Page 1 sur 3 UNE ARME TABOUE : L`ARME CHIMIQUE. La guerre

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UNE ARME TABOUE : L’ARME CHIMIQUE.
La guerre civile syrienne a vu l’utilisation –d’abord contestée et maintenant avérée par un
rapport de l’ONU remis au secrétaire général de cette organisation- de l’arme chimique le 21 août
2013. Et les diplomaties des grandes puissances occidentales (France, USA, GB, Allemagne…) de
condamner et désigner un coupable : le gouvernement de Bachar Al Assad tandis que Russie et
Chine défendent le régime soupçonné et demandent des preuves de l’utilisation –contre l’évidence
et au moins 1400 morts - et posent la question du ou des responsables, accusant l’opposition/la
rébellion d’avoir « monté un coup » pour susciter l’ empathie des opinions publiques et pousser à
une intervention armée en sa faveur.
Comment expliquer un tel empressement et l’évocation de frappes militaires alors que le
conflit est vieux de plus de deux ans ? Retour sur l’histoire des armes chimiques pour expliquer
l’émoi.
……………………………
L’arme chimique entre dans l’histoire le 22 avril 1915 à Ypres, en Belgique, lorsque l’armée
allemande, à la faveur d’un vent stable et bien orienté, utilise le chlore contre les Français. Le
chlore est un produit chimique suffocant qui attaque les yeux et les voies respiratoires, remplissant
les poumons de liquide jusqu’à l’asphyxie et la mort. Plus de 5000 morts, 15 000 blessés ou
intoxiqués en quelques heures et les Allemands qui avancent de 3 à 4 Km…
http://www.bataille-de-la-lys.com/fr/avant_la_bataille/batailles_d_ypres.html
Dès lors, chaque camp produira et utilisera avec
plus ou moins de succès cette arme nouvelle.
Seule la mise au point du masque à gaz sauvera
les combattants. En effet, les premières
protections
offertes
sont
rudimentaires,
constituées de simples tampons imprégnés de
solution neutralisante et trop longues à mettre en
place. Les masques munis de cartouche filtrante,
plus efficaces, sont distribués à partir de 1916.
Ci-contre : dans la tranchée avant l’assaut : poilus
français équipés de masques à gaz.
Voir et écouter Pierre Miquel raconter :
http://education.francetv.fr/videos/pierre-miquelles-gaz-pendant-la-guerre-de-14-18-v106988
Les gaz n’assureront pas l’avantage décisif recherché par les états-majors mais ils
resteront dans la mémoire collective des combattants comme la plus épouvantable des armes.
Plus qu’une arme de guerre, l’arme chimique devient une arme de terreur à l’encontre de
l’ennemi, militaire ou civil. D’entrée, son usage pose donc un problème moral, éthique comme en
témoigne le général allemand von Deimling, responsable de son utilisation à Ypres :
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« Je dois reconnaître que la mission d'empoisonner l'ennemi comme on empoisonne les rats, me
fit l'effet qu'elle doit faire à tout soldat honnête : elle me dégoûta. Mais si ces gaz toxiques
amenaient la chute d'Ypres, peut-être gagnerions-nous une victoire qui déciderait de toute la
campagne ? Devant un but aussi grand, il fallait taire les objections personnelles » In :
http://tpe-1ere-s1.e-monsite.com/pages/i-histoire-des-gaz-de-combat/3-premiere-utilisation-desgaz-de-combat.html
Ces gaz sont les fils des progrès de la chimie dans la deuxième moitié du
XIX°, notamment de la chimie allemande, très réputée et trustant les
prix Nobel.
Parmi ces chimistes, Fritz Haber, Nobel de chimie 1918 : c’est lui qui met
au point l’ypérite, mot générique des gaz de combat de la Grande
guerre.
http://www.larecherche.fr/savoirs/special-nobel/fritz-haber-criminelguerre-recompense-01-10-2008-89028
L’arme chimique sera de nouveau utilisée lors de la guerre du Rif (1921-1926) par les
armées espagnoles –alliées à la France- afin de vaincre la révolte d’Abdelkrim : les villages berbères
sont bombardés au phosgène (gaz suffocant) et au gaz moutarde (gaz vésicant : il provoque des
vésicules –ampoules- sur la peau, des brûlures, la cécité et irrite les muqueuses ; mortel par
asphyxie).
(Le Rif est le massif montagneux du nord du Maroc, alors sous protectorat espagnol).
Faisant fi du Protocole de Genève signé en 1925, les armées de l’Italie fasciste de Mussolini
recourent à l’arme chimique (ypérite et phosphore) lors de la guerre d’Ethiopie en 1935-36.
(Il s’agissait pour l’Italie de se créer un Empire en Afrique orientale en reliant la Somalie à l’Erythrée
déjà colonies de Rome et d’effacer une précédente tentative qui s’était soldée par une défaite en
1896).
Le Japon à son tour utilisera les gaz quand il envahira la Chine à partir de 1938.
Si l’on excepte l’utilisation du Xyklon dans les camps d’extermination, les nazis
n’utiliseront pas les gaz de combat : ce n’est pas, on s’en doute, leur sens moral qui les guide mais
plutôt leur intérêt stratégique : le souvenir est trop récent et dur pour les Européens.
(Le Xyklon est issu des recherches du même Fritz Haber : http://fr.wikipedia.org/wiki/Zyklon_B ).
Lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988), l’armée de Saddam Hussein (le dictateur irakien)
recourt à son utilisation contre l’Iran avec l’appui tacite des USA comme le révèle des documents
récemment déclassifiés et bientôt contre sa population kurde : massacre de Halabja en mars 1988 :
5000 morts. Cette fois, il s’agit de gaz sarin : un agent neuroleptique incolore, inodore et facilement
absorbé par les systèmes respiratoire et digestif, les yeux, la peau.
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Voir : https://www.youtube.com/watch?v=doBWuymYANg
Lire : http://www.lefigaro.fr/international/2013/08/27/01003-20130827ARTFIG00219-guerre-iranirak-la-cia-renseignait-saddam-hussein-malgre-les-armes-chimiques.php
Certains historiens assimilent l’utilisation intensive de défoliants par l’armée américaine
entre 1961 et 1973 au Vietnam -« l’agent orange » fabriqué par Monsanto et Dow Chimical- à une
guerre chimique. Il s’agissait pour les Américains de détruire la forêt qui abritait la piste Ho Chi Minh
par laquelle le Nord Vietnam ravitaillait en armes et combattants son allié, le Viet-Cong (Front
National de Libération du Sud Vietnam). Un poison qui fait encore aujourd’hui sentir ses effets sur la
population : malformations, cancers…
Lire : http://fr.wikipedia.org/wiki/Agent_orange
Voir : https://www.youtube.com/watch?v=d31_bLOdP4I
On constate donc un usage très limité de l’arme chimique : non seulement elle est d’emploi
difficile mais son « efficacité » est limitée : selon l’Institut américain Carnégie, les armes chimiques
ont tué 5 000 des 600 000 morts recensés au cours de la guerre Iran-Irak.
……………………………
Cette arme chimique, la communauté internationale a décidé de la remiser pour toujours.
C’est l’objet de différents accords.
Le premier de ces accords, signé en 1925, est appelé « Protocole de Genève ». Il en prohibe
l’emploi mais pas la production…
Le deuxième est la « Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du
stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction de 1993 ». Extrait :
« La Convention sur les armes chimiques oblige les États parties à ne pas mettre au point, fabriquer,
acquérir, stocker, conserver, transférer ou employer des armes chimiques ni entreprendre de préparatifs
pour employer de telles armes.
Chaque État partie s'engage à détruire toutes les armes chimiques et toutes les installations de fabrication
d'armes chimiques dont il est le propriétaire ou le détenteur, ainsi que toutes les armes chimiques qu'il a
abandonnées sur le territoire d'un autre État partie.
La destruction de toutes les armes chimiques et de toutes les installations de fabrication d'armes chimiques
doit s'achever au plus tard dix ans après l'entrée en vigueur de la Convention (autrement dit pour avril
2007) ».
Lire le document des Nations Unies : http://www.un.org/fr/disarmament/instruments/cwc.shtml
Depuis, on estime que 80% des stocks d’agents chimiques déclarés (71 000 tonnes) et 45%
des 8,6 millions de munitions recensées ont été détruits.
Le droit international peine à s’imposer…
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