Thrombose

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Thrombose
ment, la coagulation réagit exactement de la même façon à une opération où, grâce à un arrêt chirurgical de
l’hémorragie, il n’existe aucun risque, ou lors d’une cystite, où apparaît certes également un endommagement
du tissu mais pas de risque de saignement.
et paraplégie
P. L., 35 ans, paraplégique depuis 4 ans, est soulagé
lorsqu’il arrive enfin à son lieu de vacances. Le vol a
été fatigant et la chaleur à l’aéroport de Sharm el Sheik
l’a cloué au sol. Le soir, il remarque que sa jambe
gauche est un peu enflée et légèrement bleuâtre.
«Rien de grave», pense-t-il, «cela ne va pas gâcher
mes vacances.» Et il n’ira consulter un médecin qu’à
son retour en Suisse. Celui-ci diagnostique une
thrombose veineuse qui a migré de la jambe jusqu’au
bassin: «Cette thrombose aurait pu vous être fatale.
La jambe ne désenflera presque plus, le traitement
arrive trop tard. Attendez-vous à des récidives.»
■
Qu’entend-on par
«coagulation du sang?»
Nous avons tous déjà pu observer comment le sang se coagule: on se coupe au doigt et on saigne. Après 2 minutes
env., le saignement s’arrête et un caillot se forme, obstruant la plaie. Ce processus invisible est l’une des propriétés les plus remarquables du sang. D’où le sang sait-il qu’il
doit se coaguler à ce moment précis? Cette question est
importante. Ledit caillot qui, dans la plaie, nous protège
d’une hémorragie, nous serait immédiatement fatal s’il
apparaissait dans les vaisseaux coronaires ou les artères
pulmonaires. Et le sang n’a pas d’yeux, pas d’intelligence
et surtout aucune connaissance anatomique. Alors comment la nature résout-elle ce problème?
■
Qu’est-ce qu’une thrombose?
Qu’est-ce qu’une embolie
pulmonaire?
Une thrombose est la formation d’un caillot de sang dans
un vaisseau sanguin. On distingue des thromboses veineuses et artérielles. Les thrombose artérielles connues
sont l’infarctus du myocarde et l’infarctus cérébral. Les
thromboses veineuses apparaissent surtout dans les
veines des jambes. Pendant les deux premiers jours, elles
peuvent encore se détacher pour migrer dans les vaisseaux pulmonaires et provoquer une embolie pulmonaire.
Les embolies pulmonaires, ne se manifestant souvent que
par des troubles légers, restent ignorées jusqu’à 80 % des
cas. Les embolies plus graves peuvent entraîner une réduction permanente de la fonction du cœur/des poumons et peuvent être fatales.
Signes pouvant évoquer une embolie pulmonaire:
Douleur lancinante qui se manifeste subitement
au thorax, toux, angoisse respiratoire, pouls plus
lent ou plus rapide, sensation de pesanteur et peur.
14 · Paracontact 3/2008
■
Le système de coagulation
Dans le sang, il existe plus de 12 facteurs de coagulation
inactivés. Aussitôt qu’un vaisseau sanguin est blessé et
que l’endothélium, tissu recouvrant les surfaces internes
du cœur et des vaisseaux, est endommagé, des facteurs de
coagulation entrent en contact avec la paroi de ce vaisseau et s’en trouvent de suite activés. Ceux-ci peuvent
eux-mêmes activer d’autres facteurs de coagulation pour
qu’à la fin tous les facteurs soient activés en cascade. Le
dernier produit de cette cascade est l’activation du fibrinogène bien soluble qui se transforme en une substance
filamenteuse insoluble, la fibrine. Cette activation en cascade permet une consolidation. Une molécule du facteur
X activé peut produire quelque 100 000 molécules de fibrine. La fibrine filamenteuse représente la croûte qui fermera la plaie. Des médicaments à base d’héparine, par
exemple le «Fraxiparine», inhibent quelques-uns de ces
facteurs de coagulation, des antagonistes de la vitamine
K, tel que le Marcoumar pris sous forme de comprimés,
permettent une inhibition de leur production. L’aspirine
inhibe la fonction des plaquettes sanguines et des petites
cellules sanguines, qui soutiennent les processus de coagulation notamment dans les artères.
■
Dégradation de la fibrine et
D-dimères
Lorsqu’un caillot se forme s’activent également des enzymes antagonistes qui vont peu à peu éliminer le caillot.
Après quelques semaines, le caillot est remplacé par une
cicatrice. Décelables en clinique, ces produits de dégradation appelés aussi D-dimères augmentent la plupart du
temps juste après une thrombose. La coagulation et la dégradation de la fibrine forment un équilibre extrêmement
sensible qui détermine où et quand un caillot se forme.
■
Les causes d’une thrombose
Beaucoup de processus dans le corps, en fait presque
toutes les maladies et accidents, ne respectent pas cet
équilibre. L’âge est toutefois le facteur de risque majeur.
Risque d’une thrombose par année:
Âge
< 45
1: 10 000
60 – 70
40 – 50
1: 1250
70 – 80
50 – 60
1: 1100
1: 833
1: 625
Maladies et blessures
Après un accident, le sang se coagule un peu plus rapidement. La nature évalue le risque de mourir d’une hémorragie plus élevé que de faire une thrombose. Malheureuse-
Lors d’un traitement thérapeutique, en moyenne 1,5 % des
personnes souffrent, par année, de complications hémorragiques sérieuses, quelque 0,3 % d’une hémorragie cérébrale. La prise simultanée d’aspirine, de voltaren, de ponstan
et d’autres médicaments qui baissent le taux de plaquettes
sanguines peut déclencher de graves hémorragies.
Hyperémie
Une petite thrombose dans le bas de la jambe produit un
gonflement qui souvent ne se remarque pas mais qui suffit à engorger les veines. Et le sang stagnant se coagule
aussi sans blessure des vaisseaux. La thrombose peut ainsi,
en quelques jours, migrer jusque dans les veines du bassin. Aussitôt qu’une hémodilution est administrée, la
croissance s’arrête.
Facteurs héréditaires
Il existe des facteurs congénitaux qui entraînent un risque
élevé de thrombose. La mutation la plus fréquente est la
mutation du facteur V Leiden (selon l’Université hollandaise de Leiden). Quelque 5 % des Suisses possèdent cette
mutation et sont exposés à un risque de thrombose quatre
fois plus élevé. Les femmes atteintes de cette mutation
devraient éviter si possible de prendre des œstrogènes.
Paralysie médullaire
C’est la paralysie elle-même qui, même chez les paralysés
incomplets, conduit à un risque élevé la vie durant. Sans
traitement, quelque 80 % des personnes récemment blessées subiraient une thrombose. Ces personnes ont toujours besoin les premiers mois de bas à varices et d’une
prophylaxie par héparine, et recevront plus tard une prophylaxie dans les situations à risques. Les bas doivent
donner une certaine pression. S’ils sont «étirés», ils seront
certes plus confortables, mais deviendront malheureusement sans effet.
Risque élevé de thrombose
Opération
Hospitalisation
Immobilisation pendant plus de 4 heures
Grossesse
Couches
Pilule contraceptive avec de l’œstrogène
5,9 fois
11,1 fois
8,9 fois
4,2 fois
14,1 fois
3,8 fois
Traitement anticoagulant
Nous faisons la distinction entre un traitement prophylactique (une fois par jour une injection d’héparine de bas
poids moléculaire) et thérapeutique (deux fois par jour
une injection ou des tablettes, p. ex. Marcoumar). La dose
prophylactique sera employée à titre préventif dans des
situations présentant un risque élevé, la dose thérapeutique comme thérapie de 3 à 12 mois après une thrombose.
Un traitement prophylactique protège des risques de
thrombose à 50 % env., un traitement thérapeutique à
80 % env.
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Chez les patients suivant un traitement oral, il convient d’adapter régulièrement la dose au moyen d’un
paramètre appelé INR (International Normalized Ratio). Un régime inconstant (semaines de légumes,
jours de soupes) et une forte consommation d’alcool
compliquent l’identification de la dose appropriée.
Des antibiotiques, comme le Bactrim et le Diflucan,
ont des interactions considérables, de même que par
exemple le Tegretol, le Cordarone et le Zyloric.
■
Précautions à prendre
Même si une paraplégie comporte un risque élevé de thrombose, il serait faux de suivre un traitement anticoagulant
sa vie durant. Si le risque d’hémorragie est de 1,5 % par an,
presque chaque paralysé médullaire serait tôt ou tard victime d’une hémorragie. S’y ajoute la grande probabilité de
se blesser en fauteuil roulant et lors d’un transfert ou
d’une vidange intestinale. Il s’agit donc de décider de la démarche idéale au cas par cas. Mais tous les paraplégiques
devront au moins suivre un traitement prophylactique lors
de situations à risque: en administrant tout simplement de
l’héparine par injection aussi longtemps que le risque existe.
Administration d’héparine une fois par jour en cas de:
– voyage de plus de 4 h, notamment dans un véhicule
climatisé: le jour du voyage, 4 h avant le départ
– fièvre, inflammations et infections aiguës: jusqu’à
5 jours après la diminution des maux
– immobilisation, alitement pendant plus de 12 heures:
jusqu’à la mobilisation
– opérations: 1 à 3 semaines après la guérison selon le
genre d’intervention
– séjour sous une chaleur extrême, déshydratation
due à l’air conditionné
– grossesse: envisager une prophylaxie, lorsque les
données sont incertaines
■
Perspective
Ces prochaines années verront l’apparition sur le marché
de produits plus efficaces avec moins d’effets secondaires.
Reste à espérer que ces produits contribueront à réaliser
notre objectif qui est de normaliser le risque de thrombose
chez les paraplégiques. D’ici là, nous devrons continuer à
chercher des solutions individuelles ou comme mon ancien professeur se plaisait à répéter: «Penser est l’essence
même de tout médecin.»
Dr méd. Andreas Jenny
Médecine et sciences
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