REVUE DE LITTERATURE Testostérone et accidents vasculaires: la

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REVUE DE LITTERATURE Testostérone et accidents vasculaires: la
REVUE DE LITTERATURE
Testostérone et accidents vasculaires: la controverse.
Dr Pierre Desvaux
Ces derniers mois ont vu la publication de deux articles rapportant une augmentation du risque
cardio-vasculaire (IDM, AVC) en cas de prescription de testostérone. Ceci a naturellement
interpellé les praticiens qui avaient plutôt une notion contraire depuis les publications de Shores1,
Muraleedharan2, Aversa3 et d'autres encore.
L'une de ces publications est à l'origine d'un éditorial dans le New York Times paru en Février 2014
mettant en cause l'industrie pharmaceutique à pousser les médecins à prescrire de la testostérone
à des hommes qui ne veulent simplement pas vieillir, mettant en garde contre les dangers
supposés sur le plan cardiaque4.
En première analyse, on peut penser que l' Europe n'a pas succombée aux sirènes du sensationnel,
les média ne s'étant pas précipités sur le sujet. Cependant la Slovénie, en réponse à ces articles à
saisi l'agence Européenne pour que soit réévalué le rapport bénéfice risque de la prescription de
testostérone. Une liste de questions vient d'être adressée aux laboratoires commercialisant de la
testostérone.
Mais enfin que disent-ils ces articles ?
Le premier est signé de Rebecca Vigen5 qui a utilisé les données informatisées de 76 centres de
coronarographie aux USA. Il s'agissait d'une étude rétrospective chez des hommes ayant subi une
coronarographie entre 2005 et 2011 et ayant reçu postérieurement un traitement par testostérone
comparativement à des hommes n'en ayant pas reçu. Au départ la cohorte était constituée de 23
173 hommes, 14 464 ont été exclus:
- 9996 car la testostérone était sup. à 3 ng/ml,
- 2798 ayant reçu la testo avant la coronarographie,
- 1132 avait reçu de la testo après un IDM ou AVC,
- 112 n'avait pas de dosage initial,
- 17 avaient un hématocrite > 50%
- et enfin 12 avaient un PSA > 4 ng/ml.
Finalement 8709 furent retenus pour l'étude. Au final, les auteurs concluaient que le traitement par
testostérone augmentait de 29% le risque de faire un accident vasculaire et il n'y avait pas de
différence entre les patients ayant une atteinte coronarienne ou non à l'inclusion.
Soudain la machine s'enraye. Invités à reconsulter leurs données, les auteurs découvrent qu'ils
n'auraient pas du exclure 1132 sujets, mais seulement 128 !! (plus de 1000 sujets sur de tels
effectifs est très significatif). Premier correctif publié dans le JAMA en Mars.
Nouvelle découverte, 100 femmes ont été comptabilisées dans les chiffres (merci le codage des
actes), seconde publication de correctif !
A ce stade les conclusions ne sont plus les mêmes, les données sont considérées comme non
fiables, eu égard aux conséquences que cela peut avoir (dans le public et nos instances).
Une pétition demande alors le retrait de l'article au JAMA. Les signataires comprennent trois
sociétés médicales (ISSM,SMSNA et SIEHV), plus de 125 scientifiques et médecins de 24 pays,
dont 59 professeurs titulaires, 6 éditeurs de journaux et 12 présidents de sociétés médicales et les
facultés américaines de Harvard, Johns Hopkins, Brown, Cornell, Cleveland Clinic, Mayo Clinic,
Baylor Medical College, Tufts, ainsi que l'Université de Boston, entre autres.
Une deuxième étude est publiée début 2014.
L'auteur, Finkle6, a réalisé une étude rétrospective sur deux populations:
-
la première constituée d'homme (n= 55 593) ayant reçu de la testostérone, sur
laquelle il comparait l'incidence d'un IDM non mortel dans les 90 jours suivant la
prescription par rapport aux 12 mois précédents,
-
la seconde (n= 167 279) servant de groupe témoin, chez des hommes ayant eux
reçu un iPDE5 seul, après ajustement des facteurs confondants.
Pour les sujets de 65 ans et plus, le risque relatif d'un accident cardiovasculaire était de 2.19 dans
le groupe testostérone et 1.15 dans le groupe iPDE5.
En conséquence de quoi les auteurs concluent que le risque est substantiel car doublé.
Martin Miner7 a publié une étude critique de ce travail, soulignant que le risque absolu était faible,
passant de 3.48 accidents à 4.75/1000 personnes traitées pendant 1 an. Parler uniquement du
risque relatif n'avait pas de sens compte tenu de la faiblesse du nombre d'incidents.
La seconde critique concerne la durée de la période d'observation, 90 jours, trop courte pour qu'il
soit possible de dire si l'augmentation des incidents est liée à la prescription ou à l'état de carence
qui préexistait, parfois depuis longtemps.
Il a été impossible d'avoir une idée du taux de testostérone avant supplémentation, car seuls les
codes de diagnostic et les données de prescriptions étaient disponibles dans les bases de données
exploitées.
Compte tenu du nombre de publications faisant état d'une association entre augmentation du
risque cardio-vasculaire et faible niveau de testostérone d'une part et de la courte période de
traitement (90j) d'autre part, il n'est pas inconcevable de penser que le sur-risque est
possiblement dû à la déficience en testostérone plutôt qu'à sa supplémentation.
Enfin, la comparaison d' hommes qui ont reçu des ordonnances de Testostérone avec des hommes
qui ont reçu des ordonnances pour un iPDE5 est inappropriée et ne fournit aucune information
utile. Ce sont deux groupes différents qui ont été traités avec des médicaments différents.
En conclusion.
Finalement ces deux études ne nous apprennent rien, ce qui ne veut pas dire que nous ne devons
pas être vigilants et particulièrement attentifs à nos patients cardio-vasculaires. Nous ne pouvons
qu'appeler de tous nos voeux des études prospectives bien faites, mais gageons qu'avec le principe
de précaution une machine infernale peu à tout moment s'enclencher et qu'il faudra des années
pour en neutraliser les effets, comme nous l'avons déjà vécu avec le THM.
Dr Pierre Desvaux
1. Shores MM, Smith NL, Forsberg CW, et al. Testosterone treatment and mortality in men
with low testosterone levels. J Clin Endocrinol Metab 2012;97:2050–2058.
2. Muraleedharan V, Marsh H, Kapoor D, et al. Testosterone deficiency is associated with
increased risk of mortality and testosterone replacement improves survival in men with
type 2 diabetes. Eur J Endocrinol 2013;169:725–733.
3. Aversa A, Bruzziches R, Francomano D, et al. Effects of testosterone undecanoate on
cardiovascular risk factors and atherosclerosis in middle-aged men with late-onset
hypogonadism and metabolic syndrome: Results from a 24-month, randomized, doubleblind, placebo-controlled study. J Sex Med 2010;7:3495–3503.
4. Editorial Board. Overselling testosterone, dangerously. The New York Times, February 4,
2014.
5. Vigen R, O’Donnell CI, Baron AE, et al. Association of testosterone therapy with
mortality,
myocardial infarction, and stroke in men with low testosterone levels. JAMA. 2013;
310(17):1829-1836.
6. Finkle WD, Greenland S, Ridgeway GK, et al. Increased risk of non-fatal myocardial
infarction following testosterone therapy prescription in men. PLOS ONE 2014;9:e85805.
7. Martin Miner et al. Testosterone Therapy and Cardiovascular Risk: A Cautionary Tale
Journal of men’s health Volume 11, Number 1, 2014.

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