de l’Afrique de l’Ouest. Ce dernier soutient,
en gros, ceci : « Bien que la manifestation de la violence apparaisse irrationnelle, ses raisons
sont au moins rationnelles »(www.undp.org/bcpr/whats_new/UNDP_Youth_PN.pdf:2O).
En fait, la criminalité comme la violence reflète souvent une crise de gouvernance ; par
exemple, à Nairobi, la criminalité a pris un nouveau tournant en 1990, la libéralisation
économique et politique ayant abouti non pas à la relance économique et à une société civile
vivante, mais à l’anarchie. Dans des contextes de Nairobi et de Dakar, la criminalité est liée à
la crise de l’espace urbain et de la citoyenneté. Etre citoyen signifie non seulement avoir le
droit d’être dans la cité, mais aussi de prendre part à la prise de décision (…) La situation
économique et politique est en train de décevoir de grandes masses de citadins pauvres et de
réduire leurs pouvoirs, engendrant ainsi une violence accrue, la peur des espaces urbains et la
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partition de plus en plus grande de la cité en « zones de sécurité » (Jérusalem) et « espaces
dangereux » (Babylone). Dans ces deux villes, il y a une augmentation correspondante de
l’auto-surveillance, dans laquelle les citoyens pauvres font leur propre police (groupes
d’autodéfense), et les riches louent les services de protection du secteur de la sécurité en
pleine expansion (On rapporte qu’il y a souvent une complicité entre ces organes privés et les
organes officiels de sécurité, avec la police kenyane qui quitte délibérément des quartiers pour
permettre aux sociétés de surveillance privées – dont la plupart sont dirigées par des officiers
de police et de l’armée à la retraite – de s’y installer). Ainsi, la régulation sociale se fait au
moyen de la violence, favorisant l’émergence d’une nouvelle citoyenneté bâtie autour de la
désobéissance civile et de l’individualisation de la responsabilité de la survie. Il y a, à
l’évidence, un besoin de réduire l’exclusion des pauvres et d’accroître leur participation aux
structures de la vie urbaine (Hutchful 2001 : 28-29).
Maintenant qu’il est clairement établi que le sort des jeunes en Afrique, selon qu’ils sont
perçus comme des victimes ou des acteurs de la guerre, est étroitement lié à l’état de la
gouvernance mise en place comme facteur interne et institutionnel de stabilité et à la
pesanteur des facteurs externes (dont les contraintes dues aux institutions financières
internationales et à la mise en œuvre de la mondialisation, et les problèmes de leadership et de
géostratégie aux niveaux sous-régionaux), il y a lieu de se poser la question : Quelles sont les
configurations de la situation des jeunes dans les pays de l’Afrique centrale, en particulier
celle dite des Grands Lacs, dans le contexte des conflits armés ? Telle est la préoccupation de
la partie qui suit.
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II. TRAJECTOIRES AFRICAINES DE LA JEUNESSE PENDANT LES CONFLITS
ARMES : Etudes de cas.
De prime abord, il convient de préciser que la sous-région dénommée « Afrique centrale »,
comprend un nombre important de pays qu’il serait fastidieux de tout en débattre dans le
cadre de cette analyse. Raison pour laquelle, nous avons sélectionné quelques uns d’entre eux
qui sont représentatifs quant aux constantes fondamentales relatives aux jeunes et aux conflits
armés en Afrique centrale.
En particulier, il convient de préciser que la période la plus active de nos observations est
celle correspondant à la troisième vague de démocratisation (Huntington cité par Alou 2002 :
31) c’est-à-dire les années 1990, d’une part, et à la mondialisation pour ses effets
perturbateurs des systèmes socio-économiques, politiques et culturels, d’autre part.
Il s’agit donc d’examiner rapidement comme cas de figures les pays ci-après : la République
du Congo (Brazzaville), la République démocratique du Congo (RDC) et le groupe
« Ouganda, Rwanda et Burundi ».
Caractérisant cette période, retenue pour l’analyse des conflits armés en Afrique centrale,
Patrice Yengo fait remarquer ceci : « Le reflet immédiat de cette mondialisation sous sa forme
« d’entités chaotiques ingouvernables » sur le continent africain a été la multiplication des
conflits dont le volume ne cesse d’augmenter passant de onze en 1989 à vingt-deux
répertoriés pour l’an 2000. Pour la seule année 1999, l’Afrique a été le théâtre de seize
conflits armés. Plus de mille personnes ont perdu la vie au combat dans sept conflits »
(Journal of Peace Research 2000 : 638).
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Trois configurations se dessinent en fonction de leur intensité : les conflits inter-étatiques,
dans lesquels sont impliqués tous les pays intervenant en RDC ; des conflits internes (high
and low intensity internal conflicts) qui traversent l’Afrique, du Maghreb à l’Afrique australe,
dans lesquels il est facile de reconnaître les conflits de l’Angola, du Burundi, de la République
Centrafrique, le Sierra Leone, le Liberia, la Somalie ou encore la Côte-d’Ivoire ; les violences
à caractère politico-religieux comme au Soudan, au Kenya, au Nigeria (Yengo 2002 : 58-59).
Nous reconnaissons bien l’importance des interférences de certains Etats sur la structuration
des conflits internes par le jeu d’alliances et le soutien en faveur des milices ou groupes
rebelles opposés aux régimes en place. Ces interférences constituent, du reste, des actes de
subversion condamnés par toutes les organisations internationales travaillant dans le
domaine de la paix et de la sécurité internationale dont l’ONU en particulier. Toutefois, il
importe de souligner, pour les besoins de cette étude, que les cas retenus se ramènent à
l’unique type de conflits, à savoir les "conflits internes" et non aux conflits interétatiques et
aux violences à caractère politico-religieux. Aucun de pays retenus pour cette analyse n’a fait
l’objet d’un conflit de type politico-religieux notable. Mais tous ont une expérience assez
remarquable quant à l’implication des jeunes dans les conflits armés (acteurs ou victimes
soient-ils).
II.1. Congo-Brazzaville : De la démocratisation contre l’Etat à la mondialisation contre
la démocratie.
Le Congo-Brazzaville est, à l’instar d’autre pays africains marqués par les conflits armés
pendant la phase post bipolaire, un cas emblématique du phénomène de milicianisation. Ce
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pays est l’un des espaces territoriaux comportant le plus grand nombre de milices politiques
reposant sur les jeunes, instruits ou non.
L’on sait pertinemment bien que les milices sont des instruments créés pour satisfaire des
besoins sociaux, mais qui finissent par servir des causes totalement différentes dans la mesure
où elles se retrouvent phagocytées par d’autres forces sociales. Les milices doivent être
perçues non pas comme le fruit de cultures perverses mais plutôt comme le produit de cadres
institutionnels pervers (Meagher cité par Mustapha 2003 : 32). En d’autres termes, les
milices, généralement perçues comme des structures reflétant des situations pathologiques
(anormales) imputables à des cultures réputées déviantes ou arriérées (celles des peuples
inaptes à la modernité, rappelant donc la sauvagerie ou la barbarie), devraient être
réinterprétées en se basant sur une approche qui procède de l’action des gouvernants. Ce qui
est considéré comme déviant dans la pratique milicienne est foncièrement expliqué et compris
par le type de gouvernance ; c’est la nature du régime, c’est-à-dire l’ordre institutionnel, bon
ou mauvais, qui détermine la naissance et l’émergence du phénomène milicien dans le
contexte des Etats africains postcoloniaux.
Cette hypothèse est vérifiée dans le contexte de tous les pays en crise à l’échelle du continent.
En effet, il n’est pas étonnant de constater au Congo-Brazzaville l’existence des milices
trouvées légitimes par des régimes politiques d’essence différente : le parti unique et le
régime pluraliste parlementaire. Le Congo-Brazzaville a connu successivement le régime
pluraliste en 1960, interrompu en 1963 par une révolution de parti unique jusqu’en 1991,
année de la conférence nationale. Celle-ci fut fondatrice, à nouveau, du régime pluraliste en
cours, « perturbé » dès 1993 par des crises récurrentes (Gamandzori 2004 : 3). Ces dernières
ont consisté en la guerre du 5 juin 1997 dont les accords de Libreville 1, 2 jusqu’à 7 ne purent
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arrêter les affrontements. Mais après la victoire militaire du Général Sassou Nguesso
(Président du Congo de 1979 à 1992), celui-ci organisa trois mois après (du 5 au 14 janvier
1998), le Forum pour la Réconciliation, l’Unité, la Démocratie et la Reconstruction du Congo.
Les crises ont également consisté en des affrontements de 1998-1999 opposant le nouveau
pouvoir (Sassou II) aidé par l’armée angolaise et des éléments rwandais et tchadiens, au bras
armé de l’opposition en exil : Ninjas, cocoyes, mambas et autres miliciens spontanéistes. Ces
affrontements furent interrompus suite à la signature par l’Armée, le Comité de Médiation, les
officiers « rebelles » et les miliciens, des « accords de cessez-le-feu et de cessation des
hostilités » (1999), prélude au « Dialogue National Sans Exclusive », du 17 mars au 14 avril
2001 (Missié 2004 : 2-3).
Pour souligner le paradoxe de la démocratisation au Congo-Brazzaville, Balencie et De La
Grange relèvent le fait qu’aux différents partis issus de la démocratie vont correspondre des
milices armées, devenant des milices politiques (cités par Gamandzori 2004 : 4).
Ces milices politiques ont apparu dans le champ « démocratique » à la faveur des différentes
consultations électorales. La « culture milicienne » a été partagée par tous les camps
politiques : le pouvoir comme l’opposition.
Dans le camp du pouvoir, autour du parti dominant, l’Union Panafricaine pour la Démocratie
Sociale (UPADS) de Pascal Lissouba ont été créées les milices suivantes :
-
Les Zoulous ;
-
Les Cocoyes ;
-
Les Mambas ;
-
Les Faucons.
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L’opposition se créa les milices suivantes :
-
Les Cobras ;
-
Les Ninjas ;
-
Les Requins (Gamandzori 2004 : 4).
L’important à relever par rapport à ce foisonnement des milices à la suite de la crise de
l’espace politique, c’est que les jeunes constituent la principale ressource mobilisée en cette
période ; la disponibilité de ces derniers de rejoindre les milices créées à l’initiative des
acteurs politiques en concurrence, devenue déloyale, est bien justifiée par le manque de choix
à opérer dans un contexte de non citoyenneté : il s’agit, dans ces conditions, pour chaque
jeune, de s’aligner ou de s’exclure sinon de renoncer au droit d’exister.
Il est par ailleurs fondamental de mentionner la relation combien remarquable qui s’établit
entre les dénominations de ces milices, puisées dans les modèles cinématographiques, et les
conduites des acteurs en rapport avec la violence. Bazenguissa-Ganga(1999 :338) citant
Balandier, note à propos de la symbolisation de la violence : « Les westerns sont appréciés
parce que très « mouvementés… et leur dynamisme est subi d’une manière quasi spontanée,
parce qu’ils déroulent une action dont le sens se décèle rapidement. Mais, on remarque
surtout qu’ils mettent en vedette un héros précis, exaltent des « vertus » faciles à repérer et
par ailleurs estimées : ce sont les raisons principales de l’attrait qu’ils exercent. L’Africain
retrouve là une littérature à la fois héroïque et extraordinaire qui n’est pas tellement éloignée
de ses anciennes littératures ; il est prêt à accueillir Tarzan ou Zorro aux côtés des héros
dont a été nourrie son enfance. Pour nos informateurs, ces derniers sont les symboles de la
« force » et du « courage ».
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Ainsi , par exemple, peut-on comprendre la référence bien justifiée des appellations des
milices tels les Ninja aux films japonais(ninja terminator ,ninja killer), les Zoulou aux hauts
faits de guerre et à la résistance farouche des Zoulou(fils du Ciel ,ce qui correspondrait à
l’expression « extraterrestres ») de Tchaka Zoulou à l’occupation coloniale en Afrique du
Sud, les Cobra à une espèce venimeuse de serpent du nom de Cobra, nom rappelant également
les films chinois (dont le kung fu, un style de karaté)… l’objectif étant ici l’exaltation de la
force ou du courage présumés incarnés par les acteurs se référant à ces modèles. Sous cet
angle, Paul Richards, un chercheur qui a étudié la rébellion au Sierra Leone, a encore raison
lorsqu’il montre comment les produits de la culture américaine relative à la jeunesse
(principalement les films d’action « action movies » et la musique rap « rap music ») étaient
réinterprétés en des termes locaux comme symbolisant et légitimant la résistance contre une
structure officielle
de répression. Un cas précis d’illustration de cette réalité est
l’instrumentalisation du film Rambo « First Blood » par des commandants rebelles afin de
socialiser des enfants et des jeunes adolescents à la violence. D’après Richards, le film
reproduisait une situation de crise semblable à celle que des jeunes sierra léonais ont
connue(www.undporg/bcpr/whats_new/UNDP_Youth_PN.pdf:21).
Comme cela transparaît dans le titre de cette section consacrée au Congo-Brazzaville, le
processus de marginalisation des jeunes se traduit par la démarche paradoxale de la
démocratisation : au lieu de permettre la mise en place des institutions politiques susceptibles
d’insuffler une gouvernance démocratique et de garantir l’exercice de la citoyenneté pour
tous, l’on assiste plutôt à l’affaiblissement de l’Etat et à la privatisation de la violence sous
l’effet de la démocratisation. Ainsi que l’a si fort souligné J. Gamandzori (2004 : 6), c’est à la
faveur du déclenchement du mouvement démocratique qu’avec l’action conjuguée des jeunes
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que se met en place un nouveau « cycle » des milices, correspondant à la démocratisation. En
effet, à l’instar du corps social qui a implosé avec l’avènement du pluralisme politique, « la
jeunesse unique » a éclaté également en autant de jeunesses des partis, c’est-à-dire en une
centaine de mouvements de jeunesse. Mahoungou Kimfoko, cité par Gamandzori (2004 :6),
s’est exprimé à ce sujet en ces termes : « Le manque de confiance des hommes politiques en
l’armée considérée comme partisane, les suspicions… vont conduire les plus grands partis à
avoir chacun, son groupe d’autodéfense, c’est-à-dire sa milice ».
De ce qui précède, il ressort que le sort des jeunes demeure chaotique dans ce pays où les
milices politiques sont en lutte quasi-permanente. Particulièrement dans les grandes villes du
pays en commençant par la capitale, le phénomène de milicianisation est exacerbé et ce, en
proportion de l’ampleur des problèmes sociaux et économiques dans l’espace urbain.
L’émergence et l’affirmation des jeunes au Congo-Brazzaville restent liées au phénomène
urbain. Contrairement au Congo-Kinshasa où les milices sont essentiellement un phénomène
rural (on le verra), ici les milices sont essentiellement urbaines. En tant que creuset et lieu de
formation et d’éclosion des nouvelles identités (Kitongo cité par Gamardzori 2004 : 6), la
ville influe beaucoup sur les conduites de crise manifestées par les jeunes.
Très nombreux, les jeunes diplômés des établissements d’enseignement supérieur et
universitaire, sont confrontés au problème d’emploi. Ces derniers, désormais classés ou
classables dans la catégorie de pauvres car ne pouvant générer aucun revenu par manque d’un
travail rémunéré, sont conscients de la situation de victimes dans laquelle ils sont
« délibérément » plongés par le pouvoir en place. Aussi préfèrent-ils s’engager dans les
milices où, l’agitation de la fibre ethnique ou ethno-régionale aidant, ils pourraient trouver
leur compte. Les jeunes en situation de crise de modèle culturel et de marginalisation
15
économique se sont intégrés à diverses milices. Loin d’être un « ramassis d’analphabètes »,
les milices sont souvent constituées des jeunes au fait de l’actualité internationale
(Gamandzori 2004 : 9). Autrement dit, à la lecture généralement faite des milices, celle qui
considère que ces dernières soient dominées par des sujets analphabètes, formant ainsi des
groupes homogènes, devrait se substituer une lecture réaliste, celle qui reconnaît l’existence
d’élites intellectuelles parmi les miliciens. Ce sont ces élites, bien qu’en nombre insuffisant,
qui constituent le cerveau pensant qui coordonne les efforts de nombreux bras et muscles que
représente la majorité des miliciens dépourvue d’instruction. Il serait donc erroné de penser
que les milices en tant que sites de violence, demeurent l’apanage des seuls analphabètes
même si ceux-ci sont souvent majoritaires.
Dans ces conditions, les jeunes se voient « conviés » à une lutte sans merci afin de renverser
les vapeurs. Instruits ou non, nombreux sont les jeunes qui se sont rendu compte, notamment
dans le contexte de conflits armés, de l’importance et de la fonctionnalité de la violence.
Celle-ci est effectivement utilisée comme une ressource politique (Maindo 2004) une arme
politique efficace et productive. Elle a permis et continue à permettre l’intégration de
nouvelles élites dans les espaces de pouvoir créés par les mouvements rebelles et les milices.
Tout en favorisant le processus d’accumulation des richesses et de captation du pouvoir, la
violence est devenue la garante du leadership dans les Etats africains. Voilà qui explique la
prolifération des milices, qu’elles soient privées ou d’Etat, au Congo-Brazzaville et même
dans d’autres pays africains en commençant par son voisin immédiat qu’est le CongoKinshasa.
Qu’il s’agisse des gouvernements légaux ou des groupes armés et miliciens, la capacité
éprouvée de violence détermine dans une large mesure l’engagement des jeunes dans tel ou
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tel camp ; les jeunes adhèrent à tel ou tel groupe sur base de la conviction que le leadership
est incarné par le groupe disposant d’une garantie de la force. C’est, en dernier ressort, les
groupes au potentiel de violence élevé qui offrent des perspectives intéressantes aux jeunes
confrontés aux problèmes de vie quotidiens. Parce qu’en fin de compte les avantages
matériels et le partage du pouvoir même reposent, eux aussi, sur la notion de proportionnalité
c’est-à-dire ils tiennent compte du poids démographique (nombre de combattants), de la
quantité et de la qualité de l’arsenal militaire (armement et équipements) et de la réputation
des chefs de guerre ("seigneurs de guerre" ou "Lords of
War") de chaque groupe
revendiquant le leadership. La violence affecte le développement des jeunes dans des sociétés
où elle a acquis le statut d’un déterminant de mode de vie, de référence principale à toute
entreprise humaine. Ainsi, même dans le contexte électoral où tout se veut démocratique, les
principaux sites de violence identifiés parmi les circonscriptions électorales, déterminent la
position et les chances des leaders (issus des partis ou indépendants) en compétition à
quelque niveau que ce soit : national, provincial ou local.
Toute considération d’ordre éthique écartée, certains jeunes universitaires ne s’identifiant pas
aux aspirations démocratiques des masses africaines, ont même aidé leurs gouvernements à
martyriser leurs peuples et sont devenus les avocats du changement non démocratique
(Manub 2002 : 50). La participation de plus en plus affirmée des jeunes (universitaires
confrontés au chômage) entant que leaders d’opinion et donc disposant d’une forte capacité de
mobilisation et d’organisation au sein des milices urbaines, constitue désormais un grave
danger pour la stabilité des institutions (politiques, économiques et socio-culturelles).
La similitude, fort frappante, entre les deux Congo voisins, dont on dit de leurs capitales
(Brazzaville et Kinshasa pour la RDC) qu’elles s’honorent d’être les plus rapprochées du
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monde (distantes de 5 Km de fleuve) nous conforte dans notre présentation. A propos des faits
de pillage, il a été mentionné que la proximité des capitales de deux Congo Brazzaville et
Kinshasa, a eu un effet de contagion parmi les jeunes.
(…) Les faits se sont déroulés comme si les pillages successifs de Kinshasa avaient servi
d’entraînement et avaient une valeur pédagogique pour les miliciens de Brazzaville. Les deux
ont servi à diverses occasions comme lieu d’écoulement des articles pillés sur d’honnêtes
citoyens (Gamandzori 2004 : 9).
Découvrons à présent cette nouvelle trajectoire africaine de la jeunesse pendant les conflits
armés et post-conflit : le cas de la RDC.
II.2. Congo – Kinshasa : de la démocratisation contre l’Etat à la démocratisation de la
violence.
La situation de la jeunesse pendant les conflits armés en RDC, loin d’être meilleure par
rapport à l’ensemble de la sous-région, elle est parmi les plus complexes de par la diversité
des formes prises par le phénomène de milicianisation. L’attitude générale des jeunes dans les
espaces de guerre dans ce pays pourrait se résumer par les mots proposés par Alphonse
Maindo (2001 : 52) : « une arme, un espace de vie ». L’on ne perdra pas de vue le fait que,
"sur le plan économique, il y a aussi beaucoup à faire. Les conflits se nourrissent de la misère
et de la richesse à la fois. Les jeunes sans emplois que l’ONU a désarmés en Sierra Leone ou
au Liberia, ceux qui manifeste dans les rues d’Abidjan ou de Kinshasa ne retourneront pas à la
violence s’ils ont un travail". (Guéhenno 2006 : 59).
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En effet, si pendant les années d’euphorie démocratique marquées par une sorte
d’inflationnisme des partis politiques (on est passé d’un multipartisme à trois à celui intégral
c’est-à-dire sans limite) et par une liberté d’expression et de manifestation exacerbée, l’on a
assisté à l’instrumentalisation de la jeunesse dans un contexte politique bipolarisé (Mouvance
présidentielle et mouvance oppositionnelle), les années militaristes (depuis la guerre de 1996)
se sont caractérisées par le regain de protestations violentes. Prenant des allures inquiétantes
lors de la seconde guerre de 1998 à 2003, l’arme est effectivement devenue garante d’une
« nouvelle citoyenneté » à la fois en faveur des acteurs « rebelles » et des miliciens. Dans l’un
comme dans l’autre cas, ce sont des jeunes qui sont à l’œuvre. Cette réalité est observable
aussi bien dans les villes que dans les milieux ruraux : « Une arme offre à son détenteur droit
de cité. Il peut s’en servir pour accéder à des ressources, il peut défendre son domaine et son
monde, sa famille et ses amis. Aujourd’hui, il peut même aider, des gens à passer la frontière
sans formalité, notamment à l’aéroport de N’djili, où le voyageur est surpris par le nombre
impressionnant de personnes en civil ou en uniforme qui « vendent des services » au tarmac.
Le nombre de jeunes filles-mères autour des casernes et des postes militaires est, à lui seul,
révélateur de l’attrait qu’exerce l’homme en armes sur elles (Maindo 2001 : 52 – 53).
Synthétisant les propos de Amuwo, Mustapha (2003 : 34) relève le fait que les théoriciens
considèrent eux aussi la violence comme élément constitutif du processus d’édification d’un
Etat. Dans le même ordre d’idées, l’on pense que la mondialisation soumet les Etats à une très
forte pression sur les Etats faibles pour donner lieu à des « conflits post-modernes ». Ces
derniers se caractérisent par l’action de nombreux acteurs liés par des interactions et des
intérêts locaux et étrangers, y compris l’usage de stratégies de combat modernes ; épuration
ethnique, enfants soldats, viols collectifs, banditisme, recrutement de mercenaires,
19
d’entrepreneurs et de capitalistes internationaux. Selon Lumumba Kasongo, tous ces facteurs
se retrouvent en partie dans la tragédie des Grands Lacs (Mustapha 2003 : 34).
En fait, la RDC est un Etat qui a expérimenté et expérimente encore diverses modalités ou
formes du phénomène de milicianisation que l’on peut rapidement analyser en fonction des
spécificités découlant des coordonnées géopolitiques et géostratégiques à la fois.
Il s’agit des configurations de la participation des jeunes aux entreprises de la violence ciaprès :
1- Les Kivu des milices populaires maï-maï ;
2- L’Ituri des milices ethno-politiques ;
3- Le Katanga et la ville de Kinshasa des milices d’Etat ;
4- La ville de Kisangani ou les dérives partisanes.
Dans l’esprit de cette analyse, les lieux cités sont identifiés comme les principaux espaces de
guerre ayant fait impliquer les jeunes dans l’action milicienne.
1. Les Kivu : Poudrière et sanctuaire des rebelles, triomphe de la jeunesse milicienne.
En parlant du phénomène de milicianisation des espaces de guerre, il est facile et logique de
noter que les sites des milices correspondent à des morceaux de territoires (zones) occupés par
des factions rebelles. L’expression de l’Etat-archipel du géographe Roland Pourtier ne fait que
conforter cette constatation : la continuité géographique se combine ainsi avec une
discontinuité étatique car la présence de l’Etat se réduit à quelques poches (Bourmaud 1997 :
133). C’est le cas des Kivu.
20
En effet, le terme « les Kivu » est utilisé pour désigner un espace géographique élargi autour
du lac Kivu – l’un des « Grands Lacs » de l’Afrique centrale – frontalier de l’Ouganda, du
Rwanda et du Burundi (Jackson 2001 : 117). Les Kivu comprennent les actuelles provinces du
Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema. Ces entités ont souvent été identifiées à une
« poudrière » pour évoquer une région où rébellion et violence sont fréquentes, déclenchées à
la moindre étincelle de ressentiment. C’est aussi un « Far West » de l’Afrique car renvoyant à
une zone de non-droit, le front pionnier riche en ressources minières, longtemps lieu par
excellence de l’accumulation privée et rapide de richesses et de produits de contrebande à
destination et au départ de l’ancien Zaïre (Jackson 2001 : 117-118).
Dans cette partie du pays, où la guerre a réussi à s’aligner sur les enjeux économiques, les
jeunes issus des communautés dites autochtones sont devenus des miliciens. Il s’agit des
groupes dits maï-maï. Ces derniers ont acquis une grande célébrité pour leurs pratiques de
combat (réputées mystiques) et la noblesse attachée par l’opinion publique aux objectifs de
leur lutte à savoir « combattre les agresseurs » (ici les Rwandais, les Ougandais et les
Burundais, alliés de la rébellion).
Lutter pour l’intégrité territoriale et la sauvegarde de la souveraineté du Congo devient ainsi
une raison légitime justifiant l’existence des milices en dépit des dérapages. L’expression
« une arme, un espace de vie » est bien opérante dans les Kivu. Jean-Claude Willame (cité par
Lanotte 2003 : 81) pense que le phénomène maï-maï peut s’analyser ici comme « un
banditisme social qui s’inscrit dans un milieu où les ressources, surtout foncières, se sont
raréfiées et où les classes d’âge jeunes excédentaires ne retrouvent plus comme débouchés
que le fusil qui devient ainsi le premier et souvent le seul instrument de promotion sociale
rapide.
21
Pour davantage souligner la crise de la citoyenneté en période des conflits armés et la
nécessité d’une auto-prise en charge pour les populations, on peut relever quelques
témoignages sur les mises en garde et menaces proférées par ces dernières à l’égard de
gouvernants :
-
« S’ils n’écoutent pas, l’arme s’impose comme moyen d’expression […] Nous sommes
les plus proches du peuple » (un chef maï-maï) ;
-
« Il est très important qu’ils soient informés de nos plaintes. S’ils n’écoutent pas, la
population s’exprimera autrement. Le phénomène maï-maï n’est qu’une forme
d’expression », a déclaré un chef coutumier à Butembo dans le Nord-Kivu (De Saint
Moulin et al 2003 : 51)
Comme on peut bien s’en rendre compte, ce dernier témoignage veut simplement souligner la
signification profonde de la violence utilisée par les jeunes dits maï-maï. Cette phrase
résumant le témoignage doit être perçue à juste titre comme le langage d’un mode non
conventionnel de participation politique à la portée des masses dominées, bref, une modalité
de la voix des sans-voix dans un contexte marqué par le déficit démocratique. Ce mode est,
dans ce cas, le seul sensé être plus opérationnel pour canaliser les revendications de ceux qui
subissent les effets négatifs d’un pouvoir. La violence est, de ce fait, l’arme entre les mains
des faibles dont le développement est étouffé en dépit de leur nombre qui va croissant. Ceci
est vrai d’autant plus que les faibles physiquement, même pourvus d’instruction, ne sauraient
se contenter des formes d’expression démocratiques comme la pétition, le mémorandum… là
où l’espace public fait défaut et le système politique se montre moins perméable et réceptif à
leurs demandes.
La jeunesse milicienne dite maï-maï a acquis une certaine notoriété à la suite de la mise en
place des institutions de la transition issues du dialogue intercongolais de Sun City en Afrique
22
du Sud (Amuri 2004). A la faveur des conflits armés traduisant, en fait, la crise de la
gouvernance, certains jeunes ont réussi à quitter l’anonymat pour s’insérer dans la sphère du
pouvoir
du
d’Etat : l’on dénombre parmi eux des ministres, des parlementaires, des
officiers, des administrateurs des entreprises, de cadres territoriaux,… Conséquence : la
légitimation de la violence comme ressource et arme politique efficace pour tous les laisséspour-compte.
Dans la province du Maniema, qui fait l’objet de nos enquêtes pour les recherches doctorales,
la plupart des jeunes (maï-maï) proviennent des groupes ethniques ayant subi une forte
influence des mouvements messianiques. C’est le cas du Kitawala (déformation de Watch
Tower américain sous la période coloniale) dans les territoires de Lubutu, Punia et Kailo. Ce
mouvement a beaucoup prôné la violence ; il a été relayé par les jeunes lumumbistes (de
Lumumba, premier Premier Ministre du Congo-Zaïre à son accession à l’indépendance en
1960). Avec un héritage lourd du passé violent kitawaliste, des rébellions nationalistes basées
sur les milices appelées « jeunesses lumumbistes », cette contrée qui a connu dès l’aube
l’influence des Arabes, remplacés plus tard par des Blancs, a eu pour surnom emblématique
de la violence : « Pays des mangeurs d’hommes » (titre de l’ouvrage de R. Cornet 1952). L’on
ne s’étonne donc pas de constater que certains ressortissants du Maniema, obnubilés par les
mythes de mysticisme et les clichés de violence que rappelle la mémoire collective, se
glorifient d’être forts et défient leurs voisins.
Pendant la période post-conflit, c’est-à-dire celle inaugurée par les négociations
intercongolaises, les élites guerrières (combattants maï-maï) issues des masses rurales ont été
court-circuitées par les élites urbaines (Amuri 2005). Celles-ci étant en majorité des
intellectuels, elles ont pris d’assaut le mouvement maï-maï jusqu’à en revendiquer le
23
leadership au détriment des initiateurs qui sont en majorité dépourvus d’instruction. D’où le
désenchantement. Bon nombre de miliciens maï-maï, frustrés par le genre nouveau de vie et
de compétition sociale en ville, ont dû reprendre le chemin des villages soit pour s’occuper de
leurs activités traditionnelles soit pour se reconstituer en bandes armées dans les espaces
anétatiques (enclavés et échappant à l’emprise de l’Etat, donc une sorte de jungle).
2. Le Nord-Katanga et la ville de Kinshasa : Exemples d’un paradigme de « l’Etat
contre l’Etat » pendant la guerre
L’émergence des jeunes miliciens dits maï-maï dans le Nord-Katanga tire son origine dans la
stratégie de conservation du pouvoir mise en place par le Président Laurent-Désiré Kabila. Au
plus fort de la guerre de 1998, celle déclenchée par le Rassemblement Congolais pour la
Démocratie (RCD) contre son régime, Kabila décide de distribuer des armes à toutes les
populations qui le voulaient en vue de contrer les rebelles dits envahisseurs (car soutenus par
des étrangers dont les soldats rwandais).
Ironie du sort, cette stratégie de mobilisation guerrière dite « patriotique » s’est révélée
inefficace et même calamiteuse pour la restauration de l’autorité de l’Etat après la guerre. En
effet, les maï-maï du Nord-Katanga, émanation de la volonté du Chef de l’Etat (Kabila père),
ont été armés mais dépourvus d’un encadrement conséquent : alimentation, solde,
équipement, habillement, formation civique et militaire. Ainsi, pour donner réponse à
l’initiateur des milices (le Président, garant de la nation), les jeunes ont décidé de relever le
défi de la crise en faisant peser la charge de leur survie sur le dos des populations rurales
(paysannes) : pillage de greniers, destruction de champs et récoltes, rançonnement, incendie
de maisons. Fait important à retenir, c’est que le Nord-Katanga est l’enclave maï-maï qui
24
reste, à ce jour, la plus active et qui brille par des dérapages et actes de cruauté sans pareils.
Pour avoir été créées par le « Pouvoir » c’est-à-dire le représentant numéro 1 de l’Etat, ces
milices sont difficiles à démanteler ou du moins, à maîtriser ; elles bénéficient, en fait, d’une
tolérance institutionnelle. L’on ne perdra pas de vue le fait que le Président Kabila fut
originaire de Manono dans le Nord-Katanga. Il n’est pas exclu que ce dernier ait tenu compte
des considérations d’ordre ethnique dans ce processus de milicianisation des masses rurales
en période de guerre. Si des milices ont bénéficié de l’aide du gouvernement pendant la
guerre, il faut cependant noter que celles du Nord-Katanga ont été créées à l’initiative du
Pouvoir.
Toutefois, il est fondamental de savoir que, pour les miliciens maï-maï, les tracasseries
orchestrées à l’endroit des populations rurales ont pour objectif essentiel d’interpeller le
gouvernement sur ses responsabilités, susciter en lui un changement d’attitude en vue d’un
réengagement conséquent à prendre en charge les milices qu’il a lui-même initiées.
Paradoxalement, il existe parmi les miliciens ceux qui ont intériorisé la culture de la violence
et qui ont trouvé en ce genre d’activité une occasion de s’affirmer comme entrepreneurs de la
violence en période de troubles.
Pour la ville de Kinshasa, le problème de milices a été posé par le Président Kabila en terme
de nécessité d’instaurer l’autodéfense populaire avec les jeunes. Lors de son adresse à la
population kinoise sur la place Sainte-Thérèse, le 16 septembre 1998, il déclare :
« Lorsque vous allez vous organiser dans vos quartiers, dans vos rues, les armes pour
l’autodéfense populaire seront distribuées (applaudissements). C’est important pour arrêter
tous les aventuriers militaires. Les armes seront dans les mains du peuple, mais pour que le
peuple soit armé, il doit être organisé, discipliné. C’est pourquoi l’organisation de la force
25
d’autodéfense est importante. A voir ce que vous avez accompli, raison pour laquelle je suis
ici pour vous féliciter, je parie qu’une fois encore vous allez vous montrer braves et participer
dans l’organisation de l’autodéfense. D’ailleurs, pour vous en donner l’exemple, tout le
monde sait que beaucoup de jeunes de Kinshasa qui sont parmi vous ont défilé depuis de
longs mois au Stade des Martyrs mais nous venons de prendre une décision de n’enrôler que
pour la ville de Kinshasa 25000 jeunes sous le drapeau.
A partir de maintenant ils sont enregistrés et enrôlés pour participer à la reconstruction de
notre armée nationale. Kinshasa aura demain de vaillants jeunes qui, je l’espère, ne vont pas
reculer devant l’agresseur parce que, à l’Est, nous continuons à gronder et nos combattants
sont sous le coup de batailles parce qu’ils veulent repousser l’agresseur avant d’aller se
promener chez lui » (De Villers et Omasombo 2001 : 29).
De ce qui précède, il ressort que l’attitude des gouvernants [face aux conflits armés] est
déterminante dans les représentations/perceptions populaires de la violence. De ce fait, la
responsabilité des gouvernants dans l’exacerbation des milices urbaines est bien établie. En
soutenant le Pouvoir, les milices ont des visées propres censées être atteintes à moyen ou long
terme. Il est malheureux que des gouvernants ne soient pas toujours attentifs à cette réalité :
les milices sont constituées des hommes, des jeunes dont les aspirations débordent le cadre
des besoins élémentaires comme manger, boire, fumer,… Ne pas le savoir, en tant qu’homme
d’Etat, c’est faire montre d’incompétence et d’attitude suicidaire car les effets se retournent
généralement contre leur auteur.
26
3. L’Ituri : Exemple d’un échec des politiques de pacification des espaces de guerre ?
Dans le district de l’Ituri, en Province Orientale, érigé en province autonome pendant la
rébellion du RCD d’obédience ougandaise, l’on trouve encore des milices ethno-politiques
dont le foisonnement semble contraster avec les avancées du processus de pacification des
zones de conflits à l’Est de la RDC. Les initiatives de désarmement, démobilisation et
réinsertion (DDR) ou celles de démobilisation et réinsertion communautaire, ont longtemps
traîné en Ituri. Les logiques des organisations non gouvernementales, de l’Union Européenne
(Opération Artémis), de la Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC)
et du gouvernement congolais, sont contrariées par les réalités locales relatives à la
réinvention du quotidien dans les espaces anétatiques (enclavés et échappant à l’emprise de
l’Etat).
Parmi les causes de l’échec de toutes ces initiatives pourtant nécessaires, l’on peut relever, à
titre principal, le fait que la phase de la réinsertion n’a pas été bien préparée et mise en œuvre.
En effet, l’on assiste au retour dans les forêts (parfois les anciens maquis pour certains
groupes) des ex-miliciens, notamment des jeunes identifiés comme « enfants soldats ». Ces
derniers sont surtout influencés par certains leaders miliciens qui redoutent d’être arrêtés par
la Cour Pénale Internationale (CPI) dont le cas du chef de guerre Thomas Lobanga (sujet de
l’ethnie hema) constitue une première illustration de l’effectivité de la justice internationale.
L’on découvre que, dans l’un et l’autre camp, c’est-à-dire parmi les deux principaux groupes
ethno-politiques (hema et lendu), il y a des acteurs qui tiennent à échapper à la vindicte
populaire et aux poursuites judiciaires pour des faits de crime graves commis pendant les
conflits armés. Pour eux, la solution consiste à retourner au maquis et à se reconstituer en
milices fortes pour combattre à la fois les éléments des Forces Armées de la RDC (FARDC)
27
et les éléments de la MONUC en tant que symboles de l’Etat. Nombre d’entre eux évoquent le
fait que ce sont des acteurs participant dans les institutions politiques aujourd’hui qui les ont
instrumentalisés pour s’entretuer. Sans avoir trouvé leur compte, ils sont plutôt abandonnés et
exposés à des arrestations car devenus de simples civils. Ces jeunes, ex-miliciens dits enfants
soldats, font souvent l’objet d’arrestation en Ituri en dépit de la présentation de la carte
attestant qu’ils sont démobilisés ! Ceci est l’œuvre des FARDC qui se comportent en
tortionnaires à l’égard de ceux qu’ils traitent d’anciens criminels. N’ayant pas le choix, ces
jeunes se retrouvent donc là où ils étaient (maquis miliciens). D’où le cercle vicieux :
Démobiliser sans réinsérer de manière efficace devient la meilleure manière de pousser à la
remilitarisation/remilicianisation radicale. Pour comprendre le retour à la vie milicienne, il
faut connaître les mobiles profonds de l’engagement des acteurs et la conjoncture judiciaire
post-conflit.
A titre indicatif, voici un tableau reflétant l’ampleur de la participation des jeunes (au sens
d’enfants) dans les milices en Ituri en 2004 :
No. of Adults
No. of Children
Total
(estimated)
(estimated)
(estimated)
UPC
3,000
2,000
5,000
Nizi
FAPC
2,000
1,000
3,000
Mahagi
FNI/FPRI
2,000
2,000
4,000
Kpandroma (FNI)
Militias
Transit site
Aveba (FPRI)
PUSIC
1,500
1,000
2,500
Kasenyi
FPDC
300
200
500
Mahagi
Total
8,800
6,200
15,000
28
Source : Tsjeard Bouta, « Assessment of the Ituri Disarmament and Community Reinsertion
Program (DCR) », Netherlands Institute of International Relations « Clingendael », Conflict
Research Unit, May 2005, p. 13.
La Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC) propose également un
tableau de la situation en 2005 (14 avril). Cependant, il faudrait savoir qu’il est difficile de
préciser le nombre des ex-combattants désarmés et démobilisés à cause des changements
incessants de configurations sur le terrain. La présence d’enfants soldats est toujours
confirmée en Ituri.
14 avril 2005
Transit site
Men
Women
Boys
Girls
Kasenyi
858
6
217
0
1081
Kpandroma
617
4
852
317
1790
Mahagi
671
8
296
114
1089
Nizi
563
5
98
6
672
Aveba
609
28
775
114
1526
Bunia
1714
4
160
17
1895
Aru
1741
119
194
65
2119
Total
6,773
174
2,592
633
10,172
29
4. Kisangani : activisme des jeunes et dérives partisanes.
La mobilisation des jeunes dans le contexte des conflits armés a été également observée de
manière constante à Kisangani. Chef-lieu de la Province Orientale et troisième ville du
Congo-Zaïre, Kisangani est le site emblématique du nationalisme fanatique de l’histoire
politique de ce pays (Amuri et Nkoko 2005).
Plusieurs fois confrontée aux rébellions, cette ville dispose des communes hébergeant des
groupes de jeunes qui se sont mués en véritables milices au service des partis politiques.
Parmi ces groupes, on peut citer l’association « Bana Etats-Unis », le Groupe de Réflexion et
d’Action de Mangobo « GRAMA », le Vatican, la Ligue Arabe, l’Association Matete Uni
pour le Développement « AMUD », le Kata Moto, toutes basées à Mangobo, principale
commune d’où partent la plupart des mouvements de protestations (Amuri 2005).
Dans le cadre du processus électoral en cours, il est curieux de constater que des partis
politiques récupèrent ces groupes de jeunes pour en faire des créneaux mobilisateurs en faveur
de leur propagande. Les groupes Bana Etats-Unis et Kata Moto se sont affrontés, faisant des
blessés graves parmi eux et ce avec la bénédiction des partis politiques qui se disputent
l’hégémonie dans cette commune de Mangogo : d’un côté, le Parti du Peuple pour la
Reconstruction et le Développement (PPRD), parti du président Kabila, et de l’autre, le
Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) du vice-président Ruberwa. En fait, ce
qu’il faut craindre, c’est l’affrontement ouvert avec usage des armes car les groupes disposent
des armes et cela fait dire dans l’opinion qu’on a affaire à des partis-milices. Cette situation
semble avoir été inspirée par l’expérience du Congo-Brazzaville dont nous avons déjà parlé.
Les noms des groupes en question et la propension pour la violence qui les caractérisent, sont
30
susceptibles d’influer sur leur imaginaire du statut de jeunes en situation de crise. Encore une
fois, c’est la citoyenneté qui est en cause car la violence sous quelque forme que ce soit est
toujours signal d’un malaise social profond.
II.3. Le groupe « Ouganda, Rwanda et Burundi » : De l’humanisation du social à la
légitimation militariste du domaine politique.
Notre présentation de ce groupe de pays ne procède pas de hasard. Elle a pour motif de
renforcer la visibilité du rôle néfaste que ces pays ont joué dans la « crise récurrente » de la
région des Grands Lacs africains et de la RDC en particulier. Ces trois pays sont présentés par
nombre d’auteurs comme faisant partie des facteurs déterminants de l’insécurité généralisée
qui prévalent sur le terrain. Jean-Lucien Kitima (2003 : 103) évoque à ce sujet « le soutien
inconditionnel du Burundi, de l’Ouganda et du Rwanda à la cause des Banyamulenge dits
congolais. Ces pays estiment qu’ils jouent le rôle hautement humanitaire dans la sous-région
en protégeant les populations Tutsi Banyamulenge contre les agressions des ex-FAR, des
Interhamwe, des maï-maï, des populations locales et des officiels des pays voisins hostiles ».
En effet, l’important à savoir par rapport à la problématique des jeunes dans tous ces conflits
au niveau sous-régional, c’est que les jeunes ou mieux les enfants ont été recrutés
massivement et parfois de force ; ils sont encore nombreux dans tous les mouvements rebelles
de ces pays opérant à partir de la RDC. « Depuis plusieurs dizaines d’années, des groupes de
l’armée régulière ou de forces rebelles au Rwanda, en République Centrafricaine, en Angola,
au Burundi et en Ouganda, arrachent des enfants à leur famille, à leur village, à leur école ou
au camp où ils étaient réfugiés lors de raids qui en font souvent, de surcroît, des orphelins »
(the World Bank Group 2006 : 1).
31
Critiquant la gouvernance qui domine dans ces pays, Lumumba-Kasongo (cité par Mustapha
2003 : 33) montre comment depuis les années 60, cette région (Grands Lacs) a produit de
célèbres dictateurs à l’instar de Idi Amin en Ouganda (1971-1979) et Mobutu du Zaïre (19651977). De plus, dans cette région, trois chefs de groupes armés, à savoir Museveni, Kagame et
Kabila, avec différentes idéologies et des profils politiques différents, ont accédé au pouvoir
en Ouganda, au Rwanda et au Zaïre respectivement les deux premiers ont tenté d’installer des
régimes amis au pouvoir grâce à des invasions étrangères déguisées en rébellions internes.
Cependant, il convient de reconnaître que l’Ouganda, le Rwanda et, dans une certaine mesure,
le Burundi, sont parmi les pays dont les présidents ou mieux les régimes s’efforcent de
stabiliser le social, de lui donner un visage humain pour désamorcer les tensions sociales.
Malgré l’existence de groupes rebelles et d’opposants, l’humanisation de la vie sociale et
économique de masses populaires (rurales et urbaines) et l’état des infrastructures contribuent
à la légitimation des régimes à dominance militaire dans ces pays. Le verrouillage de l’espace
politique, même si une parodie d’élection a parfois lieu, ne semble plus préoccuper les jeunes.
Ces derniers, recrutés dans l’armée à l’âge non autorisé par les conventions en la matière
(convention relative aux droits de l’enfant), sont du même coup évacués du champ des intérêts
de masses populaires et condamnés à la discipline de la caserne. L’intérêt pour la politique est
ainsi dilué. Dans ces pays, la plupart des milices sont attachées aux régimes en place et jouent
aux intrigues pour délégitimer les groupes d’opposition et justifier le caractère autoritaire de
ces régimes. Cela se comprend avec les expéditions organisées dans le territoire de la RDC où
sont toujours présumées installées les milices ennemies. Les Interhamwe du Rwanda de
Habyarimana (ancien président décédé de suite d’un accident d’avion) n’étaient que des
jeunes aux idéaux culturels et de développement, mais récupérés politiquement par le régime
32
pour jouer un rôle de milice d’Etat restée de triste mémoire pour les atrocités qu’elle a été
amenée à commettre (Voir à ce sujet : Braeckman 1996 ; Ruhimbika 2001).
III. POUR LA REHABILITATION ET LE DEVELOPPEMENT DE LA JEUNESSE
AFRICAINE
En abordant cette dernière partie de notre étude, nous n’avons pas la prétention d’avoir réalisé
une description parfaite de la situation des jeunes dans les conflits armés en Afrique. Dans
cette perspective, nous refusons d’adopter une position pessimiste quant aux chances en
termes de possibilités ou d’opportunités qui s’offrent à l’Afrique. Nous restons convaincu que
l’Afrique est encore capable de relever le défi du sous-développement. Ce dernier ne saurait
s’ériger en une fatalité pour ce continent malgré son caractère structurel.
En effet, le processus de réhabilitation et du développement de la jeunesse africaine en
situation de conflits armés implique, dans ce cas précis, que l’on puisse fournir des réponses
adéquates et diverses à la question capitale ci-après : Quelles sont les implications de cette
recherche sur les politiques en faveur des jeunes, les conditions pour de meilleures pratiques
et un renforcement de capacité ? En d’autres mots, quelles sont les pistes de solutions qui se
dégagent à la fin de cette recherche, susceptibles de contribuer à l’amélioration du sort des
jeunes aussi bien pendant les conflits qu’en période post-conflit ?
Pour ce faire, deux niveaux essentiels sont retenus dans la présentation des solutions : d’un
côté, le niveau des politiques nationales et, de l’autre, le niveau des politiques
régionales/sous-régionales. La cohérence interne et la convergence découlant de ces deux
niveaux
auxquels
participent
des
acteurs
multiples
(gouvernementaux
et
non
33
gouvernementaux) seraient déterminantes dans la réussite du projet de développement des
jeunes à l’échelle nationale et régionale ou sous-régionale.
III .1. Sur le plan des politiques nationales
Les solutions préconisées à ce niveau d’analyse, pour être adéquates et concrètes, doivent
découler des problèmes réels, donc concrets rencontrés par les jeunes. A cet égard, il convient
de souligner que, si la quête d’existence politique c’est-à-dire l’accès à une citoyenneté
effective, apparaît comme l’axe dominant de cette recherche sur l’implication et la protection
des jeunes dans les conflits armés, il n’en reste pas moins vrai que d’autres facteurs de
motivation, non négligeables, constituent des axes exploités par d’autres chercheurs. Pour
rappel, il s’agit notamment des éléments ci-dessous :
-
Besoin de survie et d’autodéfense ;
-
Pauvreté ;
-
Inexistence de résidence fixe et décente ;
-
Recherche des revenus ;
-
Appartenance des jeunes à des idéologies et à des mouvements extrémistes
(tribalisme) ;
-
Esprit de vengeance ;
-
Manipulation, endoctrinement ;
-
Drogue ;
-
Délinquance et manque d’éducation ;
-
Mauvaise gouvernance ;
-
Non prise en charge de la dimension des jeunes en matière de développement ;
-
Affirmation de la personnalité face à la persécution.
34
Cette liste d’éléments susceptibles d’expliquer l’engagement des jeunes dans les entreprises
de la violence est non limitative. Elle sert plutôt à fixer l’opinion sur l’ampleur des problèmes
qui affectent et entravent le développement harmonieux des jeunes.
L’on sait déjà que les conflits détruisent souvent l’environnement de sécurité d’une maison,
d’une famille, d’une alimentation adéquate, de la scolarité et de l’emploi. Pendant les conflits,
les risques pour la santé augmentent, en particulier pour les jeunes femmes dues à
l’accroissement de la violence sexuelle. Les jeunes affectés par les conflits armés peuvent être
des réfugiés, des personnes déplacées (IDP) ou rapatriées. Quelles sont donc, au vu de ce qui
précède, les mesures à mettre en place afin d’identifier et protéger les plus vulnérables des
jeunes dans des situations de conflits armés ? Les réponses réservées à cette question
fondamentale en vue de promouvoir de bonnes politiques nationales consisteraient en des
actions suivantes :
-
Recensement, au niveau des entités comme les communes, des jeunes les plus
vulnérables, suivi de leur situation et affectation dans les centres d’accueil ;
-
Campagne de sensibilisation et d’information massive sur les méfaits de la guerre et
sur la nécessité de respecter au moins les conventions internationales applicables lors
des conflits armés : droits de l’homme, droits des prisonniers de guerre ; respecter et
appliquer les conventions relatives à la protection des jeunes et des minorités ;
-
Création d’un mécanisme de parrainage des jeunes vulnérables par les aînés ;
-
Sensibilisation pour la culture de la paix et la protection des personnes vulnérables,
en particulier, et de la population, en général, à travers la radio et la télévision et les
activités des volontaires ;
-
Création des centres d’accueil et des zones de protection des personnes vulnérables
avec un programme de prise en charge psychologique et de formation ;
35
-
Création d’un corps des volontaires pouvant continuer le processus de formation et de
sensibilisation des jeunes, même en période de conflits armés ;
-
Elaboration des programmes de démobilisation axés sur les vrais besoins et des
méthodes pédagogiques appropriées.
Comme on peut le constater, en ce genre de choses, il n’est pas toujours facile de proposer
toutes les possibilités de solution ni de prévoir toutes les opportunités susceptibles de
contribuer au renforcement des capacités des partenaires et bénéficiaires des actions de
développement que sont les jeunes. Raison pour laquelle d’autres pistes de solutions se
voulant efficaces et correspondant plutôt à la période post-conflit, ont été identifiées. Il s’agit,
dans ce dernier cas, des actions concrètes ci-après :
-
Promotion de la bonne gouvernance à travers le renouvellement de la classe politique
intégrant des jeunes élites au profil de leaders ;
-
Création des écoles ou centres spécialisés en formation et préparation des jeunes
(qualifiés) imprégnés de notions et pratiques de leadership et de management des
affaires publiques ;
-
Réforme du système éducatif en mettant l’accent particulier sur l’enseignement dans
le domaine de la paix, de la citoyenneté et de la démocratie. Pendant longtemps, en
Afrique, on a enseigné aux jeunes à travers les écoles (appareil idéologique de l’Etat
par excellence) plus de notions de civisme que de citoyenneté : le premier renvoie
fondamentalement à des devoirs de citoyens, ce qui est favorable à un régime
autoritaire ; la seconde fait référence à des droits, ce qu’il faut aujourd’hui apprendre
aux citoyens à connaître davantage ;
-
Valorisation des activités à caractère sportif et culturel créateurs d’emplois en faveur
des jeunes : des joueurs et des musiciens célèbres africains évoluant dans les espaces
36
euro-américains ont réussi à « globaliser » le monde à partir de leur propre
perspective ; ils sont des véritables héros et modèles pour la jeunesse africaine (voir à
ce sujet Waswa 2002 :9-17). Il faut également songer aux dessinateurs, aux acteurs ou
gens du spectacle,…
-
Valorisation du rôle des organisations confessionnelles(églises) dans les activités
d’éducation civique et d’évangélisation susceptibles d’accroître le sens du sacré sinon
de le réveiller chez les jeunes,rappeler aux populations en général la nécessité de
réhabiliter l’homme dont la personne est toujours sacrée, déshumanisé hier pendant
les conflits armés. Cependant, les pouvoirs publics devraient veiller à la
réglementation des activités d’églises afin d’éviter tout dérapage de nature à faire
basculer
les
jeunes
dans
des
formes
idéologiques
néfastes
(extrémisme,
fondamentalisme, intégrisme) et préjudiciables au processus de pacification et de
consolidation démocratique ;
-
Promotion de l’émigration des élites africaines (culturelles et /ou sportives) nanties et
disposées à investir ou à créer des entreprises privées et compétitives en Afrique pour
réduire le chômage des jeunes qualifiés ;
-
Campagne de sensibilisation de la diaspora africaine de rapatrier une partie de leurs
ressources dans le continent où le flux de capitaux en circulation est limité du fait que
le milieu est souvent considéré comme « à hauts risques » pour les investisseurs ;les
guerres sont toujours à craindre ;
-
Encouragement en faveur du processus de mondialisation afin de susciter la
compétitivité chez les jeunes africains par l’éclosion de leur génie (les talents
endormis dans une Afrique isolée) dans le domaine culturel et intellectuel ;
37
-
Accélération du processus d’alphabétisation et de scolarisation des jeunes ruraux,
longtemps exposés
au recrutement par des milices (alternative à la crise de la
jeunesse) ;
-
Consécration par des actes législatifs et réglementaires de la participation des jeunes
qualifiés en termes de quotas, à l’instar du « gender » chez les femmes, dans les
institutions et services publics dont le mode de recrutement ne repose pas sur
l’élection. Ceci permettrait de récupérer toutes les élites qui constituaient ou
constituent encore le cerveau pensant des milices et groupes armés dans les espaces
de guerre.
III.2. Sur le plan des politiques régionales/sous-régionales
Fondamentalement, la constatation qui se dégage des études de cas retenues sur ce sujet, est
que les pays de l’Afrique centrale, en général, et ceux des Grands Lacs, en particulier, se
révèlent comme « l’une des zones les plus instables et les plus risquées d’Afrique et même du
monde. Elle souffre de plusieurs maux : guerre, insécurité, pauvreté extrême, intolérance
ethnique et politique, faiblesse de la gouvernance, non-respect des droits de l’homme, etc.,
dont la solution requiert une approche simultanée, fondée sur la solidarité des problèmes de
la sécurité et du développement » (Kitima 2003 : 97).
Prenant parti en faveur d’une vision prospective de la question de développement des jeunes
en Afrique au sortir des conflits armés, nous pensons que la dynamique en cours au plan
sous-régional devrait être privilégiée. Nous pensons ici notamment à la conférence
internationale sur la Paix, la Sécurité, la Démocratie et le Développement dans la Région des
Grands Lacs dont le premier sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement s’est tenu à Dar-
38
es-Salaam du 19 au 20 novembre 2004. En effet, la Déclaration de Dar-es-Salaam reconnaît
de manière forte, en ses points 2, 4, 6, 7, 8, 9, 10 et 11, la nécessité d’une approche régionale
de résolution des problèmes. Le dixième point est ainsi libellé : « conscients du retard sur le
plan du développement économique et de l’intégration régionale, liés entre autres facteurs,
aux choix de politiques inappropriées, aux résultats mitigés des programmes d’ajustement
structurel, à la mauvaise gestion des ressources publiques, au fardeau insoutenable de la
dette et aux effets destructeurs des guerres » (Conférence internationale pour la région des
Grands Lacs 2004 : 3).
Cette déclaration propose, en outre, une vision générale susceptible de réactiver les bonnes
intentions longtemps exprimées et toujours en vigueur de l’Organisation de l’Unité Africaine,
aujourd’hui Union Africaine quant aux spécificités et conditions du développement de
l’Afrique en ses différents domaines. Il s’agit du point 16 qui s’énonce comme suit : « Nous
engageons à construire une région des Grands Lacs ouverte à d’autres régions du continent en
bâtissant notre coopération autour des axes prioritaires que sont : la paix et la sécurité, la
démocratie et la bonne gouvernance, le développement économique et l’intégration régionale,
les questions humanitaires et sociales et réaliser notre vision à travers les options politiques
prioritaires, les principes directeurs et les mécanismes… (Conférence internationale pour la
région des Grands Lacs 2004 : 4).
En matière de paix et sécurité, par exemple, il est intéressant de savoir que la Conférence tient
à « adopter et mettre en œuvre, de façon effective et durable, des programmes nationaux de
Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion (DDR) ; assurer, là où cela est applicable,
une coordination régionale pour le Rapatriement et la Réinstallation (DDRRR), en tenant
compte des besoins spécifiques des anciens enfants soldats et des ex-combattantes » (point 25
39
de la Déclaration). C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le rôle joué par la Banque
Mondiale qui participe au plan établi dans le cadre du programme multi-pays de
démobilisation et de réintégration (MDRP) pour réinsérer dans la vie civile un nombre d’excombattants, parmi lesquels des enfants soldats, estimé à 400.000 dans les pays africains de la
région des Grands Lacs – où la situation commence à se stabiliser après plusieurs dizaines
d’années marquées par des conflits (The World Bank Group 2006 : 1).
Toutefois, sans préjuger de la bonne foi des acteurs impliqués dans ce processus de
Désarmement, Démobilisation et Réinsertion, il faudrait craindre que le contraire se produise,
qu’il y ait des surprises désagréables pour n’avoir pas convaincu les concernés (candidats aux
initiatives DDR) du bien-fondé de revenir à la vie civile quand on sait que la conjoncture
judiciaire en période post-conflit n’est pas rassurante. Le 19 septembre 2002, ce qui avait
semblé être une mutinerie conduite par 700 soldats de l’armée ivoirienne s’opposant au
gouvernement qui souhaitait les démobiliser a très rapidement pris des allures de guerre
civile (Adebayo et Ebrima 2004 : 39).
Autre illustration qui vaut la peine d’être donnée car reflétant par analogie la complexité des
opérations DDR et de brassage des troupes en RDC, c’est celle du Congo-Brazzaville. En
effet, « de 1995 à 1997, le désarmement des miliciens, estimés à près de 10.000 devient l’un
des thèmes majeurs de la controverse politique au Congo. Le pacte de paix de décembre 1995
prévoit leur démantèlement et le recrutement des jeunes de 18 à 22 ans par la gendarmerie et
la police. Chaque parti politique doté d’une milice reçoit un quota de places : 2000 pour la
mouvance présidentielle et 1000 pour l’opposition. Mais la majorité des jeunes effectivement
intégrés proviennent de groupes liés à la mouvance présidentielle. En effet, le PCT refuse de
désarmer les Cobra estimant qu’aucune garantie de sécurité ne lui est offerte. Même si une
40
partie des Ninja est recrutée dans la gendarmerie ou la police, beaucoup parmi ceux qui ont
combattu ne le sont pas. (Bazenguissa-Ganga 1999 : 334).
Parce qu’il s’agit bien d’une approche prospective qui suggère de tenir compte des menaces
susceptibles de peser sur le processus de résolution des problèmes et d’empêcher la mise en
œuvre des stratégies adoptées, insistons sur le fait que « la réinsertion des soldats démobilisés
dont des enfants risque de poser problème à court terme. Le marché du travail ne leur offre
pas d’opportunité. Les familles ne sont pas souvent prêtes à reprendre des gens ayant commis
des violences graves y compris parfois contre des proches. Que deviendront les démobilisés
sans emploi et qui savent manier une arme ? Ne vont-ils verser dans le banditisme ? Ils
pourraient compter sur les frustrations de leurs camarades restés dans l’armée mais dont les
grades ne représentent rien à cause de leur bas niveau d’instruction » (Maindo 2006 : 17). Ces
préoccupations, si vitales, ont déjà trouvé leurs réponses dans la section précédente, celle
relative aux politiques nationales. Notons cependant le fait que, en raison de l’augmentation
d’âge de certains jeunes démobilisés au motif qu’ils étaient « enfants » et compte tenu de leur
obsession voire leur passion pour le maniement des armes doublée de nationalisme fanatique
pendant la guerre, une action particulière de recrutement de ces derniers devrait être menée
afin de limiter le risque d’une déviance irréversible. Car, nous semble-t-il, vaut mieux
récupérer les jeunes dans l’armée régulière si l’on estime qu’ils ont acquis l’âge normal pour
embrasser le métier des armes au profit de la nation que de se débarrasser d’eux sous le
prétexte d’une démobilisation susceptible de créer des nouveaux frustrés mobilisables à tout
moment au sein des groupes rebelles ou miliciens. N’oublions pas que, dans une large
mesure, des jeunes ont accepté d’être démobilisés pour accéder aux avantages financiers
proposés et au repos nécessaire à la restauration psychologique et physique. Plus tard, ils
devraient retourner dans l’armée, à défaut, rejoindre des groupes armés indépendants.
41
Outre cette première option axée sur la paix et la sécurité, il y a la deuxième relative à la
démocratie et la bonne gouvernance. En effet, sans la moindre intention de faire l’éloge de la
violence, il convient de rappeler, voire de souligner, que « la démocratie comme l’Etat
moderne lui-même sont nés dans la violence ; « l’imputabilité » devant les citoyens était le
résultat de révolutions politiques assez violentes, un fait que le discours particulièrement
dépolitisé sur la gouvernance, par exemple, refuse d’admettre » (Hutchful 2001 : 23). Toute
violence, qu’elle soit physique ou verbale, est un indicateur d’un malaise social, d’un
dysfonctionnement de la société mais elle traduit en même temps un besoin d’équilibre devant
être satisfait : cette violence correspond à une réponse à un déni de citoyenneté pour les
jeunes en Afrique.
Soulignant la nécessité de la démocratie et de la bonne gouvernance pour l’exercice effectif
de la citoyenneté par les jeunes dans l’avenir, Maindo (2004 :418) évoque, pour le cas de la
RDC, le témoignage d’un « kadogo » (terme swahili désignant enfant soldat) qui se retrouve
dans l’armée faute d’autre choix :
« Je ne voudrais pas que mon frère ou mon enfant serve sous le drapeau au Congo considérant
toutes les souffrances que moi-même je connais. Je l’accepterais peut-être si les choses
changent. Mais dans l’état actuel, il vaut mieux ne pas le souhaiter. Il ne faudrait que nous
gâchions tous nos vies, je dois mettre en garde mes proches pour qu’ils ne foutent pas leur vie
en l’air comme moi dans l’armée. Je désire ardemment reprendre les études que j’ai
interrompues pour rejoindre les combattants. Je regrette beaucoup, et je risque de le regretter
tout le reste de ma vie, d’avoir quitté l’école pour l’armée. Si je pouvais trouver autre chose,
je partirai aussitôt d’ici ». L’auteur insiste en disant que ce témoignage montre le malaise de
toute une génération d’enfants sans enfance, de jeunes sans jeunesse, mais surtout sans avenir
42
ni repère. Des enfants soldats désabusés et désorientés. Acculés à la survie. Ils ont le
sentiment d’avoir été trahis. Ils aimeraient quitter l’armée, mais pour faire quoi ? Dans un
pays où près de la moitié de la population est jeune, où la plupart des personnes en âge
d’activité sont au chômage et sans espoir de trouver un emploi salarié. Et ceux qui travaillent
n’ont pas de salaire décent lorsqu’ils en ont encore un.
En fin de compte, retenons qu’il y a nécessité de mettre fin aux conflits armés et de se mettre
au service des objectifs du millénaire pour le développement. A cet égard, l’on ne perdra pas
de vue le fait que les jeunes constituent l’un des principaux groupes d’acteurs et de
bénéficiaires de ce développement qu’il faut entretenir. Plus que jamais, il convient de réaliser
la conversion des énergies que renferment ces jeunes, énergies gaspillées et souvent
maladroitement utilisées, en véritables ressources au service du développement durable et
intégré des communautés africaines. Il s’agit d’exploiter au maximum, de rentabiliser, voire
de positiver les créativités des jeunes et de les orienter vers de nouvelles opportunités
créatrices de richesses en faveur des nations du monde.
Sans négliger les deux dernières options fondamentales de la Déclaration de Dar-es-Salaam
consacrée à la région des Grands Lacs, à savoir le « développement économique et
l’intégration régionale », et les « questions humanitaires et sociales », il me semble que les
deux premières sont susceptibles de déterminer la réalisation des autres. Sans la paix et la
sécurité ni la démocratie et la bonne gouvernance, on ne saurait prétendre au développement
et l’intégration régionale ni à la solution des questions humanitaires et sociales (voir UNICEF
2006 : 14).
43
Notre vision du développement des jeunes étant essentiellement basée sur la primauté du
politique sur l’économique, nous voudrions insister sur le rôle particulièrement actif que
doivent jouer les gouvernements et les acteurs de la société civile des Etats respectifs de
l’Afrique centrale, en général, dans la matérialisation de saines intentions exprimées à travers
cette Déclaration de Dar-es-Salaam. Celle-ci, rappelons-le, a été conçue dans le contexte de
conflits armés exacerbés par multiples facteurs. Il appartient donc, pour son application, à
chaque Etat, en collaboration avec ses partenaires de développement, internes et
internationaux, de trouver des scénarios qui lui paraissent les meilleurs pour sortir de la crise
et avancer vers le développement.
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