Dossier spectacle - La Comedie de Clermont Ferrand

Transcription

Dossier spectacle - La Comedie de Clermont Ferrand
Extrait 1. Le dernier testament
PROLOGUE
Peter.
Je m’appelle Peter.
Ce prénom est celui qui m’a été donné. Par mes parents. Comme on donne
une histoire. Il me vient de mon grand-père et lui même sans doute le tenait
de son grand-père, qui le tenait de son grand-père, qui le tenait peut-être de
l’apôtre. A moins que ce ne soit d’une pierre ramassée en chemin.
Je porte le nom de mon père, Wade. Ce nom est celui d’une ville de
Caroline du Nord et il est probablement celui que mon aïeul s’est choisi
lorsqu’il a été affranchi. Je porte le nom de mon père et pourtant j’ai été
élevé par ma mère.
Mon nom est une histoire. Il n’est pas moi. L’animal quand son enfant naît
ne le baptise pas.
Je suis né à Harlem, Manhattan, New York. D’autres histoires : Harlem
était un village, fondé en 1658 par Pieter Stuyvesant, Nieuw Haarlem,
nommé d’après la ville néerlandaise Haarlem. Dont le nom viendrait peutêtre de harl « relief », « monticule » et hem « demeure ».
Je suis né le 5 mai 1975, c’est-à-dire 1975 ans après Jésus Christ. Mais
d’après le calendrier hébraïque je suis né une autre année, et d’après le
calendrier musulman une autre encore. Et si je parvenais à sauver
l’humanité, peut-être dirait-on un jour de Jésus qu’il est né en 1975 avant
P.W ? Seuls les humains mesurent le temps. Dans l’univers pas de date.
Les noms sont des histoires, des récits, des fictions. Qui deviennent réels,
non au même titre que le vivant ou la matière qui nous entoure et dont nous
faisons partie, mais parce que nous y croyons. Nos noms n’existent pas dans
la nature. Ne serait-ce pas d’ailleurs une erreur de le penser, d’oublier cette
convention, cet arbitraire ? Comme celui qui lie cet objet (il désigne la table
présente sur le plateau) au mot « table ».
Une illusion référentielle.
Que faisons-nous lorsque nous nous racontons des histoires, majuscules ou
minuscules, si ce n’est tenter de raconter le monde, tenter de l’interpréter,
d’y trouver un ordre, un sens ? Et peut-être aussi témoigner de nos doutes,
de nos peurs, de nos questions ?
En vous rapportant ce soir les faits qui vont suivre, je vous raconterai donc
une histoire. Une histoire parmi d’autres, comme les autres, mais qui a
bouleversé ma vie. Celle de Ben Zion Avrohom. Autrement appelé Ben
Jones, autrement appelé le Prophète, autrement appelé le Fils, le Messie, le
Seigneur Dieu. Ou tout simplement Ben. Ceci est une reconstitution, établie
à partir des témoignages de sa famille, de ses amis. Ben lui n’a laissé aucun
écrit.
Voici son histoire.
Extrait 2. Le dernier testament
REPAS DE FAMILLE
Luke et Ben entrent.
Jérémie, Esther, Talia s’agenouillent. Ben relève sa mère et sa sœur, les embrasse.
Jacob le serre dans ses bras.
Talia. Bienvenue, Ben Zion.
Ben. Je suis heureux d’être à la maison. Merci Jacob pour la caution.
Luke. Nous avions collecté de l’argent pour une nouvelle église. Si cet
argent ne peut pas servir au fils de Dieu, à quoi sert-il ? Je suis passé devant
le juge et nous avons mis en garantie tous nos biens. Le juge a accepté à la
seule condition de ce bracelet électronique. J’en suis désolé.
Ben. Comment vas-tu ?
Talia, lui caresse la joue. Tu dois avoir faim. Tu as tellement maigri.
Jacob. Passons à table.
Jacob indique le bout de table à Ben.
Ben. Ça va, je suis très bien ici.
Ils s’assoient. Talia sort chercher un plat.
Luke. Ce jour est un grand jour, Ben Zion Avrohom. Pendant des années,
nous t’avons cherché. Dans tout New York, dans toute l’Amérique. Nous
n’avons jamais perdu espoir. J’ai rencontré ton frère après la mort de ton
père. C’était encore un enfant. Il était perdu, son cœur était vide et son âme
troublée. Il cherchait un chemin. Nous nous sommes rencontrés un jour où
je prêchais au coin d’une rue. Il m’a demandé une brochure et je lui en ai
donné une sur la seconde venue du Christ. Je pensais qu’elle était pour
bientôt. Il m’a demandé comment je le savais. Mon cœur me le disait et
mon devoir était de veiller. Alors Jacob m’a demandé si je voulais
rencontrer le Messie, parce qu’il le connaissait.
Talia revient avec un plat et s’apprête à servir. Ben le lui prend des mains et l’invite à
s’asseoir.
Ben. Mmm, ça sent bon.
Temps. Il sert. Luke troublé.
Jérémie. Et ? Que s’est-il passé ?
Luke troublé. Oui. Et c’est comme si j’avais été frappé par la foudre. Je lui ai
demandé qui était le Messie et il m’a parlé de toi, son frère. Il m’a appris que
depuis ta naissance des rabbins orthodoxes t’avaient authentifié et que tu
présentais tous les signes attendus.
Ben sert sa mère.
Ben, à sa mère. Merci pour les pierogi.
Luke. Puisque le Christ était le roi des Juifs, il était logique que tu reviennes
comme le Roi des Juifs. Je lui ai demandé où tu étais et il m’a dit qu’il ne
savait pas, que tu avais disparu, mais que tu reviendrais un jour.
Ben, alors qu’il sert Jacob, souriant. Disparu ?
Luke. J’ai tout de suite cru Jacob. Je lui ai ouvert ma porte et mon cœur, je
l’ai accueilli lui et sa famille dans mon église et je leur ai appris les valeurs
chrétiennes traditionnelles. Jacob est comme un fils pour moi, mon
conseiller le plus proche.
Ben s’assoit, prends sa fourchette.
Ben. Mmm, ça a l’air délicieux.
Jacob se lève, le coupe. Se met à prier.
Jacob. Il y a sept mille ans, le Dieu Tout-Puissant a créé le Ciel et la Terre. Il
a fait l’homme à son image et placé Adam dans le jardin d’Eden. Il a fait
Eve avec la côte d’Adam et la première femme est arrivée au Paradis. Satan
les a tentés et l’homme est tombé. Pendant cinq mille ans, le monde a été
empli de malheur et de péché. Il y a deux mille ans, le Père Tout-Puissant a
envoyé son premier-né, le Seigneur Jésus Christ, sur Terre, mort sur la croix,
puis ressuscité. Une nouvelle attente a commencé et voici qu’elle se termine.
Le Christ est revenu, le Messie est arrivé. Réjouissons-nous. Louons le
Seigneur et prions. Temps. Voudrais-tu dire une prière avant que nous
mangions ?
Ben. Vous voudriez que je dise une prière ?
Jacob. Oui, nous en serions tous honorés.
Ben. Merci d’être tous ici pour partager ce repas avec moi. Je vous aime, je
vous ai toujours aimés. Bon app.

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