Téléchargez l`analyse - Orchestre Philharmonique de Strasbourg

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Musique de chambre
Dimanche 6 décembre 2015 11h
Strasbourg, Auditorium de la Cité de la musique et de la danse
Vincent Gillig trompette
Julien Wurtz trompette
Angela Anderlini trompette
Renaud Bernad trombone
Nicolas Moutier trombone
Laurent Larcelet trombone
Micaël Cortone d’Amore tuba
Entre modernité et tradition, de Bach à Gershwin, un concert festif et pétillant autour
de Noël
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De Bach à Gershwin, tel est le titre générique de ce programme de Noël que les
artistes ont voulu « festif et pétillant ». Comment pourrait-il en être autrement avec
ces trois trompettes, ces trois trombones et ce gros instrument de l’orchestre, le tuba.
Imaginez, comme le suggère Christian Merlin dans son étude sur l’orchestre, Au
cœur de l’orchestre, la rencontre entre un piccolo, le plus petit et le plus aigu
instrument de la famille des bois, et le tuba, le plus grave et le plus grand, c’est
comme si vous mettiez côte à côte un yorkshire et un Saint bernard.
Manque à l’appel le dernier de la famille des cuivres, le cor, et gageons que nos
facétieux amis pensent déjà à un programme futur auquel il sera associé. Trois
cuivres sur scène, voilà de quoi nous interroger sur la personnalité de cette famille et
citons à nouveau Christian Merlin : « La section la plus tonitruante de l’orchestre
aime briller, voire jouer des mécaniques…L’ambiance y est en général détendue
voire dissipée : les cuivres sont de bons vivants, volontiers noceurs…Globalement, si
une répétition tourne à la bataille de polochons ou est interrompue par des
plaisanteries de plus ou moins bon goût qui fusent entre deux remarques du chef,
cela vient souvent des cuivres, les plus prompts à se dissiper : ils sont souvent "les
grandes gueules " de l’orchestre, ce qui peut exaspérer les cordes issues de
l’élégance des salons bourgeois, mais ne fait pas moins d’eux les plus "sympas" de
l’orchestre. »
Voici quelques détails sur les œuvres portées à la connaissance de l’auteur de ces
lignes au moment de la rédaction de ce texte.
In dulci jubilo est un chant de Noël qui date du Moyen Âge que Buxtehude emploie
dans sa cantate BuxWV 52 et dans son prélude de choral BuxWV 197. En 1708,
Bach en emprunte le texte dans cette page miniature où la joie de Noël explose. « In
dulci jubilo. Chantez maintenant et soyez heureux. De notre cœur la félicité gît dans
une crèche et resplendit comme le soleil dans les bras de sa mère. Il est l’alpha et
l’oméga. »
Bruckner marqua toute son œuvre profane ou religieuse d’une profonde spiritualité.
Celui qui fut surnommé le Ménestrel de Dieu composa son motet à quatre voix a
cappella Christus factus est en 1884. Jean-Yves Bras en fait le commentaire
suivant : « Les quatre voix symbolisent-elles les quatre directions du Christ en croix
dont le texte et la musique dans la deuxième partie célèbrent l’exaltation (exaltavit
illum) et le nom (super omne nomen) en trois puissants forte ? »
« J’aimerais écrire un opéra inspiré du melting-pot de la ville de New York, avec son
mélange d’idiomes natifs et immigrés. Cela permettrait toutes sortes de musiques,
noires, blanches, de l’Est et de l’Ouest, et susciterait un style qui, issu de cette
diversité, devrait parvenir à une unité. » L’auteur de ce texte, George Gershwin,
portera son choix sur une nouvelle d’Edwin du Bose intitulée Porgy. Elle avait été
inspirée au romancier par un article de journal relatant l’histoire d’un Noir, infirme, qui
avait attaqué une femme puis essayé d’échapper à la police. Plus de vingt mois
furent nécessaires à Gershwin pour mener à bien le travail d’écriture et
d’orchestration de Porgy and Bess, qui devait marquer un tournant dans l’histoire de
la musique américaine. La première eut lieu le 30 septembre 1935 au Colonial
Theatre de Boston. « Si je réussis, cela tiendra en même temps de Carmen, tout à la
fois drame et idylle, et, pour la beauté, des Maîtres-chanteurs de Nuremberg. » Pari
gagné et, dans cet ouvrage, qui peut être traitée en une comédie musicale ou en
opéra, Gershwin mélange les genres : berceuse avec Summertime, belcanto,
chansons… Plusieurs suites d’orchestre ont été réalisées à partir des différents
numéros de Porgy and Bess. On citera les deux plus importantes : Catfisch Row
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(nom du lieu de l’action de l’opéra) réalisée par le compositeur et A Symphonic
Picture de Robert Russel Bennett.
Le septuor de cuivres honore la valse et la polka et, en cette période festive, on
pense à la tradition viennoise de la danse. On a coutume de dire que le cœur des
Viennois bat à trois temps et il est vrai que la valse dont l’origine remonte aux danses
populaires de la Bavière et de l’Autriche au Moyen Âge accompagna les vicissitudes
de l’histoire de l’Empire austro-hongrois. Elle fut aussi un élément non
discriminatoire. Contrairement aux danses de cour, elle fit le bonheur de l’humble
citoyen comme de l’aristocrate. Souvenons-nous du mot du prince de Ligne qui
déclara au moment du Congrès de Vienne, en 1815 : Der Kongress tanz viel, aber er
geht nicht weiter (Le Congrès danse beaucoup, mais il ne marche pas.) Plus récente,
la polka, danse d’origine populaire, apparut vers 1830. Son nom signifierait jeune
polonaise « et constituerait une sorte de compliment lancé par les Tchèques à leurs
voisins, dont la révolution de 1831 avait soulevé un vaste mouvement de
sympathie». Elle atteignit Vienne en 1839.
Pour conclure, je vous invite à lire cet entretien.
Micaël, on vous connaît comme tubiste de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg.
Avec ceux qui vous entourent aujourd’hui, vous faites tous partie de la famille des
cuivres. Á ce sujet, j’aimerais vous citer Christian Merlin qui, dans son livre, Au
Chœur de l’Orchestre, écrit à propos des cuivres : « Ce sont les grandes gueules de
l’orchestre, ils sont aussi les plus sympas et les plus prompts à se dissiper. »
Confirmez-vous ?
Grande gueule? Pas plus que les autres. Nous parlons fort à cause de l'impact
négatif des instruments de percussions dans notre dos (sourire). Les cuivres aiment
faire la fête, c'est vrai. Ils sont presque tous sympas, je suis d’accord (re
sourire).Comment ne pas avoir d'humour en jouant des instruments tels que les
nôtres!
Vous et votre instrument aimez sortir des rangs de l’Orchestre et vous produire soit
avec vos complices d’Opus 4 soit avec vos autres amis de l’Orchestre. C’est le cas
pour ce concert où l’on trouve à vos côtés trois trompettes, trois trombones. D’où
vous est venue cette étrange idée d’associer ces trois cuivres, d’autant plus que le
répertoire pour ce type de formation est sans doute quasiment inexistant ?
Oui, le répertoire est très pauvre pour cette formation, mais c'était déjà le cas lors de
la création d'Opus.4. C'est une idée qui est née dans la fosse de l'Opéra. Sans doute
que l'un d'entre nous a dit "allez, chiche?" Sur les sept musiciens, six ont déjà
participé à l'aventure Opus.4. Une bande de copains quoi! Les répétitions sont un
exemple de convivialité et de partage. Cela devrait avoir une certaine influence sur
l'ambiance du concert du 6 décembre.
Quel esprit avez-vous voulu donner à ce concert qui s’inscrit dans la période
précédant les fêtes de Noël ? D’ailleurs quel est le sens de Noël pour vous ?
Noël, c'est le sens du partage, de la solidarité, de l'amour du prochain. Lors de nos
concerts, nous aimons "partager" avec notre public. Nous présentons le programme
et les musiciens, nous aimons "animer" les concerts pour que les gens sortent
heureux d'avoir fait notre connaissance.
Á l’heure où nous réalisons cet entretien, le programme n’est pas encore
définitivement arrêté mais que pouvez-vous néanmoins nous en dire ?
Vous entendrez du Telemann, du Bach (In dulci jubilo), du Gershwin (Porgy and
Bess) et des pièces encore plus "légères" du type polka ou valses.
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Micaël le musicien sera aussi Micaël arrangeur et les auditeurs écouteront votre
adaptation d’In dulci jubilo de Jean-Sébastien Bach. Est-ce un compositeur qui se
prête facilement à la transposition et en quoi ?
Je ne sais pas s’il se prête plus facilement à la transcription que d'autres, mais c'était
un tel génie qu'il serait dommage de s'en priver ! Cette pièce est passionnante à
transcrire, à jouer, et à écouter.
Qu’en est-il de la pièce de Bruckner Christus factus est dont il existe déjà des
versions pour ensemble de vents ?
Je dirais simplement que les cuivres aiment Bruckner. Et ce dernier le leur a bien
rendu !
Et de Porgy and Bess de George Gershwin ?
Voici encore un compositeur qui laissait une large place aux cuivres. Plus jazzy, plus
léger, mais tellement profond aussi.
Vous avez voulu vous démarquer de la tradition des chants de Noël et vous
honorerez l’Autriche, qui est le pays de la valse. Qu’est-ce qui vous séduit dans ces
musiques dites légères ?
J'ai grandi dans le sud de la France où Noël est moins présent, moins festif qu'en
Alsace.
L'ambiance qui règne ici pendant cette période est magique, féerique, les yeux
brillent et pas que ceux des enfants... (ok, c'est à cause du vin chaud !). La musique
légère autrichienne nous apporte le même bonheur.
Les cuivres étant souvent de joyeux drilles, vous préparez aussi quelques
surprises…
Des quoi?
Pour conclure, quel message auriez-vous envie de passer au public présent ?
N'oublier d'éteindre votre téléphone, vous le regretteriez (re re sourire) !
Propos recueillis par Olivier Erouart, le 23 octobre 2015
Orientations bibliographiques
Le lecteur pourra aiguiser sa curiosité en consultant les ouvrages suivants :
Au cœur de l’orchestre, Christian Merlin, Fayard
George Gershwin, Franck Médiolini, Folio Biographies
Guide de la musique sacrée, François-René Tranchefort, Fayard
Richard Strauss, Michael Kennedy, Fayard
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