FONTCOUVERTE
Transcription
FONTCOUVERTE
FONTCOUVERTE Appellations anciennes: 1184 : (Ecc/esia de) Fonte Coperto. Habitants: les Fontcouvertins. Population: 1561: 1008 habitants (247 feux); 1801: 1857 habitants; 1860: 1356; 1901 : 1171; 1925: 949 ; 1954: 596; 1962: 550; 1968 : 62fi, 1975: 506; 1982 : 550. Altitude: 1182 m. Etagemellt de 630 m à 2300m. Superficie: 2152 heC/ures. A 12 km de Saint-Jean-deMaurienne. Hameaux: Ils sont très nombreux. En arrivant de St-Jean on trouve d'abord Pierre-Pin, comprenant CrèveCœur et Pierre-Pin dessous; puis la Bisp comprenant Réortier-Dessus, Réortier-Dessous, les Adrets, Tilleraiche, la Bettaz, le Plan d'Arvan, la Martinette; avant le chef-lieu: le Suel, Maison-Blanche. Le chef-lieu comprend les Enversets, les Lamberts, la Curiaz. Sur la route des Arves, au-delà du torrent de Merderel : Charvin, comprenant la Brévière, la Combe Bérard, les Pâles, la Perrière et, au fond de vallée, le Plan des Rois. Au-dessus du chef-lieu: le Villard, l'Alpettaz, les Anselmes, La Rochette. Sur le plateau, à la place des anciens chalets d'alpage, s'est développée la station de la Toussuire. Localisation : sur un replat au sudouest de Saint-Jean-de-Maurienne, sur la rive gauche du bassin de l'Arvan. Historique Le site intéressant de la commune peut laisser supposer que les premiers hommes qui ont peuplé la Maurienne n 'y ont pas été indifférents. La toponymie ne peut que renforcer cette hypothèse. Le nom même de la commune - Fontcouverte - qu'elle doit à une source toujours fraîche et abondante peut nous inciter à penser que cette "Fontaine Couverte" était l'objet d'un culte. Cette source se trouve d'ailleurs à un lieu-dit "Pierre-Fiche" : cette pierre fichée en terre - aujourd 'h ui disparue - était-elle un menhir ou un simple bloc erratique d'origine naturelle, comme il en reste dans le secteur? Tout près de là "Pierra Grala" évoque sans doute une pierre à cupules, disparue elle-aussi. En tout cas, en cet endroit, ont été effectuées diverses découvertes archéologiques que nous décrirons plus loin, dont quelques lames de silex qui suffi sent à nous prouver l'ancienneté de l'occupation humaine. Les malheurs du Moyen Age La première mention écrite de Fontcouverte se trouve dans une bulle du pape Lucius III qui, en 1184, énumère les communes faisant partie de la "Terre Episcopale" de Maurienne: "Ecclesia de Fonte Coperto". Après la révolte des Arves et le traité signé en 1327 entre le comte de Savoie et l'évêque, le comte pour prix de son aide à mater la rébellion, partagea la souveraineté sur une grande partie de la Terre Episcopale: Fontcouverte fit alors partie de cette "Terre Commune". C'est surtout à travers les calamités qu'apparaît ensuite le nom de Fontcouverte: par exemple les pestes, au cours desquelles les gens faisaient dresser leur testament. Ainsi en 1472, c'est le curé Pierre Thorain qui, à défaut de notaire par ces temps d'épidémie, reçoit le testament de Pernette Cartier, veuve de noble Gabriel Vallin. Elle lègue une vache à une femme qui avait soigné ses deux filles mortes de la peste et elle est elle-même atteinte de ce fléau. En 1478, le même curé reçoit le testament d'une autre fille de Gabriel Vallin "à cause du mal contagieux et de l'isolement". C'est ensuite, en 1587, une délibération de la 257 -'~1f' 6. - Fon ~ou verte .. Le Le hameau du Crêl au débul du siècle. commune qui engage Jean-Pierre Constantin , d' A1biez-Ie-Vieux, pour ensevelir les pestiférés pendant un mois. Il recevra pour cela 60 florin s, plus un florin par jour pour sa nourriture (de même, 1 florin par jour pendant sa quarantaine) et un habillement neuf: chapel (chapeau), robe, haut el bas de chausse, souliers. Le salaire pouvait paraître intéressant mais les risques étaient très grands de ne pas survivre à la tâche. Les pestiférés étaient enfermés dans des cabanes aux "Rafforts" (ou "au Rafour") el la commune payait leur nourriture, et leur sépulture: du 7 octobre au 13 décembre 1588, elle dépensa pour cela 272 florins, et IO sols . Dix ans plus tard, nouvelle épidémie . La commune fait venir des "nettoyeurs de maison" de Cuines en 1599. Mais la peste la plus violente fut celle de 1630, propagée en Maurienne par les troupes qui revenaient du Montferrat. Un secrétaire, commis pour la 258 santé dans la paroisse , a laissé un registre complet à ce sujet. Le premier décès est celui du fils du notaire Louis ClarazBonnel : le défunt est enterré derrière la maison de son père qui, lui , est enfermé dans une cabane à Pierre-Fiche avec sa domestique. Les autres membres de la famille sont séquestrés dans la maison . Sont ensuite séquestrées toutes les personnes qui ont eu des contacts avec le notaire, dont les deux syndics : il faut donc en élire de nouveaux. On nomme des commissaires de santé. L'un d'eux, Baudry, considère que Claraz-Bonnel a fait construire ses cabanes trop près de la fontaine du village (à Pierre Fiche) et il ordonne de les transporter au Rafour "en lequel lieu est coutume faire des cabanes en ce fâcheux temps". Etre séquestré ne signifiait pas condamné: le notaire Claraz-Bonnel, après une quarantaine, put rentrer chez lui et remplaça alors Jacques Chaudet comme secrétaire de la commune. Parfois les habitants d'un hameau entier sont séquestrés: ce fut le cas de l' Alpettaz , des Anselmes, du Villard, de Réortier. Outre la séquestration des suspects, la destruction par le feu des vêtements et des objets ayant servi à des malades, la purification des maisons au moyen de soufre, d'encens, de myrrhe, d'arsenic, de parfums, on compte aussi sur d'autres moyens pour arrêter l'épidémie . Ainsi, le 24 novembre 1631 , assemblés devant la porte de l' église, les paroissiens font les voeux suivants: 1 - Trois processions dans la paroisse, 2 - Une procession à Notre Dame du Charmaix, 3 - Une procession à Notre Dame de Bonne Nouvelle, puis à la Cathédrale de St Jean pour vénérer les reliques, et ensuite à l'église des capucins, 4 - Comme l'église de Fontcouverte est trop petite, on s'engage à l'agrandir dans les deux ans, si c'est possible. Concernant ce dernier voeu, il semble en effet que des travaux aient eu lieu en 1632, mais il faudra attendre 1675 pour un réel agrandissement de l'église. Un autre moyen de se concilier les grâces divines était la représentation de mystères : le 10 septembre 1584, les habitants de Fontcouverte demandèrent à l'évêque l'autorisation de représenter la Passion . Monseigneur (je Lambert donna cette autorisat ion, mais demanda au curé d'assister aux répétitions et de corriger éventuellement les paroles malsonnantes. La peste, nous l'avons vu, était souvent propagée par les passages de troupes . En juin 1597, arrivant par Comborcière, l'armée de Lesdiguières s'abattait sur les communes de Fontcouverte, Villarembert et Saint Pancrace , avant de fondre sur St Jean. Au début de 1599, les habitants adressèrent une supplique pour être dispensés de taille car l'ennemi avait continué tout l'été "à passer et repasser, si que pour telle commodité sur leur chemin tous les soldards et quantité de vagabonds suivant la dite armée, les auraient tellement surpris, pillés, ravagés, qu'ils n 'auraient rien pu sauver, auraient perdu tout leur bétail , fruits et meubles, tellement qu 'ils n'auraient rien pu recueillir ni après cultiver et semer". on trouve dans les mai sons des parents et des enfants pleurer pour n'avoir de quoi se lever la faim" . Après tous ces malheurs, les habitants semblèrent trouver en eux-mêmes assez d'énergie pour reprendre le dessus: dès la fin du XVIIème siècle, la communauté pouvait entreprendre des travaux considérables dans son église. Roméo et Juliette? Au début du XVIII ème siècle se place une anecdote amusante . Le notaire Antoine Dompnier est cité à comparaître le 12 février 1735, devant le tribunal de l'officialité à St Jean, par sa propre fi lle Michelette et par J.B. Sibué, fils de Jean, car il s'oppose à leur mariage. Le motif? J .B . est un prétendant tout à fait honorable, mais il a le tort d ' habiter la Roche de Charvin, et quatre fois le notaire a été appelé à constater le décès de gens tués dans les précipices. Mais Michelette considère que l'existence même d'un village à la Roche de Charvin montre bien que le danger des précipices n'est pas considérable: le curé de Fontcouverte lui-même va y célébrer la messe plusieurs fois par an . De plus, elle a entre 34 et 35 ans et ne veut plus attendre. Le tribunal donna raison à Michelette et le mariage eut lieu le 18 février. Sous la Révolution, Fontcouverte fut c hoisie en 1793 pour être chef-lieu de canton, au grand dam de Saint Jean d'Arves qui protesta vigoureusement, étant donné les difficultés de communication. Or le concordat institua en 1802 un archiprêtré par canton. En 1815 , Fontcouverte perdit son titre de cheflieu de canton mais garda son archiprêtré. Enfin l'époque contemporaine ne comporte guère de faits historiques marquants. La grande guerre fit là aussi 259 sa moisson de vie humaine, comme l'attestent les noms gravés sur le monument aux morts, provenant de Curienne et inauguré le 2 novembre 1921. Durant l'occupation il y eut de nombreuses opérations de résistance. Au mois de juin 1944, un important parachutage d'armes est effectué·à la Toussuire. Archéologie Les blocs érratiques dont il reste quelques témoins près du village de l'église, du côté de Pierre-Fiche, ont dû servir d'abri-sous-roche. Pour construire la maison Bouttaz, l'entrepreneur dut miner une pierre sous laquelle il trouva deux grands couteaux de pierre et un foyer avec charbon. De même, en 1880, on découvrit, tout près, dix sept magnifiques lames de silex. Ces lames, prêtées pour une exposition, ont disparu. Il est difficile de les dater: peut-être néolithique? De même, le territoire de la commune possédait ses mégalithes. A Comborcières on signalait un polissoir, décrit par Florimond Truchet au congrès des sociétés savantes de Savoie en 1880: il s'agissait d'un bloc erratique de grès dur de grain compact, sillonné de onze rainures. De nombreux blocs voisins étaient creusés de cupules régulières, réunies sur certains blocs par des rainures . Malheureusement ces mégalithes ont été minés pour construire des chalets. L'âge du Bronze a laissé également sa trace: en 1956, sur le plateau de la Toussuire, le ravinement mit à jour une pointe de lance qui se trouvait sous de grosses pierres. Il s'agit d'une pointe de lance à douille courte, percée de deux trous, par lesquels une goupille transversale retenait la hampe: il restait encore quelques fragments de bois. Cette lance (dont les dimensions sont: longueur 145 mm,largeur 44 mm) pourrait être datée du Bronze final (vers 850 avant Jésus-Christ). 260 L'Age du Fer est représenté par de petits bracelets de bronze, découverts dans le ravin de Merderel. Ils étaient encore accrochés à l'os d'un bras. Ces petits bracelets, dénommés armilles, se portaient en nombre: jusqu'à trente sur le même bras. De la même époque, le m usée Savoisien possède deux torques de bronze, découverts en 1895 en extrayant du sable. L'un, mesurant vingt centimètres, présente une tige lisse de section ronde, ornée de quatre godrons à trois bourrelets. L'autre, de 19,6 centimètres de diamètre, présente une section rectangulaire cannelée sur sa surface extérieure. Tous ces objets prouvent l'existence d'un habitat du premier Age du Fer ou Hallstatt (entre 725 et 450) au village de l'église. L'époque romaine a laissé peu de traces, cependant une monnaie d'Auguste a été trouvée à la Bise. n y a ensuite un "trou" de plus de 1 000 ans dans les richesses archéologiques de la commune, mais signalons tout de même l'une des quatre plus vieilles cloches de Maurienne: Fontcouverte Le cos/ume du pays. s'enorgueillit de posséder une cloche de 1510. L'église de Fontcouverte a été presque entièrement reconstruite entre 1675 et 1680. En effet, en 1675, le curé Claude Monod et le syndic J. B. Boisson (ou Buisson ?) passaient une convention avec Dominique Blanc pour qu'il bâtisse l'église suivant le plan dressé par le frère Boch, capucin. Le choeur était reconstruit par le même Dominique Blanc en 1678 et en juin 1680 la nouvelle église était consacrée. Pour le maîtreautel, la communauté passa commande de deux tableaux à Laurent Dufour et à son oncle Gabriel. Les deux peintres s'engageaient à terminer pour la fête de la Saint Michel 1718, contre la somme de 218 livres un tableau de St Michel, patron de la paroisse et un autre tableau "en auvalle où sera dépein la som ption de la Sainte Vierge". Le tableau de l'autel Saint-Joseph, représentant la mort du saint, est une oeuvre inachevée de Guille. La chaire à prêcher, en noyer, est due à un menuisier du pays, Sibué, qui la term ina en 1823. La flêche du clocher, abattue à la Révolution, fut refaite en 1864, par un charpentier de Fontcouverte, J. P. Covarel, sur les plans de l'architecte Duverney. Enfin, la porte en sapin de 1675 a été remplacée en 1855 par une porte en noyer des Gilardi. Devant l'église on remarque une belle croix de cimetière (1720) : un piédestal et une pyramide de tuf portent une croix forgée par Claude Maréchal de St Jean de Maurienne. A côté de l'église se dresse la chapelle de Notre Dame de la Salette. Reconstruite à neuf en 1742, sous la Révo lution elle fut vendue 100 francs à François Dompnier , qui en 1809, la revendit le même prix à la Fabrique. Etant donné son mauvais état elle ne servait que de remise lorsq u'en 1857 elle fut restaurée par M. Pasquier, curé de la paroisse. Le lambris était orné de 24 tableaux sur toile , dus à Joseph de Dominique, natif de la paroi sse de Rosse, dans la vallée de la Sésia, mais habitant St Jean . Il les avait peints en 1746, pour la somme de 230 livres. Deux tableaux étant en trop mauvais état, (ceux de Dieu le Père et de Saint Jean) ils furent refaits par le peintre Cavalli, qui peignit également le tableau du maître-autel, représentant l'apparition de la Vierge sur la montagne de la Salette. Les thèmes des différents tableaux sont: au centre Dieu le Père, le St Esprit sous la forme d'une colombe, l'Eucharistie, un pélican qui se perce le flanc pour nourrir ses petits; à droite: La Vierge, St Jean l'Evangéli ste, St Paul, St Jacques le Maj eur , St Simon, St Jacques le Mineur, St Barthélémy, St Mathias; à gauche, : Jésus, Saint Michel, St Pierre, St André, St Thomas, St Philippe, St Mathieu, St Jude. Chapelles: La Visitation au Villard, chapelle des Anselme, Saint Roch à la Rochette, St Claude à la Bise. A Charvin, une chapelle et une église construite en 1884 lors de l'érection de Charvin en paroi sse . Chapelle récente à la Toussuire . Activités L'activité essentielle était, comme dans toutes les communes voisines, l'agriculture et l'élevage. Les principales cultures étaient les céréales, les pommes de terre, les betteraves. Le bétail était élevé à l'étable en hiver et vers le 4 juin, il était dirigé vers les chalets d'alpage où il restait jusque vers le 15 octobre. L'élevage était très important : un recensement de 1561 fait état de 750 bovins et 1 676 ovins; de ce fait, le commerce de bétail était florissant, tant à la foire de Fontcouverte, le 4 septembre, qu'aux autres foires de la région. La commune possède également une forêt à Charvin. Parmi les activités artisanales, le tissage était particulièrement développé à Fontcouverte: la commune a compté jusqu'à 100 tisserands en 1821, et cette activité était fort ancienne: au XlIème 261 s iècle, on trouve un "Giroud, teinturier " au hameau des Brévières. Mais ce n'était pas la seule activité, loin de là! La commune pouvait se suffire à ellemême. Il en est resté quelque chose aujourd'hui avec le développement du tourisme; lorsque la saison d'hiver est finie on voit s'ouvrir les chantiers de construction, animés par du personnel de l'hôtellerie ou du ski, tandi s que d'autres sont restés fidèles à l'agriculture. Enfin signalons les carrières de gypse qui ouvrent leurs larges brêches au-dessous du village de Charvin. Mais l'activité qui est devenue dominante est le tourisme. La route était ouverte en 1900 jusqu'à la Bise, puis de 1913 à 1930 elle dépassa le chef-lieu pour atteindre la Rochette, enfin en 1950 elle aboutit à la Toussuire. Mais avant même que la route ne soit ache- vée, on commençait à faire du ski à la Toussuire. En 1926 le club Alpin Français construisit un chalet refuge sur le plateau. La même année la famille Bouttaz créait un service de cars entre la gare de St Jean de Maurienne et Fontcouverte. En 1930 la famille RoI en ajoutait un deuxième. Peu à peu, les hôtels se construisirent. En 1937 Félicien Augert créait la première in stallation de remontée mécanique. La même année, l'usine Péchiney de St Jean ouvrait un chalet destiné à son personnel: premier exemple d'un tourisme social, qui s'est développé depuis dans la station. Mais c'est surtout après les années 50 que la Toussuire a pris une extension considérable, qui lui permet d 'accueillir plus de 5 000 personnes. Pour mieux maîtriser son évolution, la commune s'est associée aux communes voisines, dans le cadre de "1'ArvanVillards" . Délégation de Fontcouverte à la fête des costumes à St-Jean-de-Maurienne en 1922. 262