Montreuil
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CACTUS CALAMITE Montreuil Ce soir où les grillons chantaient depuis les prés qui longent le Natisone les acacias ondulaient et embaumaient l’air ce jour là je t’ai vu sur le char de foin et tu chantais si bien… Chant frioulan (nord-est de l’Italie) J’entre dans le labyrinthe de mes ronronnements. Ici, les échos survivent. Sous la brume, des éclosions minuscules, des signes de croix paradoxaux digèrent l’obscur. J’observe les tentacules de mon esprit fondre comme des points d’interrogations. Ici, des capes lumineuses comme le tâtonnement des anges, des mangroves laineuses, des lucarnes gracieuses, des flambeaux impertinents, Ici, des soleils insolubles. Vincent Comte Courons à travers nos paysages évaporés. Fuyons vers nous afin de nous quitter. L’appel est une menace que la parole attise. Mais le silence est inconcevable. A lors le cri. Le cri devant parvenir d’ailleurs. Benjamin Colin Montreuil Paradis vert Repaire de pirates autogérés A loyer modéré Bastide d’écologie et de connectivité Autonomie sous ADSL Tu m’as tenue d’un battement de cil au bout d’un rêve Pointe des pieds sur le fil de l’équilibre Montreuil Faux pas perdu à l’est de la nouveauté Dans ton écrin banlieusard tu prépares des mystères Nouveau Robinson à la Conquête du Pain, ton miel abreuve la capitale sans ailes Quand Belleville s’éteint, tu danses encore De loin Quand la nuit s’éteint je danse encore Au son d’un coeur imaginé Marie-Emilie Alaphilippe De Montreuil à Wagram Un mafé, un café Un euro cinquante Au-dessus le même soleil chante Du Mali au Brésil Du Vietnam à la France la même lumière Cent mille ans un mois et huit minutes Pour finir par foncir un peu mes bras De terrasses en terrasses, Des montagnes à la rue Des rizières aux trottoirs Le voyage partout, tout le temps Emir Naturel Une place baignée de soleil et de Platanes Tout entourée de cubes sinistres et bien lustrés Métro communiste années folles Un homme ivre mort regarde le ciel Béat Les yeux immenses Avec son pack de bière pour oreiller Des enfants dansent devant lui Glace à la main Les parfums fondent L’après-midi est molle Grand Bar Block ! De bloc béton roulé ! Voilà un centre d’orientation Tout envahi de lierre La végétation Folle Surgit partout d’un béton qui craquèle Tel un œuf trop mur Dont on ne sait ce qui va naître Assises dans les broussailles Des jeunes filles mâchent du chewing-gum Et s’échangent des vidéos Sur leur téléphone portable flambant neuf Défense d’afficher Fast-food rutilant Plein de déco plastique et pizza carton Couleur alimentaire à gerber Agence 2000 Citroën Premier feu à droite Premier feu à gauche Entrepôt de brique à l’abandon Tag éparpillé dans les buissons Et même saumon fumé De Fabrication artisanale Zèbre à damier Bidonville de Gitan Terrain vague jonché de métaux Canapé explosé Verre brisé Étrange villa bleue Au beau milieu des misères Où de grands rosiers rouges Dominent le jardin Tandis qu’au fin fond de l’horizon Fleurissent les champignons atomiques Nuée d’orage et toute leur clique Squat d’immigrants aux fenêtres éclatées Où l’on parle toutes les langues de l’Afrique Au pied de l’immeuble Trois jeunes jouent au basket Avec pour panier une poubelle sans sac Tandis qu’entre les immondices S’épanouissent des coquelicots Plus loin, une fille jette des affaires par la fenêtre Qui s’éparpillent et tournoient dans la rue Sa copine en rigole et gueule : « Espèce de salope ! » Hobo Graffé violet A la paroi du bistrot Les affiches électorales N’aspirent pas l’Europe Ni les âmes perdues du périphérique Rebuts bancals des cités Perdues J’allai quémander ma route A des automobilistes togolais « On va à Croix de Chavaux Monte ! » Croix de Chavaux Centre commercial Bourse du travail Et des affiches braillent Pas de fachos dans nos quartiers ! Je lis un panneau qui dit Pourquoi Croix de Chavaux S’appelle Croix de Chavaux Un rasta avec des cerceaux plein les bras Sa fille dans la main S’arrête net et me dit « Mais c’est vrai ça, pourquoi Croix de Chavaux ? » Parce que croisée des chevaux Ce qui laisse aux historiens suggérer Un vieux relais d’attelage Je remarque par ailleurs Qu’un magnétoscope gît Eclaté sur des galets Et c’est en allant vers le Bas Montreuil Que surgit soudain un grand marché Déployé sous des néons de galère C’est un grand délire de plastique Qui vole au vent De camions que l’on emplit D’hommes qui s’agitent Diable au poing Déplaçant des colonnades de cageots Marchant plus loin encore Vers Paris Vers Robespierre C’est encore des pharmacies Des musiques orientales Des bars-restaurants glauques Du Rap s’échappant de voitures interlopes Relent de poisson qui pourrit Je me souviens ! Tanger ! Epicerie de drogue et du monde entier Squelette d’usine dans un terrain vague Pourtourlouré de tag Structures rouillées de fer Cheminée noir de brique Et divinités accrochées dans l’acier A l’entrée d’un taudis On a gravé « Tu ne me dis jamais rien » Ivan Sariat Montreuil, le 30 Mai 2014 Parce qu’à Berlin il y a des chats sauvages et des voitures en rut Parce que nos veines font l’inventaire de longs couloirs De longs couloirs intestins Villes dans nos ventres Villes dans nos jambes Et nous y mènent à nous y perdre Parce qu’ici dorment les longs dinosaures comestibles Dont les squelettes inventent nos maisons Dont les squelettes capturent nos voix Dont les squelettes imitent nos mains et nos caresses Que dans chaque rêve avorté et depuis chaque toit mou De nos tours Individuelles Il y a la plainte liquide des lendemains qui chantent Et le feu qui défait Et la fonte des langues Et les gorges nouées à leur destin Parce que les zoos ont quitté leurs géographies exotiques et sérigraphient nos peaux de plaies toutes couleurs Parce qu’il y a les saisons et l’invention de l’enfer Le remous des dents dans leurs cases et les lettres tabassées sur le papier La nuit du cil et celle de la paupière Parce que les chats castrés chantent une lune jaune et les rires pendus Que chacun se prend pour tous et que l’on oublie son voisin jusqu’à s’oublier soi Les parois de nos corps restent à définir Les parois de nos corps restent à définir Nos limites nous ont conquis Les restes de nos corps sont à nos parois. Pauvre petit bonhomme petite bonne femme petit rien soi petit ver Pauvre petit ver pauvre petit ver de terre La ville t’avale. Benjamin Colin C’est par l’âge du christ que ça a fini par commencer vraiment. Par acharnement d’ego pleutre. D’ego comme le chat mouillé. Une queue molle aussi qui essaie dur de bander. Pareil. C’est par l’âge du christ que ça a fini enfin tout de même à arriver enfin tout de même pour vivre. Vivre et cracher toute éducation reçue de fillette trop sage à lunettes et cracher la sainte vierge immaculée conception dans la tête si jolie si douce si pure le bébé dans ses bras. Et cracher tout le sperme qu’on t’apprend à cracher ou pas cracher à sucer à lécher tout ça pour vivre. Mais le diable veille et apprend à serrer les cuisses jusqu’à jouir sous le drap cachée lumière éteinte. Dieu est de mèche avec les chefs d’état. Ils sont de mèche à nous éteindre de leur amour sans fond si désintéressés pour nous la masse à traire masse à braire. C’est donc à l’âge du christ par ironie de la vie si drôle que par juste retour des choses justes et bonnes ça a commencé pour vivre. Vivre vraiment comme c’est pas facile comme il faut se battre fier loin du cahier d’école où on t’apprend à t’asseoir des heures entières qui passent assises sans parler si possible et le dos tordu parce qu’on s’en fout de ton dos qui te porte. Alors seulement là à l’âge du christ j’ai commencé à vieillir dans le temps réel alors j’ai pris peur du temps pas assez qu’il reste pour vivre en totale liberté furieuse l’essence de mon être que je suis venue à ma naissance… Si pressée entre la vie et la mort d’arriver. Agnès Pinaqui Brume charnelle Il est écrit dans le rapport d’autopsie que Marc K s’est noyé. Selon les témoins présents au lac Saint Mandé ce jour de la fin août, il aurait couru sur la plage poussant d’intranscriptibles hurlements. Malgré les divergences et les exagérations diverses liées à ce genre d’évènement, les récits concordent sur un élément insolite : la voix qui sortait du corps gesticulant de Marc K n’avait rien d’humain. Bien sûr, cela peut se rattacher à la défaillance psychique de Marc K attestée depuis plusieurs mois par le CHI André Grégoire de Montreuil. Cela semble rejoindre aussi quelques échos des locataires de la petite résidence Arago au Clos-français. Si Marc était une personne discrète et taciturne, on entendait parfois de drôles de cris derrière la porte de l’appartement de Marc K. De nombreux voisins ont aussi noté les fuites d’eau récurrentes provenant de celui-ci. A part cela, il ne reste pas grand-chose de Marc K : un rapport laconique de police concluant à une noyade sans doute provoquée dans l’intention de se donner la mort, une photo des médaillés de natation au tournoi inter-lycéen de 1973 à la piscine de Bagnolet, où il pose sur la première place du podium et cette lettre que j’ai eu la chance de récupérer peu après son absurde disparition. Au milieu d’un tas incongru de paperasse et de relents de repas, ignorée par la police, cette feuille humide déchirée aux extrémités : Je les ai trouvées. Les nuits sans lune surtout elles sont là. Dans les vapeurs chaudes, éphémères. De l’eau. Des corps aussi. Elles semblent habiter dans l’impensable tourbière sur laquelle est bâtie notre ville. Autrefois ici, une immense cité de roseaux où les pétales fleurissaient des pensées qu’aucune âme humaine ne saura jamais attraper. Avant les collines, des escarpes aquatiques aux secrets terrifiants. Des espaces gorgés d’infini dans lesquels nos sens ne pourraient rebondir. Désormais des grenouilles replètes, transies d’une boue infâme qui se multiplie sous nos sols. Leurs ventricules s’assèchent. Leurs ventricules sont malades. Pour se nourrir elles doivent maintenant se repaître des chairs molles de nos idées. Ce sentiment d’oubli qui au réveil parfois nous étreint est la carcasse vide d’un nocturne festin. Nos pensées sont trop simples et ne sauraient leur assurer éternelle survie. Avant leur fin leurs lèvres nébuleuses auront englouti notre mémoire et nos faibles esprits. Elles sont là. Du vieux lavabo de ma salle de bain, je perçois une lourde buée s’élever qui bientôt suffoquera mes idées. Elles sont là. Dans le rapport d’autopsie, à la page 14 on trouve la mention d’une petite tache rouge en haut du front de Marc K… Anselme Chapoy-Favier Je suis invincible, invisible, et je traverse une muraille d’enfants congolais en blouses blanches tachées de sang, se tenant la main, mon corps se disloque à leur contact, au franchissement de leur corps, un passage d’une barrière de pleurs et de cris, un corail infini de frissons me parcourt le corps, j’ai l’ultime sensation de m’ouvrir à la beauté, je me disloque abandonné et courageux, invisible Pina Bausch avançant lentement, livide et angélique, dans la pièce Café Müller entre les chaises renversées du café, une Pina Bausch invincible et abandonnée, tremblotante et religieuse passant à travers l’infini désarroi des morts renversés de la seconde guerre mondiale, passant à travers les soupirs des barreaux, la beauté de l’osier brûlé et les dossiers invisibles. Infini de beauté, disloqué, absent, je traverse tremblant de frissons un mur de briques, celui d’un café, derrière : le jour, invisible, abandonné, invincible, se lève. Mathieu Gabard Quand ma confiance était pendue à la corde souple de la justice Et que dans toute la ville On morcelait les cœurs de mes lumières, Quand l’on fermait les yeux enfantins de mon amour Avec le bandeau noir de la loi Et que des temps troublés de mes yeux Jaillissait le sang Et que dans ma vie Il n’y avait rien, rien que le tic-tac de l’horloge J’ai compris : il faut, il faut, il faut Que j’aime à la folie Forough Farokhzad Montreuil. La pluie roule, fait jarcler se défausser l’avenue Joffre pour arroser, consacrer Jaurès et Saint-Just et tous les archanges de la révolution, martyrs de la République morts pour elle et par elle, symboles statufiés de ce qu’elle avait d’novatrice, ville où il ne s’évapore pas, l’espoir : mauvaise herbe il pousse, l’espoir Repousse En touffe Envers Et contre tout Tout pulse Le punk Balance La danse et… percutant pirates que compose le punk pogo bon enfant perdition de l’écoulement de la semaine qui tient la barre des balancements, que tissent les tons, tzigane ! Zèbre la nuit de tes éclats de cuivre et d’accordéon Détonne et tonne et swingue et fait vibrer le bar de tes hasards de son, de tes souffles de joie qui se murmurent, se transmettent de main en main, de hanche en hanche, claquements hachés claquent les peaux, claquent les paumes en trompes ! Pieds à la nuque, dos omoplates large parallèle : voile du navire de chair sous le vent prenant frémissante gonflée : respire, respire ! Jambe dansante rythmée, Bois à l’oubli - bière du Léthé Mais piétine obstiné L’espoir. Punk comme Prométhée, ça se tente en percus sonores contre les corbeaux noirs, les vautours des vapeurs volatiles des mémoires Sons saturés, les voix s’envolent vaï vaï vaï tzigane ! Ça peuple les passés, les présents pressent Un sens Un peu peut-être les espoirs, les airs, le soir Tape, claque, claque clarinette ! Klar klar klar ! Le soleil Perdure dans le bar, s’évaporent les soucis, s’essorent dans les sons les frémis et les incertitudes... Distille l’espoir en amitiés lancées franches, allez ! Et fauche les Joffre et fiche les bourgeois, vis ! Je... Je Je m’élève au matin Dans le soir de ces bars Les après-midi errantes Arc-en-ciel au dessus des HLM respirs, ces nadirs des blasés, renaissance possible / de tous les déçus et les désespérés et tous ceux qui « sous le noir nuage immobile peuvent croire que le jour ne se lèvera plus ». Le jour se lèvera je l’ai vu, face à moi, en plein, sans lunette, éreintées les lentilles, sur les buttes / arc-en-ciel Je médite, je me montre à moi-même, Je me monte à Montreuil, Montpellier, à Paris et tous les cils essorés, sous l’après-pluie d’après-midi le désespoir s’évapore ! ailleurs, révélation découverte nouveau souffle A nouveau du monde ô oui ô l’espérance garée en ce En ces lieux Abolie la méfiance (ne rime pas, elle Je vois sarcle, s’accroche trop la méfiance : médiations, La ville émotions ennemies) Je vois, tu vois, nous voyons, voyez ce Je reprends confiance, je verre Renais Sur cette table entre les affiches effiloAux sens chées de groupes à la dérive Renaissance de l’Urbs, publique je suis, Res publicae je clame ! Assez de réalisme, je maudis Voir ce verre sur ce zinc dans ce bar la défiance, la suspicion, le doute, j’invective le qui-vive, la non-ville, le repli : c’est plié, c’est trop Voir le verre à moitié vide C’est avoir soif beaucoup trop tôt rangé, assez ! Je m’effraie de ces blocs, anti-souffle, sortez aux Voir le verre à moitié vide C’est s’avouer déjà vaincu Penser la défaite, c’est l’invoquer... ô ! voir le verre à moitié vide ! Le verre certes sera vide mais C’est boire Le bonheur Vital verre de vérité Vaillance de toutes nos victoires possibles Evocation invocation du soleil incantatoire ! Vois la vie s’évapore le désespoir ô navire des villes ô illugerminations et vois et va, naissante, sur le chemin, suis les visions qui voguent vers les Balan-cements, les danses, les désirs des désirs dérisoires des désirs des midis et des désirs des soirs La barque collective ne doit pas – désir – être celle qui se braque et qui coule, par contre, pars donc ! Vois, pars sans apprêt vers le phare et Détourne les regards sur ce zinc dans ce bar De ce vide à moitié verre Il est plus que temps de le remplir Elio Possoz Pour la Vite et BienheuRetarDémosTennisManiPull maRinalDora Mariins-QuiproCoryFainéEmpourPréciPissenLiberThéoriqu’Manteau d’veLourdes séQuel gros bâTarataTapis bouCléon transPyrénéUn mal des Morel AbouAvec ou C’en est aC’est un ouTragicoMicroscoPic du miDis-moi quelque Chauds et conforTable à repaCésar et BruTu sauras plus Tartar’de sauMontre-moi tes Saint-Cyr ou l’ÉNatif du PoiTout me plait chez Toi qui n’entends Rien n’est impoCibler le proBlêmir d’impaScienc’s de l’artifiCiel d’un matin d’hiVerrons-nous le mois D’où tiens-tu cette inFaux cils et talons Ô rage, ô désesPoire cuite au siRotule et longsjuMotivez vos enVitrifiez vos parQuai de Loire au vingt-Sissi impéraTristement je m’en iRaie de tes fesses joYeux ébahis bouche Béluga ou dauphin Blanc cassé ou beig’ très Clair’ vient manger ce miDigressions et aparTétraèdre réguLiez ses mains avec ses Piédestal en plexiGlace au café cannelle et Rome ne s’est pas faite en un Journal de bord de la MéDu zèbre et de la peau d’ serPenthésilée soeur d’HippoLitanie du bruit des maChinon Bourgueil ou MadiRentabilisez les blancs Deux et deux font quatre et quatr’ font Huitres fraiches du bassin d’OléRondes carrées ou rectanguL’air marin me donn’ la chair de Poulidor en têt’ du peloTon parfum me hante et me pourSuite et fin lors du prochain numéRhododendrons lauriers roses et liL’amour rend éloquents ceux qu’il aNi moi ni toi n’avons trouvé l’isSur mon lit d’abricots je vers’ le PorTôt ou tard la natur’ reprendra ses Droit devant eux leur ombre barrait le passage Ça joue des cils de la poitrine et des hanches En Charente on porte des charentaises Taisez-vous et laissez-vous distraire ! Très raisonnable bienséance Encercle-moi guérillero ! Rotterdam au printemps Tant que tu voudras Drapé de soie Sois mon mâle ! Malsain Sincère Serré Régal Galbé Bestial Hal(e)tant Tendu Ducat Cafard Fardé Dévore Vortex Excès C’est bon Bonbon Bondé Délice Lissage À g(e)noux ! Nourrice Risqué Qu’ai-je ouï ? Jouissance Censé Sévère Verr(e) d’eau Docile Silo Lopette ! Pétri Rinaldo Dora Maar Texte de Sandra Abouav et Alexis Morel Extrait du spectacle Riz Complet de la Compagnie METAtarses ZEA (Zone d’Ecriture Autonome) LEXIQUE Marie-Emilie Alaphilippe, Paul Carenco et Vincent Comte Ephéméride 1. n.m. Réunion des fées des environs des lacs Méride qui a lieu à l’équinoxe de printemps autour de grands feux de joie et de petits verres d’alcool de myrtilles et de baies violettes qu’elles sirotent jusqu’à l’aube. 2. n.m. Papillon aux ailes irrésolument grandes, ne vivant qu’une seule journée durant laquelle il s’élève vers le soleil jusqu’à l’éclipse totale. 3. Maladie de la jeunesse selon laquelle l’homme en une seule journée prend toutes ses rides. 4. n.f. Ordonnance du monde selon laquelle les clics se cliquent et les entrelacs s’enlacent, les assauts assaillent et les suspens suspendent, les troubles troublent, les signaux éclaboussent, les passages dépassent, les écarts illuminent, les élans diffusent, les histoires vivent et les amours grandissent. 5. n.m. Souffle de l’ange sur la mer d’huile, et ronds dans l’eau qui s’en créent. Gratignac 1. adj. Terme vieilli du français du 17e siècle. Désigne le caractère de quelque chose ou de quelqu’un qui provoque une légère ivresse ou une surprise légèrement aigre douce et toujours joyeuse. Ex : « Ce Cyrano, comme il était gratignac cette nuit ! » 2. n.f. Ivresse des gratins d’aubergine cuit à point. 3. n.m. Cleptomane de moineau. 4. n.m. Lutin malicieux se faufilant dans les chambrettes des enfants de moins de 5 ans pour leur gratter les pieds la nuit, afin de récolter la poussière de leurs jours de jeux, et les préparer aux expériences prochaines. Par extension : nom donné à la confiture de poussières de pied. Héléobore 1. n.f. Elément aérien, molécule contenue dans l’air récemment découverte qui entre dans la composition des atmosphères festives et joyeuses ou simplement joyeuses. Utilisée par les alchimistes dans l’élaboration d’élixirs de jouvence. 2.n.f. Prothèse d’aile pour oiseau. 3. n.m. Soleil des profon- deurs océaniques. 4. n.f. Aile dorsale faite d’une seule pièce, permettant aux fées de stade avancé de descendre se poser en planeur dans les corolles de fleurs des marronniers. Peut aussi servir de hamac. Holotropique, n.f. 1. Ceinture artificielle holographique installée à l’équateur des planètes pour permettre aux pilotes de repérer plus facilement les zones d’atterrissage et les snacks. 2. Cinéma du futur qui permettra de se retrouver dans les tropiques à l’aide d’hologrammes. 3. Horloge pour morfale parce que tout le temps réglée sur midi. 4. adj. Apte à générer des univers parallèles et à y Presbytère entrer, et à y rester, et à y 1. n.f. Pierre généralevivre, et à y inviter des gens. ment de forme ovale et de couleurs pâles (jaune Libellule ou blanche la plupart du 1. n.m. Jeu à caractère temps), simple et rugueuse, indélébile et inéluctable qui douce et rare. Son imposise joue près des autoroutes tion sur les genoux ou les et des précipices en deux chevilles aide à soulager équipes, soi et soi-même, les douleurs articulaires. et qui consiste à recons- Ne pas confondre avec les truire toute son existence presbyciels qui aien suivant son intuition dent à soulager les poiet intention et à imaginer gnets et les épaules. les futures sois et styles 2. n.m. Insecte creusant des de vie qui en découlent. galeries pour tous les secrets 2. n.m. Clapotis de l’eau dû des hommes libres à la terre. à l’intensité de la contem- 3. n.m. Appareil servant à plation de l’observateur. extraire le jus sirupeux de 3. n.m. Jour de liberté pour la bitère, plante de haute la lune, jour où elle visite montagne dont les vertus l’univers. sont la duplication de soi et le développement du goût salé. Sur la façade aux briques d’orangeade les fenêtres se zyeutent se clignent des arcades mais sans se voir et s’abandonnent, stones sous leurs pierreux cils de jade. Le temps va depuis 1904. Et jamais Glycine n’a glissé dans la chèvre chambre des feuilles. Mais une tige verte, hier est née sur sa paupière. Alors on sait jamais. Anéïs Karouëne Entre les cerises, traverser les cases. Ecrire sur le défini, le point où le jour, se lève en quatre lettres, égarer des bouts de mots comme la nuit se perd dans le matin. Plancher encore assoupie, pencher la page pour retrouver la trace de l’encre qui s’arrime au sol mouillé sur cap de pluie, cap à l’est, tour- ner le dos au levant, le vent centre la phrase sans R ou respire la phase de la lune qui à l’est laisse son poids et pli, pile au milieu. A demi agile souffle sous les lumières de la ville de l’avis qui de la vis accroche le jour et rapproche les mots au-dessus de la mort. Plane le cimetière, aujourd’hui et demain. «Je viendrai pour de bon dormir dans.» Mais trop peu de sommeil, métro aux grilles fermées, s’en échappe la lueur des néons, naît la forme avec le bleu, une chute de lumière, une bosse, une bleu qui contourne le corps et suit le brin d’herbe, le brun clair des troncs, qui eux plongent sous sol, sous cils qui clignent et s’ils s’éparpillent c’est par là l’iris se noie de blanc et noix de pécan quand l’eau vole le coin de la feuille face il fait plus d’air, forcément, forcément, les lignes dans le ciel s’avancent. Ronfle et respiration forte au creux du lit. Tracent un mot qui revient, donc esquissent des flèches qui s’étendent (à l’aube) en nuages : pointillés gonflés d’ondes qui sautent une ligne, resserrent l’étang, s’allongent au ciel, écran qui défile derrière la grue ressent l’élan la voix s’enroue en silence et poste aux postes trie une flèche, serpent de direction qui sur ses pieds se faufile en absence de sang, la jambe tremble et finit par s’oublier. Che veux pas de résultat, juste rire de mes jambes qui flageolent. Ce jour déjà caresse les tombes, je suis prête à tomber en «3 RUINES, 4 fossoyeurs», souvenirs d’une chanson qui à pic construit le paysage. Ça suffit Une pause Au sortir du parc, l’Haut se teinte de rouge et s’allie au passage pour piéton : bonhomme rouge sur bandes blanches, plus de branches et le carrefour indique le rond point, s’accroche la courbe, le carré meurt les doigts gelés, pour cause d’écrire enfin la nuit ramasse précisément la rue qui descend et courant d’air, jette les poubelles déchets de rêves, tout se garde. Et donc finir par commencer à retrouver son corps, à reprendre contact avec les muscles au chaud d’un bar, bah BA bah pour s’élancer ces CES au lieu du verbe être c’est lent, c’est exactement sûr que l’erreur n’est qu’un hasard et que l’heure tourne : 06h33. Fanny pour la Cie EAU. ID. A. Un baiser aux enfants encore endormis Un café, une clope et c’est reparti Avec mon bleu, ma gamelle, mon paquet de gris Direction le chagrin, il faut gagner sa vie A l’usine, dans les mines mais aussi dans les blés Sur les chantiers, le long des quais, les voix ferrées Avec le coeur, la dignité, ils ont forgé la société On les appelait les ouvriers A six heures il fait froid, devant les ateliers Les camarades militants brandissent l’humanité Groupons-nous et demain, on va leur faire payer Nos quarante heures, la sécu et les congés payés Un baiser aux enfants encore endormis Direction Pôle-emploi, aujourd’hui c’est A l’usine, dans les mines mais aussi dans les blés la vie Sur les chantiers, le long des quais, les voix fer- Les usines sont fermées, les hauts-fourneaux sont arrêtés rées Avec le coeur, la dignité, ils ont forgé la société Toujours les mêmes pour trinquer, la chanson va continuer On les appelait les ouvriers A l’usine, dans les mines mais aussi Avec Madeleine on s’est croisé sous les lampions dans les blés un soir d’été Sur les chantiers, le long des quais, les L’année d’après on s’est marié du côté d’Auber- voix ferrées villiers Avec le coeur, la dignité, ils ont forgé la Dans un deux pièces on vit serrés mais les enfants société sont bien élevés On les appelait les ouvriers Je leur promets l’année prochaine, on aura la télé ! Lowell On casse des jouets et on leur fait du bien en même temps le principe c’est qu’on va essayer de détourner des jouets pour générer des sons qui sont complètement différents de ceux qu’y sortent à la base, c’est des jouets musicaux pour enfants, des p’tits chats qui font miaou, des chiens qui font ouaf Donc là ce qu’on fait c’est qu’on y va aléatoirement avec nos doigts, avec des fils, on essaie de faire des courts-circuits sur le circuit qui est dans le jouet et quand on fait ça on arrive à changer un ptit peu le son du jouet à la base et quand on trouve un truc intéressant on va essayer de souder des potards dessus, des boutons des interrupteurs et on va essayer de rendre le plus sale possible le son qui sort en le détournant complètement ça change tout, ça peut changer le pitch, donc la hauteur du son, ça peut le faire complètement buguer et y s’retrouve à sortir un son qu’était pas prévu à la base, on peut le bloquer sur une note, on peut vraiment le dézinguer de A à Z sans se prendre des court-jus ou quoique ce soit c’est assez safe Tout ça en changeant une résistance ou en mettant l’interrupteur là où c’est pas prévu De l’inattendu, c’est ça qu’est beau, des disfonctionnements beaux Le but final c’est de fabriquer un jouet gigantesque différent de ce qui était prévu à la base et d’en faire des concerts A côté de nous on a des saucisses sur lesquelles ils ont branché un fil et si tu les touches en tenant une masse dans ton autre main, ça génère un son, ça peut dire «saucisse» ou «fraise» ou «banane» ou «radis» Schematic Wizzard Pivoine. Tes pétales rouges sang attisent ma sensibilité Tu me surprends chaque jour à te voir grossir Ton cœur en écailles, de plus en plus rond, attire encore une fois mon nez dans tes secrets. Paeonia. Ta douce odeur envahit mon visage. Ton imposante carrure aux mille feuilles n’est que délicatesse. Je ne peux partir. Céline Bedel Le sens de la barbe Qu’elle soit drue, douce, crépue, facile à gratter, longue ou courte, bleue ou rousse, ronronnante, la barbe a toujours une signification quelque soit la ville, le pays, la région ou l’époque. Ici à Montreuil, la barbe est interprétée différemment entre le haut, le bas et le bas-bas (plutôt coté Vincennes). Cette extension de poils qui voyage entre les tons et les apparences peut montrer une appartenance à une religion, à un mouvement sectaire ou social et être interprétée à loisir en fonction de votre identité. Ce poil du menton grattant est très présent à Montreuil. Il est ici un moyen de communication. Ce n’est que mon interprétation. En arpentant cette ville, on s’aperçoit que l’on vous regarde différemment en fonction du lieu où l’on se trouve et que l’on vous propose des choses différentes en fonction des personnes que l’on croise. Sans barbe, est ce que l’on m’aurait proposé de rentrer dans une salle de prière rue Robespierre ? Est-ce qu’une dame d’un certain âge m’aurait gentiment écarté avec son parapluie si j’étais menton nu rue du Poit(o)u ? Est-ce que l’on m’aurait salué en arabe si j’étais imberbe rue Jules Guesde ? Est-ce que l’on m’aurait qualifié d’hipster mal léché si mon pelage n’était pas rue Emile Zola ? Est-ce que l’on réfléchit sur le sens de sa barbe (à papa) rue Bara ? La barbe du voyageur qui écrit ces lignes, n’est, sans prétention, rien de tout ça. Elle n’appartient à rien. Elle est seulement un moyen d’être couvert lorsqu’il pleut, elle se laisser toucher lorsque son propriétaire réfléchit et se fait tourbillonner lorsqu’il s’ennuie. Donc lorsque vous la croiserez, saluez-la, bichonnez-la, elle ne vous mangera pas et appréciera. Un voyageur barbu, Waël (touriste professionnel) Nom d’une pipe ma pipe est perdue Ce bout de bois, de buis des fois, fuit. Elle s’évade, pffft. Quand moi je suis perdu C’était mon point de chute Je tirais dessus disparaissais moi-même derrière le nuage que l’on formait tous les deux. J’avais ce repère mais c’est perdu Je suis perdu. Je suis là quand même pourtant Et je ne peux me cacher, me confondre tout au plus, tout est sens dessus-dessous et moi saoul, ivre de foule. Je me sens seul, et libre au fond. Simon Bertin Dans un lit qui flotte, le chat me regarde, près de moi, et ses yeux brillent d’un feu étrange tel deux perles vertes Et mouvant. Il me renifle, semble sourire, et me dit : retourne-toi sur tes souvenirs, trouve l’autre qui est en toi pour simplifier l’existence de ton être. Tu resteras labyrinthe et multiple mais tu seras serein. Ma pensée m’apparaît alors je cherche le feu, le crime primordial de ma vie non sereine, je navigue des spirales et des cercles des lignes et des boucles des parallèles des perpendiculaires comme dans un Miró Je me retrouve en marinière face à la femme, la Vie initiale, l’inconscient, et elle me renvoie en moimême dans une forêt insondable, un océan, en mission en quête de soi et de nouveauté fluide geste impensable et imperceptible. TADA ! Paul Carenco Les cercles se sont mis à entourer les montagnes On n’y pense plus Au-delà, rien, en dessous de tout ce que je pensais. Les cercles et les demi-cercles. L’herbe. Les ovales. Les carrés. Synoptique. Les arbres. Aucune complication, c’est sûr. Des traits droits. Les branches bougent devant mes yeux. Des lignes pures. Ma tête est pleine de leurs poids, de Qu’est-ce à dire ? leurs couleurs. Qu’est-ce qu’il y a à dire ? Les fleurs, que je fais danser sur ta Un soleil oblitéré de vert, et de rouge. bouche, chantent mon envie. Des lunettes de soleil noires. Les cercles acides, les lignes grasses, Le soleil est ébloui par sa propre lumière. au-dessus de tes doigts, Bain de soleil. gravissent peu à peu mon cœur. Le val est éclairé. Tu, toi. Le froid de ma main sur ton cou. Mes jambes alors encerclent tes pieds. J’y laisse une trace. Au-dessus, tout au-dessus, toi. J’aimerais laisser mon odeur sur ta peau. Comme un arbre qui pousse, tes racines J’aimerais que ton odeur se mêle à la mienne. sont profondes. J’aimerais m’en imprégner. La neige fond, coule goutte à goutte, des arbres. J’entends, j’écoute, j’attends cette ouverture qui ne vient pas. Je te vois dépassant le sol, te prenant à mon cœur, y tissant tes branches. Je te vois ouvrant tes feuilles. Devenant ainsi la lumière. Devenant ainsi ma lumière Je m’y installe. Je m’y love, enfin. Et soupire. S. Baïbi « Nuit de juin – sous les tilleuls verts » à quatre pas du cimetière à moi l’air universitaire à toi la bohème et les bois « nuit de juin – sous les tilleuls verts » nous reverrons-nous cet hiver on n’en sait rien autant se taire et danser encor toi et moi André Bayrou Un éclat de ciel dans le rire de leurs yeux, je cherche la fraîcheur de tes mains fantomettes sur ma nuque. Des hélicoptères vrombissent jusqu’au cœur du soleil. Les bulles m’abreuvent et je goûte tous les continents. Oasis du no man’s land à la croisée des chemins. Je regarde les aiguilles filer les lacs de l’asphalte en respirant les chants doux de tes oublis. Je dérive le long de la lune de ta joue pour me perdre dans les herbes hautes. J’aimerais me bercer au creux de tes bras alors que disparaît le soleil orange sanguine, mais tu n’es plus là, ma carte marine, ma douceur... Mais c’est déjà le chemin du retour et tu m’emportes aux sons des cahots, loin sur la trame de ton néant piqueté d’étoiles. Justine Millet Aux rêves Dans le souffle de la nuit Je me perds dans les images Soulevées par mon esprit. Mélanges de paysages, Souvenirs, regrets, envies, Le temps en moi tourbillonne ; Lorsque j’y croise un ami Mille autres en lui résonnent. Mon pouls bat, guide la sève Douce amère de mes rêves ; Peurs ou délices, ces drames Multiplient le temps de vivre Fou. Par les bruits de mon âme Être éternellement ivre Judith Lurcel chemin faisant nos peaux se mouillent de secrets arbres humides où les silences viennent se taire Mathieu Gabard Ana Andreotti, Sur les traces de l’immigration italienne, spectacle-concert Juliette Oger-Lion, photo Ivan Sariat, www.ivansariat.com, photo Moderne Bagar, dessin Jean-François Pinaud, dessin Giacomo Fava, peinture Jules Marcodini, dessin Isabella Loyer, peinture Majo Caporaletti, peinture L’image sur cette page est écrite dans la police «Montreuil» créée par Julien Priez. . La Parole Errante, Armand Gatti, Hélène Chatelain, Stéphane Gatti, Jean-Jacques Hocquard, le théâtre de la Girandole ; Félicie Fabre et Luciano Travaglino, Joujou Bangbang, le Collectif 39, la micro-brasserie Zymotik, le magasin de musique du monde Saz et Mahmut Demir, le foyer de travailleurs africains de le rue Rochebrune, les Merguez Electroniques et l’association Dataglitch, l’Art à Palabres, Yvonne, les Murs à Pêches, Nadia Hassine et le Jardin de la Lune, Jean-Pierre Fuda, Valérie, Julie Savigneux, la librairie Michel Firk, le café La Folle Blanche, la boulangerie autogérée La Conquête du Pain, Léa Loyer, Boubacar Kafando, Charlotte Demonque, le Moulin des Mille Sources et ses habitants, l’épicerie de la rue de Rosny, la nuit, les passagers de Montreuil et tout. Une publication EISPI juin 2014 - www.eispi.fr - [email protected] Pour une prochaine transe avec Cactus Calamité, envoyez vos bébés à [email protected]