Jo le retour 03 - Chorale Point d`Orgue

Transcription

Jo le retour 03 - Chorale Point d`Orgue
Jo retourne sa veste
Figure-toi qu’j’avais reçu un mot d’billet anonyme qui m’filait rancard.
« Sois seul et sans armes » qui disait.
C’était signé : « Quelqu’un qui t’veux du bien. »
C’était quoi c’t’embrouille ? Un coup fourré ?…un tuyau à partager ?…Sûr qu’un zig voulait m’causer entre
quat’z’yeux. Il savait où m’trouver et m’ lâcherait plus.
Y’avait qu’deux sorties possibles à c’jeu- là. Ou bien Jo disparaissait discrètement d’la circulation. Ou bien il
s’pointait à ….j’te dirai pas où ….seulement qu’ c’était à Wambrechies, rive droite.
J’en avais assez d’ jouer les fils de l’air. J’ai décidé d’y aller franco.
J’étais sur place vers les dix plombes du mat. La lourde était entr’ouverte, j’l’ai poussée.
Un mastard m’attendait. « Roger !…. mince alors. »
« T’es pas suivi ? » qu’i m’jette aimablement. Il commence à me palper, des fois que je serais v’nu avec des
provisions plein les poches (c’est pas l’genre à faire confiance, Roger).
Dans l’entrée, y’avait une demi-douzaine de calibres accrochés au mur.
L’était plutôt dissuasive l’artillerie.
J’peux t’dire qu’j’étais pas fier, çà sentait l’guet-apens à plein pif. Sans flingue, je m’sentais tout nu.
« Enfile çà, l’boss rigole pas avec l’hygiène. » Et il m’balance une paire de patins ( de ceux qu’on s’met aux
tatanes, va pas croire aut’ chose).
La dessus, i m’rajuste la gampette et m’colle un bandeau sur les mirettes.
« Laisser-faire, c’est pour ton bien .Comme çà t’es présentab’ .T’es attendu là-haut. »
Et il m’ pousse devant lui. Je m’casse l’portrait par deux fois dans un escalier plutôt raide.
« On y est. J’te conseille d’ pas faire l’mariole si tu tiens à ta peau » qui m’dit en sourdine dans mon dos. Il
m’enlève le bandeau et s’taille illico.
J’étais dans une carrée assez sombre. A gauche on d’vinait un pieut, à droite quelque chose qui r’semblait à un
piano. Au fond, on distinguait vaguement un clampin qui tournait l’ dos, debout, immobile. L’atmosphère était
plutôt pesante. J’avais plus un poil de sec.
D’un coup, on a donné la lumière. L’ clampin s’est r’tourné. J’ l’ai reconnu tout de suite.
J’ai bafouillé : « Merde ! …le chef. »
Marie-Annick était là, debout devant moi, une partoche à la main.
« Salut, Jo » qu’elle m’ dit en s’approchant. « T’as peur de rien, pas vrai ? Et bin maintenant on va voir si
t’as des dispositions ».
J’ai un mouvement d’recule vers la sortie .Trop tard, déjà elle m’a alpagué et m’ fait l’apposition des mains.
Sa main gauche sur mon bide, elle m’dit : « Sors ton ventre, bouge le diaphragme et répète après moi : tchit,
tchit, tchit, pfut, pfut, pfut … ».
Par : Lacrem
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Pendant deux minutes on a joué à l’omnibus.
« C’est pas mal …. » qu’elle dit, « mais faut mettre plus d’conviction. »
« Maintenant, on va voir si t’as d’ l’oreille……la, la, la, la !…..Mais t’es doué, mec ! T’as l’oreille universelle,
c’est pas donné à tout l’monde.»
C’est à c’moment là qu’çà s’est gâté. Sa voix s’est faite menaçante.
« Gaffe Jo ! T’as la capacité et l’profil mais, question moralité, c’est pas ça. Si tu veux intégrer l’équipe, faut
qu’tu t’achètes une conduite. C’est ta dernière chance, sinon …..»
Là, j’ai vu rouge. De quoi ?…des menaces ?….d’la morale ?… mais elle m’ cherche ?….va m’trouver !
J’allais m’rebiffer quand une petite voix est v’nue m’ susurrer dans l’esgourde : « Jo, tu joues ta peau. Si tu
marches pas, Roger est capable de t’butter .T’as pas l’choix. Gâche pas, t’as encore un bel avenir ». J’suis
passé au plan B rapidos (c’est pas pour rien qu’on m’appelle l’anguille). C’est c’qui m’a sauvé.
«
Tout c’que tu veux, patron ! » qu’ j’y ai répondu, du tac au tac.
Dans ma tête ça moulinait dur. Je m’disais qu’ c’était l’occasion de m’ranger des vélos….de laisser tomber la
bande à velpo…que j’pouvais r’lancer ma carrière, etc., etc. ….
Là-dessus, elle s’approche de moi, apaisée, l’œil humide. Elle me bise le front et m’ dit :
« C’est bien, va mon fils, on fera quelque chose de toi. »
J’y ai fait à genoux la flexion et, après l’baise-main, je m’suis r’tiré à r’culon.
En m’guidant vers la sortie, Roger m’a grogné : « J’pensais pas t’revoir vivant, ciao ! » J’ai pris çà pour
d’l’humour. L’avait pourtant un drôle de r’gard, le sbire. Je m’suis taillé dare-dare sans me r’tourner.
C’est comme çà qu’j’ai été embauché porte-flingue chez les basses. Fallait un garde du corps au Président.
Me v’là peinard : pas bousculé (faudrait pas), une prime à Ste Cécile et la r’traite à soixante berges.
Qu’est-ce tu veux d’mieux ?
Bon, y’a quand même un truc qui m’défrise : la répèt’ du mercredi soir.
Faut bosser ! Et çà, j’avais oublié c’que çà voulait dire.
Lacrem
Par : Lacrem
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