Rapport de projet Risque de Crédit, Risque de Défaut

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Rapport de projet Risque de Crédit, Risque de Défaut
Rapport de projet Risque de Crédit,
Risque de Défaut :
Étude de l’influence du taux de
recouvrement sur le prix de CDOs.
Auteurs : Hecht Frédéric, Porzier Rémi, Font Guillaume
Cours « Risque de Crédit, Risque de Défaut » à l’ENPC, année 2007/2008
Projet soutenu devant : Vivien Brunel, Société Générale Asset Management
2
Table des matières
Table des matières
2
Introduction
4
1 Description d’un CDO
1.1 Présentation du produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Le CDO standardisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.3 Aspect théorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
5
6
6
2 Modélisation
2.1 Modélisation du marché du risque de crédit . . . . . . . . . . . . . . .
2.1.1 Les modèles structurels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.1.2 Les modèles à intensité de défaut . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.1.3 Les copules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 La copule gaussienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3 Méthode de calcul de probabilités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.1 Le cas standard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.2 Méthode de Monte-Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3.3 Réduction de la variance : méthode des variables antithétiques
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3 Calcul du prix de CDOs
3.1 Calcul des différentes espérances, en vue de calculer le spread
3.1.1 CDO : espérance dans le cas standard . . . . . . . . .
3.1.2 CDO : variance dans le cas standard . . . . . . . . . .
3.2 Résultats numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2.1 Validité du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2.2 Tests des sensibilités . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Conclusion
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A Tableaux et Figures
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Bibliographie
23
3
4
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
Dans le cadre du cours « Risque de Crédit, Risque de Défaut » suivi à l’Ecole Nationale des Ponts
et Chaussées au cours de l’année 2007/2008, nous avons réalisé un projet, intitulé « Etude de
l’influence du taux de recouvrement sur le prix d’un CDO », dont voici le rapport.
Les CDOs (Collateralized Debt Obligations) sont des produits dérivés de crédit, permettant de
diminuer le prix de la protection du risque de crédit pour la banque, et pour l’entreprise qui y
a recours. En fait, plutôt que de passer par le marché des CDS (Credit Default Swap) pour se
couvrir des risques de défauts, la banque va regrouper les entreprises ayant recours à un prêt,
ce qui permet de diminuer le risque et d’abaisser le coût de la protection du risque de crédit.
Cela permet aussi de ”maı̂triser” le risque de contagion de défauts par la corrélation entre les
entreprises (la corrélation se déduit de la valeur du CDO sur le marché).
Dans le cadre de ce projet, nous avons développé un pricer qui va nous permettre de faire une
étude de sensibilité de prix pour chaque tranche de CDO. Ce pricer a été développé en VB. Net,
et mis sous la forme d’une dll appelée par une spreadsheet qui permet de conserver les facilités
d’utilisation d’Excel tout en bénéficiant de la performance du langage VB. Net.
Le fair spread d’une tranche de CDO, est calculé à partir de la jambe de paiement et de la jambe
de défaut, lesquelles sont calculées à partir des probabilités de défaut des entreprises à chaque
échéance de paiement. La clé du pricer sera donc de calculer ces probabilités par une méthode de
Monte Carlo, chaque itération étant simulée grâce à une copule gaussienne.
L’utilisation faite de ce pricer dans le cadre de ce projet visera à analyser la variation du prix
du CDO en fonction du taux de recouvrement, mais aussi de la corrélation et du nombre d’entreprises. Nous tenterons de croiser les résultats obtenus avec notre compréhension intuitive du
produit.
Le projet s’est déroulé en plusieurs étapes :
1. Recherche bibliographique et lecture de différents articles, notamment [HW04], afin de bien
comprendre le cadre de l’évaluation du prix d’un CDO ;
2. Implémentation en VB.Net d’algorithmes permettant de calculer le prix de CDOs, avec une
méthode de Monte-Carlo mais en accord avec l’article [HW04] et ses résultats ;
3. Analyse des résultats.
Chapitre 1
Description d’un CDO
Dans ce chapitre, nous allons introduire le produit financier auquel nous allons nous intéresser
dans le cadre de ce projet : le CDO standardisé.
1.1
Présentation du produit
Le CDO permet à une partie, ”A” (une banque ou un organisme préteur), d’acheter une protection
contre les défauts pouvant survenir parmi un panier de m entreprises. Pour cela, ”A” paye de
manière régulière un coupon fixe ou prime à une troisième partie, ”C” (une autre banque, ou
un investisseur sur le marché). Le coupon est proportionnel à la date écoulée depuis le dernier
paiement, on l’appelle également spread. Le paiement du coupon cesse si un défaut survient, et
alors ”C” doit payer à ”A” le montant précisé par le contrat.
Si ”A” voulait se protéger des pertes de toutes les entreprises du panier, elle devrait alors émettre
m CDS, chacun sur une entreprise differente(ou un numéro de défaut). Mais ceci peut coûter cher,
et qui voudra acheter les nth to default CDS pour les premiers défauts, qui sont très risqués ?
L’idée d’un CDO repose sur le fait que la protection court sur une tranche de perte. Introduisons
le processus de pertes L(t), avec Nj le nominal de la j-ième entreprise, et Lj le taux de perte
(Lj = 1 − R) :
m
X
L(t) =
Nj Lj 1τj ≤t
(1.1)
j=1
et posons Lmax =
m
X
Nj Lj , le montant maximal de pertes.
j=1
Par exemple, si ”A” veut se protéger des pertes du panier contenues dans [5%, 15%], alors elle
achète un CDO sur la tranche [5%, 15%] à ”C”, le vendeur de protection, qui la couvre du risque
sur cette tranche. Ainsi, ”A” va effectuer un paiement régulier à ”C”, proportionnel au temps
écoulé depuis le dernier paiement et à la proportion de perte dans la tranche considérée ; en
échange ”C” s’engage à verser à ”A” un montant prédéterminé pour tout défaut dans la tranche.
Les paiements cessent quand la perte atteint la borne supérieure de la tranche.
En somme, les pertes affectent d’abord la première tranche (ou equity), puis la tranche suivante
(mezzanine 1 )... jusqu’à la dernière tranche, la tranche super senior.
Pour
–
–
–
la suite, nous noterons :
T ou TI la durée du contrat, ou sa maturité ;
Ti une échéance du contrat, avec Ti ∈ [0, TI ] ;
αi le temps écoulé entre Ti−1 et Ti ;
5
6
CHAPITRE 1. DESCRIPTION D’UN CDO
– Rt le taux de recouvrement, que ”B” donne à ”A” si le défaut a lieu, avec Rt ∈ [0, 1), que
l’on supposera déterministe dans certains cas ;
– D(0, Ti ) le taux d’actualisation zéro-coupon entre les temps 0 et Ti ;
– τj l’instant du défaut de la j-ième entreprise ;
– X le spread du CDO, ou taux équitable du CDO, ce que nous chercherons à calculer afin
d’évaluer le prix du CDO pour une tranche donnée (c’est ce qui est côté par le marché) ;
– Nj le nominal de la j-ième entreprise ;
– L la somme que ”C” verse à ”A” si le défaut a lieu avant T , soit L = (1 − R) × N = 1 − R.
1.2
Le CDO standardisé
Sur le marché, les choses sont un peu plus simples, et ce sont des CDOs standardisés qui apparaissent. Typiquement, les échéances sont trimestrielles (αi = 14 ) ; les durée T = 3, 5, 7 ou 10 ans ;
les paniers comptent un nombre fixé de noms (le panier de référence, l’I-Traxx Europe, compte
m = 125 noms) ; les pertes sont normalisées, les nominaux et taux de recouvrement identiques et
déterministes, donc la perte maximale est égale à 1 − R. Nous avons alors le processus de pertes
suivant :
m
1−RX
L(t) =
1τj ≤t
(1.2)
m
j=1
Pour l’I-Traxx Europe, nous avons les tranches suivantes : [0%, 3%] (tranche equity, la plus
risquée), [3%, 6%] , [6%, 9%], [9%, 12%] (tranches mezzanines), [12%, 22%] (tranche senior ) et enfin [22%, 100%] (tranche super senior, la moins risquée). Comme précisé dans la section précédente,
les pertes survenant à la suite de défauts dans le panier vont d’abord affecter la première tranche,
puis quand elles atteindront 3% elles affecteront la deuxième, etc.
1.3
Aspect théorique
Pour considérer les pertes dans une tranche donnée, par exemple la tranche [a, b] avec 0 ≤ a <
b ≤ 1, nous avons besoin de définir la fonction
∀x ∈ [0, 1],
Hab (x) = (x − a)+ − (x − b)+ , soit

si x ≤ a
 0
x − a si a ≤ x ≤ b
Hab (x) =

b − a si x ≥ b
(1.3)
(Voir la figure en annexe A.1) Nous pouvons maintenant écrire le flux de paiements de ”C” sur
le CDO standardisé de tranche [a, b] :
F
=
I
X
αi XD(0, Ti )[b − a −
i=1
m
X
−
j=1
Hab (L(Ti ))]
+
m
X
1τj ≤TI XD(0, τj )(τj − Tβ(τj )−1 )[Hab (L(τj )) − Hab (L(τj −))]
j=1
1τj ≤TI D(0, τj )[Hab (L(τj )) − Hab (L(τj −))]
(1.4)
1.3. ASPECT THÉORIQUE
7
et pour calculer le spread, de IE(F ) = 0 nous déduisons :


m
X
IE 
1τj ≤TI D(0, τj )[Hab (L(τj )) − Hab (L(τj −))]
X=
j=1


I
m
X
X
IE 
αi D(0, Ti )[b − a − Hab (L(Ti ))] +
1τj ≤TI D(0, τj )(τj − Tβ(τj )−1 )[Hab (L(τj )) − Hab (L(τj −))]
i=1
j=1
(1.5)
8
CHAPITRE 1. DESCRIPTION D’UN CDO
Chapitre 2
Modélisation
Maintenant que nous avons introduit le CDO, nous devons pouvoir évaluer son prix, dont la
formule théorique est donnée. Ceci nécessite principalement deux choses : le choix d’un modèle
de marché, puis le calcul des probabilités de défauts. C’est ce que nous verrons dans ce chapitre.
2.1
Modélisation du marché du risque de crédit
Commençons tout d’abord par modéliser le marché du risque de crédit. Il y a principalement
deux types de modèles qui existent : des modèles structurels, et des modèles à intensité de défaut.
En pratique, c’est le modèle à intensités de défaut que nous allons retenir (cf. [HW04]). Ensuite,
une fois ce modèle choisi, nous irons plus en avant dans la modélisation du risque de crédit, en
introduisant les copules et particulièrement la copule que nous utiliserons dans le cadre de ce
projet : la copule gaussienne.
2.1.1
Les modèles structurels
Les modèles structurels sont des modèles cherchant à expliquer l’événement de défaut à partir
de variables économiques. Historiquement, ce sont les premiers modèles qui ont été introduits,
notamment par Merton et Black-Cox dès le milieu des années 1970.
Le modèle de Merton considère la valeur de l’entreprise au cours du temps. Si elle demeure sous
un certain seuil à l’échéance, alors l’entreprise ne peut pas rembourser ses créances et on dit
qu’elle fait défaut. En somme, la valeur de l’entreprise peut être vue comme un call sur les actifs,
évaluée par la formule de Black-Scholes. Le problème est que de cette manière, le défaut ne peut
avoir lieu qu’à une seule date connue à l’avance, ce qui est très peu réaliste !
Pour pallier à ce manque, Black et Cox vont considérer le premier passage de la valeur de l’entreprise sous un certain seuil. Cela implique que la date de défaut n’est plus connue à l’avance :
nous gagnons en réalisme.
Cependant, nous ne rentrerons pas en détail, vous pouvez consulter [A06] pour de plus amples
renseignements. Ce sont les agences de rating qui utilisent surtout des modèles structurels pour
décrire la structure des entreprises, en s’appuyant sur leurs comptes. Cela permet de leur mettre
une note, ce qui va être côté sur le marché. Les traders également utilisent des models structurels
le plus souvent.
Mais le modèle que nous choisirons n’est pas un modèle structurel, mais un modèle à intensité de
défaut : c’est le modèle communément adopté sur le marché aujourd’hui.
9
10
CHAPITRE 2. MODÉLISATION
2.1.2
Les modèles à intensité de défaut
Les modèles à intensité de défaut sont les modèles actuellement les plus utilisés dans la littérature
et sur le marché. Tous les détails théoriques sur les espaces dans lesquels on se place se trouvent
dans [A06], ce n’est pas le but de notre rapport de rentrer dans le détail ou de recopier une partie
de document.
Cependant, pour préciser rapidement le cadre, nous nous plaçons dans un espace de probabilité qui décrit les aléas du marché. Nous prenons ensuite une filtration contenant l’ensemble des
informations de tous les actifs ”sans risque de défaut”. Nous prenons également une filtration
engendrée par min (τ, t), avec τ un temps de défaut pour une entreprise. Alors, nous prenons
t≥0
comme filtration la filtration engendrée par les deux filtrations précédentes, puis nous pouvons
calculer les différentes probabilités et espérances souhaitées1 .
Considérons maintenant notre définition principale, celle du modèle à intensité de défaut : on
dit que τ suit un modèle à intensité de défaut Rsi il existe λt tel que la probabilité de défaut de
t
l’entreprise avant t vaut IP(τ ≤ t) = 1 − exp(− 0 λu du).
On a habituellement λt donné par le marché des CDS, et on l’appelle l’intensité de défaut. C’est
une des clés de voûte de notre modèle !
2.1.3
Les copules
Les copules sont un des outils les plus importants pour modéliser les dépendances entre les entreprises. En effet, dans un panier de 125 entreprises comme l’I-Traxx Europe, avoir l’intensité
de défaut de chaque entreprise ne suffit pas. Il faut savoir également s’il existe une corrélation
entre les différentes entreprises. La corrélation se comprend de la manière suivante. Dans le cas
extrême où la corrélation entre les entreprises est nulle, elles agissent chacunes indépendemment
les unes des autres : le défaut d’une entreprise ne pourra avoir d’influence sur le défaut d’une
autre entreprise. Plus la corrélation augmente, et plus le défaut d’une ou plusieurs entreprises
pourra en déclencher d’autres. Le cas extrême est celui où la corrélation est égale à 1 : si une
entreprise fait défaut, alors toutes les autres font également défaut. En pratique, nous éviterons
les deux cas extrêmes qui ne traduisent pas la réalité du marché.
On a une équivalence entre la loi jointe (de toutes les dates de défauts des entreprises) et leurs lois
marginales adjointes aux copules. C’est pour cela que le principe de copule est très intéressant :
il est très souvent plus compliqué de connaı̂tre la loi jointe que de connaı̂tre les lois marginales et
les copules.
Pour une définition mathématique détaillée des copules, vous pouvez vous référer à [A06].
2.2
La copule gaussienne
Après avoir vu la nécessité des copules pour représenter fidèlement le risque de crédit, nous
pouvons maintenant nous pencher la famille de copule que nous avons retenu pour notre projet :
la copule gaussienne (à un facteur). Pour la suite, considérons :
– m le nombre d’entreprises du panier ;
1
En effet, les espérances calculées dans le premier chapitre le sont par abus de language, il faut les calculer
d’après la filtration que l’on vient de définir.
2.3. MÉTHODE DE CALCUL DE PROBABILITÉS
11
– τj l’instant de défaut de la j-ième entreprise ;
– Qj (t) la fonction de répartition risque neutre que la j-ième entreprise fasse défaut avant la
date t, soit Qj (t) = IP(τj ≤ t) ;
– Sj (t) la fonction de répartition risque neutre que la j-ième entreprise fasse défaut après la
date t, soit Sj (t) = IP(τj > t).
La copule gaussienne à un facteur est la plus facile à utiliser en pratique, et c’est pour cette raison
celle communément adoptée par le marché. Pour générer cette copule pour les τj , on définit les
variables aléatoires Xj
(1 ≤ j ≤ m) :
q
Xj = aj M + 1 − a2j Zj
(2.1)
avec les variables aléatoires M ∼ N (0, 1) et Zj ∼ N (0, 1) qui sont iid, et −1 ≤ aj ≤ 1. On a
immédiatement la corrélation entre Xi et Xj qui est ai aj . Par la suite, nous considérerons que la
√
corrélation est une constante fixée à la valeur cor, et que aj = cor.
Notons H la fonction de répartition des Xj , on a facilement Xj ∼ N (0, 1), donc H est la fonction
de répartition gaussienne.. Les temps de défauts sont modélisés par les Xj . On a définit les
variables aléatoires des temps de défauts τj dont les lois marginales vérifient IP(τj ≤ t) = Qj (t).
Alors, on obtient les temps de défaut par la transformation suivante : τj = Q−1
j [H(Xj )] =
1
− λ ln (H(Xj )), dans le cas où λ est une constante.
Nous allons ensuite nous servir des τj pour calculer le prix du CDO, par une méthode de MonteCarlo.
2.3
Méthode de calcul de probabilités
Maintenant que nous avons détaillé la méthode d’obtention des copules et des τj , nous pouvons
avancer d’une étape supplémentaire pour le calcul du prix du CDO. Nous allons devoir, avant de
pouvoir calculer ce prix, calculer la distribution de probabilité du nombre de défauts ou celle de
la perte totale.
2.3.1
Le cas standard
Avant d’introduire la méthode, voilà une définition du cas standard. Nous avons les propriétés
suivantes :
– Les taux de recouvrement sont déterministes et constants au cours du temps ;
– Les nominaux sont identiques pour toutes les entreprises du panier, et ils sont normalisés
(leur somme est égale à 1) ;
– Les intensités de défaut sont déterministes et égales.
2.3.2
Méthode de Monte-Carlo
Cette méthode permet de calculer une estimation de la distribution de probabilité du nombre de
défauts, ceci à chaque instant de versement de coupon ti ∈ [0, T ]. Ces distributions seront notées,
pour tous ti ∈ [0, T ] et pour tous k ∈ [0, m] : Πti (k).
La méthodologie est la suivante :
– Pour chaque simulation de Monte-Carlo n ∈ [1, N ] : on génére les τj , puis on les teste par
rapport à T . Si τj ≤ 5, alors l’entreprise j a fait défaut avant maturité et on détermine
ti ∈ [0, T ] tel que τj ∈ [ti−1 , ti ]2 . Une fois qu’on a fait le test pour toutes les entreprises,
on dispose d’un vecteur qui nous donne le nombre de défauts pour chaque intervalle de
2
On utilise le fait que τj = − λ1 ln (H(Xj ))
12
CHAPITRE 2. MODÉLISATION
temps [ti−1 , ti ]. On peut donc déterminer pour une simulation n donnée le vecteur des
Πnti (k) = 1Ik def auts a ti .
– Après toutes les simulations, en sommant les Πnti (k) on dispose d’un vecteur Πti (k) en
divisant le nombre de cas par le nombre de simulations de Monte-Carlo N .
– On calcule ensuite le spread équitable avec la méthode explicitée dans la prochaine partie.
– On calcule la variance sur le spread du CDO avec la méthode explicitée dans la prochaine
partie.
Les points forts de cette méthode sont :
– elle est simple à implémenter ;
– elle est rapide ;
– elle nécessite peu de paramètres et de calibrage ;
Les points faibles sont :
– elle ne fonctionne pas si les nominaux sont différents ;
– on ne peut pas introduire de taux de recouvrement différents ou stochastiques.
En pratique, c’est cette méthode que nous utiliserons puisque nous nous plaçons dans le cadre
d’un CDO standardisé.
2.3.3
Réduction de la variance : méthode des variables antithétiques
Afin de réduire la variance et d’accélerer l’algorithme, nous utilisons la méthodes des variables
antithétiques, la méthode de réduction de variance la plus simple à utiliser en pratique.
Pour chaque simulation paire, nous générons les variables aléatoires gaussiennes iid (M, Z1 , Z2 , . . . , Zm )
qui vont servir à calculer les Xj
(1 ≤ j ≤ m).
Pour chaque simulation impaire, nous prenons les variables aléatoires gaussiennes iid (−M, −Z1 , −Z2 , . . . , −Zm
qui vont servir à calculer les Xj
(1 ≤ j ≤ m).
Ainsi, cela nous économise la moitié des générations de variables aléatoires, et permet de réduire
la variance d’un facteur 2 à nombre de simulations égales.
Chapitre 3
Calcul du prix de CDOs
3.1
Calcul des différentes espérances, en vue de calculer le spread
Maintenant que les probabilités de défauts et de pertes sont calculées, nous pouvons passer au
calcul des espérances décrites dans le premier chapitre !
3.1.1
CDO : espérance dans le cas standard
Dans cette première partie, nous allons aborder le calcul des espérances dans le cas standard,
grâce à la méthode de Monte-Carlo (calcul de la distribution de la probabilité du nombre de
défauts).
Le calcul revient au calcul de la distribution de la probabilité du nombre de défauts. La méthode
de calcul du spread est en partie celle proposée par [G04].
Considérons la tranche [a, b]. Pour tout ti ∈ [T1 , T ], il faut calculer l’espérance de la perte contenue
dans le panier considéré (expected loss, notée ELi ). On note Πti (j) la probabilité qu’il y ait j
défauts à ti , et Hab (j ×Nj (1−R)) la proportion des défauts dans la tranche [a, b] (voir la définition
de la fonction Hab avec la fonction (1.3)) :
ELi =
m
X
Πti (j)Hab (j × Nj (1 − R))
(3.1)
j=0
Ceci signifie que l’on somme pour tous les nombres de défauts, la probabilité que l’on ait ce
nombre de défaut multiplié par la proportion de défauts de la tranche (si on n’a pas assez de
défauts, alors ce terme est nul, puis quand le numéro de défaut entre dans la tranche considérée,
ce terme croı̂t,... voir la figure A.1 pour une meilleure compréhension).
A partir de cela, nous pouvons calculer l’espérance de la jambe des défauts (ou default leg notée
DL), qui est l’espérance des paiements de ”C” à ”A” suite à des défauts1 :


m
X
DL = IE 
1τj ≤TI D(0, τj )[Hab (L(τj )) − Hab (L(τj −))]
j=1
=
I
X
i=1
Ti + Ti−1
D 0,
2
1
(ELi − ELi−1 )
Nous supposons par la suite qu’un défaut a toujours lieu au milieu de la période [Ti , Ti−1 ] soit en
pour plus de simplicité !
13
(3.2)
Ti + Ti−1
,
2
14
CHAPITRE 3. CALCUL DU PRIX DE CDOS
Nous pouvons également calculer l’espérance de la jambe des paiements de ”A” à ”C” (ou payment
leg, notée PL), avec la partie régulière P et la partie des coupons courus CC :
"
#
I
X
P = IE X
αi D(0, Ti )[b − a − Hab (L(Ti ))]
i=1
= X
I
X
αi D(0, Ti )((b − a) − ELi )
(3.3)
i=1

CC = IE X
m
X

1τj ≤TI D(0, τj )(τj − Tβ(τj )−1 )[Hab (L(τj )) − Hab (L(τj −))]
j=1
= X
I
X
αi
i=1
Ti + Ti−1
(ELi − ELi−1 )
D 0,
2
2
P L = P + CC
(3.4)
(3.5)
De l’égalité DL = P L qui traduit le fait que le CDO est équitable, on obtient le spread X :
I
X
X=
D(0,
i=1
I
X
Ti + Ti−1
)(ELi − ELi−1 )
2
αi D(0, Ti )((b − a) − ELi ) +
i=1
I
X
αi
i=1
En pratique, on calcule d’abord les ELi puis DL,
maintenant nous avons abouti !
3.1.2
(3.6)
Ti + Ti−1
D(0,
)(ELi − ELi−1 )
2
2
P
CC
et
, et ensuite X = P DLCC . Voilà,
X
X
+
X
X
CDO : variance dans le cas standard
Une donnée importante dans les simulations de Monte-Carlo est le calcul de la variance, qui
permet ensuite de calculer un intervalle de confiance. Ce qui nous intéresse ici est le calcul de
la variance de X, le spread équitable du CDO. Or, cette variance n’est pas aisée à calculer : on
calcule la variance d’un quotient de variables aléatoires !
Appelons DL la jambe des défauts, P L la jambe des paiements, alors d’après [Muk] :
DL
IE(DL) 2 V ar(DL) V ar(P L) 2Covar(DL, P L)
V ar(X) = V ar
=
+
−
PL
IE(P L)
IE(P L)2
IE(P L)2
IE(P L)IE(DL)
Pour calculer la variance du spread équitable, nous devons donc calculer la variance de la jambe
de défauts, la variance de la jambe des paiements ainsi que la covariance des deux jambes. Pour
ceci, il nous faut donc garder en mémoire les résultats de toutes les simulations.
Introduisons la notation suivante, avec pour chaque simulation n l’indicateur Πnti (k), indicateur
du nombre de défauts à l’instant ti :
ELni
=
m
X
Πnti (j)Hab (j × Nj (1 − R))
(3.7)
j=0
De manière similaire à la partie précédente, notons pour chaque simulation de Monte-Carlo n :
I
X
Ti + Ti−1
DLn =
D 0,
ELni − ELni−1
2
i=1
3.2. RÉSULTATS NUMÉRIQUES
15
De même :
P Ln =
I
X
αi D(0, Ti )((b − a) −
ELni )
+
i=1
I
X
αi
i=1
Ti + Ti−1
(ELni − ELni−1 )
D 0,
2
2
Alors, en notant pour N grand :
IE(DL) =
IE(P L) =
N
1 X
DLn
N
1
N
n=1
N
X
P Ln
n=1
N
V ar(DL) =
V ar(P L) =
Covar(DL, P L) =
1 X
(DLn − IE(DL))2
N −1
1
N −1
1
N −1
n=1
N
X
n=1
N
X
(P Ln − IE(P L))2
(DLn − IE(DL)) (P Ln − IE(P L))
n=1
on peut calculer la variance de X. On peut noter que ceci est assez coûteux en temps de calcul, car
il faut calculer les jambes de défauts et de paiements pour toutes les simulations de Monte-Carlo.
Cette étape double le temps de calcul de l’algorithme de simulation.
3.2
3.2.1
Résultats numériques
Validité du modèle
Tout d’abord, nous avons testé la validité du modèle que nous avons implémenté en reproduisant une des simulations de [HW04], décrite dans A.2. Nous trouvons des résultats quasiment
identiques, ce qui valide notre modèle. Nous avons fait la simulation pour N=200.000, mais nous
avons une bonne convergence à partir de N=10.000.
Pour informations sur les résultats que donnent le modèle, avec la variance des différentes tranches,
l’écart type et l’intervalle de confiance du spread équitable, vous pouvez vous référer au tableau
A.1 qui contient un résultat dans le cas standard, avec 100 noms et des tailles p
tranches similaires
à l’indice Itraxx. Nous pouvons nous rendre compte empiriquement que X ' V ar(X).
3.2.2
Tests des sensibilités
Nous avons effectué de nombreux tests de sensibilités afin de mieux comprendre l’influence
des différents paramètres du modèle, avec comme paramètres de base : N=200.000, T=5 ans, 50
entreprises, spread des CDS=100bps, Corrélation de 30%, Recovery Rate de 40%, taux d’intérêt
r=5%, tranches Itraxx. Nous donnerons ci-après des résultats sur le spread, les p
résultats sur la
variance pouvant s’en déduire, car on peut remarquer empiriquement que X ' V ar(X) dans
le cas d’un CDO.
1. L’influence du nombre d’entreprises : cf tableau A.3 et graphique A.2. En faisant varier
le nombre d’entreprises de 10 à 100, on se rend compte que le prix de la tranche junior
augmente, mais que toutes les tranches supérieures diminuent. Ceci est du au fait que la
tranche junior a plus de chance d’être impactée par des défauts si le nombre d’entreprises est
16
CHAPITRE 3. CALCUL DU PRIX DE CDOS
plus important, alors que les tranches supérieures bénéficient d’une meilleure diversification,
donc d’un risque plus faible.
2. L’influence de la corrélation : cf tableau A.4 et graphique A.3. En faisant varier la corrélation
de 10% à 50%, on se rend compte que qu’une augmentation de la corrélation diminue le prix
des tranches basses, mais augmente celui des tranches hautes. Ceci est du au fait que les
défauts ont tendance à être plus indépendants avec une corrélation basse, donc la probabilité
qu’il y ait de nombreux défauts dans une simulation est beaucoup plus faible que lorsque
la corrélation est importante. De même, la probabilité qu’il y ait peu de défauts augmente,
ce qui renchérit la tranche basse.
3. L’influence du taux de recouvrement : cf tableau A.5 et graphique A.4. En faisant varier
la recovery de 0% à 50%, on se rend compte que l’augmentation du taux de recouvrement
augmente le prix des tranches basses, tout en faisant diminuer celui des tranches hautes.
L’augmentation du taux de recouvrement augmente le taux de défaut des entreprises, puisqu’on suppose que le spread du marché est constant. Cependant, l’augmentation du taux de
recouvrement diminue les pertes quand une entreprise fait défaut, ce qui va avoir tendance à
diminuer les pertes des tranches supérieures (50% de taux de recouvrement indique qu’on ne
peut pas perdre plus de 50% du portefeuille !). Donc sur ces deux influences (augmentation
du taux de défaut mais diminution des pertes en cas de défaut), c’est l’effet d’augmentation
du taux de défaut qui prédomine sur les tranches basses en faisant augmenter le spread,
alors que sur les tranches supérieures c’est l’effet de diminution du montant des pertes en
cas de défaut qui prédomine, en faisant diminuer le spread. A la limite pour un taux de
recouvrement proche de 100%, on aurait un effet de diminution des pertes prépondérant,
puisqu’on aurait un montant de pertes maximal faible, et uniquement la tranche junior
touchée, donc des pertes nulles pour les tranches senior.
Le taux de recouvrement est donc un paramètre de calibration du modèle important, au même
titre que la corrélation par exemple. Historiquement, le taux de recouvrement est corrélé négativement
avec le taux de défaut : dans une période où les défauts sont importants, le taux de recouvrement
a tendance à être faible, alors que dans les périodes où il y a peu de défauts, le taux de recouvrement a tendance à être plus élevé. Ceci va être implicitement utilisé par le marché comme
paramètre pour pricer le CDO. De même, le taux de recouvrement sera différent en fonction du
secteur auquel appartiennent les entreprises (plus élevé dans l’industrie que dans les services).
Ainsi, les pricers vont utiliser cette diversité pour calculer le prix.
3.2. RÉSULTATS NUMÉRIQUES
17
Conclusion
Nous avons donc remarqué l’importance des CDOs, produits dérivés de crédit très courants, qui
sont sous le feu de la rampe depuis cet été. Le taux de recouvrement est un paramètre clé du
modèle, qu’il faut anticiper en fonction des données du marché et de la situation économique
globale.
Ce projet nous a permi de mettre en pratique les outils de pricing de CDOs, ainsi que de se
confronter à des problématiques diverses. Il nous a donné la possibilité d’allier théorie, pratique,
algorithmie, implémentation : un projet complet !
18
CHAPITRE 3. CALCUL DU PRIX DE CDOS
Annexe A
Tableaux et Figures
Tranche/
[0%,3%]
[3%,6%]
[6%,9%]
[9%,12%]
[12%,22%]
[22%,100%]
Prix
2322.6
877.6
472.4
278.4
107.0
3.2
Variance
500
63.8
17.0
5.5
0.7
0.0
Ecart-Type
2235.5
798.8
412.1
234.5
80.7
0.9
Largeur demi-intervalle de confiance à 95%
9.80
3.50
1.81
1.03
0.35
0.00
Tab. A.1 – Résultat d’une simulation de Monte-Carlo, 100 noms, N=200.000, R=40%, r=5%,
corrélation = 30%, λ = 0.0166, T=5ans
Intensité
Corrélation
Tranche /
[0%, 3%]
[3%, 6%]
[6%, 10%]
[10%, 100%]
λ = 0.01
cor = 0.3
nous
1490.1
476.1
204.8
7.4
λ = 0.01
cor = 0.3
[HW04]
1487
472
203
7
λ = 0.01
cor = 0.1
nous
2275.3
455.9
90.7
0.7
λ = 0.01
cor = 0.1
[HW04]
2279
450
89
1
Tab. A.2 – Spreads CDO de [HW04], 100 noms, copule gaussienne, N=200.000 simulations
Tranche / Nombre entreprises
[0%, 3%]
[3%, 6%]
[6%, 9%]
[9%, 12%]
[12%, 22%]
[22%, 100%]
10
1005
1005
551
358
183
9.5
30
1836
878
512
310
130
5.4
50
2051
857
477
291
120
4.8
100
2212
860
471
283
116
4.4
Tab. A.3 – Influence du nombre d’entreprises pour le spread de CDO
19
20
ANNEXE A. TABLEAUX ET FIGURES
Tranche / Corrélation
[0%, 3%]
[3%, 6%]
[6%, 9%]
[9%, 12%]
[12%, 22%]
[22%, 100%]
10%
3236
1085
442
182
34
0.15
30%
2051
857
477
291
120
4.8
50%
1350
681
448
320
180
16
Tab. A.4 – Influence de la corrélation pour le spread de CDO
Tranche / Corrélation
[0%, 3%]
[3%, 6%]
[6%, 9%]
[9%, 12%]
[12%, 22%]
[22%, 100%]
0%
1754
858
469
315
141
8.4
10%
1844
851
490
299
138
7.2
20%
1955
851
439
302
131
6.3
30%
2051
857
477
291
120
4.8
40%
2150
901
477
288
111
3.5
50%
2314
905
479
274
98
2.2
Tab. A.5 – Influence du taux de recouvrement pour le spread de CDO
y
11
9
7
5
3
1
x
-1
0
4
8
12
16
20
24
28
32
36
Fig. A.1 – Exemple de fonction Hab (x), pour a = 10 et b = 20.
40
21
Fig. A.2 – Influence du nombre de loans sur le spread des différentes tranches..
Fig. A.3 – Influence de la corrélation sur le spread des différentes tranches..
22
ANNEXE A. TABLEAUX ET FIGURES
Fig. A.4 – Influence du taux de recouvrement sur le spread des différentes tranches..
Bibliographie
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Aurélien Alfonsi : Introdution au risque de crédit. Chapitre 1 de sa thèse, 2006 ;
[BGL05] X. Burtschell, J. Gregory & J.-P. Laurent : A comparative analysis of CDO pricing
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la stabilité financière — N°6 — pp47-67, Juin 2005 ;
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Monte Carlo simulation. Journal of Derivatives, September 2004 ;
[HW06] John Hull & Alan White : Valuing Credit derivatives using an implied copula appoach.
Working paper, May 2006 ;
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2006
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http ://math.nyu.edu/%7Eatm262/spring06/ircm/cdo/index.html, CDO
in Gaussian Copula
23
NYU,
Pricing