Central bank independence and effectiveness of economic policy

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Central bank independence and effectiveness of economic policy
M PRA
Munich Personal RePEc Archive
Central bank independence and
effectiveness of economic policy
Willy Freddie Ndjana and Didier Yélognissè Alia and Paulin
Mendo
ISSEA
March 2009
Online at https://mpra.ub.uni-muenchen.de/31372/
MPRA Paper No. 31372, posted 10 June 2011 02:46 UTC
Indépendance de la banque centrale et efficacité de
la politique économique
Par :
NDJANA Willy Freddie et ALIA Didier Yélognissè∗
Sous la supervision de :
M. MENDO Paulin†
Mars 2009
Résumé
Ce papier examine les différentes interactions qui puissent exister entre une banque centrale indépendante et la politique économique dans un pays. Le point focal de cette étude est basé sur le problème
d’« incohérence temporel » soulevé dans les années 1970 par Prescott et Kydland. Ces deux auteurs arrivèrent à la conclusion suivant laquelle, la séparation des autorités publiques des autorités
monétaires garantirait une certaine stabilité économique. La ruée observée depuis quelques années des
banques centrales vers l’indépendance vis à vis des autorités publiques a ainsi contribué à porter un
coup décisif à l’efficacité de la politique économique.
Mots clés : Banque centrale, indépendance, incohérence temporelle, politique économique.
Abstract
This paper examines the different interactions that can exist between an independent central bank
and the economic policy in a country. The focal point of this survey is based on the « temporal
incoherence »problem raised in the years 1970 by Prescott and Kydland. These two authors arrived
to the conclusion that, the separation between public authorities and monetary authorities would
guarantee an economic stability. The rush observed since some years of the central banks toward the
independence vis-à-vis of public authorities contributed to carry a decisive stroke to the economic
policy’s efficiency thus.
Keywords : Central bank, independance, temporal incoherence, economic policy.
JEL classification :
∗
†
Elèves Ingénieur Statisticien Economiste (ISSEA)
Ingénieur Statisticien Economiste, Expert macroéconomiste, Enseignant à l’ISSEA
1
1
THÉORIE DE LA BANQUE CENTRALE INDÉPENDANTE
Introduction
centrale constitue t’elle une enclave à
l’efficacité de la politique économique ?
D
’Adam
Smith à John
Maynar
Pour apporter une réponse à cette
Keynes en passant par des auteurs
question, nous procèderons comme suit :
comme Jean baptiste Say, le rôle de la
dans une première partie, nous exposerons
monnaie dans une économie a fait l’objet
l’origine du concept d’indépendance de la
de nombreuses controverses. Pendant que
banque centrale en essayant à chaque fois
les uns insistent sur la neutralité de la
de retracer les différents apports théoriques
monnaie1 dans l’économie, d’autres à l’ins-
qui auront contribué à poser ce problème, en-
tar de Keynes ont montré l’importance de
suite, il s’agira de montrer en quoi l’indépen-
monnaie au sein d’une économie. Pour s’en
dance de la banque centrale est préjudiciable
convaincre, il suffit de se réferer à la pé-
à l’efficacité de la politique économique.
riode des « trentes glorieuses2 », période
qui consacra l’hégémonie de la politique mo-
1
nétaire expansionniste. La période de stagfla-
Théorie de la banque centrale indépendante
tion3 qui a suivi cette période a contribué à
remettre en cause l’arbitrage entre inflation
Historiquement,
et chômage, mettant ainsi un doute sur la fa-
l’apparition
de
banques centrales indépendantes n’est pas
culté de la monnaie à favoriser la croissance
un phénomène nouveau. Depuis plus de vingt
économique. Fort de cette idée, les monéta-
ans, l’idée que la conduite de la politique
ristes et les partisans de la nouvelle école des
monétaire devrait être retirée des mains du
classiques ont proposé une croissance écono-
gouvernement a fait son nid. Institutionnel-
mique stable basée sur le principe de pro-
lement, cette idée a guidé de nombreuses
grammation monétaire dont la pierre angu-
réformes dont le point commun a été d’ac-
laire est l’indépendance de la banque centrale
croı̂tre significativement l’autonomie de l’ins-
vis à vis des autorités publiques.
titution en charge de la politique monétaire,
A cet effet, on observe depuis
la banque centrale, vis-à-vis du pouvoir poli-
quelques années une ruée massive des
tique. De nombreux arguments théoriques et
banques centrales vers l’indépendance. C’est
empiriques sous-tendent ce choix.
le cas aux Etats-Unis avec la FED, en Europe
avec la Banque centrale européenne (BCE),
1.1
en Afrique centrale et de l’ouest avec respec-
Le
problème
d’incohérence
temporelle
tivement la BEAC et la BCEAO, etc.
Ceci nous a tout de même amené à
L’idée centrale dans la théorie de la
nous poser un certain nombre de questions
banque centrale est qu’une banque centrale
parmi lesquelles l’efficacité d’une politique
coupée du pouvoir politique serait la garante
économique démunie de l’instrument moné-
de la stabilité des prix et ce, sans influencer
taire. Ainsi, l’indépendance de la banque
d’autres variables macroéconomiques comme
1
Selon les classiques, la monnaie est un « voile »
Cette période correspond à trentes années de croissance (1940-1970) sans précédent pour les économies d’Europe de
l’ouest affligées par la deuxième guerre mondiale
3
Présence simultannée dans une économie d’un chômage élevé et d’un taux d’inflation élevé
2
Rédigé par NDJANA W. et ALIA D.
2
ISSEA
1.2
Solution au problème
1
THÉORIE DE LA BANQUE CENTRALE INDÉPENDANTE
la croissance ou le chômage. Cette théorie est
bale, donc l’emploi, et ce sans hausse de l’in-
née autour de la problématique de ” l’incohé-
flation, les salaires étant déjà fixés. Cepen-
rence temporelle ” entre les objectifs fixés par
dant, les acteurs privés ayant anticipé ration-
le gouvernement et les objectifs réellement
nellement une telle « tricherie », les résultats
atteints par ce dernier en matière monétaire
des négociations collectives incorporeraient
(Kydland et Prescott, 1977). Cette incohé-
déjà une hausse du revenu annuel nominal ;
rence pose la question de l’optimalisation du
hausse tenant compte d’un dépassement de
bien-être social en usant de manière discré-
la cible d’inflation du gouvernement en rai-
tionnaire des instruments de politique éco-
son d’une probable politique monétaire ex-
nomique. Kydland et Prescott résument
pansive de ce dernier. Conséquences : le ni-
cette incohérence en une maxime, ”la règle
veau d’emploi varie peu mais, surtout, l’infla-
contre la discrétion”, et en un axiome, la règle
tion augmente significativement. En d’autres
peut permettre au gouvernement d’optimali-
termes, il y a là une incohérence temporelle
ser le bien-être social, jamais l’utilisation dis-
entre les objectifs originellement fixés par le
crétionnaire.
gouvernement et les résultats atteints par ce
dernier.
En s’appuyant sur une courbe d’offre
de Phillips augmentée des anticipations ra-
1.2
tionnelles à la Lucas, Barro et Gordon
Solution au problème de l’incohérence temporelle
(1983) déduisent que l’utilisation discrétionnaire de la politique monétaire, non-respect
La solution au problème posé par
de la règle comme par exemple une cible d’in-
le comportement discrétionnaire des autori-
flation, serait indubitablement contrecarrée
tés politiques, proposée dans la littérature
par les agents économiques et produirait l’ef-
consiste à « lier » les mains” du gouvernement
fet contraire escompté à savoir, dans le cas de
en matière de politique monétaire. Plusieurs
la politique monétaire, par une augmentation
mesures ont été proposées pour atteindre cet
de l’inflation. Pour arriver à ce résultat, les
objectif.
auteurs proposent une modèle à deux agents :
Kydland et Prescott (1977) ont
le gouvernement et les acteurs privés (parte-
prôné l’établissement d’une règle de conduite
naires sociaux, le patronat et les syndicats).
monétaire. Barro et Gordon rétorquent
Dans un premier temps, le gouver-
qu’une règle seule, une cible de croissance
nement fixe un objectif d’inflation pour l’an-
de la masse monétaire par exemple, ne suf-
née à venir. Ce signal émis, les acteurs pri-
fit pas. Il faut y adjoindre l’idée de ”répu-
vés engagent la négociation collective en vue
tation”. Pour eux, plus un gouvernement res-
d’ajuster les salaires. La négociation collec-
pecte la règle monétaire précédemment fixée,
tive aboutie, le gouvernement a tout intérêt,
plus sa réputation augmente auprès des ac-
en régime discrétionnaire, d’user de l’arme
teurs privés, plus sa crédibilité en matière de
monétaire et ce, malgré la règle fixée aupara-
politique monétaire se renforce. Ainsi, une
vant. Le calcul du gouvernement est simple.
« bonne » réputation en politique monétaire,
Il s’agit pour lui d’initier une politique mo-
entendue comme une moindre déviation par
nétaire expansive favorisant la demande glo-
rapport à la règle, conduit les partenaires so-
Rédigé par NDJANA W. et ALIA D.
3
ISSEA
1.2
Solution au problème
1
THÉORIE DE LA BANQUE CENTRALE INDÉPENDANTE
ciaux à faire confiance aux cibles annoncés
S’inspirant, de la théorie du principal-agent
et donc, à modérer les hausses salariales is-
(le gouvernement et la société sont le princi-
sues de la négociation collective. Les perfor-
pal et le banquier est l’agent), Walsh montre
mances économiques du gouvernement s’en
qu’un un contrat peut être passé entre les
trouvent ainsi améliorées.
deux agents, avec un objectif en termes d’in-
Pour Rogoff (1985), réputation et
flation. En cas de non-respect du contrat,
crédibilité finissent tôt ou tard par céder le
le principal peut punir l’agent (Le meilleur
pas face aux velléités des gouvernants à ap-
moyen, selon Walsh, est d’indexer le salaire
pliquer une politique discrétionnaire. Sa so-
du banquier central en fonction des résultats
lution réside dans la nomination d’un gouver-
obtenus en matière d’inflation pour l’inciter à
neur « conservateur » à la tête de la banque
respecter ses engagements et ainsi atteindre
centrale ce qui signifie que l’autorité moné-
l’équilibre socialement optimal et le risque de
taire suit une fonction objectif qui donne
limogeage).
plus d’importance à la lutte contre l’inflation
Mais l’inefficacité, dans le temps, de
qu’au soutien à la croissance ou à la lutte
toutes ces mesures, ont conduit à envisager la
contre le chômage. L’autorité monétaire est
solution de la coupure institutionnelle de la
conservatrice, si elle s’écarte des préférences
banque centrale du pouvoir politique. Cette
sociales en donnant un poids plus important
solution est soutenue par les travaux empi-
à la stabilité des prix. Dans ce contexte, le
riques démontrant le lien entre indépendance
banquier central conservateur assurerait le
de la banque centrale et contrôle de l’infla-
maintien de la règle monétaire tout en ren-
tion. L’indépendance permet de résoudre le
forçant la réputation et la crédibilité de son
biais inflationniste qui résulte de l’incohé-
institution et par extension, celles du gouver-
rence temporelle propre à une politique mo-
nement.
nétaire discrétionnaire gérée par le gouvernement.
Walsh (1995) critique cette dernière
idée sur un point de logique. Il avance qu’un
Bade et Parkin (1982) utilisant
gouvernement peut certes déléguer le res-
comme proxy de l’indépendance de la banque
pect de la règle monétaire à un banquier
centrale, un index formulé à partir d’une
central conservateur mais, sans moyens pra-
codification des critères d’indépendance tels
tiques pour y parvenir cette délégation de
que contenus dans la législation, aboutisse, à
compétence reste vaine. Le premier moyen
partir des travaux un sur échantillon de pays,
pratique d’y parvenir consiste à donner au
à la mise en évidence d’un lien entre indépen-
banquier central le choix de la cible d’in-
dance de la banque centrale et bas niveau de
flation. Sans une telle mesure, un gouverne-
l’inflation.
ment serait toujours tenté de fixer cet ob-
Grilli et al. (1991) soutiennent que
jectif à un niveau plus haut que l’équilibre
la seule lecture des statuts juridiques de
d’inflation socialement optimal et ce, malgré
la banque centrale ne parvient pas à sai-
la présence d’un banquier central conserva-
sir l’indépendance réelle de l’institution. Ils
teur. Mais se pose encore le problème du res-
proposent de remplacer l’index de Bade et
pect, par le gouverneur, de ses engagements.
Parkin par un index incorporant une in-
Rédigé par NDJANA W. et ALIA D.
4
ISSEA
1.3
Critique de la banque centrale indépendante
2
RÉGIMES MONÉTAIRES ET POLITIQUE ÉCONOMIQUE
dépendance politique, proche de celui de
d’une prise en compte des changements sur-
Bade et Parkin, et une indépendance éco-
venus dans l’économie mondiale (avec le repli
nomique, qui se concentre sur les moyens ef-
sur un modèle d’économie national fermée),
fectifs des institutions pour atteindre leurs
la foi, vraisemblablement infondée, en un
objectifs. Corrélant ce nouvel index avec les
contrôle parfait des agrégats monétaires par
niveaux d’inflation constatés dans les pays
la banque centrale et la réduction des sources
de l’OCDE, les auteurs mettent en évidence
de l’inflation à la seule politique monétaire
l’existence d’une relation négative.
semblent appeler à quelques amendements
Cukierman et al. (1995) défi-
du modèle. Ce point se trouve d’ailleurs ren-
nissent ainsi un nouvel index à trois compo-
forcé par les résultats empiriques obtenus par
santes : l’indépendance légale (telle que for-
les théoriciens de la banque centrale indépen-
mulée dans les statuts de la banque), la fré-
dante.
quence des changements à la tête de l’ins-
Empiriquement, un second point
titution (le turnover) et l’avis des membres
prête à caution : la méthodologie statis-
des banques centrales (données récoltées au
tique utilisée par les auteurs. Ce n’est pas
travers des questionnaires). La combinaison
la sophistication des régressions statistiques
de ces trois indicateurs intermédiaires en un
qui est en cause, mais bien la limitation de
index global est ensuite testée sur un échan-
ces régressions à un seul répresseur, le de-
tillon incluant, pour la première fois, les pays
gré d’indépendance de la banque centrale.
en voie de développement. Le résultat est mi-
Conséquence logique des hypothèses posées
tigé puisque la relation négative entre degré
à un niveau théorique, les régressions uti-
d’indépendance de la banque centrale et in-
lisées par les auteurs négligents tout autre
flation est confirmée dans le cas des pays in-
facteur pouvant influer sur le niveau des
dustrialisés, mais non dans le cas des pays en
prix. Des auteurs comme Hall(1994) et Hall
voie de développement.
et Franzese(1998), par exemple, ont mon-
Dans leurs travaux, Alesina et
tré l’importance de la négociation collective
Summers combinent l’index de Bade et
comme source, mais également comme mé-
Parkin avec celui de Grilli, Masciandaro
canisme de limitation des tensions inflation-
et Tabellini. Créant ainsi un nouvel index
nistes dans un système économique marqué
du degré d’indépendance de la banque cen-
par une banque centrale indépendante.
trale indépendante, ces auteurs testent ce
dernier sur un échantillon restreint des 16
2
pays les plus industrialisés. L’hypothèse de la
Régimes monétaires et politique économique
relation négative entre degré d’indépendance
et inflation est vérifiée.
Le statut de la banque centrale peut
1.3
affecter la conduite de la politique budgétaire
Critique de la théorie de la
par deux canaux principaux. En premier
banque centrale indépendante
lieu, l’indépendance de l’institution moné-
Au plan théorique, des critiques in-
taire interdit d’avoir recours à la « planche à
ternes relèvent certains paradoxes. L’absence
billets » pour financer un déficit des comptes
Rédigé par NDJANA W. et ALIA D.
5
ISSEA
2.1
Banque centrale et discipline budgétaire
2
RÉGIMES MONÉTAIRES ET POLITIQUE ÉCONOMIQUE
publics ; elle modifie donc les incitations à
al (1991). retient les mêmes critères, mais
la discipline budgétaire. En second lieu, elle
avec une pondération différente. La simple
implique une spécialisation de l’instrument
comparaison des résultats des deux études
monétaire dans la lutte contre l’inflation et
montre que la mesure de l’indépendance
réduit la possibilités d’utilisation combinée
d’une banque centrale est loin d’être une
des instruments budgétaire et monétaire : elle
science exacte. La garantie d’un financement
affecte donc l’usage conjoncturel de l’instru-
de la banque centrale et le bénéfice de condi-
ment budgétaire.
tions privilégiées par rapport à celles prévalant sur le marché financier, sont évidem-
2.1
Banque centrale et discipline
ment des incitations au laxisme budgétaire :
budgétaire
d’une part, ils épargnent au gouvernement de
devoir subir le jugement des marchés finan-
Parmi les critères usuellement re-
ciers ; d’autre part, ils autorisent le recours
tenus pour apprécier l’indépendance d’une
au seigneuriage pour financer le déficit, ce qui
banque centrale, les conditions dans les-
permet de contenir la progression de la dette
quelles elle peut être conduite à financer
publique et des intérêts dûs au titre de son
le déficit public figurent généralement en
service. A priori, un pays qui maintient un
bonne place. Les relations financières entre
canal de financement privilégié peut ainsi en-
la banque centrale et le Trésor entrent ainsi
registrer des déficits plus élevés qu’un autre,
pour moitié dans la mesure de l’indépen-
où une même chronique de déficits donnerait
dance proposée par Cukierman, Webb et
lieu à une croissance de la dette incontrôlée,
Neyapti (1992). Cela se comprend aisé-
et perçue comme telle par les marchés.
ment : il n’y a pas meilleur moyen d’asservir la politique monétaire que de contraindre
Cependant le statut de la banque
la banque centrale à financer le déficit bud-
centrale peut influer sur la politique budgé-
gétaire. C’est ainsi que le traité d’Union eu-
taire par un canal plus indirect. Même si la
ropéenne stipule, en son article 104, que les
banque centrale n’assure pas au jour le jour
Etats doivent mettre fin au financement pri-
la trésorerie des finances publiques, le main-
vilégié de l’Etat par la banque centrale, et
tien d’une tutelle formelle permettant une
que dans le cadre de la BEAC et de la
intervention de l’Etat dans la fixation des
BCEAO, le financement budgétaire est pla-
objectifs de la politique monétaire permet
fonné à hauteur de 20% des recettes enregis-
aux responsables de la politique budgétaire
trées aucours de l’année antérieure.
de conserver l’option d’une dévalorisation
Cukierman et al. (1993) retiennent
par l’inflation de la dette publique existante.
ainsi huit critères pour juger du degré d’in-
Non qu’ils veuillent nécessairement l’exer-
dépendance de la banque centrale dans ses
cer en spoliant les détenteurs d’actifs. Mais
relations financières avec le Trésor public.
l’existence de cette option, fût-ce d’ailleurs
Les principaux d’entre eux concernent les in-
sous des formes atténuées, modifie nécessai-
terdictions et les limites quantititatives aux
rement la perception par les autorités pu-
avances de la banque centrale au trésor, et
bliques du risque associé à une croissance
le coût de ces crédits. L’étude de Grilli et
non-soutenable de la dette publique : le fait
Rédigé par NDJANA W. et ALIA D.
6
ISSEA
2.2
Banque centrale et activisme budgétaire
2
RÉGIMES MONÉTAIRES ET POLITIQUE ÉCONOMIQUE
de confier à la banque centrale un objectif de
pourraient conduire à faire reposer la stabi-
stabilité des prix et de lui donner les moyens
lisation de court terme sur la seule politique
de l’atteindre devrait conduire les autorités
budgétaire.
budgétaires à une plus grande prudence.
Dans une telle optique, il peut arri-
On peut donc s’attendre à une corré-
ver que l’indépendance de la banque centrale
lation positive entre, d’une part, importance
et sa spécialisation dans la lutte contre l’infla-
des restrictions au financement du déficit et,
tion conduisent les autorités publiques à faire
plus largement, degré d’indépendance de la
un usage conjoncturel accru de l’instrument
banque centrale, et d’autre part discipline
budgétaire. La situation française de 1993-94
budgétaire des Etats. Il faut cependant pré-
illustre en partie cette logique : depuis 1992,
ciser d’emblée que la mesure du degré de dis-
la politique budgétaire a sans doute été plus
cipline ne va pas de soi.
sollicitée à des fins de soutien de la conjoncture qu’elle ne l’aurait été si la politique mo-
2.2
nétaire avait pu être affectée à cette tâche.
Banque centrale et activisme
On peut donc s’attendre à une cor-
budgétaire
rélation positive entre indépendance de la
Indépendamment des considérations
banque centrale et degré d’activisme dans
qui précèdent, une logique instrumentale
l’usage de la politique budgétaire à des fins
peut également laisser attendre une influence
conjoncturelles. Cependant, il faut immédia-
du statut de la banque centrale sur la poli-
tement noter les facteurs qui peuvent limi-
tique budgétaire. Dans une optique de stabi-
ter la portée d’une telle liaison : politique
lisation conjoncturelle et lorsque les objectifs
monétaire et politique budgétaire sont loin
sont multiples, il importe que les autorités
d’être des substituts parfaits ; le recours à la
publiques disposent d’une gamme étendue
politique budgétaire est affecté par des fac-
d’instruments pour pouvoir répondre aux dif-
teurs institutionnels (Etat unitaire ou fédéral
férents types de chocs qui atteignent l’éco-
, modalités de la décision budgétaire) ; il faut
nomie. L’affectation de ces instruments à tel
aussi noter que la recherche d’un rôle plus
ou tel objectif est à chaque moment fonc-
actif de la politique budgétaire entre vite en
tion de leur efficacité relative. Le fait d’af-
conflit avec l’objectif de maı̂trise de l’endette-
fecter la politique monétaire à l’objectif de
ment public (là encore, le cas français illustre
stabilité des prix de manière rigide, ou même
bien ce dilemme) ; les deux canaux d’in-
seulement prioritaire, serait ainsi une perte
fluence de l’indépendance de la banque cen-
du point de vue de la stabilisation conjonc-
trale peuvent donc se neutraliser l’un l’autre.
turelle. Il interdit par exemple de rechercher
le ralentissement des prix par des moyens fis-
2.3
caux (baisse des cotisations sociales ou des
Efficacité relative de la politique monétaire
impôts indirects), tandis que la politique monétaire viserait la relance de la production.
Bien
que
de
nombreuses
voies
Plus généralement, l’adoption d’objectifs de
s’élèvent contre le phénomène croissant d’in-
moyen terme pour la politique monétaire, et
dépendance des banques centrales, d’autres
la mise en avant de la notion de crédibilité,
lui confère cependant un certain nombre de
Rédigé par NDJANA W. et ALIA D.
7
ISSEA
RÉFÉRENCES
RÉFÉRENCES
Références
mérites parmi lesquels, la stabilité des prix.
Dans cet ordre idées, la banque centrale de-
[1] Alesina, A. et Summers L. (1993) :
vient le garant du pouvoir d’achat des agents
« Central Bank Independence and Ma-
économique. En se référant à son applicabi-
croeconomic Performance : Some Com-
lité à travers le monde, le constat est clair :
parative Evidence », Journal of Money,
les pays qui disposent de banque centrale in-
Credit, and Banking (25), PP 151-162. ;
dépendante enregistrent les meilleurs résultats quant au taux d’inflation. Ceci est rendu
[2] Bade, R. et Parkin M. (1982) :
possible dans les unions monétaires avec les
« Central Bank Laws and Monetary Po-
critères de convergences macroéconomiques
licy », University of Western Ontario ;
imposés aux différents pays adhérents à ces
[3] Barro, R. et Gordon D. (1983) :
unions. On observe ainsi des taux d’infla-
« Rules, Discretion, and Reputaton in a
tion gravitant en moyenne autour de 3% pour
Model of Monetary Policy », Journal of
l’union européenne, l’UEMOA et la CEMAC.
Monetary Economics 12 : 101-121 ;
[4] Bénassy-Quéré
A.
Pisani-Ferry
J.(1994) : « Indépendance de la banque
Conclusion
centrale
et
politique
budgétaire »,
CEPII, Document de travail n˚ 94-02 ;
L’essentiel de cette étude a été d’examiner l’efficacité de la politique économique
[5] Cukierman A., Webb S.B., et B.
dépourvue de l’instrument monétaire. Il en
Neyapti (1992) : « Measuring the In-
ressort de celui-ci que l’indépendance de la
dependence of Central Banks and its Ef-
banque centrale réduit substantiellement les
fect on Policy Outcomes », The World
marges de manœuvre des autorités publics
Economic Review, vol. 6, n˚ 3 ;
quant à la poursuite de ses objectifs de crois-
[6] Cukierman A., Kalaitzidakis P.,
sance économique et de chômage. Partant
Summers L. et S. Webb (1993) :
du constat que le developpement économique
« Central Bank Independence, Growth,
des principaux pays développés a essentielle-
Investment, and Real Rates », Carnegie-
ment reposé sur l’application des politiques
Rochester Conference Series on Public
expansionnistes, on se demande si, pour ce
Policy, n˚ 39, 1993. ;
qui est des pays en développement, le fait
[7] Cukierman, A., Webb S., et al.
de rendre leur banque centrale indépendante
(1995) : « Political Influence on the
peut les aider à quitter définitivement le sta-
Central bank : International Evidence »,
tut de pays du tiers monde. En d’autres
World Bank Economic Review 9(3) :
termes, la croissance forte, stable et durable
397-423 ;
qui leur est nécessaire pour réduire significativement le gap qui les sépare des pays in-
[8] Grilli V., Masciandaro D. et Ta-
dustrialisés peut elle être atteinte avec une
bellini G. (1991) : « Political and Mo-
banque centrale indépendante ?
netary Institutions and Public Financial
Policies in the Industrial Countries »,
Economic Policy, n˚ 13, Octobre ;
Rédigé par NDJANA W. et ALIA D.
8
ISSEA
RÉFÉRENCES
RÉFÉRENCES
[9] Kydland, F. E. et Prescott E. C.
de l’indépendance de la banque cen-
(1977) : « Rules rather than Discre-
trale : Economie politique comparée de
tion : The Inconsistency of Optimal
la Deutsche Bundesbank et de la Banque
Plans », Journal of Political Economy
du Japon dans les années soixante-dix »,
85(3) : 473-491 ;
Travaux de science politique ;
[10] Rogoff K. (1985) : « The Optimal De-
[12] Walsh,
C.
(1995)
:
« Optimal
gree of Commitment to an Intermediate
Contracts for Central Bankers », Ame-
Monetary Target », Quarterly Journal
rican Economic Review 85(March) :
of Economics 100 : 1169-1190 ;
150-167 ;
[11] Steiner Yves (2003) : « Le coût réel
Rédigé par NDJANA W. et ALIA D.
9
ISSEA

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