Central bank independence and effectiveness of economic policy
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Central bank independence and effectiveness of economic policy
M PRA Munich Personal RePEc Archive Central bank independence and effectiveness of economic policy Willy Freddie Ndjana and Didier Yélognissè Alia and Paulin Mendo ISSEA March 2009 Online at https://mpra.ub.uni-muenchen.de/31372/ MPRA Paper No. 31372, posted 10 June 2011 02:46 UTC Indépendance de la banque centrale et efficacité de la politique économique Par : NDJANA Willy Freddie et ALIA Didier Yélognissè∗ Sous la supervision de : M. MENDO Paulin† Mars 2009 Résumé Ce papier examine les différentes interactions qui puissent exister entre une banque centrale indépendante et la politique économique dans un pays. Le point focal de cette étude est basé sur le problème d’« incohérence temporel » soulevé dans les années 1970 par Prescott et Kydland. Ces deux auteurs arrivèrent à la conclusion suivant laquelle, la séparation des autorités publiques des autorités monétaires garantirait une certaine stabilité économique. La ruée observée depuis quelques années des banques centrales vers l’indépendance vis à vis des autorités publiques a ainsi contribué à porter un coup décisif à l’efficacité de la politique économique. Mots clés : Banque centrale, indépendance, incohérence temporelle, politique économique. Abstract This paper examines the different interactions that can exist between an independent central bank and the economic policy in a country. The focal point of this survey is based on the « temporal incoherence »problem raised in the years 1970 by Prescott and Kydland. These two authors arrived to the conclusion that, the separation between public authorities and monetary authorities would guarantee an economic stability. The rush observed since some years of the central banks toward the independence vis-à-vis of public authorities contributed to carry a decisive stroke to the economic policy’s efficiency thus. Keywords : Central bank, independance, temporal incoherence, economic policy. JEL classification : ∗ † Elèves Ingénieur Statisticien Economiste (ISSEA) Ingénieur Statisticien Economiste, Expert macroéconomiste, Enseignant à l’ISSEA 1 1 THÉORIE DE LA BANQUE CENTRALE INDÉPENDANTE Introduction centrale constitue t’elle une enclave à l’efficacité de la politique économique ? D ’Adam Smith à John Maynar Pour apporter une réponse à cette Keynes en passant par des auteurs question, nous procèderons comme suit : comme Jean baptiste Say, le rôle de la dans une première partie, nous exposerons monnaie dans une économie a fait l’objet l’origine du concept d’indépendance de la de nombreuses controverses. Pendant que banque centrale en essayant à chaque fois les uns insistent sur la neutralité de la de retracer les différents apports théoriques monnaie1 dans l’économie, d’autres à l’ins- qui auront contribué à poser ce problème, en- tar de Keynes ont montré l’importance de suite, il s’agira de montrer en quoi l’indépen- monnaie au sein d’une économie. Pour s’en dance de la banque centrale est préjudiciable convaincre, il suffit de se réferer à la pé- à l’efficacité de la politique économique. riode des « trentes glorieuses2 », période qui consacra l’hégémonie de la politique mo- 1 nétaire expansionniste. La période de stagfla- Théorie de la banque centrale indépendante tion3 qui a suivi cette période a contribué à remettre en cause l’arbitrage entre inflation Historiquement, et chômage, mettant ainsi un doute sur la fa- l’apparition de banques centrales indépendantes n’est pas culté de la monnaie à favoriser la croissance un phénomène nouveau. Depuis plus de vingt économique. Fort de cette idée, les monéta- ans, l’idée que la conduite de la politique ristes et les partisans de la nouvelle école des monétaire devrait être retirée des mains du classiques ont proposé une croissance écono- gouvernement a fait son nid. Institutionnel- mique stable basée sur le principe de pro- lement, cette idée a guidé de nombreuses grammation monétaire dont la pierre angu- réformes dont le point commun a été d’ac- laire est l’indépendance de la banque centrale croı̂tre significativement l’autonomie de l’ins- vis à vis des autorités publiques. titution en charge de la politique monétaire, A cet effet, on observe depuis la banque centrale, vis-à-vis du pouvoir poli- quelques années une ruée massive des tique. De nombreux arguments théoriques et banques centrales vers l’indépendance. C’est empiriques sous-tendent ce choix. le cas aux Etats-Unis avec la FED, en Europe avec la Banque centrale européenne (BCE), 1.1 en Afrique centrale et de l’ouest avec respec- Le problème d’incohérence temporelle tivement la BEAC et la BCEAO, etc. Ceci nous a tout de même amené à L’idée centrale dans la théorie de la nous poser un certain nombre de questions banque centrale est qu’une banque centrale parmi lesquelles l’efficacité d’une politique coupée du pouvoir politique serait la garante économique démunie de l’instrument moné- de la stabilité des prix et ce, sans influencer taire. Ainsi, l’indépendance de la banque d’autres variables macroéconomiques comme 1 Selon les classiques, la monnaie est un « voile » Cette période correspond à trentes années de croissance (1940-1970) sans précédent pour les économies d’Europe de l’ouest affligées par la deuxième guerre mondiale 3 Présence simultannée dans une économie d’un chômage élevé et d’un taux d’inflation élevé 2 Rédigé par NDJANA W. et ALIA D. 2 ISSEA 1.2 Solution au problème 1 THÉORIE DE LA BANQUE CENTRALE INDÉPENDANTE la croissance ou le chômage. Cette théorie est bale, donc l’emploi, et ce sans hausse de l’in- née autour de la problématique de ” l’incohé- flation, les salaires étant déjà fixés. Cepen- rence temporelle ” entre les objectifs fixés par dant, les acteurs privés ayant anticipé ration- le gouvernement et les objectifs réellement nellement une telle « tricherie », les résultats atteints par ce dernier en matière monétaire des négociations collectives incorporeraient (Kydland et Prescott, 1977). Cette incohé- déjà une hausse du revenu annuel nominal ; rence pose la question de l’optimalisation du hausse tenant compte d’un dépassement de bien-être social en usant de manière discré- la cible d’inflation du gouvernement en rai- tionnaire des instruments de politique éco- son d’une probable politique monétaire ex- nomique. Kydland et Prescott résument pansive de ce dernier. Conséquences : le ni- cette incohérence en une maxime, ”la règle veau d’emploi varie peu mais, surtout, l’infla- contre la discrétion”, et en un axiome, la règle tion augmente significativement. En d’autres peut permettre au gouvernement d’optimali- termes, il y a là une incohérence temporelle ser le bien-être social, jamais l’utilisation dis- entre les objectifs originellement fixés par le crétionnaire. gouvernement et les résultats atteints par ce dernier. En s’appuyant sur une courbe d’offre de Phillips augmentée des anticipations ra- 1.2 tionnelles à la Lucas, Barro et Gordon Solution au problème de l’incohérence temporelle (1983) déduisent que l’utilisation discrétionnaire de la politique monétaire, non-respect La solution au problème posé par de la règle comme par exemple une cible d’in- le comportement discrétionnaire des autori- flation, serait indubitablement contrecarrée tés politiques, proposée dans la littérature par les agents économiques et produirait l’ef- consiste à « lier » les mains” du gouvernement fet contraire escompté à savoir, dans le cas de en matière de politique monétaire. Plusieurs la politique monétaire, par une augmentation mesures ont été proposées pour atteindre cet de l’inflation. Pour arriver à ce résultat, les objectif. auteurs proposent une modèle à deux agents : Kydland et Prescott (1977) ont le gouvernement et les acteurs privés (parte- prôné l’établissement d’une règle de conduite naires sociaux, le patronat et les syndicats). monétaire. Barro et Gordon rétorquent Dans un premier temps, le gouver- qu’une règle seule, une cible de croissance nement fixe un objectif d’inflation pour l’an- de la masse monétaire par exemple, ne suf- née à venir. Ce signal émis, les acteurs pri- fit pas. Il faut y adjoindre l’idée de ”répu- vés engagent la négociation collective en vue tation”. Pour eux, plus un gouvernement res- d’ajuster les salaires. La négociation collec- pecte la règle monétaire précédemment fixée, tive aboutie, le gouvernement a tout intérêt, plus sa réputation augmente auprès des ac- en régime discrétionnaire, d’user de l’arme teurs privés, plus sa crédibilité en matière de monétaire et ce, malgré la règle fixée aupara- politique monétaire se renforce. Ainsi, une vant. Le calcul du gouvernement est simple. « bonne » réputation en politique monétaire, Il s’agit pour lui d’initier une politique mo- entendue comme une moindre déviation par nétaire expansive favorisant la demande glo- rapport à la règle, conduit les partenaires so- Rédigé par NDJANA W. et ALIA D. 3 ISSEA 1.2 Solution au problème 1 THÉORIE DE LA BANQUE CENTRALE INDÉPENDANTE ciaux à faire confiance aux cibles annoncés S’inspirant, de la théorie du principal-agent et donc, à modérer les hausses salariales is- (le gouvernement et la société sont le princi- sues de la négociation collective. Les perfor- pal et le banquier est l’agent), Walsh montre mances économiques du gouvernement s’en qu’un un contrat peut être passé entre les trouvent ainsi améliorées. deux agents, avec un objectif en termes d’in- Pour Rogoff (1985), réputation et flation. En cas de non-respect du contrat, crédibilité finissent tôt ou tard par céder le le principal peut punir l’agent (Le meilleur pas face aux velléités des gouvernants à ap- moyen, selon Walsh, est d’indexer le salaire pliquer une politique discrétionnaire. Sa so- du banquier central en fonction des résultats lution réside dans la nomination d’un gouver- obtenus en matière d’inflation pour l’inciter à neur « conservateur » à la tête de la banque respecter ses engagements et ainsi atteindre centrale ce qui signifie que l’autorité moné- l’équilibre socialement optimal et le risque de taire suit une fonction objectif qui donne limogeage). plus d’importance à la lutte contre l’inflation Mais l’inefficacité, dans le temps, de qu’au soutien à la croissance ou à la lutte toutes ces mesures, ont conduit à envisager la contre le chômage. L’autorité monétaire est solution de la coupure institutionnelle de la conservatrice, si elle s’écarte des préférences banque centrale du pouvoir politique. Cette sociales en donnant un poids plus important solution est soutenue par les travaux empi- à la stabilité des prix. Dans ce contexte, le riques démontrant le lien entre indépendance banquier central conservateur assurerait le de la banque centrale et contrôle de l’infla- maintien de la règle monétaire tout en ren- tion. L’indépendance permet de résoudre le forçant la réputation et la crédibilité de son biais inflationniste qui résulte de l’incohé- institution et par extension, celles du gouver- rence temporelle propre à une politique mo- nement. nétaire discrétionnaire gérée par le gouvernement. Walsh (1995) critique cette dernière idée sur un point de logique. Il avance qu’un Bade et Parkin (1982) utilisant gouvernement peut certes déléguer le res- comme proxy de l’indépendance de la banque pect de la règle monétaire à un banquier centrale, un index formulé à partir d’une central conservateur mais, sans moyens pra- codification des critères d’indépendance tels tiques pour y parvenir cette délégation de que contenus dans la législation, aboutisse, à compétence reste vaine. Le premier moyen partir des travaux un sur échantillon de pays, pratique d’y parvenir consiste à donner au à la mise en évidence d’un lien entre indépen- banquier central le choix de la cible d’in- dance de la banque centrale et bas niveau de flation. Sans une telle mesure, un gouverne- l’inflation. ment serait toujours tenté de fixer cet ob- Grilli et al. (1991) soutiennent que jectif à un niveau plus haut que l’équilibre la seule lecture des statuts juridiques de d’inflation socialement optimal et ce, malgré la banque centrale ne parvient pas à sai- la présence d’un banquier central conserva- sir l’indépendance réelle de l’institution. Ils teur. Mais se pose encore le problème du res- proposent de remplacer l’index de Bade et pect, par le gouverneur, de ses engagements. Parkin par un index incorporant une in- Rédigé par NDJANA W. et ALIA D. 4 ISSEA 1.3 Critique de la banque centrale indépendante 2 RÉGIMES MONÉTAIRES ET POLITIQUE ÉCONOMIQUE dépendance politique, proche de celui de d’une prise en compte des changements sur- Bade et Parkin, et une indépendance éco- venus dans l’économie mondiale (avec le repli nomique, qui se concentre sur les moyens ef- sur un modèle d’économie national fermée), fectifs des institutions pour atteindre leurs la foi, vraisemblablement infondée, en un objectifs. Corrélant ce nouvel index avec les contrôle parfait des agrégats monétaires par niveaux d’inflation constatés dans les pays la banque centrale et la réduction des sources de l’OCDE, les auteurs mettent en évidence de l’inflation à la seule politique monétaire l’existence d’une relation négative. semblent appeler à quelques amendements Cukierman et al. (1995) défi- du modèle. Ce point se trouve d’ailleurs ren- nissent ainsi un nouvel index à trois compo- forcé par les résultats empiriques obtenus par santes : l’indépendance légale (telle que for- les théoriciens de la banque centrale indépen- mulée dans les statuts de la banque), la fré- dante. quence des changements à la tête de l’ins- Empiriquement, un second point titution (le turnover) et l’avis des membres prête à caution : la méthodologie statis- des banques centrales (données récoltées au tique utilisée par les auteurs. Ce n’est pas travers des questionnaires). La combinaison la sophistication des régressions statistiques de ces trois indicateurs intermédiaires en un qui est en cause, mais bien la limitation de index global est ensuite testée sur un échan- ces régressions à un seul répresseur, le de- tillon incluant, pour la première fois, les pays gré d’indépendance de la banque centrale. en voie de développement. Le résultat est mi- Conséquence logique des hypothèses posées tigé puisque la relation négative entre degré à un niveau théorique, les régressions uti- d’indépendance de la banque centrale et in- lisées par les auteurs négligents tout autre flation est confirmée dans le cas des pays in- facteur pouvant influer sur le niveau des dustrialisés, mais non dans le cas des pays en prix. Des auteurs comme Hall(1994) et Hall voie de développement. et Franzese(1998), par exemple, ont mon- Dans leurs travaux, Alesina et tré l’importance de la négociation collective Summers combinent l’index de Bade et comme source, mais également comme mé- Parkin avec celui de Grilli, Masciandaro canisme de limitation des tensions inflation- et Tabellini. Créant ainsi un nouvel index nistes dans un système économique marqué du degré d’indépendance de la banque cen- par une banque centrale indépendante. trale indépendante, ces auteurs testent ce dernier sur un échantillon restreint des 16 2 pays les plus industrialisés. L’hypothèse de la Régimes monétaires et politique économique relation négative entre degré d’indépendance et inflation est vérifiée. Le statut de la banque centrale peut 1.3 affecter la conduite de la politique budgétaire Critique de la théorie de la par deux canaux principaux. En premier banque centrale indépendante lieu, l’indépendance de l’institution moné- Au plan théorique, des critiques in- taire interdit d’avoir recours à la « planche à ternes relèvent certains paradoxes. L’absence billets » pour financer un déficit des comptes Rédigé par NDJANA W. et ALIA D. 5 ISSEA 2.1 Banque centrale et discipline budgétaire 2 RÉGIMES MONÉTAIRES ET POLITIQUE ÉCONOMIQUE publics ; elle modifie donc les incitations à al (1991). retient les mêmes critères, mais la discipline budgétaire. En second lieu, elle avec une pondération différente. La simple implique une spécialisation de l’instrument comparaison des résultats des deux études monétaire dans la lutte contre l’inflation et montre que la mesure de l’indépendance réduit la possibilités d’utilisation combinée d’une banque centrale est loin d’être une des instruments budgétaire et monétaire : elle science exacte. La garantie d’un financement affecte donc l’usage conjoncturel de l’instru- de la banque centrale et le bénéfice de condi- ment budgétaire. tions privilégiées par rapport à celles prévalant sur le marché financier, sont évidem- 2.1 Banque centrale et discipline ment des incitations au laxisme budgétaire : budgétaire d’une part, ils épargnent au gouvernement de devoir subir le jugement des marchés finan- Parmi les critères usuellement re- ciers ; d’autre part, ils autorisent le recours tenus pour apprécier l’indépendance d’une au seigneuriage pour financer le déficit, ce qui banque centrale, les conditions dans les- permet de contenir la progression de la dette quelles elle peut être conduite à financer publique et des intérêts dûs au titre de son le déficit public figurent généralement en service. A priori, un pays qui maintient un bonne place. Les relations financières entre canal de financement privilégié peut ainsi en- la banque centrale et le Trésor entrent ainsi registrer des déficits plus élevés qu’un autre, pour moitié dans la mesure de l’indépen- où une même chronique de déficits donnerait dance proposée par Cukierman, Webb et lieu à une croissance de la dette incontrôlée, Neyapti (1992). Cela se comprend aisé- et perçue comme telle par les marchés. ment : il n’y a pas meilleur moyen d’asservir la politique monétaire que de contraindre Cependant le statut de la banque la banque centrale à financer le déficit bud- centrale peut influer sur la politique budgé- gétaire. C’est ainsi que le traité d’Union eu- taire par un canal plus indirect. Même si la ropéenne stipule, en son article 104, que les banque centrale n’assure pas au jour le jour Etats doivent mettre fin au financement pri- la trésorerie des finances publiques, le main- vilégié de l’Etat par la banque centrale, et tien d’une tutelle formelle permettant une que dans le cadre de la BEAC et de la intervention de l’Etat dans la fixation des BCEAO, le financement budgétaire est pla- objectifs de la politique monétaire permet fonné à hauteur de 20% des recettes enregis- aux responsables de la politique budgétaire trées aucours de l’année antérieure. de conserver l’option d’une dévalorisation Cukierman et al. (1993) retiennent par l’inflation de la dette publique existante. ainsi huit critères pour juger du degré d’in- Non qu’ils veuillent nécessairement l’exer- dépendance de la banque centrale dans ses cer en spoliant les détenteurs d’actifs. Mais relations financières avec le Trésor public. l’existence de cette option, fût-ce d’ailleurs Les principaux d’entre eux concernent les in- sous des formes atténuées, modifie nécessai- terdictions et les limites quantititatives aux rement la perception par les autorités pu- avances de la banque centrale au trésor, et bliques du risque associé à une croissance le coût de ces crédits. L’étude de Grilli et non-soutenable de la dette publique : le fait Rédigé par NDJANA W. et ALIA D. 6 ISSEA 2.2 Banque centrale et activisme budgétaire 2 RÉGIMES MONÉTAIRES ET POLITIQUE ÉCONOMIQUE de confier à la banque centrale un objectif de pourraient conduire à faire reposer la stabi- stabilité des prix et de lui donner les moyens lisation de court terme sur la seule politique de l’atteindre devrait conduire les autorités budgétaire. budgétaires à une plus grande prudence. Dans une telle optique, il peut arri- On peut donc s’attendre à une corré- ver que l’indépendance de la banque centrale lation positive entre, d’une part, importance et sa spécialisation dans la lutte contre l’infla- des restrictions au financement du déficit et, tion conduisent les autorités publiques à faire plus largement, degré d’indépendance de la un usage conjoncturel accru de l’instrument banque centrale, et d’autre part discipline budgétaire. La situation française de 1993-94 budgétaire des Etats. Il faut cependant pré- illustre en partie cette logique : depuis 1992, ciser d’emblée que la mesure du degré de dis- la politique budgétaire a sans doute été plus cipline ne va pas de soi. sollicitée à des fins de soutien de la conjoncture qu’elle ne l’aurait été si la politique mo- 2.2 nétaire avait pu être affectée à cette tâche. Banque centrale et activisme On peut donc s’attendre à une cor- budgétaire rélation positive entre indépendance de la Indépendamment des considérations banque centrale et degré d’activisme dans qui précèdent, une logique instrumentale l’usage de la politique budgétaire à des fins peut également laisser attendre une influence conjoncturelles. Cependant, il faut immédia- du statut de la banque centrale sur la poli- tement noter les facteurs qui peuvent limi- tique budgétaire. Dans une optique de stabi- ter la portée d’une telle liaison : politique lisation conjoncturelle et lorsque les objectifs monétaire et politique budgétaire sont loin sont multiples, il importe que les autorités d’être des substituts parfaits ; le recours à la publiques disposent d’une gamme étendue politique budgétaire est affecté par des fac- d’instruments pour pouvoir répondre aux dif- teurs institutionnels (Etat unitaire ou fédéral férents types de chocs qui atteignent l’éco- , modalités de la décision budgétaire) ; il faut nomie. L’affectation de ces instruments à tel aussi noter que la recherche d’un rôle plus ou tel objectif est à chaque moment fonc- actif de la politique budgétaire entre vite en tion de leur efficacité relative. Le fait d’af- conflit avec l’objectif de maı̂trise de l’endette- fecter la politique monétaire à l’objectif de ment public (là encore, le cas français illustre stabilité des prix de manière rigide, ou même bien ce dilemme) ; les deux canaux d’in- seulement prioritaire, serait ainsi une perte fluence de l’indépendance de la banque cen- du point de vue de la stabilisation conjonc- trale peuvent donc se neutraliser l’un l’autre. turelle. Il interdit par exemple de rechercher le ralentissement des prix par des moyens fis- 2.3 caux (baisse des cotisations sociales ou des Efficacité relative de la politique monétaire impôts indirects), tandis que la politique monétaire viserait la relance de la production. Bien que de nombreuses voies Plus généralement, l’adoption d’objectifs de s’élèvent contre le phénomène croissant d’in- moyen terme pour la politique monétaire, et dépendance des banques centrales, d’autres la mise en avant de la notion de crédibilité, lui confère cependant un certain nombre de Rédigé par NDJANA W. et ALIA D. 7 ISSEA RÉFÉRENCES RÉFÉRENCES Références mérites parmi lesquels, la stabilité des prix. Dans cet ordre idées, la banque centrale de- [1] Alesina, A. et Summers L. (1993) : vient le garant du pouvoir d’achat des agents « Central Bank Independence and Ma- économique. En se référant à son applicabi- croeconomic Performance : Some Com- lité à travers le monde, le constat est clair : parative Evidence », Journal of Money, les pays qui disposent de banque centrale in- Credit, and Banking (25), PP 151-162. ; dépendante enregistrent les meilleurs résultats quant au taux d’inflation. Ceci est rendu [2] Bade, R. et Parkin M. (1982) : possible dans les unions monétaires avec les « Central Bank Laws and Monetary Po- critères de convergences macroéconomiques licy », University of Western Ontario ; imposés aux différents pays adhérents à ces [3] Barro, R. et Gordon D. (1983) : unions. On observe ainsi des taux d’infla- « Rules, Discretion, and Reputaton in a tion gravitant en moyenne autour de 3% pour Model of Monetary Policy », Journal of l’union européenne, l’UEMOA et la CEMAC. Monetary Economics 12 : 101-121 ; [4] Bénassy-Quéré A. Pisani-Ferry J.(1994) : « Indépendance de la banque Conclusion centrale et politique budgétaire », CEPII, Document de travail n˚ 94-02 ; L’essentiel de cette étude a été d’examiner l’efficacité de la politique économique [5] Cukierman A., Webb S.B., et B. dépourvue de l’instrument monétaire. Il en Neyapti (1992) : « Measuring the In- ressort de celui-ci que l’indépendance de la dependence of Central Banks and its Ef- banque centrale réduit substantiellement les fect on Policy Outcomes », The World marges de manœuvre des autorités publics Economic Review, vol. 6, n˚ 3 ; quant à la poursuite de ses objectifs de crois- [6] Cukierman A., Kalaitzidakis P., sance économique et de chômage. Partant Summers L. et S. Webb (1993) : du constat que le developpement économique « Central Bank Independence, Growth, des principaux pays développés a essentielle- Investment, and Real Rates », Carnegie- ment reposé sur l’application des politiques Rochester Conference Series on Public expansionnistes, on se demande si, pour ce Policy, n˚ 39, 1993. ; qui est des pays en développement, le fait [7] Cukierman, A., Webb S., et al. de rendre leur banque centrale indépendante (1995) : « Political Influence on the peut les aider à quitter définitivement le sta- Central bank : International Evidence », tut de pays du tiers monde. En d’autres World Bank Economic Review 9(3) : termes, la croissance forte, stable et durable 397-423 ; qui leur est nécessaire pour réduire significativement le gap qui les sépare des pays in- [8] Grilli V., Masciandaro D. et Ta- dustrialisés peut elle être atteinte avec une bellini G. (1991) : « Political and Mo- banque centrale indépendante ? netary Institutions and Public Financial Policies in the Industrial Countries », Economic Policy, n˚ 13, Octobre ; Rédigé par NDJANA W. et ALIA D. 8 ISSEA RÉFÉRENCES RÉFÉRENCES [9] Kydland, F. E. et Prescott E. C. de l’indépendance de la banque cen- (1977) : « Rules rather than Discre- trale : Economie politique comparée de tion : The Inconsistency of Optimal la Deutsche Bundesbank et de la Banque Plans », Journal of Political Economy du Japon dans les années soixante-dix », 85(3) : 473-491 ; Travaux de science politique ; [10] Rogoff K. (1985) : « The Optimal De- [12] Walsh, C. (1995) : « Optimal gree of Commitment to an Intermediate Contracts for Central Bankers », Ame- Monetary Target », Quarterly Journal rican Economic Review 85(March) : of Economics 100 : 1169-1190 ; 150-167 ; [11] Steiner Yves (2003) : « Le coût réel Rédigé par NDJANA W. et ALIA D. 9 ISSEA