Trois jeunes Pieds-Noirs, qui avaient fait al
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Trois jeunes Pieds-Noirs, qui avaient fait al
496 LÉGENDES ET TRADITIONS III L’HISTOIRE DES TROIS AMANTS PIEDS-NOIRS Trois jeunes Pieds-Noirs, qui avaient fait alliance ensemble, se présentèrent, un jour, chez un vieillard de la nation des Ninnax qui possédait trois filles, toutes trois charmantes, toutes trois bonnes à marier, et les lui demandèrent en mariage. - Ah! mes gendres, répondit ce vieillard, je consens volontiers à vous octroyer mes filles en mariage; mais vous savez que vous devez les payer. Or, mes filles sont des filles de vingt chevaux la pièce; car je suis un grand chef, et résolu de ne marier mes filles qu’aux guerriers DES PIEDS-SOIRS OU NINNAX 497 qui m’apporteraient ce tribut en échange. Revenez avec soixante chevaux et vous aurez mes trois filles. Ainsi parla le vieillard. Les trois jeunes guerriers engagèrent leur parole, que les trois filles reçurent avec joie. Ils firent promettre à celles-ci de ne point se donner à d’autres hommes avant leur retour; ils se peignirent le corps en rouge, placèrent des plumes teintes en rouge dans leur touffe de guerre, et partirent ensemble pour leur expédition chez leurs voisins du Sud, les Corbeaux et les Serpents ou Chochones. D’un an on n’entendit plus parler des trois guerriers. Quand l’époque qu’ils avaient fixée pour leur retour probable fut passée, et que les trois belles eurent perdu toute espérance de voir revenir leurs amants, elles se parèrent des couleurs et des atours du deuil, se peignirent la face en blanc, et pendant neuf jours elles pleurèrent sur la montagne ceux qu’elles aimaient. Ce laps de temps écoulé, comme aucun des jeunes guerriers ne reparaissait, les trois filles jugèrent qu’ils avaient péri en combattant pour elles. Elles résolurent donc de ne point rester en arrière en générosité, et décrétèrent leur trépas commun. 498 LÉGENDES ET TRADITIONS Elles avertirent leur tribu de ce dessein, et en demandérent la permission à leur père, qui jugea leur résolution très louable. Elles se parèrent alors de leurs atours de noces, montèrent sur un rocher dont la paroi verticale forme un précipice, et là, se tenant toutes trois par la main et chantant leur chant de mort, elles se précipitèrent courageusement dans l’abîme, où elles trouvèrent la mort. Mais, le lendemain même de ce jour fatal, on vit venir de loin, sur le dos verdoyant de la prairie immense, un tourbillon de poussière, qui annonça aux Pieds-Noirs l’arrivée d’un escadron de guerriers. Tout fut en émoi dans le camp et l’on se préparait à une résistance opiniâtre, lorsque, des flancs de ce nuage poudreux, on vit sortir un troupeau de soixante beaux chevaux écumants et frémissants devant trois jeunes guerriers qui les pourchassaient. Ces guerriers étaient peints et parés comme pour une noce, et ils chantaient l’hymne de la victoire en entrant dans le camp, où ils croyaient retrouver leurs amours. C’étaient les trois amants, fidèles à leur parole jusqu’au bout et qui accouraient tout brûlants pour rappeler au grand chef des Pieds-Noirs sa promesse de l’année précédente. DES PIEDS-NOIRS OU NINNAX 499 Mais, quand ils arrivérent au Napiwoyés du chef, leurs chants de joie furent accueillis par des chants de deuil; leur enquête fut reçue avec des larmes et des regrets cuisants; leur joie ne rencontra qu’un sombre désespoir. Ils comprirent tout. Mais lorsqu’ils surent que leurs amantes s’étaient suicidées par amour pour eux, qu’elles leur étaient restées fidèles jusque dans la mort, les trois jeunes hommes jurèrent de les suivre dans leur destin, de ne point demeurer en arrière de générosité. Sans rien dire de leur dessein, ils serrèrent silencieusement les mains du vieillard, chassèrent devant eux le troupeau de soixante chevaux qu’ils avaient capturé sur leurs ennemis, le conduisirent au sommet du rocher escarpé, où leurs amantes éplorées s’étaient donné la mort, et le forcèrent de se jeter en bas. Puis ils entonnèrent tous trois leur chant de mort, et se tenant par la main, ainsi qu’avaient fait les jeunes filles, ils se précipitérent, comme elles, dans l’abîme. Ainsi finit la véritable histoire des trois amants Pieds-Noirs (1). Racontée, en I879, au fort Pitt, par le même. - I l y a, dans cette histoire ou légende, une foule de sentiments tout à fait inconnus aux Indiens Peaux-Rouges; elle accuse des idées et une résolution asiatiques. Des Hindo-Chinois ou des Japonais pourraient seuls étre capables d’actions aussi héroiques. (I)