LecasMurmelstein
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6 0123 Samedi 21 décembre 2013 CULTURE & IDÉES Le cas Murmelstein QuiétaitvraimentlerabbinMurmelstein,dernier«doyendesJuifs»dughettodeTheresienstadt? L’Histoireaportésurluidesregardsdivergents.ClaudeLanzmannluiconsacreson dernier film ON EN PARLE Cambodge versus Sotheby’s La statue s’appelle « Duryodhana», elle est en grès, pèse 230kg et représente un guerrier hindou. Estimée à 2millions de dollars (1,46million d’euros), elle est considérée comme un chef-d’œuvre de l’art khmer du Xe siècle. Problème: elle a été découpée dans le temple de Koh Ker par des voleurs, au Cambodge, pendant la guerre civile de 1967-1975. Détenue par un collectionneur belge après être passée entre plusieurs mains, elle a été mise aux enchères chez Sotheby’s New York en mars2011. Ce qui a fait scandale. La vente a été arrêtée par un procureur fédéral à la demande du gouvernement cambodgien. Depuis, Sotheby’s et l’Etat américain bataillaient. Finalement, un accord a été trouvé entre les parties, le 12décembre. Sotheby’s va rendre sous 90 jours «Duryodhana» au Cambodge et s’acquitter du coût de l’expédition, en signe de sa bonne foi. Quant au procureur de Manhattan, il a reconnu que Sotheby’s et le collectionneur – qui n’a reçu aucune compensation – ignoraient l’origine litigieuse de la statue. Andrew Gully, un porte-parole de la célèbre maison de vente, a déclaré: «L’accord confirme que Sotheby’s et son client ont agi correctement en tout temps.» De son côté, Chan Tani, le secrétaire d’Etat cambodgien, a déclaré: «Nous sommes très heureux de l’aide du gouvernement américain, car beaucoup de nos statues ont été volées ou ont disparu, et nous voulons les rendre au peuple cambodgien.» En mai, le Metropolitan Museum de New York (MET) avait déjà restitué deux statues du Xe siècle provenant du même temple khmer. La poste du Louvre reconvertie en hôtel Benjamin Murmelstein, dans « Le Dernier des injustes », de Claude Lanzmann. DR Nicolas Weill A l’automne, grâce au dernier film de Claude Lanzmann, Le Dernier des injustes, le public français a découvert en Benjamin Murmelstein (1905-1989) un personnage fascinant. S’étant luimême affublé, en 1963, du sobriquet de « dernier des injustes », référence ironique au best-seller français Le Dernier des Justes, d’André SchwarzBart (Seuil, 1959), Murmelstein était rabbin à Vienneavantla guerre.Il est aussi docteuren philosophie et devient, après l’annexion de l’Autriche, en 1938, une des figures marquantes de la communauté juive, avant d’être déporté, en 1943, aucamp-ghettode Theresienstadt(actuellement en République tchèque). Il en est fait, selon la terminologie nazie, l’ultime « doyen des Juifs » (der Ältester der Juden), officiellement à partir de décembre1944. Il survit à la guerre et part vivre à Rome en 1947 aprèsl’abandonde l’instructionpour « collaboration » par le tribunal populaire de Leitmeritz (Litomerice, en Tchécoslovaquie). C’est dans la capitale italienne que Claude Lanzmann le retrouve, devenu représentant en meubles, et le fait parler au milieu des années 1970, quand il commence le tournage de Shoah (contacté pour cette enquête, M. Lanzmann n’a pu être joint). A la différence des rescapés de « conseils juifs» (organismes formés sous la pression allemande pour administrer les communautés juives en voie de destruction), plutôt discrets dans l’aprèsguerre, Murmelstein n’a jamais hésité à parler de son action. Comme le résume l’historien berlinois Wolfgang Benz, dans son Theresienstadt (Beck, 2013), « Murmelstein était persuadé de pouvoirsauver des viesen coopérant[avec les nazis]et il a mis résolument cette conviction en pratique». Or, dans le monde de l’après-guerre où l’on ne veutentendreparler quede résistantsou decollaborateurs, cette position est indéchiffrable. Murmelstein n’en a pas moins écrit un livre, paru en italien en 1961 : Terezin. Il ghetto-modello di Eichmann (« Theresienstadt. Le ghetto modèle d’Eichmann»). A sa mort, la communauté juive de Rome l’enterre à la lisière du carré juif, dans le cimetière de la ville. Controversé, l’homme a quand même trouvé des défenseurs, comme l’historien et résistant autrichien Jonny Moser. A son tour, le film de Lanzmann lui permet pendantplus de trois heures de rendrepublic un plaidoyer. Mais qu’en pensent les spécialistes ? Pour la plupart, ils ont été sévères avec Murmelstein. A commencer par l’historien et écrivain H.G. Adler (1910-1988) lui-même interné à Theresienstadt, puis déporté à Auschwitz. Sa monographie de près de 1 000 pages en allemand (non traduite), Theresienstadt. 1941-1945. Das Antlitz einer Zwangsgemeinschaft (« Le visage d’une communauté de contrainte », 1955 et 1960, réédité en 2005), fait encore autorité. On y trouve un portrait au vitriol de Murmelstein : « D’apparence extérieure, il faisait penser à Falstaff [personnage shakespearien de noble déchu et ventripotent]. (…) Ses petits yeux, profondément enfouis dans son visage, paraissaient ne jamais vous regarder ; c’était une créature opaque, impassible et calculatrice. (…) La crainte qui l’entourait le disputait à la haine. Les Juifs dont il avait la charge semblaient lui être indifférents. Il exécutait avec ponctualité et diligence tous les ordres des SS, et qu’il eût cru que seule l’obéissance habilement exercée sauverait ce qui pouvait l’être est une faible excuse. Murmelstein avait l’air d’être caparaçonné contre la compassion. Si ce fin négociateur a pu, vers la fin de la guerre, oser parfois un mot en faveur du camp, il ne l’a fait que sous l’empire des circonstances, quand le risque encouru avait déjà diminué. » Raul Hilberg, l’auteur américain de La Destruction des juifs d’Europe (Folio, 1992), n’a pas la dent moins dure. Dans son Exécuteurs, victimes, témoins(Gallimard,1994),ilparledu«rabbinMurmelstein qui fut lourdement mêlé aux déportations». Quant au grand érudit de la kabbale Gers- « Les gens détestent l’impuissance, c’est pourquoi dans leurs récits ils en rajoutent sur le degré de maîtrise qu’ils ont eu dans le passé » Anna Hajkova historienne de l’université de Warwick (Royaume-Uni) homScholem,ilaffirme,en1963,surlafoidessurvivantsdeTheresienstadtà quiila parlé,queMurmelstein « aurait certes mérité d’être pendu». Les nouvelles générations de chercheurs sont assurément plus nuancées. Au premier chef, l’historien et romancier autrichien Doron Rabinovici, auteur d’une étude détaillée et scientifique sur la communauté juive de Vienne à l’époque nazie, parue en 2000 sous le titre significatif d’« Instances de l’impuissance» (Instanzen der Ohnmacht, Suhrkamp, non traduit). Lui estime que, sympathique ou pas, Murmelstein ne saurait être traité de « collaborateur ». « Les raisons pour lesquelles il a concentré sur lui autant de haines après 1945 se voient dans le film de Lanzmann. Il était dur et pouvait être colérique. Il était convaincu que sa stratégie était la bonne. Et surtout: il a survécu.» Sur la question des déportations, il diffère de Raul Hilberg : « Les deux premiers “doyens des Juifs” de Theresienstadt [le sioniste tchèque Jakub Edelstein et le sociologue berlinois Paul Eppstein, assassinés par les Allemands] s’étaient vu transmettre par la Kommandantur de la SS uneresponsabilitébien plus étenduequ’à lui dans la constitution des listes de déportation. Certes, ¶ À VOIR « LE DERNIER DES INJUSTES » de Claude Lanzmann (3 h 40). En salles. Murmelstein a fait auparavant partie du conseil juif à qui était assignée la tâche de les dresser. Mais pourquoi en faire reproche au seul Murmelstein ? Disons-le tout net : il n’avait aucune influence sur le nombre de Juifs qui devaient être déportés » – lequel était fixé par les SS. Que pense-t-il de la charge en forme de légende noire laissée par Adler? « La critique d’Adler est surtout une protestationcontrele systèmede lamiseà mort administrée – dans tous les sens du terme – de l’homme.» Adleravaitunecertainepropensionà la misanthropie, ajoute Anna Hajkova, historienne de l’université de Warwick (Grande-Bretagne). Il a été envoyé à Auschwitz en octobre 1944, avant que Murmelstein ne prenne ses fonctions de « doyen». Cette spécialiste des archives de Theresienstadt a étudié le dossier de l’instruction (en tchèque) de Murmelstein à Leitmeritz. A son avis, dansles onze heures de rushs de l’interviewLanzmann-Murmelsteinqu’ellea visionnées,l’ex-rabbin multiplie les métaphores et, « plutôt qu’il ne ment, laisse déferler une avalanche de faits » – d’où l’importance selon elle de bien restituer le contexte. « Rétrospectivement, en 1976 [lors de la rencontre avec Lanzmann], Murmelstein prétend que sa marge de manœuvre était plus étendue que celle dont il disposait réellement à Theresienstadt. Ainsi n’a-t-il pas à étaler son manque d’emprise sur les choses. C’est une caractéristique de nombreux témoignages tardifs de survivants de l’Holocauste : les gens détestent l’impuissance, c’est pourquoi dans leurs récits ils en rajoutent sur le degré de maîtrise qu’ils ont eu dans le passé (en particulier les hommes…).» A propos des déportations, elle souligne qu’à l’automne 1944 les SS ont constitué eux-mêmes les listes des sept derniers convois. Auparavant, Murmelstein n’a jamais appartenu aux commissions qui, au sein de l’administration juive, géraient les convois. Des concepts comme « collaboration » ou même « coopération » n’ont, selon elle, de toute façon plusrien à faireavec la recherche,quin’a pasà distribuer des blâmes ni des satisfecit. UneautrehistoriennedeTheresienstadt,l’Israélienne Margalit Shlain, qui a procédé à une étude comparative des trois dirigeants juifs du campghetto,seréjouitdel’inversiondetendanceconsécutive au film. Elle a rencontré un des témoins à charge de l’instruction de Murmelstein, Miroslav Karny (1919-2001), historien et chroniqueur du ghetto, qui a affirmé avoir changé d’avis. « Certes, dit-elle, Murmelstein était une personnalité secrète, toujours sur la défensive. Cependant, ce n’est pas au bénéfice du doute qu’on l’a acquitté, mais parcequel’onn’arienputrouvercontrelui.Lesseules preuves établissentqu’il a sauvé de nombreuses vies.» «On célèbre Schindler parce qu’il a sauvé des Juifs, renchérit Doron Rabinovici, sans lui faire reproche de tous ceux qu’il n’a pu sauver. Quand il s’agit de Juifs et pas d’Allemands, c’est l’inverse. On demande: et les autres?» Benjamin Murmelstein, peu avare de formules, le confie à Claude Lanzmann : les victimes de la Shoah ont été des martyrs. Tous n’ont pas été des saints. p Nombre de Parisiens connaissent la poste centrale de la rue du Louvre, ouverte 24heures sur 24, pour y avoir déposé leur déclaration d’impôt avant minuit le jour limite. Mais peu savent que l’« hôtel des postes», conçu par l’architecte Julien Guadet entre1880 et 1888, fait 35000 m2 et abrite une extraordinaire « usine postale», considérée par les historiens de l’art comme un chef-d’œuvre de l’architecture industrielle. Constituée d’une grande ossature métallique, elle occupe plusieurs magnifiques nefs. D’où le litige qui oppose, depuis fin novembre, La Poste et l’association Paris historique, ainsi que la commission du vieux Paris. En juillet2012, à la suite d’un appel d’offres appuyé sur un jury composé d’élus et d’architectes, La Poste a confié à Dominique Perrault, architecte de la bibliothèque François-Mitterrand, la reconversion des lieux. C’était devenu une nécessité. Avec l’arrivée du courrier électronique et le transfert du centre de tri en banlieue, les activités postales ont considérablement réduit. Conscient des enjeux patrimoniaux, Dominique Perrault veut préserver l’ancien bâti et conserver les vestiges de l’usine postale, tout en s’adaptant à la nouvelle donne: ramener à 20% les activités postales, consacrer 17 % aux services municipaux et récupérer 60% pour un hôtel de luxe et des commerces. Pour cela, il va évider le bâtiment tout en le conservant, construire un entresol et démanteler les nefs métalliques. Du côté des associations parisiennes, on craint que ce projet ne dénature l’ensemble. Luc Besson lance l’exposition « Star Wars» Les places sont déjà en vente en ligne. Du 15février 2014, et jusqu’au 30juin, la Cité du cinéma, à Saint-Denis, créée et financée par Luc Besson, accueillera sa première exposition: « Star Wars identités». Lancée par le site Starwarsidentites.com, elle propose une démarche inédite conçue par les concepteurs canadiens de X3 Production: découvrir « quelles forces vous habitent?». Autrement dit: qui êtes-vous, comment vous définissez-vous? Inspiré par la génétique et la neuropsychologie, le parcours propose à chaque promeneur de découvrir grâce à un bracelet interactif les 10composantes de sa personnalité et de celles des héros de Star Wars: l’espèce, les gènes, les parents, la culture, les mentors, les amis, les événements, la profession, la personnalité et les valeurs. A la sortie, un profil psychologique sera remis au participant. On verra aussi 200pièces originales venues des archives du Lucas Cultural Art Museum, comme le robot R2D2, le vaisseau Faucon Millenium ou les costumes de la princesse Leia. > Starwarsidentites.com