Nicolas Degennes make-up artist for Givenchy

Transcription

Nicolas Degennes make-up artist for Givenchy
"Dépêche mode" – Juin 2000
Nicolas Degennes .
Encore un drôle de zèbre chez Givenchy
Après Alexancler McQueen pour la mode, un autre enfant terrible prend les rênes du
maquillage de la respectable maison. ils ont la même insolence.
Et le même talent pour la mise en scène.
Il n'en revient pas. Nicolas Degennes, 38 ans, vient d'être nommé? directeur artistique de Givenchy pour le maquillage et
les couleurs. Le choix est atypique.
Le personnage, pur rock'n'roll, n'a rien du maquilleur formaté podiums et alcôves. Son métier, il l'a appris dans les
coulisses de la télé, quasiment un crime de lèse-majesté. Il est aussi un maître des effets spéciaux, aussi à l'aise avec la
fausse hémoglobine qu'avec les pigments les plus raffinés.
Ses égéries sont les stars de cinéma. Sur grand écran, il a métamorphosé Monica Bellucci pour le "Dobermann" de Jan
Kounen. Il a aussi projeté Belmondo dans l'univers post-nucléaire du "Peut-être" de Cédric Klapisch. Son profil s'imposait
pour coller à la nouvelle image Givenchy désormais incarnée par Alexander McQueen. Avec sa boule à zéro et sa boucle
d'oreille, il y a d'ailleurs un air de famille.
"Je ne le connais pas encore, avoue Nicolas Degennes, mais j'ai remarqué que nous faisions souvent les mêmes choix au
même moment. Il aime l'acier, les effets spéciaux, il a utilisé comme moi les lentilles de contact de couleur...
Canal + est sa deuxième maison. Engagé il y a seize ans comme simple assistant, il règne aujourd'hui sur l'équipe des
maquilleurs, stylistes et coiffeurs en tant que conseiller artistique. Conserver cette fonction était la condition sine qua non
pour signer avec Givenchy.
"J'ai besoin de ce laboratoire pour nourrir mon inspiration", insiste-t-il. Désormais reconnu, il n'a pas oublié comment il avait
décroché son premier job. Comme la responsable refusait de le prendre au téléphone, il a campé dans le hall de la rue
Olivier-de-Serres jusqu'à ce qu'elle le reçoive. Il n'avait qu'un malheureux book d'étudiant sous le bras. Sa détermination a
convaincu. On est en 1984, Canal + démarre sa brillante existence, impose un style d'animateurs à mille lieues des icônes
cathodiques planquées sous une épaisse couche de fond de teint Max Factor. Le délire de la chaine colle à celui du jeune
maquilleur. Il métamorphose Jacqueline Maillan en Arletty, rencontre Mylène Farmer et lui donne son look romantique. Elle
l'engage sur le clip "Libertine". Laurent Boutonnat, le meneur en scène fétiche de la chanteuse, le propulse dans le monde
du cinéma. Tony Marshall lui donne sa première chance lors du tournage de "Pas trés catholique".
Un vrai conte de fées. Enfanter un maquilleur professionnel n'était pas du tout dans l'optique des parents Degennes. Fils
de famille poitevine, il était destiné à devenir commissaire-priseur. Mais dés l'enfance le voilà qui peint déjà les ongles de
pieds de sa maman. Lycéen, il s'exile dans un collège de l'Iowa, section peinture, théâtre et photo. Lors d'une escale newyorkaise, il rencontre par hasard un maquilleur professionnel et découvre que c'est un vrai métier. C'est la révélation. De
retour à Poitiers, miracle, maman vient d'ouvrir une parfumerie. Nicolas plante sa sœur sur un tabouret et squatte le bar à
maquillage. "Et en avant la musique!" raconte-t-il joyeusement. Une professionnelle le remarque et l'engage. Il n'a que 17
ans. Il sillonne la France et l'étranger comme démonstrateur, l'occasion de se faire la main sur des milliers de visages
anonymes. Puis il rompt les amarres et passe le concours de l'école Chauveau, sésame de la profession.
Afin de comprendre le monde de Nicolas Degennes, il faut visiter les loges qu'il a entièrement conçues, dans les coulisses
des studios de Canal. Son "terrain de jeux", comme il dit, est un espace ouvert destiné à faciliter la communication entre
tous les membres de l'équipe. Les loges exiguës où l'on maquillait en secret ont disparu. Sus aux vieilles habitudes! Il
surveille tout, du nouveau look de Nagui au col roulé d'Alexandre Devoise. C'est lui qui a imposé le blanc sur les plateaux,
donnant du même coup à la chaîne une image atypique dans le PAF au mépris des conventions de la télévision où le
blanc "vrille" à l'antenne. Le style a été copié mais Nicolas prépare la riposte.
Pour Givenchy, il promet que l'innovation technologique des textures sera mise en scène de façon étonnante. Nicolas
Degennes est connu pour les halos de lumière qui font irradier les visages qu'il "prend en main". Sa poigne saisit les traits
de son modèle dont il analyse la personnalité du bout des doigts. Kristin Scott Thomas et Jeanne Moreau se sont laissées
séduire par cette technique à la fois douce et sans concessions. Il adore le design futuriste du Rouge miroir conçu par le
sculpteur Pablo Reinoso, un concept fort qui mérite d'être décliné. On imagine déjà des écrins du troisième type et des
couleurs intenses. Il n'en dira pas plus, car il faudra patienter jusqu'au printemps 2001 pour découvrir ses premières
créations originales. Un vrai supplice chinois.
Par Caroline Tossan