Bâtir un Canada en santé - Canadian Journal of Public Health

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Bâtir un Canada en santé - Canadian Journal of Public Health
REVUE CANADIENNE de SANTÉ PUBLIQUE
CANADIAN JOURNAL of PUBLIC HEALTH
Supplément 1
Volume 106(1)
Supplement 1
Bâtir un Canada en santé
ESTABLISHED IN 1910
cjph.cpha.ca
ÉTABLI EN 1910
Remerciements
Le présent supplément et les articles qu’il contient n’auraient pas été possibles sans le
financement accordé à la coalition Bâtir un Canada en santé par Santé Canada via le
programme COALITION (Connaissances et action liées pour une meilleure prévention) du
Partenariat canadien contre le cancer. Des fonds ont également été fournis par le Réseau
canadien pour la santé urbaine, la Real Estate Foundation of British Columbia et la fondation
Bullitt. Les points de vue exprimés dans ce supplément sont ceux des auteurs et ne reflètent
pas nécessairement ceux des bailleurs de fonds du projet.
Photos de couverture : En haut à gauche : Sentier récréatif pour piétons et cyclistes, Vancouver, Gene Chin, 2013. En haut à droite : Région du Grand Toronto, autoroute
de la série 400, Kim Perrotta, 2014. En bas à gauche : Toronto, rue King, Kim Perrotta, 2014. En bas à droite : Piste cyclable, Montréal, Daniel Tobias.
REVUE CANADIENNE de SANTÉ PUBLIQUE
CANADIAN JOURNAL of PUBLIC HEALTH
TABLE DES MATIÈRES
Bâtir un Canada en santé
AVANT-PROPOS/PRÉFACE
eS2
Introduction
M. Arango
COMMENTAIRE
eS3
Bâtir un Canada en santé : traduire les connaissances scientifiques en action et en
prévention
D.L. Mowat
eS5
Toronto, une ville saine à dessein : pour un milieu bâti plus sain
R.G. Macfarlane, L.P. Wood, M.E. Campbell
eS9
Influencer les politiques publiques : deux (très bonnes) raisons de se tourner vers les
connaissances scientifiques en politique publique
F. Gagnon, O. Bellefleur
RECHERCHE QUANTITATIVE
eS12
La demande de marchabilité insatisfaite : disparités entre les préférences et les choix
réels de cadres de vie à Toronto et Vancouver
L.D. Frank, S.E. Kershaw, J.E. Chapman, M. Campbell, H. Swinkels
eS22
Projets de proximité axés sur l’environnement bâti : association avec la
défavorisation du quartier, la diversité des usages du sol et le risque de traumatismes
pour les usagers de la route
A.S. Dubé, M. Beausoleil, C. Gosselin, G. Beaulne, S. Paquin, A. Pelletier, S. Goudreau,
M.-H. Poirier, L. Drouin, L. Gauvin
eS27
Application d’un outil fondé sur les données probantes pour évaluer les effets
sanitaires de changements dans le milieu bâti
J.M. Ulmer, J.E. Chapman, S.E. Kershaw, M. Campbell, L.D. Frank
INTERVENTION EN SANTÉ PUBLIQUE
eS35
Intégrer la prise en compte des impacts sur la santé dans les processus d’approbation
des plans d’aménagement du territoire : l’élaboration d’un cadre d’étude de base sur
la santé
B.W. Moloughney, G.E. Bursey, J. Neumann, D.H. Leeming, C.E. Gutmann,
B. Sivanand, D.L. Mowat
eS43
Pour que les autorités sanitaires influencent davantage l’aménagement du territoire
et la planification des transports : leçons du projet Bâtir un Canada en santé de
l’initiative COALITION en Colombie-Britannique
A. Miro, K. Perrotta, H. Evans, N.A. Kishchuk, C. Gram, R.S. Stanwick, H.M. Swinkels
eS54
La coalition Bâtir un Canada en santé : Leçons de la première phase d’une initiative
intersectorielle et interprovinciale sur le milieu bâti
A. Miro, N.A. Kishchuk, K. Perrotta, H.M. Swinkels
eS64
Bâtir une communauté de pratique : la coalition Bâtir un Canada en santé
renouvelée – Post-scriptum
K. Perrotta
ÉDITEUR
Association canadienne de santé publique
Ian Culbert, Directeur général
© Association canadienne de santé publique, 2015.
Tous droits réservés.
ISSN 0008-4263
SIÈGE SOCIAL
Revue canadienne de santé publique
1525, avenue Carling, bureau 404
Ottawa (Ontario) Canada K1Z 8R9
Tél. : 613-725-3769
Téléc. : 613-725-9826
Courriel : [email protected]
journal.cpha.ca
PERSONNEL
Louise Potvin (Rédactrice en chef)
Karen Craven (Rédactrice adjointe)
Debbie Buchanan (Adjointe à la rédaction)
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS1
Introduction
Au nom de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, je suis fier de présenter cette édition spéciale de la
Revue canadienne de santé publique (RCSP) consacrée au travail des partenaires de la coalition Bâtir un Canada en
santé (BUCS) du projet COALITION I.
La coalition BUCS, créée en 2009, est financée
Partenaires de la coalition Bâtir un Canada en santé du
depuis cinq ans par le Partenariat canadien contre le
projet COALITION I
cancer dans le cadre de l’initiative Connaissances et
• Fondation des maladies du cœur et de l’AVC
action liées pour une meilleure prévention
• Réseau canadien pour la santé urbaine
(COALITION) et de Santé Canada. Il y a eu deux
• Centre de collaboration nationale sur les politiques
publiques et la santé
phases à la coalition BUCS : le projet COALITION I,
•
Institut canadien des urbanistes
financé de 2009 à 2012, et le projet COALITION
•
Fraser Health Authority
renouvelé, financé de 2012 à 2014. Les articles du
•
Direction de santé publique de Montréal
présent supplément à la RCSP sont fondés sur les
• Bureau de santé de la région de Peel
projets financés dans le cadre du projet COALITION I
• Santé publique Toronto
seulement. La coalition BUCS est un partenariat
• Vancouver Coastal Health
intersectoriel. Dans le cadre du projet COALITION I,
• Vancouver Island Health Authority
elle a inclus 10 partenaires : quatre partenaires
nationaux et six autorités de santé publique dans
trois provinces.
La vision de la Coalition en est une où les autorités sanitaires, les planificateurs, les ingénieurs, les ONG et les
universitaires des communautés de tout le Canada collaborent à la création de milieux bâtis sains qui
soutiennent et favorisent la santé et les modes de vie sains. La Coalition s’attache particulièrement à créer des
communautés propices à l’activité physique, l’objectif à long terme étant de réduire les maladies chroniques
comme les cardiopathies, le cancer et le diabète.
Les huit articles du supplément traitent des recherches orientées vers les politiques qui ont été menées, des
outils et des ressources qui ont été élaborés et des interventions qui ont été employées, tout cela dans le but de
tenir compte de la santé dans les processus d’usage du sol et de planification des transports qui façonnent les
communautés et qui influent sur la santé de leurs résidents.
Ce fut un privilège pour la Fondation que d’être l’organisme responsable du soutien stratégique et
administratif de la coalition Bâtir un Canada en santé au cours des cinq dernières années.
Manuel Arango, directeur, politique de la santé
Fondation des maladies du cœur et de l’AVC
eS2 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
COMMENTAIRE
Bâtir un Canada en santé : traduire les connaissances scientifiques
en action et en prévention
David L. Mowat, M.B.Ch.B., M.P.H., F.R.C.P.C., F.F.P.H.
I
l y a 10 ans, peu de lecteurs de la Revue canadienne de santé
publique auraient eu plus qu’une vague connaissance de la
question du milieu bâti et de la santé. Aujourd’hui, cette
question est solidement ancrée dans la pratique de la santé
publique. Elle figure au programme de conférences, les
étudiants s’attendent à ce qu’on en parle, et on entreprend et
on publie davantage d’études sur le sujet1. De 1993 à 2003,
Medline recensait 176 articles liés au milieu bâti; entre 2003 et
2013, il y en a eu 1 003. La plupart des études publiées portent
sur les relations entre l’aménagement du territoire, la
marchabilité, le transport actif et un éventail de résultats
sanitaires, comme la masse corporelle et le diabète, ainsi que
des sujets aussi divers que la connexité sociale, les
traumatismes et la qualité de l’air.
Que pouvons-nous conclure de ce corpus de recherches? Des
associations transversales – comme celles entre les indicateurs
d’aménagement du territoire, en particulier la densité de
population résidentielle, l’utilisation des moyens de transport
actifs et la prévalence de l’obésité – sont systématiquement
reproduites 2-7 . Ces preuves sont loin d’être concluantes
cependant; les résultats d’études longitudinales sont rares, et
les difficultés méthodologiques abondent. Entre autres, les
mesures des caractéristiques d’utilisation des terres à l’échelle
géographique peuvent ne pas saisir tous les effets à une échelle
différente : une petite oasis de « nouvel urbanisme » sertie
dans une vaste zone de banlieues tributaires de l’automobile
pourrait ne pas être complètement efficace. La difficulté a
souvent trait à la complexité inhérente des objets à l’étude : la
forme construite, les systèmes d’aménagement du territoire et
de planification des transports, et les interventions8-10. Pas
étonnant qu’aujourd’hui on ne puisse pas répondre avec
assurance à des questions comme « Comment fait-on pour
concevoir un quartier où les enfants seront plus susceptibles
de se rendre à l’école à pied ou en vélo? » ou « Quel est l’effet
net des carrefours giratoires sur la santé? »
Il faudrait clairement davantage d’études empiriques, mais il
faut être réaliste quant à la vraisemblance de trouver des
réponses simples, que l’on pourra facilement mettre en
application partout. Comme l’écrit Pawson, « Les interventions
sociales sont si complexes qu’il y a peu d’espoir de les reproduire
telles quelles; même si c’était possible, elles sont si sensibles au
contexte que le “même” assemblage, dans d’autres circonstances,
peut rater. Néanmoins, la planification possible dans des systèmes
ouverts consiste à réunir une foule d’expériences sur les options et
les possibilités et à comprendre quels genres de choses fonctionnent
pour quels genres de sujets, dans quels genres de situations11 »
(traduction libre).
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
Les praticiens de la santé publique sont convaincus que les
caractéristiques du milieu bâti exercent une grande influence sur
la santé, mais ils ne sont pas encore capables de trouver des
preuves solides pour orienter des interventions précises, adaptées
aux circonstances locales12. Il reste que les arguments en faveur
d’une action immédiate sont convaincants. Entre 1978 et 2009,
les taux d’obésité mesurés chez les Canadiens adultes ont grimpé
de 13,8 % à 25,4 %13. La prévalence du diabète augmente – de
6,4 % en 2002-2003, elle est passée à 8,7 % en 2008-200914. À
peine 15 % des adultes et 7 % des enfants et des jeunes affichent
les niveaux d’activité physique recommandés15,16, et les niveaux
de forme physique des enfants et des jeunes ont diminué entre
1981 et 2007-200917. Autour des grands centres urbains, on
continue d’asphalter les terres agricoles au profit de
développements domiciliaires à faible densité, tributaires de
l’automobile. Simultanément, les personnes qui se préoccupent
de la durabilité écologique, de la qualité de vie ou des pertes
économiques dues à l’encombrement de la circulation ou à
l’entretien d’infrastructures tentaculaires expriment elles aussi
des craintes. De meilleures politiques d’aménagement du
territoire et de transport semblent offrir un vaste éventail
d’avantages sociétaux et montrent peu de signes d’effets
néfastes. La difficulté est de trouver les moyens d’opérer les
changements désirés.
L’initiative COALITION – Connaissances et action liées pour
une meilleure prévention, un programme de subventions
financé par le Partenariat canadien contre le cancer et par
Santé Canada, vise à mettre les connaissances en action, à
promouvoir les partenariats entre les intéressés et à générer
des « données probantes fondées sur la pratique », sachant que
le maillage de pratiques novatrices avec les mécanismes de
recherche appropriés peut mener à des percées dans les
connaissances sur les processus et les effets de systèmes
complexes, comme les inter ventions en santé des
populations18. L’une des coalitions financées par l’initiative
COALITION s’appelle Bâtir un Canada en santé (BUCS); ses
membres sont le Réseau canadien pour la santé urbaine (les
directeurs de santé publique ou médecins hygiénistes de
19 grandes villes), la Fondation des maladies du cœur et de
l’AVC, l’Institut canadien des urbanistes, le Centre de
collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé
et l’Institut canadien des ingénieurs en transport. La première
phase a englobé le travail de six autorités sanitaires dans trois
provinces, comme l’expliquent Miro et coll. dans le résumé de
BUCS 19 . La phase actuelle, qui n’est pas abordée dans le
Affiliation de l’auteur
Médecin-hygiéniste, Région de Peel (Ontario)
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS3
BÂTIR UN CANADA EN SANTÉ
présent supplément, a été élargie pour inclure six autres
autorités sanitaires dans cinq autres provinces.
Les articles du présent supplément décrivent certaines des
activités de BUCS à Vancouver, Toronto et Montréal et les
progrès qui en ont résulté. Macfarlane et coll., à Toronto, nous
rappellent que le milieu bâti en tant qu’enjeu sanitaire a
à certains endroits plusieurs dizaines d’années d’histoire : le
mouvement des Villes-santé, par exemple, a été le fondement
des initiatives en cours 20 . Montréal a déjà mobilisé des
regroupements de quartier et des ONG autour d’enjeux liés au
milieu bâti, comme l’explique l’article de Dubé et coll. sur la
participation citoyenne à l’élaboration de politiques publiques
de transport actif21.
L’article de Gagnon et Bellefleur examine deux nécessités de
l’élaboration de politiques publiques saines : en prédire les
effets et en évaluer la viabilité politique22. Le premier aspect
est repris par Ulmer et coll., qui décrivent l’application d’un
outil logiciel fondé sur les preuves dans une évaluation des
effets sanitaires de la remise en valeur d’un site désaffecté à
Toronto23. L’article de Moloughney et coll. décrit un autre
outil fondé sur les preuves et son adoption systématique pour
l’évaluation de propositions d’aménagement (principalement
sur des sites de première implantation) dans la région de
Peel 24 . Miro et coll. réfléchissent à l’expérience de la
Colombie-Britannique, où l’on a voulu renforcer la capacité de
participer aux processus d’aménagement du territoire et de
planification des transports, tisser des liens entre les acteurs du
milieu et influencer les plans et les politiques25. Enfin, pour
illustrer la question de l’acceptabilité des politiques, les
résultats d’un sondage sur les préférences résidentielles mené
dans la région du Grand Toronto et dans la région
métropolitaine de Vancouver par Frank et coll. indiquent qu’il
existe une demande pour des communautés propices à la
marche, et qu’elle n’est pas entièrement comblée par les
schémas d’aménagement actuels26.
Les projets décrits ici montrent qu’il est possible de faire
fond sur des preuves empiriques pour élaborer des initiatives
qui mettent à l’essai des approches pratiques et en partager les
constatations avec d’autres. Ces projets ne représentent
qu’une petite partie des activités menées par des
professionnels de la santé publique en collaboration avec des
urbanistes, des ingénieurs en transport, des ONG et d’autres
partout au Canada. En même temps, nous devons continuer à
évaluer les nouvelles pratiques aussi rigoureusement que
possible afin de produire des connaissances généralisables. Ce
sera difficile, pour les raisons susmentionnées; mais ce n’est
que par une combinaison d’études empiriques et
d’observations critiques, reposant sur des bases théoriques,
que ce domaine continuera d’avancer.
4.
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7.
8.
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10.
11.
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16.
17.
18.
19.
20.
21.
22.
23.
24.
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25.
26.
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Miro A, Kishchuk NA, Perrotta K, Swinkels HM, 2015, « La coalition
Bâtir un Canada en santé : Leçons de la première phase d’une initiative
intersectorielle et interprovinciale sur le milieu bâti », Rev can santé
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Macfarlane RG, Wood LP, Campbell ME, 2015, « Toronto, une ville
saine à dessein : Pour un milieu bâti plus sain », Rev can santé publique,
106 (suppl. 1), p. eS5-eS8.
Dubé AS, Beausoleil M, Gosselin C, Beaulme G, Paquin S, Pelletier A
et coll., 2015, « Projets de proximité axés sur l’environnement bâti :
association avec la défavorisation du quartier, la diversité des usages du
sol et le risque de traumatismes pour les usagers de la route », Rev can
santé publique, 106 (suppl. 1), p. eS22-eS26.
Gagnon F, Bellefleur O, 2015, « Influencer les politiques publiques :
deux (très bonnes) raisons de se tourner vers le savoir scientifique en
politique publique », Rev can santé publique, 106 (suppl. 1), p. eS9-eS11.
Ulmer JM, Chapman JD, Kershaw SE, Campbell M, Frank LD, 2015,
« Application d’un outil fondé sur les données probantes pour évaluer
les effets sanitaires de changements dans le milieu bâti », Rev can santé
publique, 106 (suppl. 1), p. eS27-eS34.
Moloughney BW, Bursey GE, Neumann J, Leeming DH, Gutmann CE,
Sivanand B, Mowat DL, 2015, « Intégrer la prise en compte des impacts
sur la santé dans les processus d’approbation des plans d’aménagement
du territoire : l’élaboration du cadre d’une étude de base sur la santé »,
Rev can santé publique, 106 (suppl. 1), p. eS35-eS42.
Miro A, Perrotta K, Evans H, Kishchuk NA, Gram C, Stanwick RS,
Swinkels HM, 2015, « Pour que les autorités sanitaires influencent
davantage l’aménagement du territoire et la planification des
transports : leçons du projet Bâtir un Canada en santé de l’initiative
COALITION en Colombie-Britannique », Rev can santé publique,
106 (suppl. 1), p. eS43-eS53.
Frank LD, Kershaw SE, Chapman JE, Campbell M, Swinkels H, 2015,
« La demande de marchabilité insatisfaite : disparités entre les
préférences et les choix réels de cadres de vie à Toronto et Vancouver »,
Rev can santé publique, 106 (suppl. 1), p. eS12-eS21.
COMMENTAIRE
Toronto, une ville saine à dessein : pour un milieu bâti plus sain
Ronald G. Macfarlane, M.Sc., Linda P. Wood, M.A., Monica E. Campbell, Ph.D.
RÉSUMÉ
Les maladies chroniques, l’obésité et les modes de vie sédentaires sont parmi les enjeux sanitaires auxquels le Canada fait face aujourd’hui. Il est de plus
en plus reconnu et prouvé que la façon dont nos villes sont planifiées, conçues et bâties peut contribuer à ces problèmes. Bon nombre des leviers
stratégiques pour aborder le milieu bâti existent en dehors du secteur de la santé, à l’échelle municipale, dans des domaines comme l’urbanisme, les
transports, les parcs et les loisirs, et le logement. Le défi pour le secteur de la santé publique est de tisser et d’entretenir des partenariats et des
collaborations entre divers secteurs pour que l’on tienne compte de la santé dans les politiques sur le milieu bâti. À titre de bureau de santé publique
pour la ville de Toronto et d’élément de l’administration municipale, le Service de santé publique de Toronto est particulièrement bien placé pour fournir
l’impulsion, l’action sociale et le soutien nécessaires à des politiques publiques municipales saines liées au milieu bâti. Notre article présente des
exemples d’initiatives du projet COALITION (Connaissances et action liées pour une meilleure prévention) entreprises pour favoriser l’appui aux
politiques publiques saines dans le milieu bâti et suggère que l’approche des « Villes-santé » est un cadre utile pour promouvoir un changement
d’orientation dans le milieu bâti à l’échelle municipale.
MOTS CLÉS : politique publique; santé publique; milieu bâti; urbanisme; santé en zone urbaine; action intersectorielle
Rev can santé publique 2015;106(1)(Suppl. 1):eS5-eS8.
A
u cours des dernières décennies, les maladies chroniques
comme l’asthme, le diabète, le cancer, l’hypertension
artérielle et les maladies coronariennes sont devenues les
problèmes de santé les plus courants des Canadiens. Toronto est
confrontée à un alourdissement du fardeau des troubles
médicaux chroniques courants et de leurs facteurs de risque.
Environ 30 % des résidents de 12 ans et plus ont dit avoir reçu un
diagnostic d’un ou plusieurs états chroniques courants en 20081.
On reconnaît de plus en plus que les façons dont nos milieux
de vie sont planifiés, conçus et bâtis ont une incidence sur ces
états et facteurs de risque. On réclame donc des améliorations au
milieu bâti pour aborder les enjeux sanitaires actuels. Étant
donné que de nombreuses politiques et décisions liées au milieu
bâti sont formulées hors du secteur de la santé, dans des
domaines comme l’urbanisme et les transports, le secteur de la
santé publique doit trouver des moyens efficaces d’influencer et
d’appuyer les responsables des décisions qui touchent la qualité
de vie en milieu urbain.
Notre article explique comment une approche comme celle des
« Villes-santé » peut contribuer à promouvoir des politiques publiques
saines, en citant des exemples d’initiatives du projet COALITION
(Connaissances et action liées pour une meilleure prévention).
L’approche des Villes-santé pour le milieu bâti
Le concept de la « ville-santé » est attribué à Edwin Chadwick,
secrétaire de la commission Health in Towns établie en Angleterre
en 1843 2 . En 1909, le Canada crée la Commission de la
conservation. Selon son comité de santé publique, le bon
aménagement urbain est essentiel à la préservation de
l’environnement et de la santé des gens. En 1910, Toronto est
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
l’une des premières villes au monde à procéder à la chloration de
l’eau potable, puis en 1915, à celle des eaux usées et des eaux
filtrées. En juillet 1915, la revue Maclean’s déclare que Toronto est
la plus saine des grandes villes du monde. Ce niveau élevé de
santé publique est atteint sous la direction du Dr Charles Hastings,
médecin hygiéniste, avec l’engagement politique du conseil
municipal et l’appui de la population. Ces mesures d’intervention
en santé publique et celles qui s’ensuivent allègeront beaucoup le
fardeau des maladies transmissibles.
Après un hiatus dans la foulée de la Deuxième Guerre
mondiale, on assiste dans les années 1980 à un regain d’intérêt
pour l’impact des environnements urbains sur la santé. Le
concept des Villes-santé se développe à la suite d’une conférence,
Au-delà des soins de santé, tenue à Toronto en 19842. Celle-ci est
suivie d’un projet lancé en 1985 par le Bureau régional pour
l’Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS); il mène à
la création du mouvement mondial des Villes-santé, dans le cadre
duquel des villes du monde entier abordent la santé urbaine selon
une approche intersectorielle. Le mouvement cherche à appliquer
à l’échelle locale les concepts et les stratégies de promotion de la
santé définis dans la Charte d’Ottawa3.
L’approche de la Ville-santé reconnaît que la santé est
influencée par les conditions sociales, économiques et ambiantes
d’une ville (Figure 1)4. Elle part de l’hypothèse selon laquelle,
pour optimiser la santé de la population, la communauté doit
Affiliation des auteurs
Service de santé publique de Toronto, Toronto (Ontario)
Correspondance : Ronald Macfarlane, Service de santé publique de Toronto, 277, rue Victoria,
Toronto (Ontario) M5B 1W2, tél. : 416-392-6788, courriel : [email protected]
Conflit d’intérêts : aucun à déclarer.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS5
TORONTO, UNE VILLE SAINE À DESSEIN
être conviviale, équitable et vivable; l’économie doit bien se
porter et être durable sur le plan social; la prospérité doit être
répartie équitablement au sein de la population; et
l’environnement doit être durable, viable et vivable.
Selon la vision de l’OMS, une ville-santé est une ville « qui crée
et améliore en permanence les environnements physiques et
sociaux et développe les ressources communautaires qui
permettent aux individus de se soutenir mutuellement pour
accomplir toutes les fonctions de la vie et réaliser pleinement leur
potentiel5 ». Une ville-santé cherche à instaurer un contexte de
sollicitude et de soutien pour tous les citoyens et tient compte de
leurs divers besoins; elle ménage les conditions et opportunités
qui favorisent les modes de vie sains; et elle offre un milieu
physique et un environnement bâti accessibles à l’ensemble des
citoyens, qui favorisent la santé, les activités récréatives et le bienêtre, la sécurité, l’interaction sociale, la mobilité, un sentiment de
fierté et une identité culturelle.
Cette approche met l’accent sur des principes de politique
publique saine, de mobilisation des administrations locales, de
participation populaire et de coopération intersectorielle. Elle
invite les administrations locales à prendre conscience des enjeux
sanitaires enfouis dans leurs politiques, leurs programmes et leurs
services. La création d’une ville-santé est un processus qui vise à
mettre la santé au premier rang des préoccupations des décideurs,
qui mobilise des partenariats et permet la collaboration entre les
secteurs, qui encourage la participation communautaire et qui
veille à ce que la politique publique favorise la santé des résidents.
Faire de Toronto une ville saine à dessein
Au moment où l’OMS élabore ses initiatives des Villes-santé,
Toronto prend des mesures dans le même sens. En 1986, le
Conseil de la santé de la ville forme le sous-comité Healthy
Toronto 2000, qu’il charge de formuler des orientations sur les
moyens de créer une ville plus saine, ce qui aboutit à la création
du Bureau Ville en santé (BVS) en 19896. À la recommandation
du Conseil, en 1987, l’ancienne Ville de Toronto approuve aussi
la création du Bureau de protection de l’environnement (BPE) au
sein des services de santé; il a pour mandat de détecter et de
prévenir les menaces environnementales pour la santé humaine à
Toronto.
Après la fusion des six municipalités de la communauté
urbaine de Toronto en 1998, on insiste davantage sur la durabilité
écologique que sur la santé urbaine. Le BVS, que l’on a intégré
dans l’Unité des politiques stratégiques et ministérielles du
Bureau du directeur général de l’administration, pilote la
publication du Plan environnemental en 2001. À la faveur d’une
réorganisation des services de la ville en 2006, le BVT est dissous
et remplacé par le Bureau environnemental de Toronto. Ce
dernier publie en 2007 un « Plan d’action sur le changement
climatique, l’air pur et l’énergie durable ». Les élections
municipales de 2010 changent radicalement le climat politique
de la ville : le maire et le conseil municipal mettent désormais
l’accent sur la responsabilité financière de l’administration
municipale. En 2010, le Service de santé publique de Toronto
(SSPT) crée une Direction de la politique publique saine dans
laquelle on intègre le BPE. Le mandat de cette nouvelle direction
est d’aborder les déterminants environnementaux, sociaux et
économiques de la santé.
Figure 1.
Le modèle de la Ville-santé
Source : voir la référence no 4
À Toronto, les services de santé publique font partie de
l’administration municipale. Il leur est donc possible d’influencer
directement les processus décisionnels locaux. Le SSPT est le plus
grand bureau de santé au Canada; il est chargé de protéger et de
promouvoir la santé des quelque 2,7 millions de résidents de la
Ville de Toronto. Selon les Normes de santé publique de l’Ontario
(2008) 7 , les bureaux de santé publique ont le mandat de
collaborer avec la municipalité afin de soutenir l’élaboration de
politiques publiques saines et de créer des milieux bâtis
favorables. L’une des priorités stratégiques du SSPT est de se faire
le champion des politiques publiques saines en faisant appel à des
approches pangouvernementales et à la collaboration
intersectorielle. En octobre 2011, le SSPT profite de la publication
du rapport Healthy Toronto by Design8 pour parrainer la prise en
compte de la santé dans les décisions de l’administration
municipale en revenant à l’approche de la « Ville en santé », alors
que le maire se concentre sur la réduction des dépenses
publiques.
Des initiatives pour améliorer le milieu bâti à Toronto
Membre actif du Réseau canadien pour la santé urbaine, le SSPT
est invité en 2009 à participer à plusieurs initiatives du projet
COALITION : élaborer des outils d’aide à la décision fondés sur la
santé pour les utiliser dans le processus d’aménagement du
territoire; mieux comprendre et faire comprendre la relation entre
le milieu bâti et les résultats sanitaires; et explorer comment
miser sur les améliorations stratégiques et l’implication du public
pour créer des milieux plus sains qui contribuent en bout de ligne
à prévenir les maladies chroniques (tableau 1). Ces initiatives
bénéficient de la collaboration de plusieurs services de la ville,
dont la Division de l’urbanisme, le Bureau de modernisation des
tours d’habitation et le Service des transports, et de celle de
partenaires communautaires, dont le Centre for Urban Growth
and Renewal, le Toronto Centre for Active Transportation et
Centraide. Elles contribuent à promouvoir la santé des milieux
eS6 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
TORONTO, UNE VILLE SAINE À DESSEIN
Tableau 1. Initiatives choisies du Service de santé publique de Toronto sur le milieu bâti*
Initiative
Healthy Toronto by Design
Description
Le rapport Healthy Toronto by Design8 (octobre 2011) décrit les
grands impacts des villes et de leur conception sur la santé et
souligne le rôle des administrations locales dans la création de
villes saines, vivables et prospères.
Objectif
Collaboration accrue avec les autres services de l’administration
municipale et de ses agences pour que l’on tienne compte de la
santé dans les processus décisionnels.
Sondage sur les préférences
résidentielles
Le rapport Walkable City: Neighbourhood Design and
Preferences, Travel Choices and Health13 (avril 2012) résume les
résultats du Sondage sur les préférences résidentielles et inclut
des cartes indiquant les secteurs peu propices à la marche et à
faible revenu qui profiteraient le plus d’interventions visant à
rehausser le potentiel piétonnier.
Soutien accru aux changements nécessaires pour rehausser le
potentiel piétonnier des quartiers et mise en place de mesures
pour favoriser des améliorations dans les secteurs de Toronto
actuellement moins propices à la marche, en particulier les
quartiers où vivent une proportion élevée de personnes à faible
revenu.
Transport actif et santé
Le rapport Road to Health: Improving Walking and Cycling in
Amélioration de l’infrastructure de transport actif, adoption de
Toronto14 (avril 2012) examine les avantages du transport actif mesures de sécurité et accroissement des taux de marche et de
pour la santé, notamment ses avantages économiques, sociaux, cyclisme chez les résidents de Toronto.
environnementaux et liés au système de transport.
Built Environment Health
Impact Assessment
(outil logiciel)
Un outil logiciel pour aider les décideurs et les responsables des
politiques à comprendre les effets possibles de différentes
approches de conception des quartiers sur des résultats
sanitaires comme les niveaux d’activité physique, le poids et
les émissions de gaz à effet de serre (2010-2012).
Examen du Plan des parcs
de Toronto
Le rapport Improving Health and Health Equity through the
Investissements accrus et accès amélioré aux parcs pour les
personnes les plus défavorisées.
Toronto Parks Plan16 (novembre 2011) explique le rôle des
parcs dans la promotion de la santé en soulignant
spécifiquement comment le Plan des parcs de Toronto pourrait
aussi contribuer à réduire les iniquités face à la santé.
Planning a Healthier
Toronto17 (table ronde)
Une table ronde de spécialistes de la santé et de l’urbanisme
a cerné des enjeux hautement prioritaires à Toronto et suggéré
des moyens de renforcer le Plan officiel de la ville (mars 2012).
Insertion dans le Plan officiel de politiques qui contribuent à
réduire les inégalités et à favoriser des milieux bâtis plus sains
dans les secteurs où l’on prévoit peu de croissance.
Toward Healthier Apartment
Neighbourhoods15
Synthèse des obstacles et des opportunités liés au zonage pour
promouvoir des quartiers plus sains, en particulier dans les
grappes de tours d’habitation résidentielles situées dans les
secteurs à faible revenu et les banlieues proches de Toronto
(septembre 2012).
Suppression des obstacles à la création de quartiers plus sains et
plus propices à la marche dans les grappes actuelles
d’immeubles d’habitation à usage mixte de Toronto.
Inventaire des pratiques
exemplaires
L’inventaire Creating Healthy Built Environments18 (mai 2012)
présente des pratiques et des politiques novatrices en usage
dans l’administration municipale torontoise.
Adoption généralisée d’initiatives susceptibles d’améliorer le
milieu bâti et la santé.
Rendre disponible au public et aux décideurs de l’information
sur les avantages pour la santé des options présentées dans les
grandes propositions d’aménagement et de réaménagement,
afin d’éclairer les décisions.
* Pour en savoir davantage sur ces initiatives : www.toronto.ca/health/builtenvironment (consulté le 1er avril 2014).
bâtis en produisant de nouvelles données probantes grâce à la
recherche, en faisant la synthèse des connaissances, en créant des
outils d’aide à la décision, en rehaussant le transfert
des connaissances et en améliorant la promotion de choix plus
sains.
DISCUSSION
On a décrit les Villes-santé comme étant un mouvement social
qui vise à améliorer la santé des citadins 9 . Son approche
fondamentale inclut la collaboration intersectorielle, l’action
communautaire et la poursuite de l’équité. Un « cadre d’action
sociale en coalition » définit le processus de réorientation des
politiques comme étant une lutte entre diverses coalitions (des
groupes d’acteurs qui partagent un ensemble de convictions ou
d’objectifs), modulée en partie par l’utilisation d’informations
scientifiques et techniques10. L’approche des Villes-santé peut
donc être vue comme une tentative par les acteurs de la santé
publique d’utiliser des données probantes pour influencer les
perceptions et la compréhension et pour favoriser le changement
par la formation de coalitions.
La santé est souvent une puissante motivation pour aborder les
enjeux de la planification11. En situant les données probantes
dans leur contexte local, avec les données locales et les coûts et
avantages de la politique proposée, on peut plus facilement
obtenir l’appui des décideurs municipaux 12 . Comme nous
l’expliquons ci-dessous, les initiatives du projet COALITION ont
fourni des informations adaptées au contexte torontois.
L’ouvrage The Walkable City 13 fait appel aux résultats du
Sondage sur les préférences résidentielles pour décrire les
avantages d’un milieu bâti plus propice à la marche et la
demande latente pour des quartiers plus favorables à l’activité.
Comme en témoigne le niveau d’attention médiatique qu’il a
reçu, ce message trouve un large écho dans la population, ce qui
favorise un soutien accru aux changements nécessaires pour créer
des quartiers propices à la marche. De même, les rapports Road to
Health14 et Toward Healthier Apartment Neighbourhoods15 ont éclairé
le débat en reliant plus directement les données probantes et le
vécu des résidents et des décideurs torontois. Ces rapports ont
stimulé des collaborations avec différents partenaires pour
aborder les préoccupations soulignées. Le SSPT travaille
maintenant avec la Division des services de transport de la ville et
le Toronto Centre for Active Transportation à faire la
démonstration d’options qui rendraient les quartiers plus sûrs
pour les cyclistes et les piétons. De plus, la Division de
l’urbanisme a invité le SSPT à collaborer à l’étude des règles de
zonage qui empêchent la transformation des quartiers constitués
d’immeubles d’habitation en espaces plus sains.
Il est par ailleurs essentiel d’agir quand la conjoncture est
favorable. En juillet 2011, le conseil municipal a approuvé une
stratégie de consultation du public et des acteurs du milieu pour
l’élaboration du Plan des parcs. Le SSPT a utilisé les modules de
l’outil logiciel Built Environment Health Impact Assessment pour
repérer les secteurs à faible revenu mal desservis par la ville. Ceci
a amené le Conseil de la santé à recommander que l’on accorde
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS7
TORONTO, UNE VILLE SAINE À DESSEIN
une attention particulière à ces secteurs lorsqu’on planifie la
création de nouveaux parcs, l’amélioration du couvert arboré ou
la construction d’installations de loisirs16.
La Division de l’urbanisme amorce l’examen quinquennal du
Plan officiel de Toronto. La table ronde Planning a Healthier
Toronto17 a permis de repérer les enjeux hautement prioritaires,
lesquels ont été présentés au Conseil de la santé et ont servi à
fournir une rétroaction au planificateur en chef de la ville. Cet
effort a permis à la Division de l’urbanisme de reconnaître que le
Plan officiel doit mieux aborder les quartiers dont la conception
actuelle est sous-optimale pour la santé et où il se fait peu
d’aménagements nouveaux, y compris les secteurs moins
propices à la marche selon les données de l’outil logiciel.
L’inventaire Creating Healthy Built Environments18 fournit un
autre type de données probantes : il montre ce qui peut être fait.
Son but est de convaincre les décideurs et autres acteurs du milieu
que certaines options sont faisables, et donc de solliciter leur
appui pour qu’on les mette en œuvre à plus grande échelle.
L’approche des Villes-santé favorise l’action intersectorielle,
utilise les données probantes pour créer une vue commune et fait
de la santé un objectif commun pour réorienter les politiques. Si,
comme le suggère Fafard19, l’élaboration d’une politique publique
est un processus social et que les données probantes sont
socialement construites, alors les délibérations entre des
personnes qui ont des perceptions différentes du meilleur moyen
de résoudre un enjeu sont un élément essentiel du processus
décisionnel et de la promotion de milieux bâtis plus sains.
Healthy Toronto by Design8 offre un cadre général dans lequel le
SSPT présente le débat. Dans la mesure où les divers acteurs
s’entendent sur l’objectif de créer une ville-santé, ce cadre fournit
un terrain commun à partir duquel on peut commencer à
délibérer du meilleur moyen d’atteindre l’objectif. Les initiatives
du projet COALITION que nous avons décrites peuvent être
considérées comme des moyens de soutenir une réorientation des
politiques en produisant des données probantes sur la santé afin
de créer une vue et un but communs.
CONCLUSION
La réorientation des décisions d’urbanisme en faveur
d’environnements et de politiques qui intègrent des objectifs de
santé des populations et qui visent à réduire les inégalités de
santé se fera probablement petit à petit. En ajoutant aux données
probantes et en engageant un dialogue avec les élus, les divers
acteurs gouvernementaux, le grand public et le secteur privé, on
peut en arriver à une vue commune et tisser des alliances pour un
changement positif.
Pour créer un milieu bâti sain, les décideurs municipaux
doivent être conscients des effets sanitaires possibles de diverses
décisions et des avantages de faire en sorte que la santé soit prise
en compte dans les processus décisionnels. Le SSPT utilise les
données probantes des initiatives et des outils du projet
COALITION pour promouvoir des milieux bâtis plus sains.
Diverses stratégies sont nécessaires pour intégrer la santé dans les
décisions municipales, comme de favoriser des politiques
systémiques et pangouvernementales pour élaborer des approches
communes face aux enjeux transversaux qui touchent la santé, et
de collaborer avec des collègues d’autres secteurs municipaux,
comme l’urbanisme, les transports et les parcs et loisirs, pour
promouvoir des politiques publiques municipales saines.
Créer un milieu bâti sain et durable est un processus complexe
auquel le secteur de la santé publique peut offrir son leadership et
son soutien. La réussite dépendra de la participation citoyenne,
des partenariats et de la collaboration entre tous les secteurs de la
société : les gouvernements, les entreprises et la population. Les
Villes-santé offrent un cadre de changement qui utilise l’objectif
commun de la santé pour mobiliser les acteurs.
RÉFÉRENCES
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COMMENTAIRE
Influencer les politiques publiques : deux (très bonnes) raisons de
se tourner vers les connaissances scientifiques en politique publique
François Gagnon, Ph.D., Olivier Bellefleur, M.Sc.
RÉSUMÉ
Le mouvement pour des politiques publiques favorables à la santé repose sur la conviction que diverses politiques publiques devraient être au moins en
partie fondées sur les données probantes concernant leurs effets positifs sur la santé des populations, les inégalités de santé et leurs déterminants. Pour
aborder certaines des difficultés auxquelles le mouvement est confronté, les connaissances produites dans diverses disciplines scientifiques au sujet des
politiques publiques pourraient être d’une aide précieuse.
Dans ce bref commentaire, nous examinons comment les connaissances des disciplines scientifiques qui étudient les politiques publiques permettent
d’aborder deux des difficultés de la formulation de politiques publiques favorables à la santé : 1) anticiper adéquatement les effets des politiques
publiques et 2) évaluer la viabilité politique des options dont on fait la promotion. Comme les politiques de circulation urbaine intéressent la plupart des
autres collaborateurs du présent supplément, nous avons choisi des exemples de ce domaine pour illustrer certains de nos arguments.
MOTS CLÉS : politique publique; effets; contexte; échelles; horizons temporels; viabilité politique
Rev can santé publique 2015;106(1)(Suppl. 1):eS9-eS11.
e mouvement des politiques publiques favorables à la
santé repose sur la conviction que diverses politiques
publiques devraient être au moins en partie éclairées par
les données probantes de leurs effets positifs sur la santé des
populations, les inégalités de santé et leurs déterminants. Pour
aborder certaines des difficultés auxquelles le mouvement est
confronté, les connaissances* produites dans diverses
disciplines scientifiques au sujet des politiques publiques
pourraient être d’une aide précieuse.
Dans ce bref commentaire, nous examinons comment les
connaissances évoquées dans le secteur des politiques
permettent d’aborder deux des difficultés de la formulation de
politiques publiques favorables à la santé : 1) prévoir
adéquatement les effets des politiques publiques et 2) évaluer
la viabilité politique des options dont on fait la promotion.
Comme les politiques de circulation urbaine intéressent la
plupart des autres collaborateurs du présent supplément, nous
avons choisi des exemples de ce domaine pour illustrer
certains de nos arguments.
L
des effets favorables, neutres ou même préjudiciables sur la
santé des populations, les inégalités de santé et leurs
déterminants. C’est la raison pour laquelle la santé publique
consacre des efforts aussi importants à élaborer des méthodes
d’analyse pouvant produire des connaissances valides et
fiables sur ces effets. Toutefois, un examen des méthodologies
développées en santé publique et de la littérature scientifique
concernant les politiques publiques révèle que ces
méthodologies font face à deux défis majeurs : la
transférabilité des résultats de recherche et la multiplicité des
horizons temporels et des échelles d’effectivité des politiques
publiques.
La transférabilité des résultats de recherche est un concept
qui se résume bien par la question suivante : dans quelle
mesure les résultats d’une étude permettent-ils de prévoir
adéquatement ce qui se passerait si l’option stratégique était
mise en œuvre dans un autre contexte? La question peut
paraître inoffensive, mais elle se trouve néanmoins au
confluent de plusieurs débats importants qui ont cours au sein
Prévoir adéquatement les effets des politiques publiques
Affiliation des auteurs
Quand les effets d’options stratégiques sont mal ou
incomplètement évalués, promouvoir ces options peut avoir
Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé, Montréal
(Québec)
Correspondance : François Gagnon, Institut national de santé publique du Québec,
Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé, 190, rue
Crémazie Est, Montréal (Québec) H2P 1E2, tél. : 514-864-1600, poste 3627, courriel :
[email protected]
Conflit d’intérêts : aucun à déclarer.
* Dans cette discussion, les « connaissances » désignent tout autant les
analyses empiriques que les cadres analytiques et méthodologiques qui
en structurent l’élaboration.
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS9
REGARD SUR LA SCIENCE APPLIQUÉE AU DOMAINE POLITIQUE
du mouvement des politiques publiques favorables à la santé.
Ces débats découlent, en particulier, de la tentation
d’appliquer l’étalon de la médecine fondée sur les données
probantes – l’essai clinique randomisé – lorsqu’on élabore une
politique publique fondée sur les données probantes1. L’essai
randomisé est un protocole expérimental qui sert à isoler
complètement une intervention donnée de tous les facteurs
conjoncturels ou contextuels pouvant en influencer les effets
(considérant que certaines variables sont dites
confusionnelles). Une telle approche se heurte rapidement à
l’un des postulats de la science des politiques publiques : les
effets d’une politique publique dépendent en partie de la
conjoncture ou du contexte de sa mise en œuvre † . Pour
illustrer simplement l'idée, on peut considérer qu’un tronçon
autoroutier actualisant une politique de transport n’aura pas
les mêmes effets sur la santé publique, sur les inégalités de
santé ou leurs déterminants s'il est construit en milieu rural ou
dans un milieu densément peuplé.
Il ne suffit donc pas de demander quelles sont les
interventions qui permettent en général d’atteindre un
objectif de santé donné. Les acteurs de santé publique doivent
aussi pouvoir évaluer les conditions dans lesquelles ces
interventions produisent les effets désirés. Par exemple,
analyser les mécanismes d’action des interventions, en plus de
leurs effets sur les états de santé, est une façon pour les acteurs
de santé publique de pouvoir adapter les options stratégiques
qu’ils préconisent au contexte dans lequel ils travaillent.
Évaluer ces conditions et ces mécanismes d’action a un autre
avantage manifeste : cela peut aider à comprendre des
résultats d’évaluation divergents et parfois franchement
contradictoires, un phénomène devant lequel les revues
systématiques et les méta-analyses nous laissent impuissants.
Diverses méthodes ont d’ailleurs été élaborées pour tenir
compte de la complexité de cette dynamique, dont
« l’évaluation réaliste2 », le travail du groupe de collaboration
en santé publique Cochrane 3 et celui du Centre de
collaboration nationale sur les politiques publiques et la
santé4.
En outre, les travaux publiés sur les effets des politiques
publiques montrent clairement qu’il faut se pencher sur une
autre dimension des options stratégiques parfois
insuffisamment abordée en santé publique : les niveaux
multiples, les horizons temporels et les échelles d’effets des
politiques publiques. Pour reprendre l’exemple précédent, un
tronçon routier peut avoir des effets positifs et négatifs à
différents niveaux (le nombre et la gravité des collisions,
l’activité physique et le transport actif, le bruit, la qualité de
l’air, les relations sociales, etc.). Ces effets varieront selon
l’horizon temporel envisagé (court, moyen ou long terme)5. Ils
varieront aussi selon l’échelle ou le territoire géographique
couvert par l’analyse. À titre d’exemple, une analyse a montré
que les zones immédiatement adjacentes aux tronçons
routiers ressentaient beaucoup les impacts de leur
construction, tandis que les zones plus isolées étaient
† Ici, le mot « contexte » désigne, entre autres, le « contexte stratégique » (ou
les politiques parallèles à celle que l’on examine), le « contexte
organisationnel » (ou les structures, les ressources, les systèmes idéologiques,
etc. des organisations concernées par une politique), le « contexte
environnemental » (le milieu matériel, physique et humain) et ainsi de suite.
significativement moins touchées6. Les niveaux multiples, les
horizons temporels et les échelles d’effets expliquent pourquoi
les politiques publiques ont nécessairement des effets
différents sur divers groupes ou sous-groupes d’une population
donnée. Par exemple, de nombreuses infrastructures routières
nord-américaines en milieu urbain ont été construites très
proches de quartiers défavorisés, sinon directement à travers7.
Les résidents de ces quartiers (plus démunis et moins
motorisés) ont donc été obligés d’endurer plus ou moins
directement l’impact de ces travaux8. Les niveaux d’impact, les
horizons temporels et les échelles d’effets examinés
influencent donc toute évaluation des effets d’une option
stratégique et des jugements que l’on peut émettre à son
propos.
On explore déjà certains de ces enjeux dans le domaine de
la santé publique, en particulier par l’utilisation des méthodes
d’évaluation d’impact sur la santé9. Mais il est nécessaire que
les acteurs de la santé publique commencent à examiner plus
systématiquement les niveaux d’impact multiples, les
horizons temporels et les échelles d’effets des options
stratégiques qu’ils évaluent. Leur tâche n’en sera certes pas
simplifiée, mais cela pourrait mener à des évaluations plus
complètes des options stratégiques qu’on leur demande
d’évaluer.
Évaluer la viabilité des politiques dont on fait la
promotion
Les contextes de travail des acteurs de la santé publique
déterminent quels énoncés de politique ont une probabilité
d’être mis en œuvre. En réalité, à tout moment, certains types
de changements peuvent être soit entièrement, soit
partiellement bloqués, ou plus ou moins largement acceptés.
Pour ne citer qu’un exemple, ces dernières années, la hausse
croissante des temps de déplacement‡ en voiture a stimulé la
demande pour d’autres formes de mobilité. Ceci a contribué à
ouvrir les possibilités pour des politiques qui préconisent un
transfert modal vers le transport actif et collectif. Une telle
conjoncture pourrait faire en sorte que les recommandations
des acteurs de la santé publique dans ce secteur politique
reçoivent un accueil favorable dans les années à venir.
Les acteurs de la santé publique ont donc intérêt à examiner
soigneusement les contextes dans lesquels ils travaillent, afin
de pouvoir diagnostiquer les blocages et les ouvertures que
présentent ces contextes et à en déterminer la nature et la
portée. Devant des obstacles importants, les acteurs pourraient
devoir envisager des stratégies à moyen et long terme. Par
exemple, ils peuvent commencer par travailler sur les normes
sociales et culturelles qui sous-tendent ces blocages, comme
cela a été fait dans la lutte contre le tabagisme.
Plusieurs analyses et cadres analytiques peuvent être utilisés,
seuls ou en combinaison, pour évaluer les conjonctures
politiques où évoluent les acteurs de la santé publique et pour
élaborer des stratégies en vue de leur transformation. Par
exemple, les travaux s'inscrivant dans le courant du cadre des
‡ Ce changement s’est produit malgré la poursuite d’une politique de
mobilité, dans la plupart des grands centres urbains du pays (sauf à
Vancouver), visant à maintenir la fluidité du trafic même avec une
hausse constante du nombre de kilomètres-véhicules parcourus.
eS10 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
REGARD SUR LA SCIENCE APPLIQUÉE AU DOMAINE POLITIQUE
coalitions plaidantes montrent que des politiques publiques
mises en œuvre dans un contexte politique donné peuvent
être comprises comme découlant des rapports de force entre
des coalitions d’acteurs diverses. Ces acteurs ont des intérêts et
des idéologies qui convergent (au sein d’une même coalition)
et qui divergent (d’une coalition à l’autre) 10. Ces travaux
montrent notamment qu’un changement d’orientation peut
survenir de plusieurs façons. Entre autres, les chocs extérieurs
peuvent provoquer une réorganisation des intérêts et des
idéologies de divers acteurs, et donc mener à une
réorganisation plus ou moins importante des relations entre
les coalitions. Ces nouvelles relations peuvent créer différentes
conjonctures politiques. Par exemple, le retour de groupes
socioéconomiquement plus aisés vers les quartiers centres de
nombreuses villes du Canada§ a fait augmenter les demandes
politiques en faveur de milieux de vie plus paisibles et d’une
réduction des pressions environnementales, et donc en faveur
de politiques de transport qui atténuent ou qui réduisent
l’impact des déplacements motorisés sur ces milieux de vie.
En somme, il y a de bonnes raisons pour les acteurs de la
santé publique qui travaillent à promouvoir des politiques
publiques saines de se familiariser avec les connaissances
scientifiques en matière de politiques publiques. Dans notre
bref commentaire, nous avons abordé deux de ces raisons :
1) les connaissances dans ce domaine pointent vers les grands
enjeux à examiner lorsqu’on acquiert et qu’on utilise le savoir,
ce qui permet de prévoir adéquatement les effets des
politiques publiques sur la santé des populations et 2) les
connaissances dans ce domaine peuvent aider les acteurs de la
santé publique à mieux analyser les contextes d’intervention,
et donc à formuler des politiques et des stratégies plus viables
sur le plan politique.
RÉFÉRENCES
1.
Haynes L, Service O, Goldacre B, Torgerson D, 2012, Test, Learn, Adapt:
Developing Public Policy with Randomised Controlled Trials, Londres,
Cabinet Office Behavioural Insights Team. Sur Internet :
http://www.cabinetoffice.gov.uk/ sites/default/files/resources/TLA1906126.pdf (consulté le 12 juin 2012).
2. Pawson R, 2005, Evidence-based Policy: A Realist Perspective, Londres, Sage.
3. Armstrong R, Waters E, Jackson N, Oliver S, Popay J, Shepherd J, et al.,
2007, Systematic Reviews of Health Promotion and Public Health
Interventions, Version 2, Melbourne (Australie), Guidelines for Systematic
Reviews in Health Promotion and Public Health Task Force. Sur Internet :
http://ph.cochrane.org/sites/ph.cochrane.org/files/uploads/Guidelines%
20HP_PH%20reviews.pdf (consulté le 20 juin 2012).
4. Morestin F, Gauvin F-P, Hogue M-C, Benoit F, 2010, Méthode de synthèse
des connaissances sur les politiques publiques, Montréal, Centre de
collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé. Sur
Internet : http://www.ccnpps.ca/docs/M%C3%A9thoPP_FR.pdf
(consulté le 11 juin 2012).
5. Reichel V, Da Cunha C, O’Connor M, 2009, « Le débat public sur
l’autoroute A12 (France) en termes d’effets : une analyse en trois
temps », Vertigo — la revue électronique en sciences de l’environnement, 9, 2.
6. Sénécal G, Archambault J, Hamel PJ, 2000, « L’autoroute urbaine à
Montréal : la cicatrice et sa réparation » dans Sénécal G, Saint-Laurent D
(dir.), Les espaces dégradés : contraintes et conquêtes, Québec, Presses de
l’Université du Québec, p. 271.
7. Lewis T, 1997, Divided Highways, Building the Interstate Highways,
Transforming the American Way of Life, New York, Viking.
8. Lucas K, 2004, « Introduction » dans Lucas K, Running on Empty: Transport,
Social Exclusion and Environmental Justice, Bristol (Royaume-Uni), The Policy
Press, p. 1-4.
9. Watkiss P, Brand C, Hurley F, Pilkington A, Mindell J, Joffe M, Anderson R,
2000, Informing Transport Health Impact Assessment in London, Londres,
NHS Executive London.
10. Sabatier P, Jenkins-Smith H, 1999, « The Advocacy Coalition
Framework: An assessment » dans Sabatier P (dir.), Theories of the Policy
Process. Boulder (Colorado), Westview Press, p. 233-260.
§ On appelle souvent ce phénomène la « gentrification ».
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS11
RECHERCHE QUANTITATIVE
La demande de marchabilité insatisfaite : disparités entre les
préférences et les choix réels de cadres de vie à Toronto et
Vancouver
Lawrence D. Frank, Ph.D.1, Suzanne E. Kershaw, M.S.A.2, James E. Chapman, M.S.2,
Monica Campbell, Ph.D.3,4, Helena M. Swinkels, M.D., F.R.C.P.C.5
RÉSUMÉ
OBJECTIFS : Les préférences individuelles en matière de lieu de résidence, de caractère du quartier et d’options de déplacement ne sont pas toujours
satisfaites. La disponibilité et le coût des logements et plusieurs autres facteurs nécessitent souvent des compromis. Les principaux objectifs de notre
étude étaient d’examiner le type de quartier préféré, de chiffrer la demande insatisfaite pour des environnements plus propices à la marche et d’explorer
les associations entre le milieu bâti, le comportement en matière de déplacements et la santé en tenant compte du type de quartier préféré.
MÉTHODE : Un sondage en ligne illustré sur les préférences de cadre de vie a été mené auprès de 1 525 adultes de la région du Grand Toronto et de
1 223 adultes de la région métropolitaine de Vancouver âgés de 25 ans et plus (5,8 % et 11,8 % des recrues potentielles, respectivement). Les
participants ont été sélectionnés au hasard à partir de répondants prérecrutés selon un éventail de niveaux de marchabilité et de revenu objectivement
quantifiables à l’échelle de la région de tri d’acheminement.
RÉSULTATS : Selon les attributs de conception des quartiers, 45 % à 64 % des résidents des villes de Toronto et de Vancouver préféraient fortement les
cadres de vie propices à la marche, contre 6 % à 15 % qui préféraient fortement des cadres orientés vers l’automobile. Sur les participants qui
percevaient leur quartier actuel comme étant très orienté vers l’automobile, entre 11 % et 20 % des répondants de la Ville de Toronto et entre 6 % et
30 % des répondants de la Ville de Vancouver préféraient fortement un quartier très marchable. Les résidents des quartiers très propices à la marche
disaient marcher beaucoup plus à des fins utilitaires, utiliser plus fréquemment les transports collectifs et parcourir un moins grand nombre de kilomètres
en automobile.
CONCLUSION : Il existe de fortes préférences pour les quartiers propices à la marche et aux transports collectifs dans deux des plus grandes régions
métropolitaines du Canada, et on observe une demande insatisfaite considérable pour de tels cadres. Ces constatations peuvent étayer les politiques qui
misent sur la marchabilité et éclairer les analyses de marché, la planification et les approches réglementaires plus conformes à l’offre et à la demande
pour les environnements de quartier propices à la marche. Offrir des possibilités accrues de transport actif pourrait avoir un impact positif sur les
comportements favorables à la santé.
MOTS CLÉS : choix de lieu de résidence; marche; urbanisme; environnement et santé publique; quartier; Canada
Rev can santé publique 2015;106(1)(Suppl. 1):eS12-eS21.
L
es effets sanitaires des caractéristiques de conception des
quartiers font les manchettes depuis quelques années.
L’Organisation mondiale de la santé, les Centers for
Disease Control and Prevention des États-Unis, la Fondation
des maladies du cœur et de l’AVC et d’autres organismes ont
tous établi des énoncés de politiques promulguant des
environnements urbains sains à l’échelle mondiale, à la
lumière de l’urbanisation rapide, du vieillissement des
populations, des faibles taux d’activité physique et de
l’obésité1-3.
Les données établissant des associations positives entre les
milieux bâtis « marchables » (propices à la marche) et les
déplacements non motorisés s’accumulent rapidement4-6. En
particulier, les résidents des quartiers ayant une densité de
population résidentielle supérieure, des destinations
commerciales à proximité, une connectivité accrue des rues et
un bon réseau de transports collectifs marchent davantage à
des fins de transport et conduisent moins que les résidents des
quartiers moins marchables caractérisés par une faible densité
de population résidentielle et des usages du sol homogènes,
qu’on appelle souvent « la banlieue » 7-9 . Bien que les
eS12 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
associations entre le milieu bâti et les résultats sanitaires soient
moins systématiques, de récentes études font aussi état d’une
association inverse entre la marchabilité des quartiers et
Affiliations des auteurs
1. Écoles de santé environnementale et de planification communautaire et
régionale, Université de la Colombie-Britannique, Vancouver (ColombieBritannique)
2. Urban Design 4 Health, Ltd., Vancouver (Colombie-Britannique)
3. Service de santé publique de Toronto, Toronto (Ontario)
4. École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto, Toronto (Ontario)
5. Fraser Health Authority, Surrey (Colombie-Britannique)
Correspondance : Lawrence D. Frank, Écoles de santé environnementale et de
planification communautaire et régionale, Université de la Colombie-Britannique,
231-1933 West Mall, Vancouver (Colombie-Britannique) V6T 1Z2, tél. : 604-8225387, courriel : [email protected]
Remerciements : L’étude dont il est question dans cet article a été rendue possible
grâce à l’apport financier de Santé Canada, octroyé à Bâtir un Canada en santé par
le biais du projet COALITION (Connaissances et action liées pour une meilleure
prévention) du Partenariat canadien contre le cancer. Les points de vue exprimés sont
ceux de Bâtir un Canada en santé et ne reflètent pas nécessairement ceux des bailleurs
de fonds du projet. Nous remercions pour leur soutien les partenaires de Bâtir un
Canada en santé, dont Stephen Samis (anciennement de la Fondation des maladies
du cœur et de l’AVC et maintenant de la Fondation canadienne pour l’amélioration
des services de santé), Alice Miro, Kim Perrotta (anciennement de Santé publique
Toronto) et d’autres à la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC. Nous
reconnaissons aussi la contribution des effectifs de Santé publique Toronto et le
soutien de la Santé publique de Peel, de Fraser Health et de Vancouver Coastal Health.
Conflit d’intérêts : aucun à déclarer.
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
PRÉFÉRENCES POUR LES CADRES DE VIE PROPICES À LA MARCHE
l’obésité 10,11 , les facteurs de risque de maladies
cardiovasculaires12,13 et le diabète de type II14.
Le lien causal entre le milieu bâti et l’activité physique a été
examiné plus avant dans des études tenant compte de
« l’autosélection » du lieu de résidence, soit la tendance des
gens à choisir des quartiers conformes à leurs préférences en
matière d’activité physique et de déplacements15-17. À vrai dire,
si l’autosélection du lieu de résidence n’est pas prise en
compte, on risque de surestimer l’ampleur des associations
entre le milieu bâti et l’activité physique9,18.
La recherche canadienne sur l’influence de la conception
des quartiers sur l’activité physique et le comportement en
matière de déplacements est plus limitée, bien que plusieurs
études publiées récemment aient trouvé des associations
positives entre la marchabilité et la marche à des fins de
transport17,19,20. Selon une étude à Calgary, les résidents des
quartiers très marchables étaient plus susceptibles de
s’adonner à ³150 minutes de marche à des fins de transport au
cours d’une semaine ordinaire17, mais les associations entre la
marchabilité du quartier et la marche récréative étaient plus
faibles, comme dans d’autres études au Canada19 et ailleurs
dans le monde8,16. Des associations entre la marchabilité et les
résultats sanitaires ont aussi été trouvées dans des villes
canadiennes : les résidents de quartiers très marchables de
Toronto présentaient une plus faible incidence de diabète14,20
et d’obésité20, mais ces constatations ne tenaient pas compte
des facteurs d’autosélection du quartier.
Vu les preuves croissantes que le milieu bâti pourrait
potentiellement améliorer la santé des populations en
favorisant les déplacements actifs, il est important de
comprendre comment et dans quelle mesure la conception des
quartiers influence le choix d’un cadre de vie. Un tel choix est
souvent la décision de consommation la plus complexe que
prennent bien des gens. Il se fonde sur des compromis entre
les coûts, les caractéristiques des maisons et des propriétés,
l’accessibilité des transports et les caractéristiques de
conception du quartier 21,22 . L’importance relative de ces
facteurs varie considérablement selon le profil
sociodémographique individuel. Comprendre la demande
pour différents types d’environnements de quartier est un
aspect fondamental de l’urbanisme et de la recherche sur le
marché immobilier23,24; dans un contexte de promotion de la
santé publique, cela montre que le public appuie les politiques
qui accordent la priorité aux quartiers propices à la marche et
aux transports collectifs. Selon des études menées aux ÉtatsUnis au cours des 10 dernières années, les préférences pour des
quartiers plus compacts et plus marchables se répandent,
même si cela signifie l’abandon des caractéristiques désirables
des environnements à faible densité, comme les maisons
unifamiliales et les grands terrains25,26. Selon une étude menée
à Atlanta, entre 18 % et 38 % des répondants ont exprimé une
forte préférence pour les quartiers marchables25, et selon une
étude nationale américaine, le taux d’appui aux communautés
de conception classique, propices à la marche, est passé de
44 % en 2003 à 59 % en 200526. L’évolution des préférences en
faveur de l’aménagement plus compact que l’on trouve
généralement près des centres-villes est imputée à la
convergence de plusieurs facteurs, dont le vieillissement de la
population, la baisse de la taille des ménages et du nombre
d’enfants, la hausse des prix de l’essence, le grave
encombrement de la circulation et les préoccupations accrues
pour la santé et l’environnement associées aux zones
suburbaines à faible densité23,27.
Les études établissant des liens entre les préférences
résidentielles et les révélations des choix de cadre de vie, des
comportements en matière de déplacements et des profils
d’activité sont limitées15,28, surtout dans le contexte canadien.
Notre étude cherche à combler cette lacune en examinant les
préférences résidentielles dans deux des plus grandes régions
métropolitaines du Canada : la région du Grand Toronto
(RGT) et la région métropolitaine de Vancouver (RMV)29. Plus
précisément, elle évalue l’appui aux quartiers marchables en
déterminant les caractéristiques de conception des quartiers
que les gens sont prêts à « troquer » pour un cadre de vie plus
propice à la marche. Elle se penche aussi sur la demande pour
des quartiers plus marchables chez les personnes vivant dans
des zones à faible marchabilité. Enfin, elle décrit comment le
comportement en matière de déplacements et le statut
pondéral sont liés à la marchabilité objective lorsqu’on tient
compte du profil sociodémographique et du type de quartier
préféré déclaré par les répondants.
MÉTHODE
Zone de l’étude
Les participants étaient situés dans la RGT (sud de l’Ontario) et
dans la RMV, en Colombie-Britannique (5,1 et 2,1 millions
d’habitants en 2011, respectivement)30. Les villes de Toronto et
de Vancouver sont les municipalités les plus densément
peuplées de chacune de ces régions.
Collecte des données
Un sondage transversal sur les préférences résidentielles a été
administré en ligne en 2011 par Urban Design 4 Health, Ltd.,
en partenariat avec Ipsos Affaires publiques, une société de
recherche marketing qui administre une liste nationale de
répondants prérecrutés. Des répondants de 25 ans et plus
vivant dans les zones admissibles de la RGT ou de la RMV ont
été sélectionnés au hasard parmi les répondants prérecrutés
pour participer au sondage sur les préférences résidentielles. Il
y avait environ 26 000 et 10 000 répondants potentiels,
respectivement, dans ces deux régions.
Les participants recrutés ont été stratifiés selon les niveaux
de marchabilité et de revenu dans chaque région
métropolitaine à l’échelle de la région de tri d’acheminement
(RTA). Les valeurs de l’indice de marchabilité ont été calculées
pour les RTA de chaque région métropolitaine d’après les
indicateurs suivants du milieu bâti : la densité de population
résidentielle, la densité des intersections et l’ « indice
piétonnier » médian de la RTA (voir www.walkscore.com)*. Les
valeurs de ces indicateurs pour les RTA ont été normalisées à
l’intérieur de chaque région métropolitaine et additionnées
* L’indice piétonnier était fondé à l’origine sur l’étude d’Urban Design 4
Health sur la marchabilité publiée dans le Seattle Times; on en a fait un
outil réseautique grâce à une subvention de la fondation Robert Wood
Johnson accordée à Urban Design 4 Health, Inc.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS13
PRÉFÉRENCES POUR LES CADRES DE VIE PROPICES À LA MARCHE
a)
Illustration pour le compromis no 1 : proximité des magasins et des services
Orienté vers l’automobile
Marchable
Je préfère un quartier…
préfère
beaucoup A
b)
préfère
un peu A
neutre
préfère
un peu B
préfère
beaucoup B
Descriptions narratives de chaque compromis lié au quartier
Je préfère un quartier…
Compromis
Marchable
Orienté vers l’automobile
1. Proximité des
magasins et des
services
Où les maisons et les zones commerciales sont à
moins de 10 minutes de marche les unes des autres
pour que je puisse me rendre à pied aux magasins,
à la bibliothèque ou aux restaurants.
Où les zones commerciales sont maintenues séparées (à plus de
30 minutes de marche) des maisons, même si cela veut dire que
je ne peux pas me rendre à pied aux magasins, à la bibliothèque
ou aux restaurants.
2. Niveau d’activité
et mixité des
logements
Avec beaucoup de services et d’activités à proximité,
même si cela veut dire plusieurs types de logements,
proches les uns des autres, sur des lots de dimensions
variables avec une cour arrière moins privée.
Avec des maisons unifamiliales éloignées les unes des autres, sur
des lots de 10 mètres de largeur ou plus, avec une cour arrière
plus privée, même si cela veut dire qu’il n’y a pas de services ni
d’activités à proximité.
3. Taille des maisons
et options de
déplacement
Où je peux marcher, faire du vélo ou prendre les
transports en commun parce que les zones
commerciales sont proches (à moins de 10 minutes
de marche), même si cela veut dire que les maisons
sont plus petites et moins spacieuses.
Où les maisons sont plus grandes et plus spacieuses et où les
zones commerciales sont éloignées (à plus de 45 minutes de
marche) des maisons, même si cela veut dire qu’il faut prendre
l’auto pour tous les trajets.
4. Dimensions des
lots et distance de
déplacement
À moins de 5 km du travail, des écoles et autres
destinations importantes, même si cela veut dire
que les maisons sont rapprochées et sur des lots
plus petits.
Où les maisons sont éloignées les unes des autres et sur des lots
plus grands, même si cela veut dire qu’il faut faire plus de 25 km
(plus de 30 minutes de marche) pour se rendre au travail, à
l’école ou à d’autres destinations importantes.
5. Conception des rues Où je peux marcher, faire du vélo ou prendre les
et options de
transports en commun pour certains trajets, même
déplacement
s’il y a des rues directes et que des gens d’autres
quartiers marchent ou conduisent dans les rues.
Avec des culs-de-sac et moins de gens d’autres quartiers qui
marchent et qui conduisent dans les rues, même si cela veut dire
que je dois prendre l’auto pour tous mes trajets.
6 Espaces récréatifs
publics et
dimensions des lots
À quelques minutes de marche d’espaces récréatifs
publics et d’espaces verts, mais avec peu d’espace
pour les activités récréatives sur les terrains privés.
Où il y a amplement d’espace pour les activités récréatives sur les
terrains privés, mais peu d’espaces récréatifs publics et d’espaces
verts à quelques minutes de marche.
7. Accès et taille des
magasins
d’alimentation
Où je peux facilement me rendre à pied à toutes
sortes d’épiceries de petite et de moyenne tailles, de
marchands de fruits et légumes, de boucheries, de
boulangeries et de magasins d’alimentation de
spécialité.
Où il y a peu de magasins d’alimentation à distance de marche,
mais plusieurs très gros supermarchés à moins de 10 minutes en
auto.
Figure 1.
Outil illustrant les compromis possibles entre deux types de quartiers afin de saisir les attitudes des participants à l’égard
de cadres de vie invitants pour les piétons ou tributaires de l’automobile. Des illustrations accompagnaient chaque
compromis. Nous incluons un exemple d’illustration a) pour le compromis no 1, Proximité des magasins et des services,
ainsi qu’un exemple des descriptions narratives b) accompagnant chaque compromis.
eS14 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
PRÉFÉRENCES POUR LES CADRES DE VIE PROPICES À LA MARCHE
Tableau 1. Statistiques descriptives des variables sociodémographiques (les chiffres du Recensement de 2006 pour chaque région
sont présentés afin d’évaluer la représentativité de l’échantillon par rapport à la population)
RGT (n=1 525)
Préfèrent
marchabilité
faible/moy.faible†
Moyenne
(ET)/%
Âge
50,0 (13,3)
% femmes
56,7
% répondants mariés
47,9
% vivant en logement individuel isolé 37,8
% propriétaires du logement
59,9
Taille moyenne du ménage
2,4 (1,3)
% ménages avec enfants <18 ans
22,3
Revenu annuel du ménage||
4,9 (1,9)
% immigrés au Canada
34,3
% minorité visible
19,0
Nb de véhicules/ménage
1,2 (0,9)
Moyenne
(ET)/%
48,7 (12,4)
52,2
60,9
55,9
75,9
2,7 (1,2)
23,4
5,2 (1,8)
32,4
17,9
1,7 (1,0)
RMV (n=1 223)
Préfèrent
marchabilité
élevée/moy.élevée‡
Préfèrent
marchabilité
faible/moy.faible†
Moyenne
(ET)/%
50,5 (13,6)
58,4
42,7
30,6
53,6
2,3 (1,3)
21,8
4,7 (1,9)
35,0
19,4
1,0 (0,9)
Moyenne
(ET)/%
50,9 (14,3)
59,9
44,4
39,3
59,9
2,2 (1,2)
18,6
4,6 (1,8)
32,6
16,9
1,3 (1,0)
Moyenne
(ET)/%
51,2 (13,5)
59,1
58,8
63,9
70,4
2,5 (1,2)
27,5
4,8 (1,8)
27,2
16,4
1,8 (1,1)
Données démographiques
du Recensement de 2006*
Préfèrent
marchabilité
élevée/moy.élevée‡
RMR de
Toronto
Moyenne
Moyenne/
(ET)/%
%
50,8 (14,6)
37,5§
60,1
51,4
39,0
52,3
30,1
41,7
55,9
67,6
2,0 (1,1)
2,8
15,2
33,7
4,5 (1,8)
64 128¶
34,7
45,7
17,1
42,9
1,2 (0,8)
RMR de
Vancouver
Moyenne/
%
39,1§
51,2
50,3
35,5
65,1
2,6
28,5
55 231¶
39,6
41,7
RGT=région du Grand Toronto; RMV=région métropolitaine de Vancouver.
* Statistique Canada, Recensement de la population de 2006.
† Quartiles 1 et 2 de l’élément « type de quartier préféré » (RGT : n=435; RMV : n=335).
‡ Quartiles 3 et 4 de l’élément « type de quartier préféré » (RGT : n=1 090; RMV : n=888).
§ Âge médian fondé sur toute la plage d’âge du Recensement, tandis que la plage d’âge du sondage commence à 25 ans.
|| Paliers de revenu: 1=<10 000 $, 2=10 000 $-19 999 $; 3=20 000 $-39 999 $; 4=40 000 $-59 999 $; 5=60 000 $-79 999 $; 6=80 000 $-99 999 $;
7=100 000 $-119 999 $; 8=120 000 $+
¶ Revenu médian en 2005 ($), ménages privés (avant impôts).
pour produire un indice de marchabilité, lequel a été divisé en
quartiles pour produire quatre catégories de marchabilité. Le
revenu par RTA était fondé sur les données sur le revenu
médian des ménages selon le Recensement de 2006. Chaque
RTA a été classée dans l’une de 12 cellules (quatre catégories
de marchabilité par trois catégories de revenu : <50 000 $,
50-70 000 $ et >70 000 $). La répartition des recrues
potentielles entre les 12 cellules n’était pas égale. Dans les
deux régions métropolitaines, il n’y avait aucune recrue
potentielle dans la cellule de la marchabilité la plus élevée et
du revenu le plus élevé, et dans la RMV, il n’y avait pas non
plus de recrues potentielles dans la cellule du deuxième niveau
de marchabilité et du revenu le plus élevé.
Indicateurs
Caractéristiques des participants
Les participants ont fourni de l’information sur leur âge, leur
sexe, leur ethnicité, leur statut migratoire, le revenu du
ménage, la taille et le nombre d’enfants du ménage, le nombre
de titulaires de permis de conduire et le nombre de véhicules
du ménage. Leur indice de masse corporelle (IMC) a été
calculé en kg/m2 à l’aide de la taille et du poids déclarés. Les
sujets ayant un IMC ≥25 ont été classés comme étant en
surpoids ou obèses. Les participants ont aussi indiqué s’ils
limitaient actuellement leur activité physique pour une raison
quelconque.
type et les kilomètres-véhicule parcourus (KVP) par année
déclarés par les participants ont aussi été saisis.
Marchabilité objective du quartier
La marchabilité objective du quartier a été mesurée au niveau
du code postal à six éléments pour la Ville de Toronto et la
RMV en intégrant dans un système d’information
géographique les données de 2011 sur le réseau routier et sur
l’aménagement des parcelles. Une zone tampon d’1 km basée
sur le réseau routier a été créée autour de chaque centroïde de
code postal, et l’indice de marchabilité a été calculé en
fonction de quatre éléments selon la méthode décrite en détail
par Frank et coll.32 : a) la densité de population résidentielle nette;
b) le rapport surface de vente (Ville de Toronto) ou surface
commerciale (RMV)/territoire; c) la diversité des usages du sol; et
d) la densité des intersections. Des indices standardisés pour
chaque indicateur ont été calculés séparément pour chaque
région. L’indice de marchabilité était la somme des écarts Z
des quatre indicateurs normalisés du milieu bâti. Les
participants de la Ville de Toronto et de la RMV ont été maillés
à l’indice de marchabilité d’après le code postal de leur
domicile et affectés à des quartiles de marchabilité objective
calculés à l’aide de l’éventail complet des valeurs de l’indice de
marchabilité trouvées dans chaque région. Des versions
semblables de l’indice de marchabilité ont déjà été utilisées
pour prédire l’activité physique dans plusieurs milieux, ce qui
témoigne de leur validité et de leur généralisabilité8,15,16.
Comportements de déplacement
Type de quartier préféré
Les déplacements à pied de 10 minutes ou plus, à des fins
utilitaires ou récréatives, déclarés par les participants ont été
saisis (nombre de jours au cours d’une semaine type) à l’aide
des éléments du Neighbourhood Physical Activity Questionnaire,
dont la fiabilité est jugée acceptable pour les adultes31. Les
déplacements en transports collectifs au cours d’une semaine
Les participants ont rempli un questionnaire validé
antérieurement sur leurs préférences déclarées25 pour diverses
caractéristiques de conception des quartiers. Ce questionnaire
avait été adapté pour saisir également les attitudes à l’égard
des caractéristiques de conception des quartiers propres aux
environnements récréatifs et alimentaires. L’utilisation d’un
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS15
PRÉFÉRENCES POUR LES CADRES DE VIE PROPICES À LA MARCHE
a) Type de quartier préféré
b) Demande insatisfaite
% préférant beaucoup un quartier très marchable
% dont le quartier actuel est MOINS marchable et qui aimeraient trouver un
quartier PLUS marchable
Moyenne
1. Proximité des magasins et services
2. Mixité des logements et proximité des magasins
3. Taille des maisons et options de déplacement
4. Dimensions des lots et distance de déplacement
5. Conception des rues et options de déplacement
6. Espaces récréatifs publics et dimensions des lots
7. Accès et taille des magasins d’alimentation
TOR VAN PRGT PRMV
52
57
25
34
61
64
31
38
48
53
18
32
53
55
25
32
47
52
21
29
53
58
23
31
45
55
30
37
54
62
30
40
Légende
Figure 2.
TOR VAN PRGT PRMV
15
15
13
17
11
20
20
24
13
6
9
11
19
18
13
19
20
14
9
10
12
4
10
14
12
13
11
16
16
30
20
25
% dont le quartier actuel est PLUS marchable et qui aimeraient trouver un
quartier MOINS marchable
% préférant beaucoup un quartier peu marchable
Moyenne
1. Proximité des magasins et services
2. Mixité des logements et proximité des magasins
3. Taille des maisons et options de déplacement
4. Dimensions des lots et distance de déplacement
5. Conception des rues et options de déplacement
6. Espaces récréatifs publics et dimensions des lots
7. Accès et taille des magasins d’alimentation
Moyenne
1. Proximité des magasins et services
2. Mixité des logements et proximité des magasins
3. Taille des maisons et options de déplacement
4. Dimensions des lots et distance de déplacement
5. Conception des rues et options de déplacement
6. Espaces récréatifs publics et dimensions des lots
7. Accès et taille des magasins d’alimentation
TOR VAN PRGT PRMV
11
8
29
20
8
8
26
19
15
12
44
29
7
6
24
18
11
7
34
22
12
7
29
24
12
8
25
15
11
7
22
15
<30 % 30-49 % ≥50 %
Moyenne
1. Proximité des magasins et services
2. Mixité des logements et proximité des magasins
3. Taille des maisons et options de déplacement
4. Dimensions des lots et distance de déplacement
5. Conception des rues et options de déplacement
6. Espaces récréatifs publics et dimensions des lots
7. Accès et taille des magasins d’alimentation
Légende
TOR VAN PRGT PRMV
5
4
14
9
2
2
9
3
6
5
23
12
4
5
12
8
8
7
24
11
4
5
10
12
6
5
13
10
3
2
7
5
<10 % 10-19 % ≥20 %
a) Type de quartier préféré par les participants au sondage d’après les réponses à la question A – « Quel quartier préférezvous? ». Nous ne montrons que les réponses des participants ayant exprimé une forte préférence pour un quartier
marchable (8-10 sur l’échelle de Likert) ou orienté vers l’automobile (0-2 sur l’échelle de Likert).
b) Demande insatisfaite pour les quartiers orientés vers les piétons et orientés vers l’automobile. Nous n’avons utilisé que
les participants dont les réponses se situaient aux extrémités de l’échelle de Likert (0-2 ou 8-10) pour le type de quartier
actuel (question B) et désiré (question C). N.B. : TOR=Ville de Toronto (n=1 133); VAN=Ville de Vancouver (n=512);
PRGT=Périphérie de la RGT (n=392); PRMV=Périphérie de la RMV (n=711).
sondage en ligne a permis d’inclure des illustrations dans le
questionnaire. Les répondants ont évalué deux quartiers
opposés, de coût équivalent, selon un scénario de compromis
– un quartier plus marchable, et un autre plus tributaire de
l’automobile (figure 1) – et répondu aux trois questions
suivantes selon une échelle de Likert de 0 à 10.
• Question A : Quel quartier préférez-vous?
• Question B : Indiquez si votre quartier actuel ressemble plus
au quartier « A » ou « B ».
• Question C : En ce qui a trait [aux attributs décrits], le
quartier que vous aimeriez trouver ressemblerait-il
davantage à « A » ou davantage à « B » que votre quartier
actuel?
Sept comparaisons différentes décrivant les attributs
particuliers de la conception des quartiers (p. ex., dimensions
des lots, distance de déplacement) ont été utilisées pour
décrire le compromis plutôt que de fournir des descriptions
plus abstraites (p. ex., « banlieue » ou « croissance
intelligente »). Chaque comparaison présentait des compromis
tirés du monde réel – p. ex., l’accès à des espaces récréatifs
publics contre des lots plus grands. La présence de ces deux
éléments serait plutôt rare dans un même quartier; en forçant
les participants à faire un compromis, ces paires aident à
comprendre à quels attributs ils accordent plus de valeur.
Plan d’analyse des données
Les compromis liés au quartier selon l’échelle de Likert ont été
regroupés en trois catégories pour en faire une analyse
descriptive : i) peu marchable (0-2), ii) moyennement
marchable (3-7) et iii) très marchable (8-10). Nous avons calculé
le pourcentage de participants affichant une forte préférence
pour un quartier très marchable plutôt qu’un quartier orienté
vers l’automobile (question A). La tabulation en croix de la
question B (marchabilité autodéclarée du quartier) et de la
question C (marchabilité du quartier désiré par rapport à celle
du quartier actuel) a déterminé la demande insatisfaite pour des
quartiers plus marchables à l’aide des mêmes réponses
regroupées. Les résultats ont été analysés séparément pour les
participants i) de la Ville de Toronto (TOR); ii) en périphérie de
la RGT (PRGT), incluant toutes les autres municipalités de
la RGT; iii) de la Ville de Vancouver (VAN); et iv) en périphérie
de la région métropolitaine de Vancouver (PRMV), incluant
toutes les autres municipalités de la RMV.
Pour analyser le poids relatif du type de quartier préféré et
de la marchabilité afin d’expliquer le comportement en
matière de déplacements et le statut pondéral, nous avons
effectué une analyse en composantes principales (ACP)
distincte pour chaque région afin d’extraire un seul élément
par participant pour ce qui est du type de quartier préféré
(question « A ») et des réponses sur le quartier actuel (question
« B ») pour les sept compromis liés au quartier. Le coefficient
alpha de Cronbach a été supérieur à 0,85 dans tous les cas, ce
qui montre que l’ACP reflétait chaque variable d’entrée et
convenait à la tâche. Tous les éléments expliquaient entre
53,8 % et 58 % des écarts dans les données, et les saturations
pour les éléments de préférence et de marchabilité autodécrite
du quartier pour les deux régions s’échelonnaient de 0,59 à
0,85. Les scores des éléments qui en ont résulté ont servi à
eS16 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
PRÉFÉRENCES POUR LES CADRES DE VIE PROPICES À LA MARCHE
Tableau 2. Moyennes des trajets marchés, des trajets en transports collectifs, des KVP et du statut pondéral stratifiés par quartiles de
marchabilité a) subjective et b) objective du quartier
a) Marchabilité subjective du quartier
% prenant
une marche
utilitaire
Quartile de marchabilité
subjective de la RGT* quartiles+* n=1 525
Quartile 1 (Peu marchable)
35,9
Quartile 2
44,6
Quartile 3
65,7†
Quartile 4 (Très marchable)
84,5†
Quartile de marchabilité
subjective de la RMV§
marchabilité subjective des
quartiles+§
n=1 223
Quartile 1
30,4
Quartile 2
40,1
Quartile 3
61,2†
Quartile 4
83,8†
Marche
utilitaire
(j/sem)
% prenant
une marche
récréative
Marche
récréative
(j/sem)
% prenant
les transports
collectifs
Usage des
transports
collectifs
(j/sem)
Kilomètresvéhicule
parcourus
par année
(milliers)
% surpoids/
obésité
(IMC ≥25,0)
n=1 525
1,4 (SD 2,3)
1,8 (2,4)
2,7 (2,6)†
4,1 (2,6)†
n=1 525
61,5
71,6
70,8
73,4‡
n=1 525
2,3 (2,6)
3,0 (2,6)
2,7 (2,5)
2,9 (2,6)
n=1 525
12,8
27,4†
45,5†
65,4†
n=1 525
0,7 (1,9)
1,0 (2,0)
1,9 (2,5) †
2,5 (2,5) †
n=1 042
17,3 (10,8)
16,6 (13,2)
12,7 (13,7) †
8,5 (9,2) †
n=1 380
59,2 %
62,8 %
55,4 %
46,2 %‡
n=1 223
1,2 (2,2)
1,5 (2,3)
2,5 (2,6)†
4,1 (2,6)†
n=1 223
70,9
73,4
76,5
80,6
n=1 223
3,0 (2,7)
3,1 (2,6)
3,1 (2,5)
3,3 (2,5)
n=1 223
16,5
25,1
39,7†
51,3†
n=1 223
0,7 (1,7)
0,9 (1,8)
1,5 (2,3)†
1,8 (2,3)†
n=787
17,4 (22,9)
15,1 (12,0)†
11,8 (11,4)†
7,6 (9,4)†
n=1 124
51,4 %
61,6 %
54,2 %
45,0 %
% prenant
une marche
récréative
Marche
récréative
(j/sem)
% prenant
les transports
collectifs
n=1 129
2,0 (2,4)
3,4 (2,6)†
4,8 (2,4)†
5,4 (1,7)
n=1 129
67,0
72,9
71,6
82,6
n=1 129
2,8 (2,7)
2,8 (2,5)
2,9 (2,7)
4,0 (2,7)
n=1 129
38,1
60,6†
68,0†
91,3
n=1 129
1,4 (2,2)
2,4 (2,5)†
2,4 (2,4)†
3,5 (2,3)
n=745
14,5 (13,0)
10,0 (9,9)†
6,3 (8,6)†
2,3 (4,7)
n=1 017
59,9 %
48,7 %‡
43,5 %†
42,9 %
n=1 210
1,4 (2,1)
3,1 (2,7)†
4,4 (2,4)†
4,8 (2,5)†
n=1 210
75,5
76,0
83,6
78,3
n=1 210
3,2 (2,6)
3,0 (2,5)
3,2 (2,5)
3,5 (2,7)
n=1 210
19,5
45,1†
60,7†
56,5†
n=1 210
0,7 (1,6)
1,7 (2,3)†
2,2 (2,5)†
2,0 (2,4)†
n=777
15,8 (14,8)
10,6 (11,5)†
6,6 (6,4)†
4,2 (5,6)†
n=1 111
59,7 %
49,6 %†
50,0 %
38,4 %†
b)Marchabilité objective du quartier
% prenant
une marche
utilitaire
Quartile de marchabilité
objective de la Ville de Toronto|| n=1 129
Quartile 1 (Peu marchable)
52,3
Quartile 2
75,8†
Quartile 3
89,2†
Quartile 4 (Très marchable)¶ 100,0
Quartile de marchabilité
objective de la RMV** objective
des quartiles+**
n=1 210
Quartile 1
40,6
Quartile 2
68,3†
Quartile 3
88,5†
Quartile 4
88,0†
Marche
utilitaire
(j/sem)
Usage des
transports
collectifs
(j/sem)
Kilomètresvéhicule
parcourus
par année
(milliers)
% surpoids/
obésité
(IMC ≥25,0)
N.B. : Écart-type entre parenthèses.
* % de l’échantillon de marchabilité subjective du quartier de la RGT (n=1 525) : Q1 : 5,1 %; Q2 : 19,9 %; Q3 : 38,2 %; Q4 : 36,8 %.
† Écart significatif (p<0,01) par rapport au groupe témoin, c.-à-d. le quartile de faible marchabilité (Quartile 1).
‡ Écart significatif (p<0,05) par rapport au groupe témoin : le quartile de faible marchabilité (Quartile 1).
§ % de l’échantillon de marchabilité subjective du quartier de la RMV (n=1 223): Q1 : 6,5 %; Q2 : 21,8 %; Q3 : 35,8 %; Q4 : 35,9 %.
|| % de l’échantillon de marchabilité objective du quartier de la Ville de Toronto (n=1 129): Q1 : 17,4 %; Q2 : 63,3 %; Q3 : 17,2 %; Q4 : 2 %.
¶ Résultats de l’analyse du khi-carré et de l’analyse de la variance non présentés en raison du faible échantillon dans le Quartile 4 (n<30).
** % de l’échantillon de marchabilité objective du quartier de la RMV (n=1 210): Q1 : 31,7 %; Q2 : 50,6 %; Q3 : 10,1 %; Q4 : 7,6 %.
classer les participants en quartiles régionaux égaux fondés sur
la « préférence » et la « marchabilité » autodécrite. En raison
des contraintes de taille de l’échantillon, l’effectif complet des
participants de chaque région a été divisé en quartiles plutôt
que stratifié selon leur résidence en ville ou en banlieue.
Des analyses du khi-carré et des analyses de la variance de
Welch, avec des comparaisons de Games-Howell ultérieures,
ont permis de déterminer s’il y avait des écarts significatifs
entre i) les quartiles de marchabilité autodécrite et ii) les
quartiles de marchabilité objective pour la marche utilitaire, la
marche récréative, l’usage des transports collectifs, les KVP par
année et l’incidence de surpoids/d’obésité. Tous les résultats
liés aux déplacements ont été positivement distribués et logtransformées pour approximer une distribution normale.
Des analyses de régression logistique ont ensuite été
effectuées sur les quatre variables dépendantes suivantes : la
vraisemblance que les participants prennent une marche
utilitaire, une marche récréative et fassent un trajet en
transports collectifs au cours d’une semaine ordinaire, et
l’incidence de surpoids/d’obésité.
Le but des modèles était de déterminer les effets
indépendants des facteurs sociodémographiques, du type de
quartier préféré et de la marchabilité objective du quartier sur
les résultats ci-dessus. Quand la prévalence d’un résultat
dépassait 10 % et que les rapports de cotes associés à la
préférence ou à la marchabilité étaient significativement
différents de ceux du groupe témoin, les rapports de cotes
corrigés ont été indiqués pour donner une estimation plus
exacte du risque relatif33.
Des analyses de régression linéaire ont permis d’évaluer l’apport
relatif du type de quartier préféré et de la marchabilité objective du
quartier dans la variation des KVP par année. Les résultats du
coefficient de détermination partielle (r au carré partiel, sr2) sont
présentés pour montrer la variance expliquée imputable à chaque
variable. Les variables de contrôle sociodémographiques utilisées
dans la modélisation prédictive étaient l’âge, le sexe, le revenu du
ménage, le statut de minorité visible, le statut migratoire, la taille
du ménage, le nombre d’enfants du ménage, les titulaires de
permis de conduire par véhicule, la propriété d’un véhicule et le
statut d’activité physique.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS17
eS18 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
1,23 (0,86-1,76)
1,09 (0,69-1,74)
2,25 (0,73-7,0)
1,62 (1,19-2,14)§
2,55 (1,65-3,66)§
S/O¶
0,044
1,01 (1,00-1,02)
1,37 (1,03-1,82)
1,15 (1,06-1,25)
0,70 (0,49-1,0)
0,63 (0,45-0,88)
1,59 (0,94-2,69)
1,98 (1,25-3,04)§
2,51 (1,58-3,84)§
0,99 (0,71-1,39)
1,41 (0,80-2,51)
1,0 (0,55-1,83)
0,178
0,99 (0,98-1,0)
1,31 (1,0-1,71)
0,57 (0,41-0,80)
1,46 (0,86-2,50)
2,69 (1,69-4,20)§
4,43 (2,79-6,75)§
1,75 (1,43-2,09)§
3,10 (2,36-3,74)§
2,88 (2,04-3,63)§
Toute marche
récréative
RCa (IC de 95 %)
0,98 (0,46-2,08)
1,09 (0,53-2,26)
1,35 (0,65-2,79)
3,28 (1,51-6,95)§
5,44 (2,60-10,95)§
10,12 (4,96-19,21)§
Toute marche
utilitaire
RCa (IC de 95 %)
0,74 (0,53-1,05)
1,67 (1,30-2,11)§
2,48 (1,79-3,24)§
1,92 (1,29-2,71)§
2,18 (1,06-4,41)§
3,54 (1,80-6,71)§
5,86 (3,04-10,66)§
1,34 (1,02-1,75)
0,175
0,97 (0,96-0,98)
0,76 (0,59-0,99)
0,82 (0,76-0,88)
Tout trajet en
transports collectifs
RCa (IC de 95 %)
1,59 (1,18-2,10)§
1,74 (1,19-2,47)§
5,28 (2,19-7,69)§
2,07 (0,89-4,82)
3,04 (1,37-6,56)§
6,32 (2,94-12,86)§
0,91 (0,85-0,97)
1,07 (1,0-1,15)
1,41 (1,07-1,87)
0,132
0,97 (0,96-0,98)
Tout trajet en
transports collectifs
RCa (IC de 95 %)
0,022
1,01 (1,0-1,02)
Toute marche
récréative
RCa (IC de 95 %)
0,72 (0,60-0,87)
0,54 (0,38-0,78)
0,151
0,99 (0,98-1,0)
0,73 (0,54-1,0)
Toute marche
utilitaire
RCa (IC de 95 %)
0,80 (0,64-0,99)§
0,69 (0,43-1,11)
0,62 (0,40-0,92)§
1,57 (0,91-2,71)
1,22 (0,72-2,04)
1,35 (0,80-2,29)
1,89 (1,34-2,66)
0,56 (0,39-0,79)
0,092
1,02 (1,01-1,03)
0,52 (0,40-0,67)
Surpoids/obésité
(IMC ≥25,0)
RCa (IC de 95 %)
0,75 (0,52-1,09)
0,64 (0,40-1,01)
0,60 (0,23-1,56)
0,89 (0,39-2,02)
0,65 (0,30-1,44)
0,64 (0,29-1,40)
2,01 (1,41-2,87)
0,75 (0,57-0,98)
0,075
1,02 (1,01-1,03)
0,60 (0,47-0,78)
Surpoids/obésité
(IMC ≥25,0)
RCa (IC de 95 %)
-0,07
-0,08
0,35
0,11
-0,09
0,13
-0,06
Beta
0,066
0,032
<0,001
0,053
0,009
<0,001
0,074
valeur p
0,004
0,005
0,053
0,004
0,007
0,014
0,004
sr2
-0,50 (0,11)
2,22 (0,28)
0,35 (0,14)
-0,38 (0,18)
0,19 (0,05)
R =0,294
2
B (SE)
-0,15
0,34
0,12
-0,07
0,12
Beta
<0,001
<0,001
0,013
0,032
<0,001
valeur p
0,020
0,063
0,006
0,005
0,012
sr2
Kilomètres-véhicules parcourus par année
-0,34 (0,18)
-0,28 (0,13)
2,6 (0,38)
0,43 (0,22)
-0,55 (0,21)
0,22 (0,06)
-0,51 (0,28)
R =0.293
2
B (SE)
Kilomètres-véhicules parcourus par année
N.B. : B = coefficient non standardisé
* 1=homme; 2=femme.
† 1=<10 000 $, 2=10 000 $-19 999 $; 3=20 000 $-39 999 $; 4=40 000 $-59 999 $; 5=60 000 $-79 999 $; 6=80 000 $-99 999 $; 7=100 000 $-119 999 $; 8=120 000 $+
‡ Comparaisons individuelles des quartiles par rapport au quartile le plus faible de cette variable.
§ Rapport de cotes ajusté et IC de 95 % présentés.
|| Faible taille d’échantillon (n<30).
¶ 100 % des participants du Q4 ont fait une marche utilitaire.
pseudo R
Âge
Sexe*
Revenu annuel du ménage†
Minorité visible
Immigré au Canada
Nb de titulaires de permis/véhicule
Nb de véhicules du ménage
Restriction à l’activité physique
Quartile du type de quartier préféré‡
Q2 : Moyen-faible
Q3 : Moyen-élevé
Q4 : Élevé
Quartile de marchabilité objective du quartier
Q2 : Moyen-faible
Q3 : Moyen-élevé
Q4 : Élevé
2
b) Région métropolitaine de Vancouver
pseudo R
Âge
Sexe*
Revenu annuel du ménage†
Minorité visible
Immigré au Canada
Nb de titulaires de permis/véhicule
Nb de véhicules du ménage
Restriction à l’activité physique
Quartile du type de quartier préféré‡
Q2 : Moyen-faible
Q3 : Moyen-élevé
Q4 : Élevé
Quartile de marchabilité objective du quartier
Q2 : Moyen-faible
Q3 : Moyen-élevé
Q4 : Élevé||
2
a) Ville de Toronto
Tableau 3. Résultats des modèles examinant les associations entre le type de quartier préféré, la marchabilité, le comportement en matière de déplacements et le statut
pondéral
PRÉFÉRENCES POUR LES CADRES DE VIE PROPICES À LA MARCHE
PRÉFÉRENCES POUR LES CADRES DE VIE PROPICES À LA MARCHE
RÉSULTATS
Caractéristiques de l’échantillon
Les réponses au sondage ont été recueillies auprès de
1 525 participants de la RGT et de 1 223 participants de
la RMV (5,8 % et 11,8 % des recrues potentielles,
respectivement). Au moins 30 sondages ont été obtenus pour
10 (RGT) et pour 8 (RMV) des 12 cellules marchabilité/revenu.
Le pourcentage de participants de l’étude provenant de la RGT
vivant dans la Ville de Toronto était de 74,2 %, contre 41,9 %
des participants de la RMV qui habitaient la Ville de
Vancouver. L’âge moyen de l’échantillon était d’environ
50 ans, et près de la moitié des répondants étaient mariés
(tableau 1). Dans les deux régions, l’échantillon contenait une
plus faible proportion d’hommes, de ménages avec enfants,
d’immigrants et de minorités visibles que dans les chiffres du
Recensement de 2006. Les répondants qui préféraient les
quartiers plus marchables avaient tendance à ne pas être
mariés, à vivre dans un ménage plus petit, à louer leur
logement et à vivre dans un ménage au revenu annuel
inférieur.
Type de quartier préféré
Une forte préférence pour les quartiers marchables a été
exprimée dans les sept scénarios de compromis décrivant
différents aspects de la conception des quartiers, surtout chez
les citadins (TOR : 52 %, VAN : 57 %). Par contre, à peine 11 %
et 8 % des résidents de Toronto et de Vancouver,
respectivement, ont exprimé une forte préférence pour un
quartier orienté vers l’automobile (figure 2a). Une grande
valeur était accordée au fait de vivre à distance de marche de
magasins et de services (TOR : 61 %, VAN : 64 %) et d’un
éventail de magasins d’alimentation (TOR : 54 %, VAN :
62 %). Les participants des banlieues préféraient aussi un
quartier propice à la marche, mais dans une moindre mesure
que ceux des villes. En moyenne, les participants en PRMV
ont exprimé une préférence pour les endroits marchables plus
élevée (34 %) que ceux vivant en PRGT (25 %). Le fait de vivre
près d’un éventail de magasins d’alimentation était très
désirable pour environ le tiers des participants des banlieues
(PRGT : 30 %, PRMV : 40 %), tout comme le fait de vivre à
distance de marche de magasins et de services (PRGT : 31 %,
PRMV : 38 %). Le fait de vivre près d’espaces récréatifs publics
et d’espaces verts était très désirable pour les résidents en
PRMV (37 %), même si cela signifiait d’avoir une cour plus
petite. Le compromis lié au quartier qui a reçu le plus d’appui
pour les éléments orientés vers l’automobile était celui avec
des lots unifamiliaux avec une grande cour arrière et moins de
magasins à proximité (compromis no 2).
La demande insatisfaite pour des cadres de vie
différents
Chez les participants qui percevaient leur quartier actuel
comme étant très orienté vers l’automobile (0-2 sur l’échelle
de Likert), selon l’attribut, entre 11 % et 20 % des participants
de la Ville de Toronto et entre 6 % et 30 % des participants de
la Ville de Vancouver ont dit préférer un quartier très
marchable (figure 2b). Peu importe la région, les participants
vivant dans une zone de faible marchabilité accordaient le
plus de valeur au fait de vivre à distance de marche d’un
éventail de magasins d’alimentation et plus près de magasins
et de services. La demande insatisfaite pour ces types de
commodités de proximité était exprimée par une proportion
de 20 % et 25 % des participants vivant dans les banlieues peu
marchables de la RGT et de la RMV. En moyenne, les
personnes vivant dans les banlieues peu marchables de la RMV
exprimaient la plus forte demande pour un environnement
plus propice à la marche (17 %). La demande pour des
quartiers orientés vers l’automobile chez les participants qui
percevaient leur quartier actuel comme étant très invitant
pour les piétons (8-10 sur l’échelle de Likert) était
remarquablement plus faible dans les villes de Toronto et de
Vancouver, soit de 5 % et de 4 % respectivement, en
moyenne, pour les sept scénarios de compromis.
Associations entre la marchabilité du quartier, le
comportement en matière de déplacements et le statut
pondéral
Le fait de vivre dans les deux quartiles supérieurs de
marchabilité (subjective ou objective) du quartier était associé
à une probabilité accrue de prendre une marche utilitaire et de
faire un trajet en transports collectifs, et avec des KVP par
année significativement plus faibles (tableau 2). La probabilité
de prendre une marche récréative était significativement plus
élevée (p=0,028) chez les participants de la RGT dans le
quartile de marchabilité subjective supérieur; cependant, les
différences interquartiles n’étaient pas significatives lorsque la
marchabilité objective était utilisée. Les participants de la RGT
vivant dans le quartile de marchabilité subjective supérieur
étaient moins susceptibles d’être en surpoids ou obèses
(46,2 %) que ceux du quartile inférieur (59,2 %) (p=0,041).
Les résultats des analyses de régression logistique prédisant
la probabilité d’une marche utilitaire, d’une marche récréative,
d’un trajet en transports collectifs et le statut pondéral sont
présentés dans le tableau 3. Compte tenu du profil
sociodémographique et du type de quartier préféré, la
probabilité de prendre une marche utilitaire augmentait avec
chaque quartile de marchabilité objective passé le quartile le
plus bas (pseudo R 2 : TOR=0,15; RMV=0,18). Dans
l’échantillon de la RMV, les personnes vivant dans les zones
les plus marchables étaient près de trois fois plus susceptibles
de prendre une marche utilitaire (rapport de cotes [RC]=2,88,
intervalle de confiance [IC] : 2,04-3,63) et près de deux fois
plus susceptibles de faire un trajet en transports collectifs
(RC=1,92, IC : 1,29-2,71) que les personnes vivant dans les
zones où la marchabilité était la plus faible. De même, les
participants de la Ville de Toronto vivant dans les deux
quartiles de marchabilité supérieurs étaient plus d’une fois et
demie plus susceptibles de prendre une marche utilitaire et de
faire un trajet en transports collectifs que les participants du
premier quartile.
La probabilité de prendre une marche récréative ne variait
pas significativement selon le quartile de marchabilité, peu
importe la région, si l’on tenait compte du profil
sociodémographique et des préférences. Dans la RMV, la
probabilité de prendre une marche récréative était
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS19
PRÉFÉRENCES POUR LES CADRES DE VIE PROPICES À LA MARCHE
significativement accrue dans les troisième et quatrième
quartiles de préférence (p<0,001). Les participants de la RMV
vivant dans le quartile de marchabilité le plus élevé
présentaient une probabilité significativement moindre d’être
en surpoids ou obèses (Q1 : 59,7 %; Q4 : 38,4 %) selon un
niveau de confiance de 95 % (RC=0,62, IC : 0,40-0,92).
Le sexe féminin, le faible revenu du ménage, le faible
nombre de titulaires de permis de conduire par véhicule,
l’accès limité à un véhicule, et le fait de vivre dans une zone
plus marchable étaient des facteurs associés avec un moindre
nombre de KVP par année dans la Ville de Toronto (R2=0,29)
et dans la RMV (R2=0,29) : les participants vivant dans les
troisième et quatrième quartiles de marchabilité objective ont
déclaré près de 2,5 fois moins de KVP par année que ceux
vivant dans les zones de faible marchabilité.
DISCUSSION
Cette étude jette un éclairage important sur les attitudes face à
différents cadres de vie dans deux des plus grandes régions
métropolitaines du Canada. Elle rend aussi compte du lien
entre la marchabilité subjective et objectivement mesurée, des
grandes tendances en matière de déplacements, ainsi que du
statut pondéral, et ce, à un niveau de détail plus élevé que les
études antérieures menées au Canada. Selon l’attribut étudié,
entre 45 % et 61 % (Ville de Toronto) et entre 52 % et 64 %
(Ville de Vancouver) des participants ont exprimé une forte
préférence pour un quartier où ils peuvent marcher ou utiliser
les transports collectifs. Les résidents des banlieues ont aussi
exprimé un appui considérable aux quartiers marchables,
environ le tiers préférant un tel cadre de vie. Ces constatations
sont conformes à celles des études américaines25,26 et appuient
l’argument en faveur de l’apport de changements dans les
banlieues pour qu’elles correspondent davantage aux
préférences résidentielles.
Une demande insatisfaite pour des quartiers marchables,
avec des commerces et des magasins d’alimentation à distance
de marche, a été observée chez 20 % à 25 % des résidents des
banlieues qui perçoivent leur quartier comme étant très peu
marchable; ces personnes se disent prêtes à sacrifier des
éléments orientés vers l’automobile pour vivre dans un
quartier marchable. Ces constatations sont semblables à celles
d’autres études 25,34 , bien que la nôtre fasse appel à la
marchabilité subjective du quartier pour évaluer la demande
insatisfaite. L’élaboration d’indicateurs objectifs du milieu bâti
correspondant directement aux questions sur les compromis
liés au quartier permettrait de mesurer concrètement la
relation entre l’offre et la demande pour des facteurs clés,
comme la taille des lots et des logements, les espaces récréatifs
et l’accès aux magasins d’alimentation, et d’évaluer également
les éléments pour lesquels la demande insatisfaite pour des
quartiers marchables est la plus forte.
La marchabilité du quartier évaluée objectivement était
associée positivement à la marche utilitaire, même compte
tenu du type de quartier préféré, ce qui est conforme aux
constatations d’autres études8,15-17. Le type de quartier préféré a
contribué de façon significative aux modèles de la marche
utilitaire, des transports collectifs et des KVP, ce qui confirme
les données probantes sur l’importance d’apporter des
ajustements selon les facteurs d’autosélection du lieu de
résidence quand on examine les associations entre le milieu
bâti et le comportement en matière de déplacements 9,18 .
Notamment, nous avons observé une plus faible incidence de
surpoids ou d’obésité dans les zones les plus marchables de la
région métropolitaine de Vancouver après avoir tenu compte
des facteurs sociodémographiques et du type de quartier
préféré. Cependant, la marchabilité ne contribuait pas à
l’incidence de surpoids ou d’obésité dans la Ville de Toronto,
ce qui pourrait être imputable à une plus grande uniformité
du milieu bâti.
Les forces de la présente étude sont sa comparaison unique
entre les régions de Toronto et de Vancouver et entre des
milieux urbains et suburbains, et sa capacité de tenir compte
du type de quartier préféré dans l’évaluation des associations
entre le comportement en matière de déplacements, le statut
pondéral et la marchabilité objective. Une autre force est la
conception de l’étude, qui amène les répondants à faire des
compromis et permet ainsi de jauger les préférences sousjacentes pour une caractéristique particulière du quartier,
toutes choses étant égales par ailleurs. Toutefois, le protocole
d’étude demande aux participants de supposer que des
facteurs comme le prix et la qualité des écoles sont constants
d’un quartier à l’autre, ce qui peut sembler irréaliste. Au
demeurant, certains des choix proposés peuvent ne pas exister
dans l’une des deux régions à l’étude, et certains quartiers
peuvent comporter un mélange de caractéristiques propices à
la marche et orientées vers l’automobile.
L’étude comporte plusieurs contraintes. Son plan transversal
limite la possibilité d’inférer des liens de causalité, et la
capacité de l’échantillon de représenter exactement la
population de chaque région est limitée par l’absence de
recrues potentielles dans les catégories « très marchable » et
« revenu élevé ». De même, il y avait des différences notables
entre l’échantillon et la population du Recensement de 2006
pour ce qui est du sexe, des ménages avec enfants et de la
proportion d’immigrants et de minorités visibles, ce qui
pourrait restreindre la généralisabilité de l’étude.
Les quartiers marchables présentent d’importants avantages
sociosanitaires en offrant quotidiennement des occasions de
faire de l’activité physique et d’avoir des interactions sociales,
ainsi qu’un meilleur accès à des choix alimentaires sains et des
services communautaires 2,3,6 . Un aménagement urbain
tentaculaire à faible densité mène à des quartiers tributaires de
l’automobile, où les possibilités de transport actif sont limitées.
L’étude confirme qu’il faudrait augmenter l’offre de logements
dans des cadres plus marchables, à la fois pour répondre à la
demande des consommateurs et pour améliorer la santé des
populations. Elle démontre qu’une part importante du public
appuierait des quartiers marchables et orientés vers les transports
collectifs, ce qui, en retour, permettrait aux gens de mieux
assortir leur cadre de vie à leurs préférences. Les promoteurs et
les urbanistes peuvent aussi se servir de cette information pour
convaincre les décideurs et les financiers de la qualité marchande
et de la demande latente pour les caractéristiques particulières
des cadres urbains propices à la marche.
L’évolution du prix des maisons ces dernières années – on le
voit sur les marchés de l’habitation de Toronto et de
eS20 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
PRÉFÉRENCES POUR LES CADRES DE VIE PROPICES À LA MARCHE
Vancouver, tous deux classés comme étant « sérieusement
inabordables35 » – montre qu’il existe une demande accrue
pour des environnements plus marchables, comme en
témoignent nos résultats. Les données sont transversales, mais
les résultats indiquent qu’une demande excédentaire de cadres
de vie marchables pourrait expliquer ces augmentations des
prix. Des mesures ciblant l’aménagement de quartiers
marchables et offrant diverses options de logement accessibles
à un éventail de revenus égaliseraient les chances des résidents
de s’adonner à des comportements sains.
RÉFÉRENCES
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REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS21
RECHERCHE QUANTITATIVE
Projets de proximité axés sur l’environnement bâti : association
avec la défavorisation du quartier, la diversité des usages du sol et le
risque de traumatismes pour les usagers de la route
Anne Sophie Dubé, M.Urb.1-3, Maude Beausoleil, M.A.3, Céline Gosselin, M.A.3, Ginette Beaulne, inf. aut.3,
Sophie Paquin, Ph.D.3, Anne Pelletier, M.Sc.3, Sophie Goudreau, cert. post-diplôme3, Marie-Hélène Poirier, M.Urb.2,3,
Louis Drouin, M.D., M.P.H.1,3, Lise Gauvin, Ph.D.1-3
RÉSUMÉ
OBJECTIFS : 1) Décrire des projets de proximité axés sur l’environnement bâti et associés au transport actif sur l’île de Montréal; et 2) examiner les
associations entre le nombre de projets et les indicateurs de défavorisation matérielle et sociale du quartier et de l’environnement bâti.
MÉTHODE : Nous avons identifié les organismes de financement et les groupes communautaires menant des projets portant sur les environnements
bâtis sur l’île de Montréal. En consultant leurs sites Web et selon un processus en boule de neige, nous avons répertorié les projets visant à transformer
les environnements bâtis exécutés par des organismes communautaires entre le 1er janvier 2006 et le 1er novembre 2010. Nous avons codé et validé
l’information sur les activités de projet et créé une carte interactive à l’aide du logiciel Geoclip. Des analyses corrélationnelles ont permis de quantifier les
associations entre le nombre de projets, les caractéristiques du quartier et la défavorisation.
RÉSULTATS : En tout, 134 organismes communautaires ont été identifiés et 183 projets de proximité répertoriés. Un grand nombre de projets visaient
à mieux faire connaître/améliorer le transport actif ou collectif (n=95), à sécuriser les déplacements (n=84) et à rehausser l’esthétisme et le verdissement
des quartiers (n=69). La corrélation entre la présence des projets et l’étendue de la défavorisation matérielle du quartier était faible (τ de Kendall=0,26,
p<0,001), mais dans les zones plus défavorisées sur le plan social, les projets étaient plus nombreux (τ de Kendall=0,38, p<0,001). La présence de
nombreux projets était aussi associée à une plus grande diversité des usages du sol (τ de Kendall=0,23, p<0,001) et à une plus grande proportion
d’intersections avec piétons, cyclistes et automobilistes blessés (τ de Kendall=0,43, p<0,001).
CONCLUSION : Il existe une importante mobilisation communautaire autour des environnements bâtis et du transport actif. Ses processus de mise en
œuvre et ses impacts méritent d’être étudiés plus avant.
MOTS CLÉS : transport durable; transport actif; mobilisation communautaire; milieu bâti; défavorisation matérielle et sociale
Rev can santé publique 2015;106(1)(Suppl. 1):eS22-eS26.
O
n constate de plus en plus que la dépendance trop
importante envers les modes de transport motorisés a
des effets négatifs sur la santé (obésité, sédentarité) et
sur l’environnement (pollution de l’air, pollution par le bruit)1-3.
Des inter ventions sont en cours pour rendre les
environnements bâtis plus propices au transport actif
(cyclisme et marche)4-6. Des recherches antérieures ont montré
que le transport actif est favorisé par : une plus grande
accessibilité aux services 7-10; la disponibilité de services de
transport collectif et d’infrastructures de marche et de
cyclisme 7,9,11,12 ; l’amélioration de la sécurité face à la
circulation et à la criminalité7,9,13,14; une couverture végétale
plus étendue; et la présence de milieux naturels (lacs, forêts).
Certaines études indiquent que les groupes défavorisés vivent
souvent dans des milieux moins propices au transport actif15.
Sachant que les environnements bâtis sont construits et
transformés par des urbanistes, des ingénieurs et d’autres
employés municipaux, une grande partie de la recherche porte
sur les façons de mobiliser ces professionnels16,17. Un corpus
croissant de recherches se concentre sur le rôle des groupes
communautaires et de la société civile, qui exercent des
eS22 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
pressions sur les responsables des politiques et les élus pour
qu’ils approuvent et soutiennent financièrement les
changements à l’environnement bâti promulgués par les
urbanistes et les ingénieurs18-21. Plus précisément, les preuves
indiquent que la collaboration entre les professionnels et les
Affiliations des auteurs
1. Département de médecine sociale et préventive, École de santé publique,
Université de Montréal, Montréal (Québec)
2. Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM),
Montréal (Québec)
3. Direction de santé publique, Agence de la santé et des services sociaux de
Montréal, Montréal (Québec)
Correspondance : Anne Sophie Dubé, Direction de santé publique de l’Agence de
la santé et des services sociaux de Montréal, 1301, rue Sherbrooke Est, Montréal
(Québec) H2L 1M3, tél. : 514-528-2400, courriel : [email protected]
Remerciements : Le financement de ce projet, octroyé à Bâtir un Canada en santé,
provient de Santé Canada par le biais du projet Connaissances et action liées pour une
meilleure prévention (COALITION) du Partenariat canadien contre le cancer. Lorsque
le travail a été effectué, Lise Gauvin était titulaire d’une chaire en santé publique
appliquée sur les quartiers, le mode de vie et le poids santé des Instituts de recherche
en santé du Canada/Centre de recherche en prévention de l’obésité. Nous remercions
Alice Miro, gestionnaire du projet COALITION, Environnement bâti et santé,
Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, pour son appui. Certaines
de nos constatations ont été présentées à la 9e édition annuelle de la conférence
Active Living Research en mars 2012 (San Diego, Californie) et lors des Journées
annuelles de santé publique en novembre 2011 et 2013 (Montréal, Québec).
Conflit d’intérêts : aucun à déclarer.
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
PROJETS DE PROXIMITÉ ET ENVIRONNEMENTS BÂTIS
Tableau 1. Nombre et cibles des projets de proximité en cours entre le 1er janvier 2006 et le 1er novembre 2010 sur l’île de Montréal
Attributs de l’environnement bâti associés au transport durable ayant été ciblés
Accessibilité des services et des commodités (p. ex., mise en œuvre de marchés publics)
Sensibilisation/amélioration des options de transport actif ou collectif (p. ex., ajout de supports à vélos, élaboration de plans de transport)
Sécurisation des déplacements (p. ex., mesures de modération de la circulation, Pédibus)
Amélioration de la sécurité face à la criminalité (p. ex., éclairage et signalisation routière)
Esthétisme et verdissement des lieux (p. ex., jardin communautaire, toit végétalisé)
Protection et mise en valeur des milieux naturels (p. ex., front d’eau, forêts, conservation de la nature)
groupes communautaires est essentielle pour changer les
environnements et maximiser les effets sanitaires19-21.
On s’attarde beaucoup aux difficultés inhérentes à
l’établissement de partenariats et à la recherche des meilleurs
moyens d’appuyer les organismes communautaires, dont les
sources de financement sont le plus souvent limitées et
inconstantes 22,23 . Malgré le rôle essentiel des groupes
communautaires en tant que porte-parole des citoyens, on en
sait peu sur le nombre d’organismes qui ont des projets de
proximité en cours, sur les cibles des changements à
l’environnement bâti et sur les quartiers où l’on met en œuvre
des projets. Or, de telles informations sont essentielles si l’on
veut établir des partenariats et commencer à transformer les
environnements bâtis.
Les buts de notre étude étaient 1) de décrire les projets de
proximité axés sur l’environnement bâti et associés au
transport actif sur l’île de Montréal et 2) d’examiner les
associations entre le nombre de projets, les indicateurs de la
défavorisation matérielle et sociale des quartiers et
l’environnement bâti.
MÉTHODE
L’étude s’inscrivait dans une initiative plus vaste appelée Bâtir
un Canada en santé : une coalition canadienne de bureaux de
santé, d’organismes de planification et d’ONG voulant unir les
efforts existants et émergents dans plusieurs secteurs en vue de
promouvoir la santé des environnements bâtis en traduisant
les données de recherche les plus récentes en outils
d’intervention de pointe.
Méthode d’élaboration d’un répertoire des projets de
proximité
Nous avons commencé par identifier les organismes ayant
octroyé des fonds à des groupes communautaires pour
modifier les environnements bâtis sur l’île de Montréal. Une
liste d’organismes avait été compilée dans le cadre des activités
courantes de la Direction de santé publique de Montréal. Nous
avons défini les groupes communautaires comme étant des
organismes sans but lucratif contribuant à l’exercice de la
citoyenneté, enracinés dans la communauté, entretenant une
vie associative et libres de déterminer leur mission, leurs
approches, leurs pratiques et leurs orientations. Ces critères
englobaient les organismes communautaires à vocation
environnementale et d’autres groupes de dialogue locaux
(comme les tables rondes de quartier ou les comités locaux de
revitalisation), mais excluaient les organismes religieux, les
fondations ayant essentiellement pour mission de recueillir et
de redistribuer des fonds et les organismes exclusivement
composés de bénévoles.
Nombre de
projets de proximité
27
95
84
46
69
7
Les projets à répertorier ont été retenus selon deux critères
d’inclusion : 1) les projets s’étant déroulés entre le 1er janvier
2006 et le 1 er novembre 2010 et 2) les projets visant à
promouvoir la marche, l’activité physique ou le transport actif
en intervenant sur les environnements bâtis pour appuyer le
transport durable selon un ou plusieurs des attributs suivants,
connus comme étant liés au transport durable : i) accroître
l’accessibilité des services et des commodités (p. ex., mise en
œuvre de marchés publics); ii) mieux faire connaître et
améliorer les commodités ou les infrastructures de transport
actif ou collectif (p. ex., ajout de supports à vélos, élaboration
de plans de transport); iii) sécuriser les déplacements (p. ex.,
mise en œuvre de mesures de modération de la circulation);
iv) améliorer la sécurité face à la criminalité (p. ex., l’éclairage
et la signalisation routière); v) améliorer l’esthétisme et le
verdissement des lieux (p. ex., jardins communautaires, toit
végétalisé); et vi) protéger et mettre en valeur les milieux
naturels (p. ex., front d’eau, forêts, conservation de la nature).
Au départ, l’information sur les projets a été extraite des
bases de données existantes et des archives des activités en
cours à la Direction de santé publique de Montréal. Nous
avons aussi contacté des organismes de financement pour
obtenir de l’information sur les groupes communautaires et les
projets qu’ils finançaient, si ces données n’étaient pas
disponibles sur leurs sites Web. Ceci a permis de procéder par
« boule de neige » : nos contacts ont identifié des projets qui
n’étaient pas nécessairement mentionnés sur des sites Web ou
qui étaient financés par un organisme ne figurant pas sur nos
listes originales.
Une fois dressée notre liste de projets, l’information sur les
activités et les partenaires des projets a été extraite des
descriptions et des documents de projets. Cette information a
ensuite été codée pour indiquer les six attributs de
l’environnement bâti, énumérés plus haut, que les projets
visaient à changer. L’information codée a été envoyée aux
groupes communautaires pour la faire valider et rectifier.
L’information erronée a été corrigée.
Création d’un répertoire géoréférencé
Les organismes communautaires menant des projets ont été
géoréférencés par un programme informatique appelé Geoclip
(mis au point par emc3) selon leur adresse de voirie et leur
code postal. Nous avons créé une carte interactive avec un
point cliquable pour chaque organisme. Un clic ouvre une
nouvelle fenêtre avec une fiche documentaire indiquant le
titre du projet, sa durée, ses promoteurs, les attributs du
transport durable visés par le projet, les objectifs du projet, la
description de ses activités et de son territoire, ses partenaires
et son programme de soutien financier.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS23
PROJETS DE PROXIMITÉ ET ENVIRONNEMENTS BÂTIS
Quartier
Quartier
Indice de défavorisation sociale
Indice de défavorisation matérielle
Moins défavorisé
Moins défavorisé
Plus défavorisé
Plus défavorisé
Nombre de projets
Nombre de projets
0
0
1à5
1à5
6 à 13
6 à 13
kilomètres
kilomètres
Panneau A
Figure 1.
Panneau B
Représentation spatiale du nombre de projets de proximité visant à transformer les environnements bâtis pour améliorer
le transport durable menés entre le 1er janvier 2006 et le 1er novembre 2010, dans des quartiers ayant différents niveaux
de défavorisation sociale (panneau A) et matérielle (panneau B) sur l’île de Montréal
Défavorisation matérielle et sociale et environnement
bâti dans les zones où se déroulent des projets de
proximité
Pour déterminer l’étendue de la défavorisation matérielle et
sociale dans les zones où il y avait des projets de proximité,
nous avons utilisé les indices de défavorisation matérielle et
sociale élaborés par Pampalon et coll., qui sont largement
utilisés au Québec comme indicateurs d’inégalités sociales24-26.
L’indice de défavorisation matérielle de Pampalon est un
indice composite qui combine les données du Recensement
sur la scolarité, l’emploi et le revenu, tandis que l’indice de
défavorisation sociale est un indice composite qui combine la
structure familiale, l’état matrimonial et le niveau de vie (voir
les références bibliographiques pour plus de renseignements
sur la validité de ces indicateurs). Les valeurs ont été recodées
en quintiles pour les besoins de l’analyse, les quintiles
supérieurs dénotant une plus grande défavorisation.
Étant fondés sur le Recensement, les indicateurs de
défavorisation matérielle et sociale peuvent être regroupés selon
diverses unités territoriales. Vu notre intérêt pour le travail des
groupes communautaires impliqués dans des projets de
proximité, nous avons utilisé les indicateurs de défavorisation
matérielle et sociale à l’échelle des quartiers. La Direction de
santé publique de Montréal a adopté une division du territoire
en quartiers (n=111 quartiers) d’après les frontières des secteurs
de recensement, les frontières physiques ou naturelles (voies de
chemin de fer, parcs) et la reconnaissance des quartiers par les
résidents et leur sentiment d’appartenance à un quartier. Nous
nous sommes servis de ces divisions du territoire pour situer les
groupes communautaires dans des quartiers, et nous avons
calculé la défavorisation matérielle et sociale de chaque quartier.
De plus, nous avons dérivé les indicateurs de l’environnement
bâti des quartiers. À l’aide des données du rôle municipal
d’évaluation foncière, le territoire a été catégorisé comme étant
résidentiel, résidentiel à haute densité combiné à des usages
commerciaux, institutionnel, commercial ou industriel. Un
indice a été attribué à chaque type d’usage du sol, puis ces valeurs
ont été combinées en un indice de 0 à 1, les indices supérieurs
dénotant une plus grande diversité d’usages du sol dans le
quartier. À partir des données des constats d’accidents des services
ambulanciers, nous avons calculé la proportion d’intersections du
quartier où une ambulance s’était rendue entre 1999 et 2008 pour
secourir un piéton, un cycliste ou un automobiliste blessé.
Analyses statistiques
Après avoir géoréférencé chaque groupe communautaire, nous
avons examiné les corrélations (coefficient tau [τ] de Kendall
vu le nombre d’occurrences des projets) entre le nombre de
projets dans chacun des 111 quartiers, le niveau de
défavorisation matérielle et sociale des populations vivant
dans ces quartiers et les indicateurs de l’environnement bâti.
RÉSULTATS
Nous avons identifié sur l’île de Montréal 134 organismes
communautaires menant 183 projets de proximité visant à
transformer les attributs des environnements bâtis associés au
transport durable entre le 1er janvier 2006 et le 1er novembre 2010.
Les emplacements de ces organismes communautaires ont été
géocodés. Leur cartographie est disponible sur un site Web
(http://emis.santemontreal.qc.ca/outils/atlas-sante-montreal/
ressources/les-ong-projets-en-environnement-bati-et-mobilitedurable/).
eS24 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
Nombre de projets
Nombre de projets
PROJETS DE PROXIMITÉ ET ENVIRONNEMENTS BÂTIS
Médiane
25 %–75 %
Valeurs non aberrantes
Valeur aberrante
Valeur extrême
Médiane
25 %–75 %
Valeurs non aberrantes
Valeur aberrante
Valeur extrême
Quintile de défavorisation sociale
Quintile de défavorisation sociale
Panneau A
Figure 2.
Panneau B
Boîtes à pattes représentant les associations entre le nombre de projets de proximité dans le quartier et la défavorisation
sociale (panneau A) et matérielle (panneau B) à l’échelle du quartier
* Le 1er quintile représente le plus faible niveau de défavorisation matérielle et sociale.
Le tableau 1 montre qu’il y a eu davantage de projets visant
à faire connaître/améliorer les options de transport actif et
collectif et à sécuriser les déplacements que de projets portant
sur les autres attributs. Dix projets visaient trois cibles ou plus,
107 visaient deux cibles, et 64 n’en visaient qu’une seule.
Comme le montre la figure 1, les projets étaient concentrés
dans les zones centrales, plus urbanisées, de l’île de Montréal.
À l’échelle des 111 quartiers, un sous-groupe de 52 quartiers
ne comptait aucun groupe communautaire menant des
projets, tandis que 26, 15 et 17 quartiers comptaient
respectivement 1, 2 ou 3 groupes communautaires ou plus
menant des projets de proximité.
L’examen des corrélations a permis de cerner de petites
associations significatives entre la présence de projets dans un
quartier et l’étendue de la défavorisation matérielle (τ de
Kendall=0,26, p<0,001) et sociale (τ de Kendall=0,38, p<0,001)
des résidents. Pour mieux illustrer la nature de ces
associations, nous avons créé des boîtes à pattes (figure 2).
Comme on peut le voir, les associations avec la défavorisation
matérielle sont mineures, mais celles avec la défavorisation
sociale sont plus fortes. En outre, un plus grand nombre de
projets étaient associés à la présence d’une plus grande
diversité d’usages du sol (τ de Kendall=0,23, p<0,001) et à une
plus grande proportion d’intersections du quartier où des
piétons, des cyclistes ou des automobilistes avaient été blessés
(τ de Kendall=0,43, p<0,001).
DISCUSSION
Les résultats de l’inventaire et de la cartographie des projets de
proximité sur l’île de Montréal montrent qu’un grand nombre
de projets (183) visant à transformer les attributs de
l’environnement bâti associés au transport durable se sont
déroulés entre le 1er janvier 2006 et le 1er novembre 2010. Les
plus nombreux de ces projets ciblaient l’amélioration des
commodités ou des infrastructures de transport collectif ou
actif et l’amélioration de la sécurité face à la criminalité.
L’esthétisme et le verdissement des lieux, y compris les jardins
communautaires, étaient aussi une cible fréquente. Ces
données montrent que les groupes communautaires
s’emploient très activement à changer les environnements
bâtis.
Nous avons observé un plus grand nombre de projets en
cours dans les zones où la défavorisation sociale, la
défavorisation matérielle, la diversité des usages du sol et le
risque de traumatismes aux usagers de la route étaient plus
élevés. L’association plus faible observée pour la défavorisation
matérielle pourrait être liée au fait que l’action
communautaire dans ces quartiers cible d’autres priorités,
comme le logement ou l’emploi. L’association plus forte entre
le nombre de projets et la défavorisation sociale pourrait
indiquer une réaction adaptative des communautés, qui
tentent d’améliorer les zones où les gens ont davantage besoin
de mesures de soutien communautaire.
À notre connaissance, il s’agit de la première tentative de
répertorier les projets de proximité visant à transformer les
environnements bâtis et de mieux comprendre la mobilisation
communautaire autour du transport actif à Montréal. Les
résultats de l’étude donnent une représentation visuelle,
quoique descriptive, des lieux de mobilisation communautaire
autour de cet enjeu. Une telle information est utile aux
responsables des politiques, qui peuvent ainsi plus
efficacement planifier les transformations de l’environnement
bâti selon les besoins et les préoccupations communautaires.
Le fait que la présence de projets est associée à une plus
grande défavorisation matérielle et sociale permet aussi de
mieux comprendre le contexte des efforts pour transformer les
environnements bâtis.
La répétition de ces résultats dans d’autres villes
canadiennes et leur vulgarisation semblent justifiées, car les
groupes communautaires font souvent porter leurs efforts sur
les activités et les projets les plus appréciés des citoyens. Les
procédés de mise en œuvre de ce type de mobilisation
communautaire sont aussi intéressants, car ils pourraient
permettre la création de mesures de soutien financier et social
plus efficaces des groupes communautaires, ainsi que de
partenariats plus durables.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS25
PROJETS DE PROXIMITÉ ET ENVIRONNEMENTS BÂTIS
Contraintes
L’étude comporte plusieurs contraintes. Nous avons tenté
d’identifier tous les groupes communautaires et de répertorier
tous les projets de proximité ciblant les environnements bâtis
et le transport durable. Il est cependant possible que les
organismes de financement et les organismes communautaires
aient été trop occupés pour vérifier minutieusement toute
l’information que nous leur avons transmise. Il est possible
aussi que certains projets n’aient pas été répertoriés.
Néanmoins, leur nombre est probablement négligeable, car le
processus en boule de neige a entraîné une saturation.
Bien que nous ayons réussi à géolocaliser les adresses de
voirie des groupes communautaires, nous n’avons pas pu
décrire avec précision la portée territoriale des projets, ni la
dépeindre avec l’outil logiciel interactif. De nombreux projets
avaient une portée territoriale diffuse, et certains ne
compilaient tout simplement pas ce genre d’information.
D’autres méthodes de collecte de données devraient être
élaborées pour établir avec précision ces attributs des projets.
À tout le moins, nous avons pu localiser les quartiers où les
projets se déroulaient.
Enfin, les données recueillies sur les groupes
communautaires et leurs projets ne nous ont pas permis de
déterminer si ces projets avaient été lancés à la demande ou en
fonction des priorités des communautés (démarche
ascendante), ou plutôt en raison du financement disponible
(démarche descendante). Il faudrait pousser la recherche pour
en savoir plus sur l’émergence des projets et les raisons pour
lesquelles les groupes communautaires décident d’agir sur les
cibles choisies. Un complément d’information sur l’efficacité
et la complémentarité des démarches ascendante et
descendante serait aussi un domaine fructueux pour la
recherche future.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
CONCLUSION
Un grand nombre de projets de proximité visent à améliorer
les attributs des environnements bâtis associés au transport
actif sur l’île de Montréal. Ces projets sont concentrés dans les
quartiers plus urbains, où vivent des populations plus
socialement isolées et plus matériellement défavorisées et où
un plus grand nombre d’intersections sont le site de
traumatismes. Il faut pousser la recherche sur l’impact de tels
projets sur l’environnement bâti, car les groupes
communautaires sont des porte-parole de la population et
sont un mécanisme par lequel elle peut exercer sa citoyenneté.
20.
21.
22.
23.
24.
25.
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1.
2.
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26.
eS26 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
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RECHERCHE QUANTITATIVE
Application d’un outil fondé sur les données probantes pour
évaluer les effets sanitaires de changements dans le milieu bâti
Jared M. Ulmer, M.P.H.1, James E. Chapman, M.S.1, Suzanne E. Kershaw, M.S.A.1, Monica Campbell, Ph.D.2,3,
Lawrence D. Frank, PhD4
RÉSUMÉ
OBJECTIFS : Créer et appliquer un outil empirique d’évaluation de l’impact sur la santé et sur les gaz à effet de serre (GES) qui relie des indicateurs
détaillés du potentiel piétonnier et de l’accessibilité régionale aux déplacements, à l’activité physique, aux indicateurs de santé et aux émissions de GES.
MÉTHODE : Les caractéristiques d’aménagement des parcelles et du système de transport ont été calculées dans une zone tampon d’un kilomètre
autour de chaque code postal à Toronto. Des indicateurs du milieu bâti ont été reliés aux caractéristiques sanitaires et démographiques tirées de
l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et aux comportements de déplacement fournis par le sondage Transport Tomorrow. Les résultats
ont été intégrés dans un outil logiciel existant et ont servi à prédire les indicateurs sanitaires et les émissions de GES associés à la remise en valeur des
terrains de l’Ouest de la rivière Don à Toronto.
RÉSULTATS : Le potentiel piétonnier, l’accessibilité régionale, les trottoirs, les installations pour cyclistes et l’accès aux installations de loisirs ont été
associés positivement avec l’activité physique et négativement avec le poids, l’hypertension artérielle et les impacts des transports. Appliqué aux terrains
de l’Ouest de la rivière Don, l’outil logiciel a prédit un recul important de l’usage de l’automobile au profit de la marche, du cyclisme et des transports
en commun. Selon l’outil, les trajets à pied et à vélo pourraient plus que doubler, et les trajets en transports en commun pourraient augmenter du tiers.
Les trajets en automobile par habitant pourraient diminuer de moitié, les kilomètres parcourus en automobile, de 15 %, et les émissions de GES, de
29 %.
CONCLUSION : Les résultats présentés ici sont nouveaux et comptent parmi les premiers à relier des effets sanitaires et des caractéristiques précises du
milieu bâti au Canada. L’outil qui en résulte est le premier du genre au Canada. Il peut aider les responsables des politiques, les urbanistes, les
planificateurs des transports et les professionnels de la santé à évaluer les influences du milieu bâti sur les indicateurs sanitaires et les émissions de GES
résultant de politiques et d’actions comparées en matière d’aménagement du territoire et de transports.
MOTS CLÉS : environnement et santé publique; techniques d’aide à la décision; urbanisme; systèmes d’information géographique; évaluation d’impact
sur la santé; analyse spatiale
Rev can santé publique 2015;106(1)(Suppl. 1):eS27-eS34.
L
’épidémie d’obésité en cours est bien attestée 1,2 . Au
Canada, la prévalence du surpoids est passée de 28 % à
34 % entre 1985 et 2003, et l’obésité a grimpé de 7 à 16 %
sur la même période3. Les facteurs sociétaux communément
cités sont le glissement des professions actives aux professions
sédentaires, la domination actuelle de l’automobile sur la liste
des moyens de transport, l’augmentation des temps de loisir
sédentaires, l’activité physique insuffisante pendant les loisirs
et l’accès facile à des aliments peu coûteux et à haute teneur
en calories4,5. La sédentarité et le surpoids ou l’obésité sont des
facteurs de risque pour de nombreuses maladies chroniques
(maladies cardiovasculaires, diabète de type II), lesquelles sont
aussi en hausse6-8. Ces conditions ont un impact de plus en
plus préjudiciable sur la qualité de vie des particuliers et des
répercussions sur les dépenses individuelles et publiques en
soins de santé9,10.
Inverser les tendances haussières du poids et des maladies
chroniques exigera à la fois des approches individuelles et
populationnelles menées dans de multiples milieux11. Jusqu’à
maintenant, les données probantes publiées indiquent que le
milieu bâti a un impact léger mais significatif sur l’activité
physique, l’obésité et les maladies chroniques12. Ces données
identifient les caractéristiques du milieu bâti associées à des
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
niveaux supérieurs de transport actif (p. ex., la diversité des
usages du sol), à l’activité physique pendant les loisirs (p. ex.,
l’accès aux parcs et aux installations récréatives) et la
consommation d’aliments sains (p. ex., l’accès aux magasins
de fruits et légumes frais)13-15. Des études ont aussi identifié les
Affiliations des auteurs
1.
2.
3.
4.
Urban Design 4 Health, Vancouver (Colombie-Britannique)
Service de santé publique de Toronto, Toronto (Ontario)
École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto, Toronto (Ontario)
Écoles de santé environnementale et de planification communautaire et régionale,
Université de la Colombie-Britannique, Vancouver (Colombie-Britannique)
Correspondance : Lawrence D. Frank, Écoles de santé environnementale et de
planification communautaire et régionale, Université de la Colombie-Britannique,
231-1933 West Mall, Vancouver (Colombie-Britannique) V6T 1Z2, tél. : 604-822-5387,
courriel : [email protected].
Remerciements : L’étude présentée dans cet article a été rendue possible grâce à
l’apport financier de Santé Canada octroyé à « Bâtir un Canada en santé » par le biais
du projet COALITION (Connaissances et action liées pour une meilleure prévention)
du Partenariat canadien contre le cancer. Les points de vue exprimés sont ceux de
Bâtir un Canada en santé et ne reflètent pas nécessairement ceux des bailleurs de
fonds du projet. Nous remercions aussi pour leur soutien les partenaires de Bâtir un
Canada en santé, dont Stephen Samis (anciennement de la Fondation des maladies
du cœur et de l’AVC et maintenant de la Fondation canadienne pour l’amélioration
des services de santé), Alice Miro, Kim Perrotta (anciennement de Santé publique
Toronto) et d’autres à la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC;
Ronald Macfarlane et d’autres à Santé publique Toronto; Santé publique de Peel;
Fraser Health Authority; et Vancouver Coastal Health. Enfin, nous remercions pour
leur contribution les autres membres de l’équipe, issus d’Urban Design 4 Health
(Eric Fox et Sarah Kavage) et de Placeways (Doug Walker, Amy Anderson et Emily Cubbon).
Conflit d’intérêts : aucun à déclarer.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS27
OUTIL D'ÉVALUATION DE LA SANTÉ ET DU MILIEU BÂTI
caractéristiques qui font obstacle à l’activité physique (p. ex.,
la circulation intense) ou qui sont associées à la
consommation d’aliments malsains (p. ex., l’accès aux
restaurants rapides)16,17.
De récentes études canadiennes commencent à confirmer
ces constatations, tant chez les adultes que chez les enfants18.
Glazier et coll. ont constaté que les quartiers à fort potentiel
piétonnier pour les adultes de Toronto présentent une
corrélation significative avec des déplacements actifs plus
nombreux, des trajets en automobile moins nombreux, une
plus faible prévalence de surpoids ou d’obésité et une plus
faible prévalence de diabète sucré 19 . Pouliou et Elliott
rapportent qu’une densité de population résidentielle
supérieure était associée à un indice de masse corporelle (IMC)
inférieur chez les adultes torontois, et que des valeurs accrues
pour la diversité des usages du sol, la densité de population
résidentielle, la connectivité des rues et un indice du potentiel
piétonnier étaient toutes associées à un IMC inférieur chez les
adultes de Vancouver20. Dans une étude auprès de jeunes de
10 à 14 ans menée à London (Ontario), Gilliland et coll. ont
constaté une association entre un meilleur accès résidentiel
aux possibilités récréatives et un IMC inférieur, et entre un
plus grand accès des écoles aux établissements de restauration
rapide et un IMC supérieur21.
À l’échelle individuelle, l’ampleur de l’effet des
interventions sur le milieu bâti est probablement réduit, mais
leurs avantages sont importants parce qu’ils profitent à
beaucoup de gens, ce qui crée une exposition populationnelle
à des changements structurels de l’environnement soutenus
au fil du temps. Les changements au milieu bâti sont une
forme durable de prévention et devraient compter parmi les
nombreuses stratégies complémentaires utilisées pour
améliorer la santé publique. Des changements structurels au
milieu bâti sont souvent nécessaires à l’efficacité d’autres
changements instaurés par des programmes. Il n’est pas
efficace de promouvoir la marche et les déplacements actifs en
l’absence d’infrastructures adéquates, par exemple. Les outils
coûts-avantages qui servent actuellement à établir l’ordre de
priorité de gros investissements dans les transports ne
tiennent pas compte de toute la gamme des effets sanitaires
qui, selon les études, résulteraient de changements au milieu
bâti. Les données probantes de l’étude en cours, ainsi que
celles du corpus croissant de recherches dans ce domaine,
donnent à penser que ces outils devraient inclure les coûts
associés à un plus vaste éventail de résultats sanitaires.
On intègre de plus en plus les évaluations d’impact sur la
santé (ÉIS) dans les pratiques locales pour fournir aux acteurs
du milieu et aux décideurs des informations liées à la santé.
Les ÉIS peuvent être appliquées à des propositions de lois, de
politiques, de programmes, de plans, de projets
d’aménagement ou de priorités d’investissement pour évaluer
leur impact potentiel sur la santé humaine. Le recours aux ÉIS
gagne en popularité en Amérique du Nord depuis quelques
années, bien qu’elles reposent le plus souvent sur des
indicateurs non quantitatifs fondés sur l’application d’un
nombre limité de données probantes publiées au sujet d’une
décision ou d’un projet donné. Dans des revues récentes de la
littérature, on a constaté que des indicateurs quantitatifs
n’étaient fournis que dans 11 ÉIS sur 27 menées aux ÉtatsUnis et dans 17 ÉIS sur 98 menées en Europe22,23. La spécificité
et la légitimité des ÉIS pourraient être considérablement
renforcées par l’intégration de données quantitatives fondées
sur des données probantes locales24,25. C’est particulièrement
souhaitable lorsque des interventions visant à améliorer les
résultats sanitaires et environnementaux d’importantes
proposition de développement des transports et
d’aménagement du territoire peuvent avoir des conséquences
financières à grande échelle et susceptibles de s’attirer des
critiques. Les données qualitatives sont moins à même de
résister aux contestations judiciaires.
L’étude en cours donne un aperçu de l’élaboration de
modèles et de l’application d’une étude de cas pour un outil
quantitatif d’ÉIS fondé sur des données probantes, créé et
appliqué dans la Ville de Toronto. L’outil a été élaboré pour
Santé publique Toronto dans le cadre de l’initiative Bâtir un
Canada en santé du projet COALITION (Connaissances et
action liées pour une meilleure prévention), financé par le
Partenariat canadien contre le cancer26. Il est déjà appliqué
ailleurs au Canada et a été conçu pour prédire les niveaux
d’activité physique, d’indicateurs sanitaires et d’émissions de
GES associés à des propositions d’aménagement du territoire
et de développement des transports.
MÉTHODE
La mise au point de l’outil du projet COALITION a comporté
deux grandes étapes : l’agencement des modèles de prévision
associant les caractéristiques du milieu bâti à des
comportements/indicateurs sanitaires à l’aide des données
transversales locales de Toronto, et la modification d’un outil
logiciel existant (CommunityViz, développé par Placeways,
LLC, Boulder, Colorado) pour prédire les changements des
comportements/indicateurs sanitaires en réponse à des
changements définis par l’utilisateur dans les caractéristiques
du milieu bâti. L’outil a ensuite été appliqué à l’étude de cas de
la remise en valeur des terrains de l’Ouest de la rivière Don, à
Toronto, pour en démontrer la fonctionnalité.
CommunityViz (CViz) est une extension que l’on trouve
dans le commerce du logiciel ArcMap (ESRI, Redlands,
Californie). Nous avons sélectionné CViz pour la mise en
œuvre de l’outil du projet COALITION parce qu’il est déjà très
utilisé par les urbanistes pour évaluer les impacts de base
(p. ex., sur les transports, l’environnement, les écoles) de scénarios
d’aménagement des terres et d’investissements dans les
transports et qu’il peut être personnalisé pour inclure des
modèles d’effets sanitaires. CViz fournit une interface de
système d’information géographique conviviale dont les
planificateurs et les acteurs du milieu peuvent se servir pour
analyser les conditions actuelles du milieu bâti, modifier les
conditions futures et obtenir une rétroaction sur leurs impacts.
Les utilisateurs de CViz ont deux grands moyens de manipuler
les conditions futures pour générer de l’information sur leurs
effets sanitaires : aménager/remettre en valeur le territoire et
modifier les infrastructures de transport. La rétroaction de CViz
est présentée selon une combinaison de cartes, de chiffres et de
diagrammes qui comparent les conditions de base et les
scénarios futurs pour les indicateurs qui intéressent l’utilisateur.
eS28 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
OUTIL D'ÉVALUATION DE LA SANTÉ ET DU MILIEU BÂTI
Figure 1.
Vue d’ensemble du site des terrains de l’Ouest de la rivière Don (le secteur orangé représente les limites du site d’aménagement)
Variables dépendantes
Des variables dépendantes ont été dérivées de deux sources de
données : le cycle 2007-2008 de l’Enquête sur la santé dans les
collectivités canadiennes (ESCC) et le sondage Transport
Tomorrow (STT) mené en 2006. Les variables dépendantes
envisagées pour la construction du modèle ont été (pour celles
tirées de l’ESCC) la marche et le vélo pour faire de l’exercice, la
marche et le vélo pour se rendre au travail/à l’école, l’indice de
masse corporelle, la dépense d’énergie quotidienne et la
probabilité d’hypertension artérielle; et (pour celles tirées du
STT) les trajets à pied/en vélo par jour, les trajets en transports
en commun par jour, les trajets en automobile par jour, les
kilomètres parcourus par jour et les émissions de CO 2
estimatives des véhicules par jour. L’échantillon de l’ESCC
comptait 4 077 participants dans la ville de Toronto qui ont
été géocodés par leur code postal. L’échantillon du STT
comptait 22 091 participants dans la Ville de Toronto,
géocodés par code postal. Il n’a pas été possible d’obtenir les
dossiers de chaque répondant du STT; les données
représentent plutôt les moyennes par code postal.
Variables indépendantes
Les variables du milieu bâti ont été mesurées pour les
47 246 codes postaux de la Ville de Toronto à l’aide des
données des parcelles locales spatialement cadastrées, du
réseau de transport (transports en commun et voies pour les
véhicules, les piétons et les cyclistes) et des destinations
(établissements de restauration, parcs et écoles). La zone
tampon d’un kilomètre autour de chaque code postal a été
incluse dans le calcul des variables du milieu bâti. Ces zones
tampon ont été créées pour englober le rayon des
déplacements à partir du centre du code postal, dans toutes les
directions, sur un kilomètre le long du réseau routier (à
l’exception des routes à accès limité). Cette approche a été
validée à maintes reprises dans d’autres études évaluées par
des pairs27-29. Les variables du milieu bâti étaient la longueur
des routes; les installations pour bicyclettes et les trottoirs; la
distance jusqu’à la grande artère, l’école et l’arrêt/la station de
transports en commun les plus proches; l’accessibilité des
grandes destinations régionales; plusieurs vecteurs de densité,
dont la densité résidentielle nette, les intersections, les écoles,
les arrêts de transports en commun et le type de chaque
établissement de restauration (restaurants assis et rapides,
épiceries et dépanneurs) et les indicateurs d’aménagement du
territoire, dont un indicateur entropique des zones
polyvalentes, du rapport surface de vente/territoire et de la
zone de parc.
Des covariables démographiques et socioéconomiques ont
aussi été incluses dans les modèles à titre de variables de
contrôle indépendantes. Ces covariables ont été directement
tirées de l’ESCC et du STT lorsqu’elles étaient disponibles.
Quand des covariables essentielles n’étaient pas présentes dans
ces deux sources, leurs valeurs pour chaque participant ont été
imputées à l’aide du Recensement de 2006 au Canada. Ces
données n’étaient disponibles qu’au niveau des aires de
diffusion (AD). Les valeurs des AD ont été affectées à tous les
codes postaux compris dans l’AD, puis affectées aux
participants de l’ESCC et du STT comptés dans chaque code
postal. Les variables démographiques utilisées pour la
modélisation prédictive incluaient celles des participants de
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS29
OUTIL D'ÉVALUATION DE LA SANTÉ ET DU MILIEU BÂTI
Tableau 1. Caractéristiques démographiques des résidents de la zone d’étude et de la zone d’impact des terrains de l’Ouest de la
rivière Don (TORD), de la Ville de Toronto, et des participants de l’ESCC et du STT
Variable
Âge médian
% de femmes
Nb moyen par ménage
% de diplômés universitaires
Revenu médian du ménage ($)
Zone d’étude
des TORD
(niveau du code
postal, n=15)*
Zone d’impact
des TORD
(niveau du code
postal, n=350)*
45,2
53,0
2,6
47,8
61 078
38,4
48,3
2,6
38,5
76 082
Ville de Toronto†
38,4
51,9
2,5
37,3
52 833
ESCC
(niveau des
participants, sauf
indication
contraire),
moyenne
(N)
STT
(participant moyen
du sondage, niveau
du code postal,
sauf indication
contraire),
moyenne (N)
46,6 (4 077)
54,0 (4 077)
2,5 (4 077)
32,3 (3 926)
77 049 (3 127)‡
42,4 (22 102)
56,2 (21 028)
2,7 (22 113)
30,0 (21 828)*
83 988 (21 828)*
* Statistique Canada, valeurs des aires de diffusion du Recensement de 2006 affectées aux centroïdes des participants/code postal.
† Statistique Canada, Profils des communautés du Recensement de 2006.
‡ Revenu des ménages en 2006.
ESCC=Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes; STT=sondage Transport Tomorrow.
Tableau 2. Indicateurs du milieu bâti dans la zone d’étude
Variable
Conditions
actuelles
Densité résidentielle nette (unités résidentielles par acre résidentiel)
Diversité des usages du sol (0-1)
Rapports surface de vente/territoire
Écoles
Établissements d’alimentation
Densité des intersections (nombre/km2)
Densité des transports en commun (nombre/km2)
Routes accessibles aux piétons (km)
installations pour cyclistes (km)
72,4
0,5
0,8
12,0
159,0
134,8
40,4
58,4
11,8
Futur : Plan général
des TORD
% chgt des
cond. actuelles
119,0
0,5
1,2
13,0
193,0
152,0
42,0
62,2
18,5
64,4 %
0,0 %
50,0 %
8,3 %
21,4 %
12,8 %
4,0 %
6,5 %
56,8 %
Tableau 3. Valeurs estimatives des résultats pour les zones d’étude et d’impact des terrains de l’Ouest de la rivière Don (TORD)
Résultat
Trajets actifs/personne par jour
Trajets en transports en commun/personne/jour
Trajets en automobile/personne par jour
Kilomètres parcourus/personne par jour
Émissions de CO2 véhicules (kg/ménage/jour)
Épisodes de marche de loisir par mois
Trajets à pied au travail/à l’école par mois
Épisodes de cyclisme de loisir par mois
Trajets en vélo au travail/à l’école par mois
Dépense d’énergie quotidienne (kcal/kg/jour)*
Indice de masse corporelle
Probabilité d’hypertension artérielle
Zone d’étude (15 codes postaux)
Conditions
Plan
% chgt
actuelles
(TORD)
cond.
(TORD)
actuelles
0,23
0,60
1,00
18,17
3,38
13,63
7,79
1,08
0,80
2,28
24,31
9,63 %
0,48
0,79
0,52
15,43
2,39
14,40
10,94
1,53
2,71
2,73
24,14
9,19 %
108,7 %
31,7 %
-48,0 %
-15,1 %
-29,3 %
5,7 %
40,4 %
41,7 %
238,8 %
19,7 %
-0,7 %
-4,6 %
Zone d’impact (350 codes postaux)
Conditions
Plan
% chgt
actuelles
(TORD)
cond.
(TORD)
actuelles
0,37
0,74
0,64
14,58
2,34
11,80
10,84
1,15
0,98
2,44
24,03
5,55 %
0,42
0,77
0,55
14,18
2,28
12,06
11,54
1,26
1,47
2,51
23,99
5,48 %
13,5 %
4,1 %
-14,1 %
-2,7 %
-2,6 %
2,2 %
6,5 %
9,6 %
50,0 %
2,9 %
-0,2 %
-1,3 %
* La dépense d’énergie quotidienne, exprimée en kcal/kg/jour (PACDTLE), a été dérivée par Statistique Canada d’après les réponses des participants à plusieurs
questions sur l’activité physique. Elle a été calculée en combinant le temps que chaque participant a consacré aux loisirs (p. ex., marche, cyclisme, sports) et au
transport (p. ex., marche/cyclisme pour aller au travail) au cours des trois mois antérieurs. On a calculé le nombre total de calories brûlées durant l’ensemble
des activités et on l’a converti en une valeur quotidienne basée sur le poids du participant. Les répondants ont été classés comme suit : 3,0 kcal/kg/jour ou plus
=actif; 1,5 à 2,9 kcal/kg/jour=modérément actif; moins de 1,5 kcal/kg/jour=inactif.
Source : Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) : 2008 (Composante annuelle) et 2007-2008, Spécifications des variables dérivées (VD),
Fichiers maître et partagé. http://www.statcan.gc.ca/imdb-bmdi/document/3226_D2_T9_V6-fra.pdf
l’ESCC et du STT et les variables fondées sur le Recensement.
Ces variables étaient l’âge, le sexe, le revenu du ménage, la
taille du ménage, la propriété d’un véhicule, le niveau
d’instruction, l’emploi et le pourcentage de populations
minoritaires dans l’AD.
Méthodes d’analyse
Les données ont été jointes au niveau du code postal (la plus
petite unité géographique commune). Des modèles de
régression multivariée ont servi à prédire la valeur de chaque
résultat/comportement sanitaire d’après les caractéristiques du
milieu bâti et les caractéristiques démographiques/
socioéconomiques de chaque participant. Quatre types de
modèles de régression ont été utilisés, selon le type et la
ventilation de la variable de résultat : linéaire, log-linéaire, à
logique binaire et à deux échelons (enflée en zéro). Dans
chaque cas, on a d’abord construit un modèle de base incluant
toute variable démographique/socioéconomique significative
(p<0,05).
Ensuite, les variables du milieu bâti ont été ajoutées au
modèle jusqu’à ce qu’on trouve la combinaison de variables
offrant l’adéquation prédictive la plus élevée (R au carré) par
rapport au résultat. Le processus de modélisation a été limité
par le fait que les formulations des variables résultantes
devaient être utilisables par le logiciel de modélisation et
applicables à la mise à l’essai de scénarios dans le monde réel.
L’objectif final des analyses était donc la modélisation
prédictive (et non le test d’hypothèses). En outre, les variables
eS30 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
OUTIL D'ÉVALUATION DE LA SANTÉ ET DU MILIEU BÂTI
Figure 2.
Dépense d’énergie quotidienne (kcal/kg/jour/personne) – valeurs calculées*
* Valeurs des quartiles : faible=0,57-1,70, moyenne-faible=1,70-1,94, moyenne-élevée=1,94-2,34, élevée=2,34-7,56
du milieu bâti ont été incluses dans certains cas où elles ne
présentaient pas une corrélation significative avec le résultat
d’intérêt, parce qu’elles amélioraient l’adéquation prédictive
du modèle. Comme constaté par le passé, les variables du
milieu bâti sont multicollinéaires; elles ont donc été
combinées en un indice. Des transformations log ont été
utilisées pour les variables dont l’asymétrie était extrêmement
positive.
Certaines contraintes pratiques, liées au besoin d’appliquer
ces modèles avec un outil logiciel de planification de
scénarios, ont limité la sélection des variables
indépendantes. Par exemple, toutes les variables de modèles
devaient être disponibles pour tous les codes postaux de
Toronto dans le scénario de base, et elles devaient être
modifiables pour les scénarios futurs. De même, tous les
indicateurs requis pour calculer chaque variable devaient être
techniquement possibles dans l’outil logiciel et pouvoir être
calculés en moins d’une heure (l’outil logiciel étant fait pour
être utilisé en temps réel lors d’assemblées publiques). CViz
est plus limité à cet égard que d’autres plateformes logicielles
qui ont accès à des capacités informatiques externes par
l’Internet.
Sélection de la zone d’étude de cas et application des
modèles
Les terrains de l’Ouest de la rivière Don (TORD), présentés à la
figure 1, ont été sélectionnés pour l’étude de cas de mise à l’essai
de l’outil du projet COALITION. Le scénario d’essai est fondé sur
le Plan général des TORD pour la remise en valeur de ces terrains
industriels riverains sous-utilisés. Ce plan définit l’emplacement,
l’échelle, le caractère et la fonction de tous les lieux publics, rues,
bâtiments et installations à fournir et à aménager dans la
communauté des TORD. Des changements importants sont
prévus sur ce site de 80 acres situé à l’est du centre-ville :
• 6 000 à 6 500 unités d’habitation, dont 1 300 logements
locatifs abordables
• Divers types d’habitations : des maisons en rangée aux
bâtiments de mi-hauteur et aux tours
• 1 million de pieds carrés de locaux à bureaux et de locaux
pour commerce de détail
• De nouvelles rues pour améliorer la connectivité
• De nouveaux parcs, dont un parc de 18 acres
immédiatement adjacent à la rivière Don
• Une nouvelle ligne de tramways
• Une nouvelle école
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS31
OUTIL D'ÉVALUATION DE LA SANTÉ ET DU MILIEU BÂTI
Les changements au milieu bâti de la zone d’étude sont censés
avoir un impact non seulement sur le comportement des
résidents de la zone, mais sur ceux des résidents des alentours. Par
exemple, les nouveaux magasins, lieux de travail ou transports en
commun construits dans la zone d’étude offriront de nouveaux
choix de destinations aux personnes des environs. C’est la raison
pour laquelle les modèles ont été appliqués à la fois à la zone
d’étude (n=15 codes postaux) et à la « zone d’impact », définie
comme étant la zone d’étude plus tous les codes postaux dans la
zone tampon d’un kilomètre qui recoupent la zone d’étude
(n=350 codes postaux).
Les caractéristiques démographiques et socioéconomiques pour
l’étude de cas ont été dérivées des données des AD du
Recensement (2006). Le tableau 1 présente les valeurs moyennes
des caractéristiques démographiques au niveau du code postal
pour les zones d’étude et d’impact, globalement pour la Ville de
Toronto et à l’échelle individuelle pour les participants de l’ESCC
et du STT, dont les données ont servi à créer les modèles de
régression. Les résidents des codes postaux de la zone d’étude
sont plus âgés, plus instruits et ont un revenu supérieur à ceux de
la ville dans son ensemble. Les résidents de la zone d’impact
ressemblent davantage à ceux de la ville dans son ensemble, à
l’exception de la proportion inférieure de femmes et du revenu
très supérieur des ménages.
Les modèles de régression définitifs ont ensuite été appliqués
au niveau du code postal pour chaque résultat d’intérêt, à la fois
pour les conditions de base et pour le scénario d’aménagement
futur. Pour en faciliter l’interprétation, les caractéristiques
démographiques et socioéconomiques pour chaque code postal
ont été laissées constantes d’un scénario à l’autre. Des résultats
estimatifs ont été générés à la fois pour la zone d’étude et pour la
zone d’impact.
RÉSULTATS
Les résultats des régressions sont résumés ci-après. Les
caractéristiques les plus communément associées à un niveau
d’activité physique supérieur, à un poids inférieur, à une
meilleure santé et à un impact véhiculaire réduit étaient la
diversité accrue des usages du sol, la densité des intersections,
les rapports surface de vente/territoire, la densité de
population résidentielle, la densité des arrêts et des stations de
transports en commun et la densité des magasins
d’alimentation de détail. Un accès élargi aux parcs et aux
pistes était associé à la marche d’exercice, tandis qu’une plus
grande surface de trottoirs et un meilleur accès aux
installations pour cyclistes étaient associés à des niveaux
accrus de marche ou de vélo à des fins de transport. Une
meilleure accessibilité régionale était associée à un nombre
accru de trajets à pied, en vélo et en transports en commun, à
un moindre nombre/une moindre distance des trajets en
automobile et à une réduction des émissions de GES.
Le tableau 2 présente les valeurs d’un sous-ensemble de
valeurs du milieu bâti utilisées par les modèles de régression et
calculées pour les conditions présentes et futures dans la zone
d’étude. Ces valeurs sont fondées sur le secteur englobant les
codes postaux de la zone tampon. En vertu du Plan pour les
TORD, ce secteur devrait se densifier et comporter davantage
de destinations; bien que la diversité des utilisations
résidentielles et non résidentielles du sol reste inchangée, le
nombre et la densité des nouveaux commerces de détail
augmenteront. On s’attend à ce que le réseau de transport
s’étende pour les marcheurs, les cyclistes et les usagers des
transports en commun.
Le tableau 3 montre les prédictions pour chaque résultat et
le taux de changement entre les conditions futures et les
conditions de référence. La moitié gauche du tableau présente
les résultats pour les personnes vivant uniquement dans la
zone d’étude, et la moitié droite du tableau, les résultats pour
les personnes vivant dans la zone d’impact. Seuls les résultats
pour la zone d’étude sont examinés en détail ci-après. Dans
tous les cas, les personnes vivant hors de la zone d’étude
ressentent des impacts tout aussi positifs, mais de moindre
ampleur, que ceux de la zone d’étude.
Avec la mise en œuvre du Plan général de remise en valeur,
on s’attend à un recul considérable des déplacements en
automobile au profit des déplacements actifs (marche et vélo)
et des trajets en transports en commun. Pour les résidents de
la zone d’étude, on s’attend à ce que les déplacements actifs
augmentent de plus du double, et les trajets en transports en
commun, du tiers. Les trajets en automobile devraient au
contraire diminuer de près de la moitié. Parallèlement à la
diminution des trajets en automobile, on prédit une baisse de
15 % des kilomètres parcourus en automobile par personne et
une baisse de 29 % des émissions de GES liées aux véhicules
par ménage.
On prédit que les résidents de la zone d’étude se rendront
beaucoup plus souvent au travail ou à l’école à pied ou à vélo
après la mise en œuvre du Plan général, avec une hausse de
40 % pour la marche et de 238 % pour le vélo. On prédit des
hausses plus faibles de la marche et du cyclisme de loisir, soit
de 5,7 % pour la marche et de 42 % pour le cyclisme. Ces
hausses des déplacements à pied et à vélo entraîneront une
augmentation prévue de 20 % dans la dépense d’énergie
quotidienne des résidents de la zone d’étude après la mise en
œuvre du Plan général, soit de 2,3 à 2,7 kcal par personne par
jour.
Les avantages pour la santé des résidents de la zone d’étude
de la transition vers des modes de transport actif et de
l’augmentation de l’activité physique pendant les loisirs après
la mise en œuvre du Plan général sont démontrés par la baisse
prévue de l’IMC et la probabilité réduite d’hypertension
artérielle. On prédit que l’IMC moyen diminuera de
0,17 point, et que la prévalence de l’hypertension passera de
9,6 % de la population à 9,2 %.
L’application des résultats du modèle peut aussi servir à
créer des cartes thématiques de résultats par code postal pour
l’ensemble de la ville. La figure 2 montre les résultats par
quartile pour un résultat sélectionné : la dépense d’énergie
quotidienne. On voit clairement que la partie centrale et les
secteurs à l’ouest et au nord du centre-ville, représentés en
jaune, indiquent une activité plus élevée, avec de moindres
niveaux d’activité hors de ces secteurs.
DISCUSSION
L’étude rend compte du développement et de l’application
d’un outil logiciel fondé sur les données probantes servant à
eS32 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
OUTIL D'ÉVALUATION DE LA SANTÉ ET DU MILIEU BÂTI
prédire les effets sanitaires de changements apportés au
milieu bâti. L’application de cet outil aux terrains de l’Ouest
de la rivière Don a démontré le potentiel de prédire comment
des changements proposés au milieu bâti peuvent améliorer la
santé humaine en augmentant les niveaux d’activité physique.
Il était prédit que la mise en œuvre d’un plan d’aménagement
visant à ajouter des habitations, des espaces pour le commerce
de détail et des infrastructures de transports améliorées dans
les espaces inutilisés des TORD augmenterait les trajets à pied,
en vélo et en transports en commun des résidents,
particulièrement à des fins utilitaires, mais aussi récréatives.
Les augmentations prévues du transport actif et de l’activité
physique de loisir ont accru la dépense d’énergie quotidienne
totale. Bien que ces résultats ne soient pas conclusifs sur la
seule base des données transversales, il est logique que la
dépense d’énergie accrue entraîne avec le temps une baisse du
poids et une meilleure santé. Les résultats de l’étude de cas
sont conformes à ces relations causales, car il est également
prédit que les résidents des TORD auront un IMC inférieur et
une probabilité réduite de faire de l’hypertension artérielle.
Bien qu’ils n’aient pas été mesurés pour l’étude de cas, on
prévoit aussi que les avantages pour la santé réduiront les
coûts des soins de santé liés à l’obésité30. En plus d’avantages
sur le plan de l’activité physique et de la santé, les résultats
montrent aussi qu’il y aurait d’importants avantages connexes
sur le plan des transports et de l’environnement, dont une
diminution des trajets en automobile, des kilomètres
parcourus par les véhicules et des émissions de GES. L’ampleur
des changements est relativement faible pour de nombreux
résultats, mais le nombre de personnes touchées par le Plan
(sans parler des avantages connexes) donne à penser que les
changements au milieu bâti méritent d’être envisagés parmi
les nombreuses stratégies complémentaires qui peuvent servir
à lutter contre la hausse des taux d’obésité et de maladies
chroniques.
L’élaboration des modèles de régression et celle de l’étude de
cas ont souffert de quelques contraintes. Premièrement, les
données utilisées pour construire les modèles de régression
étaient transversales. L’application de la modélisation
prédictive implique une relation de cause à effet, mais il est
important de reconnaître que la causalité ne peut être
déterminée à partir de ces données. Deuxièmement, la
sélection des variables et les méthodes de modélisation ont été
limitées par l’échantillon (ESCC et STT) et par la disponibilité
de données populationnelles, ainsi que par les contraintes
d’application de l’outil CViz. Ainsi, nous n’avons pas pu
apporter d’ajustements pour les variables des modèles
définitifs que nous savions être associées à des résultats
d’intérêt, comme le régime, les facteurs attitudinaux et la
génétique.
Troisièmement,
les
caractéristiques
démographiques et socioéconomiques ont été tenues
constantes entre les conditions de base et les scénarios futurs.
Cette décision a été prise strictement pour faciliter
l’interprétation des données. L’un des aspects les plus difficiles
de la planification de scénarios est d’arriver à prédire le
portrait démographique futur d’un lieu donné. En ne
modifiant que les caractéristiques du milieu bâti, nous avons
pu isoler l’impact des changements au milieu bâti en les
démêlant de l’impact potentiel des changements dans les
caractéristiques des personnes. L’outil logiciel qui en résulte
est pleinement capable de modéliser simultanément les
changements individuels et les changements au milieu bâti, ce
qui est recommandé si on veut l’appliquer à des situations
réelles.
Malgré ces contraintes, les modèles de régression et les
résultats de l’étude de cas ont été intuitifs et conformes à
d’autres constatations publiées. Une plus grande accessibilité
locale et un accès amélioré aux infrastructures de marche, de
vélo et de transports en commun ont été associés à un niveau
accru d’activité liée au transport et d’activité physique totale,
ainsi qu’à une réduction du poids et de la tension artérielle31-33.
Un meilleur accès aux parcs et aux installations de loisir a été
associé à un niveau accru d’activité physique durant les
loisirs15,34. L’accessibilité locale et l’accessibilité régionale ont
été associées à une réduction des kilomètres parcourus en
automobile et des émissions de GES13,35.
Le développement d’un outil d’évaluation quantitative de
l’impact sur la santé et sa mise à l’essai dans le cadre de projets
pilotes à Toronto sont d’importantes contributions au
domaine, car ils démontrent l’intérêt d’utiliser des sources de
données locales pour générer des prédictions sanitaires
fondées sur les données probantes en réponse à des
changements du milieu bâti. L’outil a aussi été appliqué avec
succès à la croissance rapide de la Ville de Surrey, en
Colombie-Britannique, en démontrant les avantages sanitaires
considérables du plan de remise en valeur du centre-ville qui a
été adopté26. Plutôt que d’être une analyse ponctuelle, cet outil
peut être utilisé par la Ville de Toronto pour évaluer
systématiquement les propositions d’aménagement et pour
éclairer les révisions des plans et le choix des infrastructures à
financer en priorité. Mener des analyses systématiques des
effets sanitaires contribue à démontrer que la santé est un
élément clé à prendre en considération en urbanisme, ce qui
accroît la probabilité que les « modes de vie sains »
s’implantent plus généralement dans la culture des secteurs
public et privé. La capacité de chiffrer les effets sanitaires
présente un avantage supplémentaire par rapport aux
évaluations non quantitatives : celui d’offrir des indicateurs
mesurables et défendables que l’on peut comparer aux
propositions ou aux plans concurrents.
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REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS33
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eS34 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
INTERVENTION EN SANTÉ PUBLIQUE
Intégrer la prise en compte des impacts sur la santé dans les
processus d’approbation des plans d’aménagement du territoire :
l’élaboration d’un cadre d’étude de base sur la santé
Brent W. Moloughney, M.D., M.Sc., F.R.C.P.C.1, Gayle E. Bursey, Dt.P., B.Sc.A., M.E.S.2,
Jana Neumann, B.E.S., M.Sc.Pl., M.C.I.P., R.P.P.3, Daniel H. Leeming, M.E.S., F.C.I.P., R.P.P.4,
Christine E. Gutmann, M.C.I.P., R.P.P.5, Bhavna Sivanand, M.P.H., M.B.A.6, David L. Mowat, M.B.Ch.B., M.P.H., F.R.C.P.C.7
RÉSUMÉ
OBJECTIFS : Notre projet impliquait l’élaboration d’un cadre d’étude de base sur la santé (ÉBS) qui permette de tenir compte des impacts sur la santé
dans le processus d’approbation des plans d’aménagement du territoire des municipalités.
PARTICIPANTS : Le Bureau de santé de la région de Peel et Santé publique Toronto ont dirigé le projet avec la participation de planificateurs,
d’urbanistes, d’ingénieurs, de fonctionnaires en santé publique et de représentants du secteur de l’aménagement.
LIEU : La croissance historique dans la Région de Peel et en banlieue de Toronto a entraîné un aménagement à faible densité généralisé, créant ainsi des
communautés tributaires de l’automobile avec des rues sans issue et des utilisations compartimentées des terrains.
INTERVENTION : L’inclusion d’une ÉBS dans les demandes que les promoteurs présentent aux municipalités est une approche permettant d’établir des
attentes sanitaires pour le milieu bâti dans le processus d’approbation. L’élaboration du cadre d’ÉBS a utilisé les six éléments fondamentaux du milieu
bâti pour lesquels il existe les indications les plus solides d’impacts sur la santé et s’est fondée sur l’analyse des contextes des politiques provinciales et
locales, sur les pratiques d’autres municipalités et sur des entrevues avec les acteurs. Le contenu du cadre a été peaufiné à la lumière de la rétroaction
d’ateliers multipartenaires et multidisciplinaires.
RÉSULTATS : Le cadre d’ÉBS définit des normes minimales pour les éléments fondamentaux du milieu bâti que les promoteurs doivent aborder dans
leurs demandes. Ce cadre se veut un outil simple et instructif qui peut s’appliquer à un éventail de lieux et d’échelles d’aménagement et aux diverses
étapes du processus d’approbation des plans d’aménagement. Le Bureau de santé de la région de Peel dirige plusieurs initiatives qui appuient
l’utilisation de l’ÉBS dans le processus de demande des plans d’aménagement.
CONCLUSION : Le cadre d’ÉBS est un outil dont les fonctionnaires en santé publique et en planification peuvent se servir pour appuyer la prise en
compte des impacts sur la santé dans les processus d’aménagement du territoire des municipalités.
MOTS CLÉS : environnement et santé publique; urbanisme; activité physique; politique publique; marchabilité
Rev can santé publique 2015;106(1)(Suppl. 1):eS35-eS42.
L’activité physique pratiquée régulièrement comporte
d’importants avantages pour la santé1,2. Bien que l’on fasse depuis
longtemps des efforts pour promouvoir l’activité physique, à
peine 15 % des Canadiens adultes respectent les niveaux
recommandés3. L’une des grandes difficultés est que l’activité
physique devient caduque avec le progrès technique, qui réduit le
besoin de marcher et crée des désincitations à la marche4.
Les preuves s’accumulent sur les liens entre le milieu bâti,
l’activité physique et les résultats sanitaires. Les caractéristiques
Recommandations fondées sur des preuves pour des
politiques populationnelles appuyant l’activité physique
• Améliorer les infrastructures favorisant le cyclisme et la marche.
• Appuyer l’emplacement des écoles à distance de marche raisonnable des
secteurs résidentiels.
• Améliorer l’accès aux transports collectifs.
• Établir des zones d’aménagement polyvalentes – avec intégration et
interpénétration des logements, des écoles, des lieux de travail, des
commerces et des lieux publics.
• Améliorer la sécurité personnelle et la sécurité routière dans les secteurs où
les gens sont actifs (ou pourraient l’être).
• Améliorer la marchabilité, un indicateur composite intégrant la diversité des
usages du sol, la connectivité, les infrastructures piétonnes, l’esthétique, la
sécurité routière ou la sécurité face à la criminalité.
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
de l’aménagement suburbain classique (faible densité, maisons
unifamiliales et dépendance envers l’automobile même pour les
courts trajets) sont associées à une activité physique réduite, à
l’obésité et aux maladies chroniques5-11. Par contre, les milieux
bâtis compacts, propices à la marche et aux transports collectifs
sont associés à des niveaux supérieurs de transport actif et
d’activité physique globale12. Selon des examens fondés sur les
Affiliations des auteurs
1. Président, BWM Health Consultants Inc.; professeur associé, École de santé
publique Dalla Lana, Université de Toronto, Toronto (Ontario)
2. Directrice, Prévention des maladies chroniques et des blessures, Bureau de santé
de la région de Peel, Mississauga (Ontario)
3. Collaboratrice, The Planning Partnership, Toronto (Ontario)
4. Associé, The Planning Partnership, Toronto (Ontario)
5. Facilitatrice en planification sanitaire, Prévention des maladies chroniques et des
blessures, Bureau de santé de la région de Peel, Mississauga (Ontario) (au moment
de l’étude; travaille actuellement pour Saskatoon North Partnership for Growth,
Saskatoon [Saskatchewan])
6. Superviseure intérimaire, Politique et planification de la recherche, Prévention des
maladies chroniques et des blessures, Bureau de santé de la région de Peel,
Mississauga (Ontario) (au moment de l’étude; travaille actuellement pour
Johnson & Johnson/UCLA Anderson [Californie])
7. Médecin-hygiéniste, Bureau de santé de la région de Peel, Mississauga (Ontario)
Correspondance : Gayle Bursey, Chronic Disease and Injury Prevention, Peel Public
Health, 7120 Hurontario St., Mississauga (Ontario) L5M 2C1, Tél. 905-791-7800,
poste 2617, courriel : [email protected]
Conflit d’intérêts : aucun à déclarer.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS35
ÉLABORATION D’UN CADRE D’ÉTUDE DE BASE SUR LA SANTÉ
Cadre de référence
Indice de
développement
sain (IDS)
• Enquête
bibliographique
complète avec
analyse de force
de la preuve
• Consultation des
acteurs du milieu
• Analyse des
lacunes dans les
politiques
• Identification des
sept éléments
clés du milieu
bâti associés à la
santé
Figure 1.
Un « aide-mémoire » pour déterminer
si les nouveaux aménagements
répondent aux normes minimales de
santé communautaire et un forum
pour encourager les demandeurs à
justifier leurs décisions
d’aménagement.
Guide
Appuie le cadre de référence en donnant
de l’information supplémentaire
correspondant à chaque grand élément
structural de santé communautaire qui
favorise des normes d’aménagement
plus élevées; à appliquer dans les
nouveaux aménagements au sein des
communautés existantes.
Stratégie de mise
en œuvre
Fondée sur le Guide d’utilisation, elle
offre un plan de match aux
municipalités qui ont décidé de
mettre en œuvre l’ÉBS. On y présente
les lois favorables, une marche à
suivre précise (qui fait quoi et quand)
et un plan de surveillance de la mise
en œuvre et de la réussite de l’ÉBS.
Examen
IDS
Cadre d’étude de
base sur la santé
(ÉBS)
Évaluation
situationnelle
Ordinogramme d’élaboration du cadre d’étude de base sur la santé
preuves, on recommande tout un éventail de politiques pour
favoriser l’activité physique (voir la zone de texte en bas à
gauche)13-15. Outre leur impact sur l’activité physique, on peut
aussi s’attendre à ce que les améliorations au milieu bâti
réduisent la pollution atmosphérique liée à la circulation,
améliorent la santé mentale et le bien-être social, favorisent
l’équité face au transport et fournissent un meilleur appui à une
population vieillissante6,16.
Les recommandations existantes guident les fonctionnaires en
santé publique et d’autres sur les politiques du milieu bâti
souhaitables, mais elles sont moins claires sur le meilleur moyen
d’en influencer l’adoption 4 . Bien que les services de santé
publique se soient impliqués dans la conception de villes plus
saines dès la fin des années 1800, depuis quelques dizaines
d’années, ils se trouvent principalement en dehors du régime
d’urbanisation institutionnalisé. Néanmoins, la collaboration
entre les fonctionnaires en santé publique et en urbanisme est
essentielle pour améliorer le milieu bâti, et donc, les résultats
sanitaires. Heureusement, il y a une convergence de vues sur les
éléments d’une forme construite plus saine et plus durable entre
les professionnels de plusieurs secteurs17-22. Souvent, les solutions
pour obtenir des communautés en santé répondent aux objectifs
de plusieurs acteurs, surtout ceux qui agissent dans une
perspective environnementale, sociale ou économique.
Bâtir intentionnellement des communautés plus saines est une
approche qui s’écarte considérablement du statu quo des
aménagements à faible densité, tributaires de l’automobile23. La
politique provinciale offre une vision de haut niveau pour des
communautés compactes et saines24, mais ce sont les multiples
paliers de planification – des plans régionaux/municipaux
officiels aux plans de situation détaillés (voir l’annexe A) – qui
doivent globalement appuyer l’accroissement de la marche, du
cyclisme et de l’utilisation des transports collectifs 13,14,25. En
Ontario, les services de santé publique ont des liens de
financement, de gouvernance et, dans biens des centres urbains,
des liens administratifs avec les gouvernements municipaux. Cela
leur permet de travailler plus étroitement avec les planificateurs,
les ingénieurs en transport et d’autres vers l’objectif commun de
communautés compactes et saines.
Selon nos discussions avec des urbanistes, la préparation
d’études de base pour accompagner les demandes
d’aménagement serait une façon d’établir des attentes sanitaires
pour le milieu bâti. Les demandes que font les promoteurs auprès
des municipalités comportent généralement plusieurs types de
rapports ou « d’études » obligatoires qui montrent qu’aucune
répercussion indûment néfaste n’est associée à la nature, à
l’échelle ou à la forme de l’aménagement envisagé. Le Bureau de
santé de la région de Peel et Santé publique Toronto ont donc
collaboré à l’élaboration d’un cadre d’étude de base sur la santé
(ÉBS) pour établir un mécanisme de prise en compte des impacts
sur la santé dans le processus d’approbation des plans
d’aménagement du territoire. Notre article vise à décrire
l’élaboration et les éléments du cadre d’ÉBS et les prochaines
étapes de sa mise en œuvre.
CONTEXTE
La Région de Peel et la Ville de Toronto sont deux des plus
grandes municipalités du Canada. La Région de Peel (1,3 million
d’habitants) est une municipalité à deux paliers qui englobe trois
municipalités locales : la Ville de Mississauga, la Ville de
Brampton et la Ville de Caledon 26 . La Ville de Toronto
(2,6 millions d’habitants) fonctionne comme une municipalité à
palier unique27. De la fin de la Deuxième Guerre mondiale aux
années 2000, la croissance de la Région de Peel a entraîné un
eS36 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
ÉLABORATION D’UN CADRE D’ÉTUDE DE BASE SUR LA SANTÉ
Tableau 1. Résumé de thèmes d’entrevue sur la pertinence d’utiliser ou non une étude de base sur la santé (ÉBS)
Pour un processus d’ÉBS
Contre un processus d’ÉBS
• Les éléments du milieu bâti liés à la santé sont interdépendants. Une ÉBS distincte
pourrait contribuer à ce qu’ils soient abordés de façon globale et intégrée.
• C’est le signe que la municipalité accorde la priorité à la santé de ses citoyens.
• Cela pourrait occasionner des coûts et des délais supplémentaires.
• On pourrait intégrer les impacts sur la santé dans les études déjà exigées.
aménagement à faible densité généralisé où les terres cultivées
ont été converties en communautés tributaires de l’automobile,
avec des rues sans issue et une utilisation compartimentée des
terrains. Ce modèle est caractéristique de la plupart des banlieues
de l’après-Deuxième Guerre mondiale en Amérique du Nord,
mais des municipalités comme la Région de Peel admettent à
présent les multiples impacts indésirables de ce type
d’aménagement et tentent de changer de cap en adoptant des
politiques de planification fondées sur un modèle
d’aménagement plus sain. La vieille Ville de Toronto, créée avant
l’ère de l’automobile, est bien pourvue en rues propices à la
marche, en aménagements denses et en usages du sol mixtes.
Toutefois, le reste de la ville (ce qu’on appelle la « proche
banlieue ») présente les mêmes caractéristiques de planification
d’après-guerre que les banlieues du reste du continent.
ÉLABORATION DU CADRE D’ÉTUDE DE BASE SUR LA
SANTÉ
Aperçu
La figure 1 présente l’évolution du projet depuis l’indice de
développement sain (IDS) initial jusqu’au cadre d’ÉBS complet.
L’indice de développement sain
Quand le Bureau de santé de la région de Peel s’est impliqué dans
l’examen des demandes d’aménagement, en collaboration avec
les fonctionnaires en planification en 2005, il est devenu clair
qu’il fallait des critères fondés sur les preuves pour cerner les
impacts sur la santé éventuels5. Avec l’aide financière du gouvernement
provincial, le Bureau de santé de la région de Peel a engagé une
équipe de recherche pour préparer une enquête bibliographique
complète et élaborer l’IDS. L’IDS inclut les sept éléments du
milieu bâti pour lesquels la force de la preuve d’associations avec
la santé est la plus importante (voir la zone de texte ci-dessous)5.
Pour chaque élément, on a défini des cibles liées à la santé qui
ont fait l’objet de consultations avec les planificateurs régionaux
et locaux et avec des sociétés de planification privées.
Éléments de base du milieu bâti associés à la santé
•
•
•
•
•
•
•
Densité
Proximité des services
Diversité des usages du sol
Connectivité des rues
Caractéristiques du réseau routier et des trottoirs
Stationnement
Esthétique et échelle individuelle
faire préparer aux promoteurs une étude sur la santé, ceci a mené
à l’élaboration du cadre d’ÉBS.
Pour commencer, on a procédé à une évaluation situationnelle
pour examiner les politiques et les approches qui abordaient déjà
les liens entre la santé du public et l’aménagement du
territoire5,28-31. Cette évaluation a mis en lumière les politiques
provinciales qui favorisent l’aménagement de communautés
complètes, saines et actives, incluant des endroits où vivre,
travailler, faire des achats, se divertir et s’instruire et des
possibilités de marcher, de faire du vélo et d’utiliser les transports
collectifs24,32. L’adoption de telles politiques exige des approches
qui appuient la diversification des usages du sol et des densités
plus élevées, propices au transport collectif; la gestion de la
croissance par des critères d’intensification; et l’orientation des
nouveaux aménagements vers les secteurs centraux et les
corridors24. C’est la vision qui anime la Région de Peel et ses
municipalités constituantes33-36.
De nombreuses autorités municipales en Amérique du Nord
adoptent dans leurs documents de planification à long terme un
langage qui reconnaît le maillage entre le milieu bâti et les
résultats sanitaires. Mais rares sont celles qui ont élaboré ou
instauré des mécanismes pour influencer directement les résultats
sanitaires par le processus de planification et d’approbation des
plans d’aménagement37.
Pour évaluer le niveau d’appui à la prescription d’une étude de
plus et pour obtenir des conseils sur son contenu, on a mené une
série de 25 entrevues avec des planificateurs, des promoteurs, des
fonctionnaires en santé publique et des experts-conseils privés en
santé susceptibles d’intervenir dans l’application future de tout
nouveau processus proposé. Le tableau 1 résume les opinions
divergentes sur le besoin d’une ÉBS.
Étant donné qu’une ÉBS est une nouvelle approche qui n’a pas
encore été appliquée ni évaluée, l’éventail d’opinions exprimées n’a
rien d’étonnant. Dans la Région de Peel, on a considéré qu’il était
important d’avoir un outil distinct pour encourager une approche
globale et visible de création d’un milieu bâti favorisant la santé.
D’après les constatations de l’examen de l’IDS et de
l’évaluation situationnelle de l’ÉBS, on a cerné plusieurs endroits
où l’on pouvait partir de l’IDS (voir la zone de texte ci-dessous).
Sachant que dans la Région de Peel il y a plusieurs services de
planification distincts (trois municipaux et un régional), le cadre
se veut souple, pour pouvoir être intégré dans le processus
d’approbation ou servir de guide à des processus existants, au gré
de chaque municipalité.
Examen de l’IDS et évaluation situationnelle de l’ÉBS
Résumé des améliorations à l’IDS recommandées
Une société d’experts-conseils en planification a appliqué l’IDS à
deux aménagements classiques et à trois aménagements récents.
Ces derniers étaient inspirés des notions de pointe sur ce qui
constitue une bonne planification23. L’IDS a donné d’assez bons
résultats, mais il a été recommandé d’en accroître la facilité
d’utilisation en incluant davantage de commentaires descriptifs
et en créant un guide de mise en œuvre. Combiné à l’objectif de
• Établir une formule pour l’ÉBS qui soit simple, standardisée et instructive
pour les demandeurs, avec un guide de mise en œuvre explicatif.
• Utiliser une liste de contrôle pour évaluer si les nouveaux aménagements
répondent aux normes de soutien de la santé communautaire.
• Indiquer comment adapter l’ÉBS à différents niveaux de planification.
• Atténuer les aspects trop normatifs.
• Permettre des explications plus descriptives de la façon dont on compte
aborder les éléments structuraux.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS37
ÉLABORATION D’UN CADRE D’ÉTUDE DE BASE SUR LA SANTÉ
Figure 2.
Paysage hypothétique de rue représentant les
objectifs du Plan de croissance en matière de
densité pour des sites nouveaux désignés
(ci-dessus : environ 50 résidents et emplois
combinés par hectare)
©Imprimeur de la reine pour l’Ontario, source de l’image :
Secrétariat des initiatives de croissance de l’Ontario, ministère
de l’Infrastructure. Utilisé avec permission (voir
https://www.placestogrow.ca/index.php?option=com_rs
gallery2&Itemid=2&catid=9)
Élaboration du cadre d’ÉBS
Le cadre de référence de l’ÉBS définit les exigences de l’étude et les
grands enjeux que les promoteurs doivent aborder en préparant
une ÉBS pour accompagner leur demande. Le cadre de référence
s’articule autour de six des éléments clés du milieu bâti selon l’IDS
(on a exclu l’élément « esthétique et échelle individuelle », déjà
abordé dans les politiques et les lignes directrices d’urbanisme
existantes). Pour chaque élément de base, on a élaboré des normes
minimales en fonction des opinions d’experts et d’un examen des
normes et des lignes directrices de pratiques exemplaires. L’équipe
s’est aussi inspirée des principes de la Norme verte de Toronto, qui
précise que les critères doivent être mesurables, orientés sur le
rendement, axés sur la conception et la construction de la forme
construite, conviviaux, et qu’ils doivent fixer des attentes élevées
mais réalistes en matière de rendement28.
Sur les conseils de ses informateurs, l’équipe de projet a
présenté les normes sous forme de liste de contrôle et introduit,
pour chaque élément de base, des sections complémentaires qui
abordent la justification et les objectifs de l’élément, les questions
clés et les exigences de déclaration. L’annexe B donne un exemple
de normes minimales, avec des descriptions et la justification de
chaque élément. Dans le Guide d’utilisation de l’ÉBS, on a
développé ces sections pour les rendre plus conviviales, avec des
illustrations, des renseignements généraux et des ressources. Les
figures 2 et 3 reproduisent des illustrations du Guide d’utilisation
montrant des aménagements hypothétiques avec des densités
approximatives de 50 et de 150 résidents et emplois combinés par
hectare. Elles dépeignent aussi, selon le contexte, d’autres
caractéristiques souhaitables, dont la diversité des usages du sol,
la proximité des services et les éléments de planification pour les
piétons, les cyclistes et les transports en commun.
Le cadre de référence et le Guide d’utilisation ont été peaufinés
à l’aide d’un atelier auquel ont assisté 50 planificateurs publics et
privés, ingénieurs en transport, fonctionnaires en santé publique,
urbanistes, fonctionnaires des parcs et loisirs, promoteurs, et
représentants d’un office de protection de la nature et de conseils
Figure 3.
Paysage hypothétique de rue du centre-ville
représentant les objectifs du Plan de croissance en
matière de densité (ci-dessus : environ
150 résidents et emplois combinés par hectare)
©Imprimeur de la reine pour l’Ontario, source de l’image :
Secrétariat des initiatives de croissance de l’Ontario, ministère
de l’Infrastructure. Utilisé avec permission (voir
https://www.placestogrow.ca/index.php?option=com_rs
gallery2&Itemid=2&catid=9)
scolaires. Les participants ont été répartis en six groupes; on leur
a demandé d’appliquer les normes de conception et le Guide
d’utilisation à trois études de cas d’aménagements : un plan de
site nouveau (vierge), un projet de site intercalaire urbain (remise
en valeur du quartier) et un plan de site vierge-intercalaire étalé
dans le temps. On a reçu de nombreux commentaires sur la
validité et la spécificité des normes; leurs possibilités
d’application dans divers contextes d’aménagement; et les
possibilités d’application du cadre d’ÉBS aux divers stades du
processus d’approbation des plans d’aménagement existants
(Plan secondaire, Plan de masse et Plan de situation). Les normes
ont ensuite été modifiées pour les rendre plus défendables du
point de vue de leurs liens avec les résultats sanitaires et de leurs
possibilités d’application dans des contextes variés. Une fois le
cadre de référence et le Guide d’utilisation achevés, on a préparé
une stratégie de mise en œuvre avec des mesures recommandées
pour les administrations régionales et locales.
DISCUSSION
Le cadre d’ÉBS inclut des normes d’aménagement minimales qui
pourraient potentiellement changer le visage de l’aménagement
pour que des communautés nouvelles (et réaménagées) favorisent
mieux la santé que celles construites dans la foulée de la
Deuxième Guerre mondiale.
Allier les données probantes et les perspectives
multiples dans l’élaboration de politiques publiques
L’élaboration du cadre d’ÉBS s’est appuyée sur les données
probantes examinées dans l’IDS, où l’on a cerné les éléments du
milieu bâti pour lesquels il existe les indications les plus solides
d’impact sur la santé du public5. Les données probantes ne sont
cependant qu’un des ingrédients influant sur les décisions
stratégiques; les croyances personnelles, les valeurs, les facteurs
externes (p. ex., les élections), les pressions de groupes d’intérêts
et les contraintes institutionnelles y contribuent aussi 38 .
Améliorer l’utilisation des terres et la planification des transports
est un problème ambigu impliquant les perspectives
eS38 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
ÉLABORATION D’UN CADRE D’ÉTUDE DE BASE SUR LA SANTÉ
Tableau 2. Évolution de la rétroaction et de l’élaboration de l’indice de développement sain (IDS)/étude de base sur la santé (ÉBS)
Stade
Acteurs
d’élaboration
des outils
Processus
Rétroaction
Réponse
Projet d’IDS
Planificateurs régionaux,
planificateurs municipaux, sociétés
privées d’experts-conseils en
planification
Rétroaction sollicitée sur chaque
indicateur (inclusion, pertinence et
faisabilité des cibles, et obstacles
à leur mise en œuvre)
Surtout des obstacles à la mise en
œuvre (conflits avec les normes
plus anciennes, besoin d’une
approche concertée avec d’autres
secteurs, différences entre sites
vierges et sites d’intensification).
Inclure plus de détails sur l’impact
santé de chaque indicateur, aborder
le défi du calcul des indicateurs,
comparer les cibles et les intervalles,
les différences entre les sites.
Examen de
l’IDS
Fonctionnaires régionaux et
municipaux
Le groupe-conseil a appliqué l’IDS
à deux communautés existantes et
trois communautés récemment
planifiées en fonction des notions
de pointe sur ce qu’est une bonne
planification.
Les résultats ont une résonnance
intuitive. Les défis étaient la
disponibilité de données et les
problèmes de notation de certains
indicateurs, les pondérations et le
manque de données qualitatives.
Remanier l’IDS pour en rehausser la
facilité d’utilisation avec un alliage
d’indicateurs quantitatifs et
qualitatifs pour chaque élément.
Ajouter un texte narratif sur la façon
dont les indicateurs se combinent
pour créer des communautés en
santé. Créer un guide de mise en
œuvre.
Évaluation
situationnelle
de l’ÉBS
Planificateurs, promoteurs,
25 entrevues dans la Région de
fonctionnaires en santé publique et Peel et à Toronto
experts-conseils privés en santé
Reconnaissance générale du lien
Partir de l’IDS pour appuyer la prise
entre la planification et la santé.
en compte des impacts sur la santé
Points de vue divergents sur le fait dans les processus de planification.
d’avoir une ÉBS distincte au lieu de
citer les éléments de l’IDS dans les
processus de planification existants.
Projet d’ÉBS
Fonctionnaires en santé publique,
planificateurs publics et privés,
ingénieurs en transport, urbanistes,
fonctionnaires des parcs et loisirs,
promoteurs, office de protection
de la nature et conseils scolaires
Grande facilité d’utilisation.
Certains désaccords quant au
niveau de normativité désiré. Plus
facile à traduire à un site vierge
qu’à un site intercalaire. Besoin
d’une équipe interdisciplinaire
pour la mise en œuvre. Le rôle de
la santé publique est d’être les
« gardiens » de l’ÉBS.
On a divisé les 50 participants de
l’atelier en groupes, on leur a
fourni des outils et des données de
cartographie et de mesure et on
leur a demandé de traduire les
normes et le Guide d’utilisation à
trois études de cas d’aménagements
(un plan pour un site vierge, un
plan de site vierge-intercalaire étalé
dans le temps et un projet de site
intercalaire urbain).
économiques, sociales, environnementales et sanitaires. Pour ce
genre de problèmes, le cadre des « courants multiples » (Multiple
Streams Framework) souligne que la solution stratégique doit être
faisable sur le plan technique et acceptable sur le plan des
valeurs39,40. On a donc mené un processus de consultation de
manière à pouvoir « regrouper les données probantes avec les
perspectives, expériences et connaissances tacites de ceux qui
seront impliqués dans — ou affectés par — les décisions à
venir38 » concernant la mise en œuvre du cadre d’ÉBS.
Le tableau 2 résume les résultats des consultations avec les
acteurs du milieu tenues durant l’élaboration de l’IDS et de l’ÉBS.
Au cours de ce processus, en plus des éléments à inclure, on a
commencé à s’intéresser aux meilleurs moyens d’aider les
promoteurs, les planificateurs et les fonctionnaires en santé
publique à appliquer ces éléments. Le processus de consultation
itératif a été décisif pour rehausser la validité du cadre et sa
facilité d’utilisation et pour en promouvoir l’utilisation. Le but
des éléments est resté le même, mais la meilleure façon de rédiger
et d’appliquer les normes a fait l’objet d’un examen et d’une
discussion plus poussés. Par exemple, les normes de densité dans
l’IDS avaient au départ été présentées comme des densités
d’habitat et des rapports plancher-sol moyens minimaux. Au fil
des consultations, on a opté pour le nombre de résidents et
d’emplois par hectare, ce qui s’harmonise avec les orientations
stratégiques provinciales. En testant leurs normes par rapport à
des études d’aménagement, les participants ont obtenu de
l’information sur leur facilité d’utilisation. Ceci a entraîné des
améliorations au cadre d’ÉBS en clarifiant les possibilités
d’application des normes à différents types d’aménagements et à
différents stades de planification.
Améliorer le glossaire, créer des
icônes pour clarifier les possibilités
d’application des normes sur
différents sites, préparer une matrice
indiquant où chaque norme s’insère
dans le processus de planification.
On a généralement convenu de l’effet important des
caractéristiques du milieu bâti sur la santé du public, mais tout le
monde ne s’entendait pas sur l’intégration de normes plus élevées
pour bâtir des communautés qui favorisent l’activité physique et
les modes de vie plus sains. À la suite des commentaires formulés
par les participants de l’atelier, on a ajusté la stratégie de mise en
œuvre de l’ÉBS et commencé à aborder les préoccupations du
secteur de l’aménagement au sujet des délais et des coûts associés.
Celles-ci pouvaient être atténuées en intégrant l’ÉBS dans le
processus d’approbation existant, en utilisant beaucoup
d’indicateurs dont les promoteurs tenaient déjà compte (p. ex.,
dans les lignes directrices d’aménagement urbain et durable) et
en recommandant que les municipalités fixent des délais
d’approbation (p. ex., 60 jours ou moins). Le projet pilote a aussi
apporté des éclaircissements sur les capacités requises pour la
mise en œuvre.
Mise en œuvre
Sachant que les dirigeants municipaux doivent concilier de
nombreux éléments durant la planification, le cadre d’ÉBS se veut
un mécanisme renforcé pour la prise en compte des résultats
sanitaires dans les processus stratégiques existants. Par l’action de
la santé publique et de ses partenaires de planification,
l’administration régionale et les administrations locales de Peel
créent, dans leurs plans officiels, le contexte stratégique qui
permet l’utilisation de l’ÉBS. L’obtention de communautés en
santé dépendra de ce que ces administrations donnent suite à
leur engagement de fournir des transports collectifs, des rues
accessibles et des systèmes de parcs diversifiés pour encourager la
marche et le cyclisme. Il faudra pour cela offrir des options de
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS39
ÉLABORATION D’UN CADRE D’ÉTUDE DE BASE SUR LA SANTÉ
déplacement, des destinations locales et des points d’intérêt dans
les communautés de toutes tailles. Surtout, l’amélioration des
transports doit être une priorité si l’on veut qu’un aménagement
densifié et polyvalent remplace les anciennes formes
d’aménagement.
Vu l’ampleur de l’écart par rapport à l’aménagement suburbain
classique, il est essentiel que la santé publique poursuive sa
collaboration avec les planificateurs pour appuyer l’application
du cadre d’ÉBS. Il ne manque pas de recommandations de haut
niveau pour bâtir des communautés saines. La difficulté
intrinsèque est de traduire ce que l’on sait des impacts sur la santé du
milieu bâti en lignes directrices d’aménagement spécifiques, que
l’on intégrera ensuite à tous les stades de la planification. À cette
fin, le Bureau de santé de la région de Peel collabore activement
avec les planificateurs à traduire l’ÉBS à des scénarios précis, avec
le soutien de ressources dédiées et l’établissement de postes
conjoints dans les services de la planification et des transports. En
outre, la stratégie de mise en œuvre de l’ÉBS recommande un
certain nombre d’activités, dont des ateliers de formation du
personnel, des projets de démonstration pilotés par les
municipalités, un programme de surveillance et un programme
de prix pour reconnaître les nouveaux aménagements sains.
L’action de la santé publique doit être fondée sur les meilleures
données probantes disponibles et guidée par les connaissances
acquises en évaluant l’impact des interventions 41 . Les
fonctionnaires en santé publique régionaux travaillent
actuellement avec les planificateurs régionaux et municipaux à
intégrer les éléments de l’ÉBS dans des politiques, des plans et des
règlements pertinents afin d’optimiser le potentiel de promotion
de la santé de divers instruments de planification. Ce sont entre
autres les plans d’amélioration communautaire, les plans
directeurs des transports, les lignes directrices d’aménagement
urbain et les plans secondaires. Par ailleurs, les fonctionnaires
régionaux et municipaux commencent aussi à exiger des
évaluations sanitaires pour compléter les propositions
d’aménagement, notamment des concepts d’utilisation du sol
comme les plans de masse et les plans de situation. Cette mise en
œuvre progressive est encourageante pour les nouveaux
utilisateurs et témoigne du besoin continu de rallier
stratégiquement des appuis au changement en démontrant la
validité et l’utilité du nouvel outil. Comme il s’agit d’une
intervention novatrice, il faudra tirer des leçons de la mise en
œuvre de l’ÉBS et en améliorer continuellement le contenu et les
processus.
CONCLUSION
Pour améliorer la santé du public, il faut promouvoir et créer des
milieux bâtis qui favorisent et qui soutiennent la santé. Le
leadership de la santé publique consiste non seulement à cerner
ce qu’il faut changer, mais à s’impliquer activement dans la
facilitation de ces changements. Le cadre d’ÉBS traduit les
données probantes sur le lien entre le milieu bâti et la santé en
un processus d’approbation des plans d’aménagement du
territoire. C’est une approche qui permet à la santé publique de
contribuer à créer des milieux bâtis favorables à la santé du
public. Les travaux à venir viseront à accroître la connaissance et
l’utilisation du cadre et à en évaluer l’impact sur les
aménagements futurs.
RÉFÉRENCES
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
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18.
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ÉLABORATION D’UN CADRE D’ÉTUDE DE BASE SUR LA SANTÉ
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Annexe A. Hiérarchie des plans municipaux
Voici une description générale des principaux types de plans utilisés par les municipalités.
Plan officiel – décrit les politiques du conseil d’une municipalité de palier supérieur, de palier inférieur ou à palier unique sur l’usage que l’on devrait faire du
territoire de la région, de la ville ou de la communauté. Ce plan est examiné et actualisé sur une base pluriannuelle.
Plan secondaire – établit les politiques de développement locales qui guident la croissance et l’aménagement de certains secteurs d’une ville où des
changements majeurs sont attendus et désirés. Pour que leur but ait force obligatoire, les plans secondaires sont adoptés par modification du Plan officiel.
Plan de masse – présente le lien entre les bâtiments d’un pâté de maisons ou d’un quartier en montrant les rues, la localisation des principaux équipements
collectifs ainsi qu’un concept général. Un plan secondaire comprend plusieurs plans de masse. Les plans de masse sont aussi adoptés par modification du Plan
officiel.
Plan de situation – plan détaillé d’un bâtiment situé sur une seule propriété, avec ses caractéristiques associées : sentiers, aménagement paysager,
stationnement, chemins, etc. À ce stade, les principes d’aménagement (usage, densité, limites de hauteur) ont été établis dans d’autres documents. Le plan de
situation n’englobe pas les propriétés voisines, mais il inclut certaines des caractéristiques en bordure immédiate de la chaussée.
Annexe B. Éléments structuraux de l’étude de base sur la santé et leurs descriptions
Le tableau suivant présente les éléments structuraux de l’ÉBS en décrivant à quoi ils ressemblent et pourquoi ils sont importants. En outre, il donne des exemples
de normes minimales. L’ÉBS proprement dite contient beaucoup d’autres normes et explications.
Élément
Normes minimales
(exemples seulement; voir l’ÉBS pour tous les détails)
À quoi cela ressemble-t-il?
Pourquoi est-ce important?
Densité
• Tout aménagement sur un site nouveau désigné doit
atteindre une cible de densité globale de 50 personnes et
emplois par hectare.
• Tout aménagement dans un centre de croissance urbain
désigné de la Région de Peel (y compris le centre-ville de
Brampton et celui de Mississauga) doit atteindre une cible
de densité minimale globale de 200 personnes et emplois
par hectare.
• Dimensions réduites des lots, des
façades et des marges de recul.
• Configuration efficiente des lots.
• Davantage de surface construite et
de bâtiments.
• Mélange de types de structures à
haute densité (maisons en rangée
superposées, multiplex, immeubles
d’appartements, etc.).
• Offre de stationnement réduite et
introduction de structures de
stationnement sur la rue.
• Réseaux routiers compacts.
• Une densité supérieure crée une
demande et permet de soutenir un
plus vaste éventail de services,
d’occasions d’emploi et d’autres
destinations et installations locales sur
une plus courte distance.
• Offre des possibilités de transport
actif.
• Rend les transports en commun plus
viables financièrement.
• Une masse critique de densité plus
élevée réduit les coûts de prestation
unitaires des équipements publics et
des services publics et récréatifs.
Proximité
des services
• La distance entre au moins 50 % de la population prévue de • Procurer un choix raisonnable de
• A un effet sur la distance de
l’aménagement et un arrêt de transport en commun de base
services clés et d’occasions d’emploi
déplacement entre les destinations
ne doit pas dépasser 200 m. Le service de transport en
et de nœuds de transport aux
quotidiennes (maison et travail) et
commun proposé doit offrir en 30 minutes ou moins un
résidents, selon la distance de
influence les décisions de se rendre à
parcours direct vers un Noyau urbain régional, un Corridor
marche.
pied ou en vélo plutôt qu’en
d’intensification urbaine ou un plus petit centre d’activité
• Établir des distances de marche
automobile.
polyvalent, de plus haute densité, axé sur le transport en
maximales pour encourager la
• Rend la communauté plus équitable
commun.
marche – les établir en fonction du
et inclusive pour les personnes qui ne
• La distance entre au moins 75 % de la population prévue et
plus court chemin que pourrait
conduisent pas.
trois ou plus des commodités et des services suivants ne doit
emprunter un piéton.
pas dépasser 800 m (garderie, jardin communautaire, parc,
hôpital ou clinique, bibliothèque publique, lieu de culte,
centre de soins pour adultes/personnes âgées, centre de
services sociaux, espace de culturel ou de spectacle, bureau
de poste ou centre de loisirs).
...suite/
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS41
ÉLABORATION D’UN CADRE D’ÉTUDE DE BASE SUR LA SANTÉ
Annexe B. Éléments structuraux de l’étude de base sur la santé et leurs descriptions, suite
Le tableau suivant présente les éléments structuraux de l’ÉBS en décrivant à quoi ils ressemblent et pourquoi ils sont importants. En outre, il donne des exemples
de normes minimales. L’ÉBS proprement dite contient beaucoup d’autres normes et explications.
Élément
Normes minimales
(exemples seulement; voir l’ÉBS pour tous les détails)
À quoi cela ressemble-t-il?
Pourquoi est-ce important?
Diversité des
usages du sol
• Là où l’échelle de l’ensemble résidentiel est suffisamment
• Alliées à la proximité des services et • Offrir une gamme d’options de
grande, on offrira un éventail d’usages du sol :
à la densité, les normes favorisent
logement crée des communautés
– Pour les ensembles de 5 000 logements ou plus, offrir des
une grande diversité d’usages du
plus équitables.
commerces et des services à l’échelle du quartier
sol, avec des commerces, des
• Cela permet aux résidents de rester
(dépanneur, école primaire, bibliothèque).
services et des emplois bien situés et
dans leur communauté quand leurs
– Pour les ensembles de 10 000 logements ou plus, offrir
reliés par des artères sûres et
besoins changent (vie seule, en
une pleine gamme d’usages du sol, y compris des
confortables à des secteurs
couple, en famille, avec ou sans
commerces, des services et des occasions d’emploi à plus
résidentiels qui offrent une gamme
enfants, ou comme personne âgée).
grande échelle.
d’options de logement.
• La diversité des usages du sol
• Là où l’échelle de la communauté le permet, il faut inclure
diversifiés fait de la marche et du vélo
des structures d’habitation des trois groupes suivants
des moyens de transport plus viables,
(aucun groupe ne doit composer plus de 50 % ou moins
favorise une forme urbaine compacte
de 10 % des unités totales) :
et efficiente et crée la demande
– maisons unifamiliales, maisons jumelées et duplex
nécessaire pour soutenir les transports
– maisons en rangée et multiplex
en commun.
– immeuble d’appartements.
Connectivité
des rues
• Sur les sites intercalaires, il faut cerner les occasions
d’accroître la connectivité des rues.
• Sur les sites nouveaux, les réseaux routiers et les pistes hors
route doivent toujours offrir un maximum d’options de
déplacement aux gens; tenir pleinement compte des types
de déplacements que le nouvel aménagement va générer;
et établir des connexions claires avec les routes et les
installations existantes.
• Les croissants, les lots dont la cour arrière donne sur la rue
et les rues en boucle ne doivent pas constituer plus de 20 %
de la façade de la rue et devraient être évités.
• Caractérisée par des pâtés de
• Créer des communautés avec une
maisons plus petits et l’absence de
bonne connectivité des rues réduit la
certains types de rues (comme les
distance des trajets, favorise le
culs-de-sac).
transport actif en offrant des options
• Un réseau routier bien relié fait qu’il
plus nombreuses et plus commodes
est plus facile et plus attrayant de
pour les trajets et dissipe la circulation
marcher, de faire du vélo ou de
automobile dans tout le réseau.
prendre l’autobus que de se
• Un réseau en grille densément relié
déplacer en voiture.
offre la plus grande liberté de
mouvement et les parcours les plus
directs vers les points de destination.
Caractéristiques • Toutes les rues doivent avoir des trottoirs de chaque côté,
• Inclut des installations pour les
du paysage
d’au moins 1,5 m de largeur dans les secteurs résidentiels à
piétons, les cyclistes et les usagers
de rue
faible densité et d’au moins 2 m de largeur dans les quartiers
des transports en commun le long
résidentiels à densité moyenne, les zones polyvalentes et les
de la voie publique, comme des
zones commerciales.
trottoirs, des voies cyclables, du
• Un réseau de voies cyclables bien reliées et axées sur les
mobilier urbain, des intersections,
points de destination doit être fourni dans toute la
de l’ombre, de l’éclairage, de la
communauté, avec diverses voies cyclables, sur la chaussée
signalisation et des mesures
et hors route, convenablement séparées de la circulation
d’apaisement de la circulation.
automobile selon la vitesse et le volume de la circulation
dans la rue.
• Un paysage de rue bien conçu
améliore la sécurité, le confort et la
commodité des déplacements à pied
ou à vélo et rend les espaces publics
plus invitants (une rue urbaine très
fréquentée a tendance à être une
rue sûre).
• Le paysage de rue peut promouvoir
l’activité physique, les interactions
communautaires et l’accessibilité tout
en réduisant la criminalité et les
traumatismes et décès de piétons et
de cyclistes liés à la circulation.
Stationnement • Il faut réduire les places de stationnement exigées près des
bâtiments et autres installations situés à moins de 400 m
d’un arrêt de transport en commun; et les appartements/
immeubles en copropriété devraient offrir des places de
stationnement pour le partage de véhicules (un espace
d’autopartage pour 10 espaces ordinaires).
• Si possible, il faut trouver et utiliser des incitations
économiques pour offrir des structures de stationnement
plutôt que des aires de stationnement de surface.
• Tous les nouveaux aménagements devraient respecter ou
dépasser soit les exigences locales concernant les espaces
de stationnement de vélos (p. ex., le règlement de zonage
local), soit les normes minimales pour les espaces de
stationnement de vélos décrites dans l’ÉBS, selon les plus
strictes des deux.
• L’objectif de la norme de
stationnement est de décourager le
recours aux véhicules privés et de
promouvoir les moyens de transport
actifs comme la marche, le vélo et les
transports en commun.
• Le stationnement automobile est une
importante commodité, mais il peut
avoir un effet négatif sur la proximité,
la densité et l’esthétique de la sphère
publique.
• Offrir des espaces de stationnement
de vélos convenablement protégés
contre le vol et les intempéries est un
élément clé de la promotion du
cyclisme comme moyen de transport.
• Chercher à réduire l’offre de
stationnement automobile tout en
augmentant l’offre de
stationnement de vélos.
• Faire un usage plus efficient du
stationnement automobile
(p. ex., places de stationnement
partagées, stationnement
préférentiel pour le covoiturage) et
réduire les impacts
environnementaux et esthétiques
des parcs et structures de
stationnement de grande surface.
Source : Region of Peel, Health Background Study – Terms of Reference & User Guide.
eS42 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
INTERVENTION EN SANTÉ PUBLIQUE
Pour que les autorités sanitaires influencent davantage l’aménagement
du territoire et la planification des transports : leçons du projet Bâtir un
Canada en santé de l’initiative COALITION en Colombie-Britannique
Alice Miro, B.Sc.1, Kim Perrotta, M.Sc.S.2, Heather Evans, M.A. Plan., M.C.I.P., R.P.P.3, Natalie A. Kishchuk, Ph.D., É.A.4,
Claire Gram, M.A. Plan.5, Richard S. Stanwick, M.D., M.Sc., F.R.C.P.C., F.A.A.P.6, Helena M. Swinkels, M.D., F.R.C.P.C.7
RÉSUMÉ
OBJECTIFS : Le principal objectif de la coalition Bâtir un Canada en santé en Colombie-Britannique (C.-B.) était d’élaborer, de mettre en œuvre et d’évaluer un projet
de renforcement des capacités des autorités de santé. Les effets escomptés du projet étaient les suivants : 1) la capacité accrue des autorités de santé participantes de
s’impliquer de façon productive dans les processus d’aménagement du territoire et de planification des transports; 2) des relations ou des collaborations nouvelles et
soutenues entre les autorités de santé participantes et avec les administrations locales et les autres acteurs du milieu bâti; et 3) des indications de l’influence des autorités
de santé ou de l’application des données probantes et des outils liés à la santé dans les plans et les politiques d’aménagement du territoire et de transport.
PARTICIPANTS : Le projet visait à rehausser les capacités de trois autorités de santé régionales (Fraser Health, Island Health et Vancouver Coastal
Health) et de leur personnel – les participants du projet.
LIEUX : Les régions de la C.-B. servies par les trois autorités de santé couvrent des milieux urbains, suburbains et ruraux dans des zones géographiques
relativement vastes et diverses. Le statut socioéconomique, le profil démographique et le contexte culturel et politique de leurs populations varient beaucoup.
INTERVENTION : L’initiative a offert aux trois autorités de santé les services d’une consultante ayant plusieurs années d’expérience professionnelle en
aménagement du territoire et en planification des transports. La consultante a mené des évaluations situationnelles pour appréhender les connaissances
de base, les lacunes à combler, les atouts et les objectifs de chaque autorité de santé participante pour le travail sur le milieu bâti. En fonction de cette
information, la consultante a mis au point des plans de travail personnalisés pour renforcer les capacités de chaque autorité de santé et l’aider dans la
tâche de mise en œuvre. Les activités de renforcement des capacités étaient les suivantes : recherche sur les stratégies, les politiques et les données
probantes sur la santé et le milieu bâti; application des données probantes sur la santé, des politiques et des pratiques prometteuses d’autres provinces
aux contextes de planification locaux; formation et soutien du personnel des autorités de santé liés à la santé et au milieu bâti; rencontres entre le
personnel de santé publique et les planificateurs locaux à des fins de réseautage; et participation aux processus d’aménagement du territoire.
RÉSULTATS : Le projet a contribué à renforcer les capacités des autorités de santé participantes d’influencer les décisions d’aménagement du territoire
et de planification des transports en rehaussant les connaissances du personnel de santé publique en matière de contenu et de processus. Le projet a
balisé des changements structurels au sein des autorités de santé, comme la réaffectation des ressources humaines pour faire progresser le travail sur le
milieu bâti après le projet. Les autorités de santé ont aussi tissé de nouveaux liens intra- et intersectoriels, ce qui a facilité l’échange des connaissances et
l’accès du secteur de la santé publique aux occasions d’influencer les décisions sur le milieu bâti. À la fin du projet, on a eu de nouvelles indications que
la santé était intégrée dans des documents de politique sur l’aménagement du territoire.
CONCLUSIONS : Le projet a contribué à prioriser, à accélérer et à officialiser l’implication des autorités de santé participantes dans les processus d’aménagement
du territoire et de planification des transports. À long terme, ceci devrait mener à des politiques et à des programmes de santé qui tiennent compte du milieu
bâti, et à des politiques et des pratiques sur le milieu bâti qui intègrent des objectifs de santé des populations, réduisant ainsi le risque de maladies chroniques.
MOTS CLÉS : environnement et santé publique; relation interinstitutionnelle; conception de l’environnement; maladie chronique
Rev can santé publique 2015;106(1)(Suppl. 1):eS43-eS53.
Affiliations des auteurs
U
n vaste corpus de recherche fait état d’associations
significatives entre le milieu ou l’environnement bâti
(c.-à-d. l’aménagement physique et les infrastructures
d’une communauté) et des variables sanitaires comme l’activité
physique1-4, les choix alimentaires, les blessures de la route et la
santé mentale5. En conséquence, plusieurs organismes de santé
considèrent le milieu bâti comme étant un important
déterminant de la santé6-10.
Le milieu bâti d’une communauté est le résultat d’une foule de
décisions dans les plans et les politiques de transport et
d’aménagement du territoire, concrétisées sur de nombreuses
années par divers ordres de gouvernement. Les politiques et les
décisions de planification communautaire peuvent être
influencées par une gamme complexe et assez considérable
d’acteurs de l’extérieur de la santé publique, dont les promoteurs
immobiliers, les résidents et les entreprises locales, les
organisations non gouvernementales (ONG) et les organismes
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
1. Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, Vancouver (Colombie-Britannique)
2. Fondation des maladies du cœur et de l'AVC, Hamilton (Ontario)
3. Heather Evans Consulting (Colombie-Britannique)
4. Program Evaluation and Beyond Inc., Montréal (Québec)
5. Vancouver Coastal Health (Colombie-Britannique)
6. Island Health (Colombie-Britannique)
7. Fraser Health Authority, Surrey (Colombie-Britannique)
Correspondance : Alice Miro, Fondation des maladies du cœur et de l’AVC,
200-1212 West Broadway, Vancouver (Colombie-Britannique) V6H 3V2,
tél. : 778-372-8007, courriel : [email protected]
Remerciements : L’intervention en santé publique dont il est question dans cet article
a été rendue possible grâce à l’apport financier de Santé Canada octroyé à Bâtir un
Canada en santé dans le cadre du projet COALITION (Connaissances et action liées
pour une meilleure prévention) du Partenariat canadien contre le cancer, de la
Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada (C.-B. et Yukon), de la Real
Estate Foundation of British Columbia et de la Fondation Bullitt. Les organismes suivants
ont aussi offert une contribution en nature au projet décrit : la Fondation des maladies
du cœur et de l’AVC, Fraser Health, Island Health, Vancouver Coastal Health, ainsi que
la BC Healthy Built Environment Alliance par l’entremise de la BC Provincial Health
Services Authority. Nous remercions de tout cœur les personnes suivantes, qui nous ont
aidés à réviser le manuscrit ou nous ont fourni des données : Marla Steinberg et
Andi Cuddington (anciennement du projet CAPTURE) et Julia McFarlane (Island Health).
Conflit d’intérêts : aucun à déclarer. Les points de vue exprimés dans cet article
sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux des bailleurs de fonds
ni des partisans du projet.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS43
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
communautaires11-14. Comme pour beaucoup d’autres déterminants
sociaux de la santé, harmoniser les politiques, les pratiques et les
décisions sur le milieu bâti et les objectifs de promotion de la santé
exige donc une collaboration intersectorielle15.
La collaboration intersectorielle entre la santé publique et les
planificateurs communautaires sur la question du milieu bâti est
un phénomène relativement jeune. Au Canada, un travail
intersectoriel considérable s’est amorcé en Ontario au cours des
10 dernières années en réaction à deux politiques provinciales : la
Déclaration de principes provinciale (2005), qui propose des
orientations sur des questions d’intérêt provincial liées à
l’aménagement et à l’urbanisme, dont plusieurs politiques de
création de communautés saines, vivables ou actives; et les
Normes de santé publique de l’Ontario (2008), des lignes directrices
pour les programmes et les services attribués à la santé publique
par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de
la province; le travail sur le milieu bâti est abordé dans les
« Normes relatives aux programmes de maladies chroniques et
blessures » et dans les « Normes relatives aux programmes de
santé environnementale »16.
Une étude de cas descriptive de 2011 réunit des informations
sur les stratégies employées par 10 des 36 autorités de santé
publique de l’Ontario pour intégrer les considérations sanitaires
liées à l’activité physique, à la prévention des blessures, à la saine
alimentation, à la qualité de l’air et de l’eau et aux changements
climatiques dans les processus d’aménagement du territoire et de
planification des transports de leurs communautés. Cette étude
ne tente pas d’évaluer l’efficacité de ces stratégies, mais les
politiques et les pratiques recensées indiquent que la santé
publique tisse réellement des liens avec les autorités de
planification, qu’elle s’implique dans les processus
d’aménagement du territoire et de planification des transports et
qu’elle apporte des considérations sanitaires aux politiques et aux
plans des communautés en question16.
En Nouvelle-Galles du Sud (Australie), où le secteur de la santé
collabore aux processus d’aménagement du territoire dans le but
de créer des environnements urbains plus durables et équitables,
des chercheurs ont réalisé une étude post-mise en œuvre pour
évaluer l’efficacité d’une telle démarche. On a mené un audit
complet de la correspondance entre le Service de santé de la
région du Sud-Ouest de Sydney, l’administration locale et d’autres
organismes entre 2005 et 2010 sur les questions liées aux
documents d’aménagement du territoire. Les chercheurs ont
constaté que 75 % des recommandations formulées par l’autorité
de santé au cours de la période avaient été intégrées dans 77 %
des documents d’aménagement du territoire révisés, ce qui
indique que le secteur de la santé peut, de fait, influencer ces
processus17.
En Colombie-Britannique (C.-B.), la direction et l’intendance
de la santé publique sont principalement assurées par le ministère
de la Santé, par une autorité de santé provinciale et par
cinq autorités de santé régionales. En 2013, on en a créé une de
plus, la First Nations Health Authority, qui assure la prestation
des programmes et des services de santé destinés aux Premières
Nations. Les cinq autorités de santé régionales relèvent du
ministère de la Santé et sont indépendantes des administrations
locales. Leur mandat couvre à la fois la santé publique, les soins à
domicile et les soins actifs (leur champ d’action principal).
Parallèlement, les municipalités et les districts régionaux de la
C.-B. ont une autonomie considérable lorsqu’il s’agit de prendre
des décisions d’utilisation des sols et de planification des
transports ou de négocier et d’approuver les demandes
d’aménagement des terres qui sont de leur ressort. La loi la plus
importante pour les administrations locales est la Local
Government Act (« Loi sur les gouvernements locaux ») et, pour la
Ville de Vancouver, la Vancouver Charter (« Charte de
Vancouver »).
En C.-B. comme ailleurs, au-delà des questions d’égouts, d’air et
d’eau, le secteur de la santé n’intervenait que de façon
intermittente dans l’aménagement du territoire et la planification
des transports. Les choses ont commencé à changer en 2005 avec
la résurgence de la démarche des « communautés en santé18 » et
la publication d’un cadre du ministère de la Santé décrivant les
fonctions de santé publique de base de la province. Ce document
reconnaissait que « les structures physiques et sociales de nos
communautés et quartiers influencent notre santé de nombreuses
façons, et (que) la santé publique doit s’impliquer dans la
création de quartiers sains » (traduction libre). Il exhortait aussi
les agents de santé publique à se prononcer sur l’aménagement
du territoire et la planification de l’environnement19.
La dynamique en faveur du milieu bâti sain a pris de l’ampleur.
La BC Provincial Health Services Authority [l’autorité de santé
provinciale] a publié une page Web et des ressources sur le thème
de « la santé et la planification20 » et, en 2008, elle a contribué à
établir la BC Healthy Built Environment Alliance pour favoriser le
réseautage intersectoriel et la coordination de l’échange de
connaissances et d’activités clés sur la santé et le milieu bâti21. En
2009, des représentants des cinq autorités de santé régionales ont
reçu une formation de l’autorité de santé provinciale sur les bases
de la planification communautaire11,22.
Quelques autorités de santé ont commencé à se pencher sur les
façons de mobiliser leur personnel pour influencer les décisions
d’aménagement du territoire et de planification des transports.
Les grandes questions suivantes se sont posées : « Quel est le
moyen le plus efficace pour les autorités de santé de la C.-B. de
mobiliser leur personnel pour influencer les décisions
d’aménagement du territoire et de planification des transports?
Comment peuvent-elles contribuer à la création
d’environnements qui encouragent les modes de vie sains par
leur implication dans les processus de planification
communautaire? Comment peuvent-elles collaborer pour adopter
une démarche cohérente dans leur travail et leurs
recommandations sur le milieu bâti sain? »
À l’été 2009, Fraser Health, Island Health (anciennement
Vancouver Island Health Authority) et Vancouver Coastal Health
se sont unies au Réseau canadien pour la santé urbaine, à trois
autorités de santé urbaines du Québec et de l’Ontario et à
plusieurs ONG nationales pour demander une subvention au
Partenariat canadien contre le cancer dans le cadre du projet
COALITION (Connaissances et action liées pour une meilleure
prévention) afin de lancer la coalition « Bâtir un Canada en
santé »23. On y voyait une occasion d’accélérer les progrès des
autorités de santé dans la définition et l’officialisation de leur rôle
pour façonner le milieu bâti tout en créant des réseaux pour
faciliter l’échange des connaissances et la coordination entre les
autorités de santé.
eS44 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
L’acceptation de la demande de financement dans le cadre de
COALITION a marqué le début de la coalition Bâtir un Canada en
santé décrite dans un autre article du présent supplément. En
plus de financer un projet de renforcement des capacités à
l’échelle locale en Colombie-Britannique, la participation à
COALITION a offert aux autorités de santé :
1) Une toile de fond nationale pour le travail sur le milieu bâti;
2) Des occasions d’apprentissage et d’échange des
connaissances avec des organismes de santé de même
opinion dans d’autres provinces;
3) Des perspectives de réseautage avec des chercheurs, des
responsables des politiques et des praticiens de tout le
Canada pour faire progresser le domaine localement en
Colombie-Britannique.
Le présent article décrit le projet de renforcement des capacités
élaboré et exécuté en C.-B. dans le cadre de la coalition Bâtir un
Canada en santé. Son but à long terme était de créer : a) un
environnement politique du milieu bâti qui intègre pleinement
les objectifs de santé des populations; et b) un environnement
politique de la santé qui intègre pleinement les considérations
liées au milieu bâti, afin de réduire les facteurs de risque des
maladies chroniques et d’améliorer la santé des populations.
La coalition Bâtir un Canada en santé en ColombieBritannique avait trois effets escomptés :
1) La capacité accrue des trois autorités de santé de participer de
façon productive aux processus d’aménagement du territoire
et de planification des transports;
2) Des relations ou collaborations nouvelles et soutenues entre
les trois autorités de santé et avec les administrations locales
et les autres acteurs du milieu bâti;
3) Des indications de l’influence des autorités de santé ou de
l’application des données probantes et des outils liés à la
santé dans les plans et les politiques d’aménagement du
territoire et de transport.
PARTICIPANTS
Population cible
Le projet visait à renforcer les capacités de trois autorités de santé
régionales, à savoir Fraser Health, Island Health et Vancouver
Coastal Health, et de leur personnel. Les membres du personnel
ont été considérés comme étant les participants du projet
(les 11 personnes directement impliquées ont été invitées à
répondre aux sondages d’évaluation du projet).
Quatre membres du personnel de Fraser Health et quatre autres
de Vancouver Coastal Health ont participé au projet du début à la
fin. Il s’agissait de quatre médecins hygiénistes, d’un agent
d’hygiène du milieu et de trois agents de santé des populations
jouant des rôles de coordination et de gestion.
Un seul membre du personnel de la Vancouver Island Health
Authority (un médecin hygiéniste) a participé au projet du début
à la fin. En outre, deux agents de santé des populations jouant un
rôle de coordination y ont participé pendant la moitié du projet
chacun, en raison du roulement du personnel.
Les trois autorités de santé ont collaboré avec le personnel de
l’administration locale des communautés où le projet s’est
déroulé (n=14 planificateurs en tout, répartis entre les trois
autorités de santé) ou avec le planificateur d’une autorité de
transport locale (n=1), des universitaires (n=2), un fonctionnaire
provincial (n=1) et un agent de l’autorité de santé provinciale
(n=1). Ces personnes, les collaborateurs du projet, étaient au
nombre de 19 et provenaient de 14 organismes.
Les collaborateurs du projet ont participé de diverses façons.
Les planificateurs, par exemple, ont identifié les processus
d’aménagement du territoire ou de planification des transports
particulièrement susceptibles de bénéficier de l’apport des
autorités de santé; suggéré aux professionnels de la santé les
moyens les plus productifs de s’impliquer; aidé à établir des
mécanismes officiels pour assurer la participation continue des
autorités de santé aux processus de planification; aidé à organiser
des activités d’échange de connaissances et des rencontres de
réseautage intersectorielles; organisé des réunions stratégiques
entre les acteurs des administrations locales et les autorités de
santé; et proposé aux autorités de santé des occasions de donner
des présentations aux comités et aux décideurs clés. Tous les
collaborateurs se sont prononcés sur les rapports préliminaires,
les mémoires sur « la santé et le milieu bâti » et d’autres
documents de rayonnement produits par les autorités de santé.
LIEU
Les trois autorités de santé servent ensemble une population de
3,4 millions de personnes (sur les 4,6 millions d’habitants de la
Colombie-Britannique) dans des milieux urbains, suburbains et
ruraux du Sud-Ouest de la province. Le statut socioéconomique,
le profil démographique et le contexte culturel et politique de
cette population sont très variés. Pour les besoins du projet, les
participants ont travaillé avec des collaborateurs de divers
milieux :
• Des milieux suburbains et urbains (les villes de Richmond, de
Surrey et de North Vancouver, le district de North Vancouver,
le Grand Victoria et la région métropolitaine de Vancouver
dans son ensemble);
• Des communautés rurales en périphérie de grandes régions
métropolitaines (les villes de Powell River et de Chilliwack, le
secteur D – Roberts Creek – du district régional de Sunshine
Coast, la municipalité de villégiature de Whistler et les districts
régionaux de Sunshine Coast et de Fraser Valley dans leur
ensemble).
INTERVENTION
Intervention en santé publique
Le travail dans le cadre du projet s’est déroulé en deux phases
correspondant aux phases du financement. Lors de la première
phase, d’octobre 2009 à décembre 2010, le financement a été
fourni par le programme COALITION du Partenariat canadien
contre le cancer. La seconde phase, de janvier 2011 à
septembre 2012, a été financée par le programme COALITION du
Partenariat canadien contre le cancer et par la Fondation des
maladies du cœur et de l’AVC (C.-B. et Yukon), la Real Estate
Foundation of British Columbia et la Fondation Bullitt.
Le leadership et la responsabilité du projet ont été assurés par
différents programmes au sein des trois autorités de santé : le
programme de Santé des populations (Vancouver Coastal Health),
le programme des Partenariats pour des communautés en
meilleure santé (Fraser Health) et les médecins hygiénistes (Island
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS45
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
Health et Fraser Health). Les médecins hygiénistes, les agents
d’hygiène du milieu et d’autres membres du personnel des
autorités de santé ont assuré le leadership et participé ou
contribué au projet sur une base continue ou de façon ponctuelle,
selon le rôle et la tâche.
La Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, à titre
d’organisme responsable et d’administrateur de la coalition Bâtir
un Canada en santé, a retenu les services d’une consultante en
planification (ci-après, « la consultante ») ayant plusieurs années
d’expérience en planification municipale dans la région. La
personne choisie, spécialiste autorisée de la planification
communautaire et régionale, possédait 10 ans d’expérience de
travail en planification des politiques et de l’aménagement auprès
d’administrations locales en Colombie-Britannique. Elle possédait
aussi une compréhension manifeste des politiques et des
programmes d’aménagement du territoire que les administrations
locales de la province peuvent adopter pour promouvoir les
modes de vie sains24.
La consultante, qui relevait de la gestionnaire de projet de la
coalition Bâtir un Canada en santé, a travaillé avec les autorités de
santé de janvier 2010 à janvier 2012. Elle a travaillé 1 500 heures
en tout et consacré de 85 % à 90 % de ce temps à aider les trois
autorités de santé à faire des démarches auprès de collaborateurs
éventuels du projet; à élaborer des plans de travail pour guider
leur participation au projet; et à faciliter la mise en œuvre des
plans de travail. Chaque autorité de santé a reçu un appui
correspondant à un peu moins du tiers d’un équivalent temps
plein. Les 10 % à 15 % restants du temps de la consultante ont
été consacrés à l’administration générale du projet, à faciliter
l’échange de connaissances entre les trois autorités de santé et à
produire des rapports pour les acteurs externes, comme les
bailleurs de fonds du projet.
Le travail de la consultante a été effectué à la faveur de
communications téléphoniques et électroniques, de séances de
travail en personne et de réunions avec chacune des autorités de
santé et avec les acteurs locaux de la planification et du milieu
communautaire. La consultante a divisé son temps à parts égales
entre les trois autorités de santé et travaillé avec elles en même
temps afin d’accroître le potentiel de diffusion des idées et des
pratiques prometteuses entre les trois.
Chaque autorité de santé a eu droit à plusieurs mesures
particulières :
1)
Conduite d’une évaluation situationnelle (deux
mois)
•
La consultante a :
i.
Rencontré le personnel responsable dans chaque autorité de
santé pour évaluer le niveau de base des capacités, des
connaissances et des outils de travail sur le milieu bâti;
ii. Rassemblé les idées préliminaires des autorités de santé sur
les projets liés au milieu bâti à mener avec les
administrations locales et les relations à établir avec les
acteurs de la planification communautaire par le biais de
cette initiative;
iii. Contacté officieusement les planificateurs des
administrations locales pour cerner les possibilités
d’impliquer de façon productive le secteur de la santé dans
les processus de planification à venir.
2)
Élaboration d’un plan de travail de « renforcement
des capacités » pour chaque autorité de santé (un
mois)
•
À l’aide de l’information recueillie lors de l’évaluation
situationnelle et en collaboration étroite avec la gestionnaire
de projet, les équipes de projet et la consultante ont rédigé
un plan de travail échelonné sur neuf mois pour chaque
autorité de santé.
•
Les plans de travail visaient à :
i.
Accroître les capacités des autorités de santé de participer de
façon productive aux processus d’aménagement du territoire
et de planification des transports, surtout en rehaussant leurs
connaissances du contenu et des processus;
ii. Créer des liens ou des mécanismes de collaboration
nouveaux et soutenus avec les autres autorités de santé, les
administrations locales et les autres acteurs du milieu bâti;
iii. Produire des données probantes sur l’influence exercée par
les autorités de santé sur les plans et politiques
d’aménagement du territoire et de transport.
•
Pour chaque projet de renforcement des capacités
sélectionné par les autorités de santé, les plans de travail
contenaient les sections suivantes : 1) brève description du
projet et de ses objectifs; 2) tâches/activités; 3) extrants;
4) description de la façon dont le projet en question
rehausserait les capacités de l’autorité de santé de travailler
sur des enjeux liés au milieu bâti; 5) ressources humaines, et
rôles de la consultante en planification et du personnel des
autorités de santé; et 6) échéanciers et jalons.
•
Les trois autorités de santé ont eu une rencontre d’une
journée pour partager leurs plans de travail préliminaires et
les peaufiner en fonction de leur rétroaction mutuelle.
•
Une fois les premiers plans de travail achevés, on a obtenu
des fonds de projet supplémentaires, et la consultante en
planification et les participants des projets ont élaboré
d’autres plans de travail pour la deuxième année de
l’initiative.
3) Mise en œuvre des plans de travail
Selon les besoins, les possibilités et le contexte propres à chaque
autorité de santé, la consultante en planification a travaillé à
divers extrants et tâches avec les participants des projets :
•
Élaboration de ressources, comme des mémoires et des
modèles de présentations PowerPoint sur « l’environnement
bâti favorable à la santé », pour aider le personnel des
autorités de santé à participer aux processus d’aménagement
du territoire et de planification des transports.
•
Production de rapports, comme une étude de cas sur une
association de quartier ayant collaboré avec une autorité de
santé pour aborder une préoccupation liée à l’aménagement
du territoire.
•
Facilitation de l’échange intersectoriel des
connaissances, notamment en réunissant des
planificateurs, des chercheurs et des professionnels de la
santé pour entendre parler des preuves les plus récentes des
liens entre la santé et le milieu bâti et trouver des occasions
de collaborer à l’échelle locale.
•
Examen et commentaire de projets de documents de
politique sur l’aménagement du territoire, comme
eS46 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
des plans communautaires officiels et des stratégies de
croissance régionales.
Évaluation
L’évaluation du projet a été intégrée dans l’évaluation globale de
la coalition Bâtir un Canada en santé. Une société d’expertsconseils en recherche-évaluation de niveau doctoral a aidé les
autorités de santé à élaborer un cadre d’évaluation définissant les
extrants et les effets escomptés de leurs projets; à préparer un
plan et des outils d’évaluation; et à évaluer les projets à certains
intervalles et en fin de parcours.
Dans le présent article, nous présentons les données
d’évaluation résultant des deux sondages en ligne administrés
aux participants du projet en décembre 2010 et en novembre
2011 (pour la C.-B., n=6 et taux de réponse=60 %, avec des
répondants issus des trois autorités de santé, les deux années du
sondage). Ces sondages comportaient à la fois des échelles de
Likert et des questions ouvertes. Nous avons aussi inclus les
données recueillies lors des entrevues de fin de projet menées par
le Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques
et la santé (CCNPPS) en 2012 (n=5 participants de projets, issus
de trois autorités de santé)7.
Les données d’évaluation recueillies auprès des collaborateurs du
projet 19 mois et 27 mois après le lancement du projet sont
également présentées. Ces données ont été produites au moyen :
a) d’un sondage en ligne anonyme administré aux collaborateurs
du projet en mai 2011 (n=6 collaborateurs de Fraser Health et de
Vancouver Coastal Health, taux de réponse=60 %); b) d’un sondage
en ligne anonyme administré aux collaborateurs du projet en
janvier 2012 (n=5 collaborateurs de Fraser Health Authority et de
Vancouver Island Health Authority, taux de réponse=31 %); et
c) d’un groupe de discussion non anonyme organisé pour le
personnel des autorités de santé (participants) et le personnel de
planification (collaborateurs) le 17 octobre 2011 pour réfléchir aux
résultats de leur partenariat jusqu’à maintenant (n=2 membres du
personnel de planification ayant été les collaborateurs de
Vancouver Coastal Health, taux de participation=50 % des quatre
personnes invitées au groupe de discussion).
EFFETS
En tout, 11 membres du personnel des trois autorités de santé ont
travaillé avec la consultante à élaborer et à exécuter trois plans de
travail de renforcement des capacités. Neuf des 11 participants
des trois autorités de santé ont été impliqués du début à la fin du
projet. Dans un sondage en ligne anonyme administré aux
participants du projet en novembre 2011 (n=6 et taux de
réponse=60 %), deux répondants ont dit consacrer entre 41 % et
79 % de leur temps au projet au cours d’un mois type, et quatre
répondants ont dit consacrer moins de 40 % de leur temps au
projet au cours d’un mois type. Les tableaux 1 à 4 présentent les
principaux extrants générés par le projet.
Premier effet escompté : Accroître les capacités des
autorités de santé de participer de façon productive aux
processus d’aménagement du territoire et de
planification des transports
Les sondages annuels auxquels ont répondu les participants du
projet en 2010 et 2011 indiquent que le projet a accru les
capacités de certains participants à collaborer aux processus de
planification communautaires, en partie en rehaussant leurs
connaissances du contenu et des processus. Les résultats des
sondages peuvent être résumés comme ceci :
• En 2010, tous les répondants au sondage sauf un ont dit avoir
accru leurs connaissances des milieux bâtis sains grâce au
projet. En 2011, tous les répondants au sondage ont dit avoir
accru leurs connaissances. Dans la section ouverte du sondage,
une personne a indiqué : J’ai amélioré ma connaissance de la
recherche sur la santé et l’environnement bâti.
• En 2010, quatre répondants sur six ont indiqué avoir amélioré
leurs compétences ou en avoir acquis de nouvelles grâce au
projet. En 2011, tous les répondants au sondage étaient de cet
avis. Une personne en a donné un exemple : Nous sommes plus
aptes à travailler auprès des administrations locales et à comprendre
leurs besoins.
• En 2011, tous les répondants étaient plutôt d’accord, d’accord
ou tout à fait d’accord pour dire qu’ils connaissaient mieux les
autres organismes du domaine. Les réponses au sondage de
2010 sur cette question étaient sensiblement plus faibles.
Les commentaires recueillis lors des entrevues du CCNPPS sur
l’impact du projet reflètent ces résultats :
Le projet COALITION a aidé [notre autorité de santé] à élaborer des
outils et des approches très utiles dans notre travail. Par exemple,
nous avons élaboré et adapté un protocole d’entente pour définir et
renforcer les partenariats. Nous avons également élaboré des outils et
des ressources qui nous aident à établir des liens et à travailler de
façon proactive avec les divers publics participant à des processus de
planification de l’utilisation du sol : les représentants élus, les
communautés, les parties prenantes et les résidents des
communautés.25
Nous [l’autorité de santé] avons constitué une modeste base de
données sur le sujet (bibliothèque, fiches d’information, pratiques et
précédents en matière de participation communautaire, etc.) sur
laquelle s’appuieront les responsables de l’EBFS [environnement bâti
favorable à la santé] au sein de notre organisation pour mettre à
contribution d’autres intervenants dans nos activités futures. Nous
avons développé des idées plus concrètes sur la signification de
l’EBFS dans notre contexte et nous avons aujourd’hui une meilleure
connaissance et une meilleure maîtrise de la question que lorsque
nous avons joint l’initiative COALITION il y a quelques années25.
Le projet pourrait aussi avoir contribué à renforcer les capacités
des autorités de santé participantes à collaborer aux processus
d’aménagement du territoire et de planification des transports en
facilitant les modifications aux stratégies, aux programmes, aux
affectations des ressources humaines ou aux pratiques des
autorités de santé. En 2010, la moitié des répondants au sondage
ont déclaré avec conviction que leur organisme était en
train d’élaborer un nouveau programme ou de modifier
un programme existant en raison du projet, par exemple :
• [Nous avons une nouvelle] stratégie de mobilisation communautaire;
• La province a fait de l’EBFS une priorité; chaque autorité de santé
élabore maintenant des programmes en conséquence;
• Il y a bon espoir que le rapport sur les installations saines servira à
éclairer la planification et l’aménagement futurs des établissements
de santé de [l’autorité de santé];
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS47
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
Tableau 1. Activités et produits livrés par Fraser Health dans le
cadre de sa participation à la coalition Bâtir un
Canada en santé en Colombie-Britannique (20092012)
Tableau 2. Activités et produits livrés par Island Health dans le
cadre de sa participation à la coalition Bâtir un
Canada en santé en Colombie-Britannique (20092012)
Description des activités et des produits
Description des activités et des produits
Mémoires explicatifs sur l’environnement bâti favorable à la santé
• Effectué des recherches, rédigé et réalisé une série de mémoires pour
éclairer les politiques de planification municipales et faire ressortir les enjeux
importants à la fois pour la santé et la municipalité.
• Thèmes : logement sain; communautés complètes, compactes et connectées;
accès et possibilités équitables; alimentation saine et sécurité alimentaire;
transport; et dangers environnementaux. Chaque mémoire explique la
pertinence pour la santé, les données probantes à l’appui et présente des
recommandations pour les politiques et les pratiques sur le milieu bâti.
• Impliqué des partenaires municipaux et divers membres du personnel des
autorités de santé dans la conception, l’examen et la réalisation des mémoires.
Participation à un processus de planification régional
• Examiné et commenté le projet de stratégie régionale de développement
durable du District régional de la Capitale.
Atelier pour le personnel de l’autorité de santé
• Conçu et offert un atelier d’une journée sur l’environnement bâti à
l’intention des agents d’hygiène du milieu et du personnel de promotion de
la santé communautaire (n=31).
• Deux planificateurs locaux ont donné des présentations sur leur travail
actuel et leurs orientations stratégiques.
• Le médecin hygiéniste associé au projet a présenté les grands principes et
les données probantes sur « la santé et l’environnement bâti ».
• Les participants de l’atelier ont analysé un plan municipal type et
déterminé : a) s’il contribuait ou non à rendre l’environnement bâti plus
favorable à la santé, b) certains des obstacles et des intérêts divergents
pouvant se manifester lors de l’élaboration d’un plan d’aménagement du
territoire et c) les stratégies que les autorités de santé peuvent utiliser pour
commenter un plan proposé et offrir leur appui aux planificateurs.
• Les participants du projet au sein de cette autorité de santé ont aussi
présenté des projets parallèles et complémentaires par le biais desquels
l’autorité de santé collabore avec les municipalités locales.
Participation aux processus de planification et à l’édification de liens avec les
planificateurs
• Examiné et commenté les projets de plans communautaires officiels de la
Ville de Surrey et du District de Mission et un projet de plan de quartier
pour la Ville de Surrey.
• Le but de l’exercice était de tisser des liens avec le personnel de
planification municipal, de se renseigner sur les moyens de s’impliquer
efficacement, et de contribuer à renforcer le potentiel de promotion de la
santé des plans en cours de mise au point.
• Organisé un « déjeuner-causerie » pour le personnel de l’autorité de santé
et les planificateurs de la Ville de Surrey afin de favoriser le réseautage,
l’échange des connaissances et le partage d’expériences, de points de vue
et de priorités en ce qui a trait au milieu bâti.
Guide de travail des Plans communautaires officiels (PCO)
• Adaptés des fiches d’information (voir plus haut), les éléments proposés
étaient des modèles de présentations PowerPoint et d’autres ressources et
un algorithme pour aider le personnel de l’autorité de santé et le service de
planification de l’administration locale à trouver les contacts appropriés
dans l’organigramme de l’autre.
• Obtenu les commentaires des administrations locales, régionale et
provinciale pour l’élaboration du guide de travail.
Intégration de la santé dans la planification des établissements de santé
• Consulté des organismes communautaires sans but lucratif, le personnel de
divers services des autorités de santé, les planificateurs municipaux et des
architectes de sociétés d’experts-conseils privées afin de produire un
rapport explorant des questions comme : Comment les établissements de
santé s’insèrent-ils dans un cadre « d’environnement bâti favorable à la
santé »? Comment les établissements de santé peuvent-ils contribuer à la
santé des divers « groupes d’utilisateurs » – les patients, le personnel, les
visiteurs, les résidents du quartier? et Comment peut-on planifier ces
établissements pour qu’ils contribuent au choix de modes de transport
actifs et à d’autres éléments clés d’un environnement bâti plus favorable à
la santé?
• Effectué des recherches sur des exemples de plans directeurs
d’établissements de soins de santé conformes aux principes et aux
pratiques de l’environnement bâti favorable à la santé.
• Examiné un exemple local (à Victoria), à savoir, un nouveau centre de soins
aux patients, ainsi que le plan directeur à long terme d’un complexe
d’établissements de soins de santé.
Qualité de l’air – groupe de travail et forum
• Dirigé la reconstitution du groupe de travail sur la qualité de l’air du District
régional de la Capitale et élargi son mandat pour inclure des liens avec la
planification du développement durable et de la santé.
• Exploré les possibilités pour le groupe de travail sur la qualité de l’air de
collaborer plus étroitement avec ses partenaires des administrations locales
et avec les professionnels de la santé au sein d’un cadre d’aménagement du
territoire.
• Organisé conjointement un forum d’apprentissage sur les enjeux régionaux
de la qualité de l’air et l’action locale. Le forum a attiré des fonctionnaires
fédéraux, provinciaux, régionaux et locaux, des universitaires et des
représentants d’organismes sans but lucratif.
Enseignements de la James Bay Neighbourhood Association
• En partenariat avec la James Bay Neighbourhood Association (à Victoria),
décrit et partagé les processus, les réussites et les défis de cette association
de quartier, qui tentait de cerner les problèmes de santé locaux associés à
l’aménagement du territoire et de mobiliser des ressources pour en aborder
les impacts.
• Le but principal du rapport était de renseigner l’autorité de santé sur les
meilleurs moyens de travailler avec les associations de quartier pour aborder
les problèmes de santé communautaire.
• L’environnement bâti fait maintenant partie de notre planification
stratégique globale;
• Probablement une plus grande implication du personnel dans la
planification communautaire officielle à l’échelle des
administrations locales ou régionales.
Durant le projet, la consultante a directement formé et soutenu
trois ou quatre membres du personnel de chaque autorité de
santé. Ces personnes, en retour, se sont servies de l’expérience et
des connaissances acquises grâce au projet pour se prononcer sur
les structures et les pratiques organisationnelles du travail sur le
milieu bâti au sein de chaque autorité de santé. On en trouve des
indications dans les entrevues du CCNPPS :
À l’interne [au sein de l’autorité de santé], dans le cadre de
l’initiative COALITION, nous avons été en mesure d’élaborer
graduellement un modèle pour la réalisation de nos travaux sur
l’EBFS qui convient à [l’autorité de santé]. Un grand nombre
d’employés et de services au sein de [l’autorité de santé] participent
aux travaux sur l’EBFS (protection de la santé, santé des
eS48 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
populations, médecin hygiéniste, planification autochtone, logement,
etc.). Nous avons pu travailler avec ces groupes pour renforcer
progressivement la sensibilisation, l’appui, l’engagement et
l’expérience de ce travail en collaboration. Nous avons appris — par
l’expérience et la réflexion — comment former nos équipes de
[l’autorité de santé] à une échelle locale et assigner les postes aux
employés de [l’autorité de santé] afin de soutenir les communautés le
plus efficacement possible. Cette approche consistant à inclure des
employés de [l’autorité de santé] provenant de divers groupes nous a
offert un éventail de perspectives et d’optiques quant aux
composantes du travail sur l’EBFS25.
[…][L’autorité de santé] renforce ses capacités internes pour travailler
sur l’EBFS. Les projets COALITION que nous avons sélectionnés
nous ont permis de savoir quels services et quel personnel doivent
prendre part aux initiatives de planification municipale et quels rôles
ils doivent jouer. Par exemple, dans le cadre de l’initiative
Partenariats pour des communautés en meilleure santé 2010, un
gestionnaire de la protection de la santé et des médecins hygiénistes
ont conjointement analysé différentes options d’utilisation du sol qui
étaient discutées dans un plan de quartier. Nous avons allié notre
expertise et nos connaissances pour que la municipalité aborde ces
différentes options dans une optique de santé. Nous cherchons à
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
Tableau 3. Activités et produits livrés par Vancouver Coastal
Health dans le cadre de sa participation à la
coalition Bâtir un Canada en santé en ColombieBritannique (2009-2012)
40
Description des activités et des produits
30
Participation aux processus de planification municipaux (communautés rurales)
• Compilé des profils de santé communautaire liés à la planification
communautaire de la région de Sunshine Coast et de ses municipalités, puis
organisé un groupe de discussion avec les planificateurs et les représentants
d’organismes communautaires pour obtenir leur rétroaction.
• Examiné et commenté le projet de stratégie de développement durable de
la région de Sunshine Coast, ainsi que les projets de plans communautaires
officiels de Roberts Creek, de la circonscription de Powell River et de la
municipalité de villégiature de Whistler.
• Élaboré un classeur numérique de ressources pour aider le personnel de
l’autorité de santé à s’impliquer dans les processus de planification des
communautés rurales et de petite taille.
Tableau 4. Activités et produits livrés en partenariat par Fraser
Health et par Vancouver Coastal Health dans le
cadre de leur participation à la coalition Bâtir un
Canada en santé en Colombie-Britannique (20092012)
Description des activités et des produits
Création d’un organisme de concertation pour la conception de communautés en
santé dans la région métropolitaine de Vancouver
• En partenariat avec l’administration régionale, l’autorité de transport locale
et des chercheurs universitaires, on a convié des planificateurs, des
professionnels de la santé et des chercheurs à des séances pour échanger
des connaissances et étudier les possibilités de collaboration. Ces
partenariats ont fait fond sur les discussions et les commentaires du
processus de la « stratégie de croissance régionale » auquel les deux
autorités de santé ont participé.
• Planifié et mis en œuvre deux ateliers régionaux de plus de 100 participants
chacun (des planificateurs et des professionnels de la santé de toute la
région).
Région métropolitaine de Vancouver – planification régionale
• Les deux autorités de santé ont rencontré les planificateurs régionaux à
plusieurs reprises et donné une présentation devant le Comité consultatif de
planification régionale (anciennement le Comité consultatif technique),
composé des directeurs de la planification et des directeurs généraux de
l’administration des 21 municipalités et des deux entités locales de la région
métropolitaine de Vancouver.
définir, au sein de [l’autorité de santé], un modèle durable afin de
faciliter nos travaux sur l’EBFS dans la vaste région que nous
desservons25.
Deuxième effet escompté : Créer des liens ou des
mécanismes de collaboration nouveaux et soutenus avec
les autres autorités de santé, les administrations locales
et les autres acteurs du milieu bâti
En 2011, tous les participants du projet qui avaient répondu aux
questionnaires d’évaluation déclaraient que le projet les avait
aidés à tisser de nouvelles relations ou collaborations avec des
collègues d’autres autorités de santé, des administrations locales
ou d’autres secteurs intervenant dans les décisions sur le milieu
bâti. Par contre, les améliorations ou les changements à la façon
Avant COALITION
Après COALITION
Nombre total d’interactions
Participation aux processus de planification municipaux (communautés urbaines)
• Participé intensivement à l’examen des plans communautaires officiels du
District de North Vancouver, de la Ville de North Vancouver et de la Ville de
Richmond.
• Il a fallu pour cela examiner et commenter les plans préliminaires, donner
des présentations aux acteurs du milieu (maire, conseillers, résidents et
organismes communautaires locaux) et préparer des documents imprimés
(documents de réflexion, affiches) pour les consultations publiques.
• Pour le District et la Ville de North Vancouver, il a aussi fallu rédiger et
conclure un protocole d’entente entre les administrations locales (services
de planification) et l’autorité de santé afin d’établir les paramètres de leur
collaboration et de définir les rôles de chaque entité.
• Participé à l’examen des directives d’aménagement municipales et d’un
plan de transport municipal.
35
25
20
15
10
5
0
Aucune
interaction
Figure 1.
Réseautage
Coordination Coopération
du travail
Types d’interactions
Collaboration
Fraser Health, Island Health et Vancouver Coastal
Health : Nombre total d’interactions avec les autres
organismes ayant participé à la coalition Bâtir un
Canada en santé
dont les autorités de santé disaient travailler avec d’autres
organismes du même domaine n’étaient pas aussi solides. Un
répondant a fait ce commentaire : Beaucoup de défis intéressants
quand on collabore avec de nouveaux partenaires et avec les
communautés – le processus d’apprentissage est sans fin!
Quand on leur a demandé de commenter les avantages et les
impacts du projet, le personnel des autorités de santé ayant
répondu aux sondages annuels a donné de nombreux exemples
de liens nouveaux ou améliorés avec d’autres organismes ou
d’autres secteurs. C’est ce type d’impacts qui a suscité les
commentaires les plus fournis de la part des répondants. Les
grands thèmes qui sont ressortis des réponses aux questions
ouvertes des sondages indiquent que le projet a amélioré
plusieurs aspects de la collaboration :
• Les occasions d’échange de connaissances ou de collaboration
entre les autorités de santé de la C.-B.;
• Les nouveaux maillages intersectoriels à l’échelle locale;
• Le réseautage, la coordination ou la collaboration entre les
autorités de santé et les administrations locales (surtout les
services de planification);
• L’accès à des partenaires potentiels et au savoir d’autres
provinces, du reste du Canada et même de l’étranger;
• De nouveaux éclairages sur le travail en partenariat.
Ces améliorations sont aussi, dans une certaine mesure,
appuyées par les résultats des sondages en ligne administrés aux
collaborateurs du projet en mai 2011 et janvier 2012 (n=6, taux
de participation=60 %, et n=5, taux de participation=31 %,
respectivement). On a demandé à ces collaborateurs : Dans quelle
mesure êtes vous d’accord ou non que dans ce projet, les connaissances,
les conseils techniques, le savoir-faire ou les recommandations de
l’autorité de santé/de la coalition Bâtir un Canada en santé ont aidé
les secteurs de la santé et de la planification de votre région à travailler
étroitement ensemble? Ici, 67 % des répondants en 2011 et 60 %
des répondants en 2012 se sont dits d’accord ou tout à fait
d’accord. À l’opposé, 0 % en 2011 et 20 % en 2012 se sont dits en
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS49
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
désaccord, et 33 % en 2011 et 20 % en 2012 n’ont pas répondu.
De même, à l’énoncé Mon organisme applique les connaissances, les
conseils techniques, le savoir-faire ou les recommandations de
l’autorité de santé/de la coalition Bâtir un Canada en santé, 60 % des
répondants au sondage de janvier 2012 ont répondu « oui », 20 %
ont répondu « non » et 20 % n’ont pas répondu. Quand on leur a
demandé de décrire comment (leur) organisme applique les
connaissances, les conseils techniques, le savoir-faire ou les
recommandations de l’autorité de santé/de la coalition Bâtir un
Canada en santé, les répondants ont écrit :
• Durant l’élaboration du nouveau Plan communautaire officiel et des
plans secondaires (plans de quartier, de couloirs de verdure, de
sentiers pédestres etc.), notre partenariat a rehaussé la prise en
compte des conséquences sanitaires de différentes politiques.
• [L’autorité de santé] a fourni une rétroaction sur notre plan régional.
Elle a présenté « l’optique de la santé » et fourni des conseils
stratégiques sur les moyens de renforcer le plan du point de vue de la
santé.
Voici d’autres exemples d’impacts mentionnés par les
répondants aux sondages en ligne (n=5; taux de réponse=31 %) et
les planificateurs ayant participé au groupe de discussion pour
aider à évaluer le projet (n=2, taux de réponse=50 %) :
• La question de la santé et de la planification a été mise en avantplan pour les planificateurs, en partie grâce à [l’autorité de santé] et
à l’initiative COALITION.
• Utilisé les ressources autour de la table pour travailler sur un enjeu
commun. Ce ne serait jamais arrivé si nous avions travaillé en vases clos.
• [L’autorité de santé] a fourni un apport qui a mené à des
changements dans le contenu et les orientations; p. ex., la sécurité
alimentaire : [l’autorité de santé] a aidé à renforcer les politiques
touchant à la sécurité alimentaire/l’agriculture urbaine.
• [L’autorité de santé], en tant que partenaire importante du PCO
[Plan communautaire officiel], a exercé un poids politique sur
l’appui moral du Conseil au PCO.
La coalition Bâtir un Canada en santé a probablement aussi
stimulé des niveaux accrus de réseautage, de coordination et de
coopération entre les autorités de santé de la C.-B. et les
organismes ayant participé à la coalition Bâtir un Canada en
santé dans les provinces canadiennes. On le sait grâce aux
sondages annuels, où les participants britanno-colombiens du
projet ont catégorisé leurs interactions avec des organismes
ontariens, québécois et nationaux, avant et après leur implication
dans le projet (figure 1).
Des anecdotes sur l’impact du projet sur la collaboration sont
aussi ressorties des entrevues du CCNPPS. Par exemple :
L’initiative COALITION a également aidé [l’autorité de santé] à
jouer un rôle proactif dans les partenariats avec d’autres organisations.
[…] L’initiative COALITION nous a aussi permis d’améliorer
continuellement la communication avec d’autres partenaires
(urbanistes municipaux, etc.) et d’établir quelques nouvelles relations
qui nous aideront dans nos travaux futurs. Par exemple, nous avons
consulté des urbanistes au début de nos projets de COALITION et nous
pourrions reprendre contact avec eux25.
Troisième effet escompté : Influencer les plans et les
politiques d’aménagement du territoire et de transport
À la fin du projet, on a eu des preuves modestes de l’influence de
la santé publique sur un plan d’aménagement du territoire en
particulier. Le Plan communautaire officiel du District de North
Vancouver, adopté en 2011, mentionne explicitement Vancouver
Coastal Health parmi les acteurs impliqués dans son
élaboration26.
Aspects à améliorer
Lorsqu’on leur a posé des questions ouvertes pour comprendre ce
qu’il faudrait faire pour améliorer ou faciliter le projet Bâtir un
Canada en santé ou pour accélérer les changements au milieu
bâti, les employés des autorités de santé ayant répondu aux
sondages en ligne ont donné plusieurs exemples et idées :
1) Davantage de temps et de ressources;
2) Des rôles et des partenariats plus définis, et une idée plus
claire du rôle particulier de la santé et de son apport
potentiel au processus de planification;
3) Une plus grande collaboration d’un projet ou d’une autorité
de santé à l’autre;
4) L’appui de la haute direction, l’implication d’un effectif plus
diversifié de personnel/de services et une plus grande
intégration de ce travail dans les plans et stratégies existants
de l’organisme.
Les collaborateurs du projet qui ont répondu au sondage en
ligne ont aussi cerné des éléments à améliorer. En réponse à la
question Comment pourrait-on améliorer les connaissances, les
conseils techniques, le savoir-faire ou les recommandations reçus de
l’autorité de santé/de la coalition Bâtir un Canada en santé? un
répondant a indiqué :
• Les études de plus en plus nombreuses qui découvrent des liens entre
l’aménagement des collectivités et les résultats sanitaires sont une
bonne chose, mais ces études doivent être plus spécifiques et
nuancées pour être plus utiles en tant qu’élément probant dans la
prise des décisions de planification.
• Si cela convient (p. ex., si l’échelle d’un projet est assez grande, si les
impacts sur la santé sont considérables), il serait bon d’avoir l’avis
de [l’autorité de santé] sur les impacts sur la santé des grands projets
ou aménagements proposés dans [la région]. Ce serait utile pour
mieux comprendre le genre d’indicateurs à utiliser pour évaluer les
communautés en santé.
• Il faudrait travailler davantage avec la communauté, le grand public
et les élus/la classe politique. Les planificateurs et les professionnels
de la santé publique sont déjà très étroitement alignés et « chantent
la même partition ». Quand il y a des problèmes, ils se posent plutôt
avec le public et les décideurs. Les conseils d’administration des
hôpitaux devraient aussi être ciblés par des mesures de formation.
• Il devrait être possible pour [l’autorité de santé] et le District de
mieux diffuser l’information (sur les enjeux, les solutions et les
réussites) « à l’externe » (aux membres de la communauté).
• La mise en œuvre du PCO [Plan communautaire officiel] est d’une
importance clé, et le District a besoin que [l’autorité de santé] soit impliquée.
De plus, en réponse à la question Comment pourrait-on améliorer
les réunions ou les activités organisées par l’autorité de santé [XX]/la
coalition Bâtir un Canada en santé? les collaborateurs du projet
ayant répondu au sondage ont fait les commentaires suivants :
• Ces réunions pourraient être davantage axées sur les promoteurs
immobiliers et les experts-conseils en aménagement, qui hésitent
souvent à admettre les conséquences d’une conception plus saine des
communautés et des quartiers, car elles sont perçues comme limitant
leurs options d’aménagement ou ajoutant aux coûts des projets.
eS50 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
• Inclure les décideurs, les personnes du public, les administrateurs
d’hôpitaux. Peut-être aussi des gens d’autres disciplines comme les
ingénieurs municipaux... Mais encore une fois, je crois que nos
ambitions et nos approches sont les mêmes. Le défi est plutôt l’état
d’esprit général sur l’usage de l’automobile, les choix de modes de
vie, l’environnement bâti.
• Leur travail devrait se poursuivre. Les réunions, les activités, le
réseautage, les prises de contact devraient se poursuivre à l’échelle
régionale et municipale. L’action sociale exercée par [l’autorité de
santé] demeure importante. [L’autorité de santé] pourrait être plus
claire quant aux types d’actions que les municipalités et les régions
peuvent mener pour créer des communautés en santé.
CONCLUSIONS
Le projet décrit dans cet article est novateur. Il a fourni aux
autorités de santé les services d’une planificatrice professionnelle
pour les aider à influencer les décisions d’aménagement du
territoire et de planification des transports. Par le passé,
l’implication des autorités de santé dans les processus de
planification en Colombie-Britannique se limitaient en général
aux questions d’eau, d’égouts et de qualité de l’air. Le projet a
réuni des professionnels de la santé et des planificateurs
communautaires pour stimuler les capacités des autorités de santé
de contribuer aux plans de transport et d’aménagement du
territoire en les harmonisant avec les objectifs de promotion de la
santé.
Les données d’évaluation présentées dans cet article indiquent
que le projet a accru la connaissance du milieu bâti chez les
autorités de santé participantes. Les tableaux 1 à 4 énumèrent les
nombreux extrants et ressources générés par la consultante avec
les autorités de santé. Après COALITION, la BC Provincial Health
Services Authority s’est servie de certaines de ces ressources dans
l’élaboration de la trousse d’information « Built Environment
Linkages Toolkit27 », qui présente aux autorités de santé de la
province les principes communs d’un milieu bâti sain. Sur cette
base, et d’après les données d’enquête (résumées à la rubrique des
Effets), nous conjecturons que le projet pourrait avoir contribué à
accélérer la concertation entre les autorités de santé régionales de
la C.-B. pour élaborer des messages et des démarches plus
uniformes dans leur travail sur le milieu bâti.
Selon les entrevues d’évaluation menées par le CCNPPS,
certains participants du projet ont acquis de nouvelles
connaissances sur la réaffectation possible des ressources
humaines au sein des autorités de santé pour appuyer la
collaboration à l’aménagement du territoire et à la planification
des transports. Deux ans après la fin du projet, au-delà de la
période d’évaluation décrite dans cet article, on voit des signes de
changement dans les structures des autorités de santé pour
faciliter la collaboration aux processus de planification. Par
exemple, certaines ont ajouté le milieu bâti aux sujets abordés
dans les descriptions de poste du personnel de santé
communautaire et des agents d’hygiène du milieu; deux autorités
de santé ont été jusqu’à créer une nouvelle équipe d’agents
d’hygiène du milieu (3,5 et 2,5 équivalents temps plein chacune)
qui se consacrent à travailler avec les administrations locales et
d’autres acteurs sur le milieu bâti et les politiques connexes. Ces
changements structurels ne peuvent être imputés uniquement à
la coalition Bâtir un Canada en santé, mais les représentants des
autorités de santé qui ont collaboré à la rédaction du présent
article conviennent que le projet a joué un rôle dans ces
changements.
Le projet a aussi jeté les bases de partenariats intersectoriels et
interorganisationnels. Une revue de la littérature spécialisée dans
le monde a permis de constater que ce type d’alliances, à l’échelle
locale et nationale, facilite beaucoup l’intégration de
considérations sanitaires dans les décisions d’aménagement du
territoire28. Des observations semblables ont été mises de l’avant à
titre anecdotique au Colorado (États-Unis). Là-bas, d’après leur
expérience de travail sur des dossiers d’aménagement du territoire,
les professionnels de la santé ont recommandé que la première
étape pour que les agents d’hygiène du milieu puissent influencer
le milieu bâti soit de tisser des liens avec les planificateurs et les
décideurs municipaux29. Au pays, la coalition Bâtir un Canada en
santé a favorisé le réseautage, l’échange des connaissances et la
collaboration entre les autorités de santé de la ColombieBritannique et des organismes semblables dans d’autres provinces.
À l’échelle locale, en Colombie-Britannique, l’initiative a été pour
les professionnels de la santé publique une occasion d’apprendre à
travailler avec des collègues des secteurs de l’aménagement du
territoire et de la planification des transports sur des enjeux qui
dépassent les égouts et la qualité de l’air et de l’eau.
À la fin du projet en 2012, on commençait à voir les signes de
l’influence du secteur de la santé dans les politiques et les
documents d’aménagement du territoire et de planification des
transports. D’octobre 2012 au printemps 2014, plusieurs autres
documents stratégiques de planification ont fait une place
importante à la santé. Le Plan communautaire officiel de la Ville
de Richmond, adopté en novembre 201230, la dernière version du
Plan communautaire officiel de la Ville de Surrey (en cours de
révision)31, le projet de Plan communautaire officiel de la Ville de
Chilliwack (en cours de révision)32 et le projet de Stratégie de
développement durable du District régional de la Capitale (en
cours de mise au point)33 en sont des exemples. Le prochain défi à
relever par le secteur de la santé en C.-B. sera de veiller à ce que
ces documents de planification de haut niveau soient bel et bien
appliqués, ce qui pourrait prendre plusieurs dizaines d’années.
Leçons apprises
Voici les principaux enseignements du projet :
1) Il faut du temps pour obtenir des résultats. Le
processus de changement nécessaire pour intégrer
pleinement et de façon productive un domaine de travail
nouveau et complexe, comme le milieu bâti, dans les modes
de fonctionnement des autorités de santé a exigé du temps et
une vision élargie de la santé. De plus, la plupart des
processus de planification communautaire s’étendent sur
plusieurs mois, sinon plusieurs années, et peuvent être
retardés par des facteurs politiques ou autres indépendants
de la volonté du secteur de la santé. Il a donc été très difficile
de produire des résultats stratégiques dans les délais du
projet. Dans les futures interventions de ce type, il faudrait
songer à prolonger le calendrier de mise en œuvre.
2) Il faut des rôles bien définis et une idée claire du
rôle spécifique de la santé et de son apport éventuel
au processus de planification. La nature intersectorielle
et pionnière de l’intégration des acteurs et des données
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS51
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
3)
4)
probantes de la santé dans l’aménagement du territoire et la
planification des transports a ajouté à la difficulté du projet.
Les deux années de mise en œuvre du projet étaient presque
écoulées quand les participants ont commencé à se faire une
idée de « qui doit faire quoi et quand ». Néanmoins, les
réponses à cet exercice de définition des rôles n’ont pu être
établies qu’avec l’expérience, en envoyant une petite équipe
d’ « adoptants précoces » sur le terrain. Cette approche
d’ « apprentissage par la pratique » a été difficile, mais elle a
beaucoup aidé les autorités de santé à déterminer les moyens
le plus efficaces d’influencer les décisions sur le milieu bâti.
On a notamment clarifié les rôles que les différents membres
du personnel des autorités de santé peuvent jouer pour
influencer les décisions sur le milieu bâti, les besoins en
ressources humaines, les lacunes à combler dans les données
probantes et la difficulté d’appliquer les preuves disponibles
sur la santé et le milieu bâti dans des recommandations de
politiques et de pratiques pour divers contextes (urbains,
suburbains et ruraux).
L’appui de la haute direction à ce domaine de
travail est erratique. Une autorité de santé a eu du mal à
s’impliquer pleinement dans le projet en raison du manque
d’appui aux projets de santé des populations (comme celuici), car la haute direction accordait la priorité aux initiatives
de soins actifs.
Il faut du temps pour favoriser une vaste adhésion
à ce nouveau domaine de travail au sein des
autorités de santé. Dans toutes les autorités de santé, il a
fallu plusieurs années pour rallier les gens et cultiver les
capacités internes de faire ce type de travail au sein des
autres services et du personnel. Étant donné la jeunesse du
portefeuille du milieu bâti au sein des autorités de santé et le
nombre relativement faible d’employés possédant des
compétences de pointe dans ce domaine pour l’instant, la
capacité de ces organismes de collaborer efficacement à
l’aménagement du territoire et à la planification des
transports est particulièrement vulnérable aux changements
de personnel.
Contraintes de l’évaluation de projet abordées dans le
présent article
Les taux de participation aux sondages d’auto-évaluation annuels
ont été plutôt faibles (60 %). C’est probablement parce que près
de 50 % des participants du projet étaient des médecins
hygiénistes, qui ont une très lourde charge de travail. Néanmoins,
les répondants ont fourni des réponses complètes et détaillées
aux questions ouvertes des sondages, ce qui a donné un précieux
aperçu de l’impact de la coalition Bâtir un Canada en santé en
Colombie-Britannique.
Des représentants des trois autorités de santé régionales ont
rempli les questionnaires d’évaluation en ligne et participé aux
entrevues d’évaluation menées par le Centre de collaboration
nationale sur les politiques publiques et la santé. Cependant, les
résultats présentés dans cet article pourraient ne pas être
généralisables en raison du petit nombre de participants du
projet.
Une autre contrainte a été l’absence de registres détaillés des
heures consacrées par les participants au projet (le travail « en
personne »). Dans le questionnaire d’évaluation en ligne de
novembre 2011, on a demandé aux participants du projet En
moyenne, quel pourcentage de votre temps de travail avez-vous
consacré aux activités du projet COALITION au cours d’un mois type?
Ici, les répondants avaient les choix de réponses suivants :
a) moins de 40 % de mon temps; b) entre 41 % et 79 % de mon
temps; et c) plus de 80 % de mon temps. Cette démarche ne nous
permet pas d’explorer les associations éventuelles entre le temps
consacré au projet par les employés participants des autorités de
santé et la réussite de l’initiative.
Nous avons aussi été limités par le faible taux de réponse des
collaborateurs du projet aux questionnaires d’évaluation en ligne.
En général, les collaborateurs étaient des membres du personnel
de planification des administrations locales servies par les
autorités de santé ayant participé au projet. Nous n’avons eu
aucun problème à collaborer avec les planificateurs des
administrations locales lors des réunions ou des dialogues portant
sur l’élaboration de politiques de planification directement
pertinentes pour leurs communautés et leurs descriptions de
tâches au quotidien, mais nous avons trouvé très difficile de les
convaincre de répondre au questionnaire d’évaluation. De plus,
une des autorités de santé a tenu un groupe de discussion de
deux heures avec ses collaborateurs clés, en octobre 2011, pour
évaluer le projet, ce qui pourrait avoir épuisé la volonté de ces
planificateurs de collaborer à d’autres activités d’évaluation,
comme le sondage en ligne. Les futurs efforts d’évaluation de
projets similaires devraient avant tout chercher à comprendre
comment améliorer le projet et le rôle des autorités de santé dans
les processus de planification du point de vue des planificateurs
des administrations locales ou d’autres collaborateurs clés,
comme les ONG de la santé.
Dans l’ensemble, le projet a beaucoup gagné à faire partie
d’une initiative pancanadienne. Comme l’a dit une
participante :
Le projet COALITION a été efficace pour [notre autorité de santé]
parce qu’il nous a permis de nous associer à un mouvement
pancanadien. […] À l’inter ne, dans le cadre de l’initiative
COALITION, nous avons été en mesure d’élaborer graduellement un
modèle pour la réalisation de nos travaux sur l’EBFS [environnement
bâti favorable à la santé] qui convient à [l’autorité de santé].
[…]L’initiative COALITION a fait mieux connaître le travail sur
l’EBFS en démontrant que nos travaux sur l’EBFS s’inscrivent dans le
cadre d’un mouvement de pratique progressive qui se produit partout
au pays.
Les études futures devraient miser encore davantage sur la
perspective nationale en examinant en quoi les structures de la
santé publique dans diverses provinces canadiennes (sources de
financement, liens avec les administrations locales, affiliations
avec les soins actifs, enveloppes budgétaires de santé
provinciales) facilitent ou entravent la participation efficace des
autorités de santé à l’aménagement du territoire et à la
planification des transports. L’information ainsi obtenue aiderait
à comprendre comment améliorer les structures de la santé
publique en Colombie-Britannique pour qu’elles appuient mieux
l’intégration des données probantes sur la santé dans les
décisions sur le milieu bâti et, en bout de ligne, pour qu’elles
favorisent les modes de vie sains et réduisent le risque de
maladies chroniques.
eS52 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
PROJET COALITION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE
RÉFÉRENCES
1.
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REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS53
INTERVENTION EN SANTÉ PUBLIQUE
La coalition Bâtir un Canada en santé : Leçons de la première phase
d’une initiative intersectorielle et interprovinciale sur le milieu bâti
Alice Miro, B.Sc.1, Natalie A. Kishchuk, Ph.D., É.A.2, Kim Perrotta, M.Sc.S.1, Helena M. Swinkels, M.D., F.R.C.P.C.3
RÉSUMÉ
OBJECTIFS : L’initiative Bâtir un Canada en santé (BUCS) du projet COALITION (Connaissances et action liées pour une meilleure prévention) promeut
l’édification de communautés favorables à la santé : 1) en facilitant l’intégration de données probantes sur la santé dans la prise de décisions sur le
milieu bâti; 2) en élaborant de nouveaux modèles et outils de collaboration intersectorielle; et 3) en favorisant une communauté de pratique nationale.
PARTICIPANTS : L’initiative a été élaborée et mise en œuvre par une coalition de professionnels de la santé publique, de chercheurs, de planificateurs
professionnels et de membres du personnel d’organisations non gouvernementales (ONG) de tout le Canada, qui en ont aussi été les participants.
LIEUX : Au cours de la première phase, les interventions de BUCS se sont déroulées pour la plupart dans de grands centres urbains et suburbains du
Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. Des activités nationales d’application et d’échange des connaissances (AEC) ont été offertes à
l’échelle locale et nationale.
INTERVENTION : Les participants du projet ont élaboré des outils ou des processus de collaboration entre les secteurs de la santé et de la planification
communautaire afin de renforcer les capacités du secteur de la santé d’influencer les décisions d’aménagement du territoire et de planification des
transports. L’élaboration d’outils et de processus s’est accompagnée d’essais pilotes, d’une évaluation, et de la diffusion des résultats et des leçons
apprises. En parallèle, les ONG impliquées dans la coalition BUCS ont mené des interventions d’AEC à l’échelle nationale.
RÉSULTATS : La première phase de BUCS a démontré la possibilité pour les organismes de santé publique d’influencer les déterminants du cancer et
des maladies chroniques liés au milieu bâti. Les autorités de santé publique ont tissé des liens avec plusieurs organismes qui interviennent dans les
décisions sur le milieu bâti : services de planification municipaux et régionaux, gouvernements provinciaux, organismes gouvernementaux fédéraux,
chercheurs, groupes communautaires et ONG. L’initiative a : 1) créé de nouveaux liens intersectoriels et entre les autorités de santé; 2) amélioré les
connaissances et les compétences nécessaires chez les professionnels de la santé publique pour influencer les processus d’aménagement du territoire;
3) amélioré la connaissance des données probantes sur la santé et l’intention de changer les pratiques chez les personnes prenant les décisions sur le
milieu bâti; et 4) facilité l’inclusion de considérations sanitaires dans les plans, les politiques et les décisions au palier local.
CONCLUSIONS : La première phase de BUCS a mobilisé les acteurs du milieu bâti (professionnels de la santé publique, planificateurs, chercheurs,
groupes communautaires et ONG) par des moyens susceptibles d’influencer à long terme les facteurs de risque pour la santé et les résultats de santé de
la population.
MOTS CLÉS : environnement et santé publique; relation interinstitutionnelle; conception de l’environnement; maladie chronique
Rev can santé publique 2015;106(1)(Suppl. 1):eS54-eS63.
U
n important corpus de données laisse croire que le
« milieu bâti » ou l’ « environnement bâti »
(l’aménagement et la conception physiques des
communautés) est fortement associé à certains facteurs de risque
pour la santé, comme les niveaux d’activité physique à des fins
récréatives et utilitaires1-4. En fait, le milieu bâti est bien connu
comme étant l’un des grands déterminants de la santé5-8. Il peut
favoriser la santé des populations non seulement en prévenant
l’exposition aux dangers environnementaux 9, mais aussi en
facilitant les pratiques qui préviennent ou qui limitent les
maladies chroniques (p. ex., accroître l’activité physique, appuyer
une alimentation saine, accroître la connexité sociale et réduire le
stress)10,11. Il existe aussi des indications que le milieu bâti peut
atténuer les inégalités de santé10,11.
L’initiative Bâtir un Canada en santé (BUCS) du projet
COALITION (Connaissances et action liées pour une meilleure
prévention) promeut l’édification de communautés canadiennes
qui encouragent les modes de vie sains. Avant le lancement de
BUCS, le travail des professionnels de la santé publique, des
chercheurs, des responsables des politiques et des groupes
communautaires du Canada pour promulguer des milieux bâtis
eS54 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
favorables à la santé était très peu coordonné entre les secteurs et
les autorités compétentes. La coordination était compliquée par la
multiplicité des ordres de gouvernement et des secteurs détenant
Affiliations des auteures
1. Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, Vancouver (Colombie-Britannique)
2. Program Evaluation and Beyond Inc., Montréal (Québec)
3. Fraser Health (Colombie-Britannique)
Correspondance : Alice Miro, Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du
Canada, 200-1212 West Broadway, Vancouver (Colombie-Britannique) V6H 3V2,
tél. : 778-372-8007, courriel : [email protected]
Remerciements : L’intervention en santé publique dont il est question dans cet
article a été rendue possible grâce à l’apport financier de Santé Canada octroyé à
Bâtir un Canada en santé dans le cadre du projet COALITION (Connaissances et action
liées pour une meilleure prévention) du Partenariat canadien contre le cancer, de
l’Institut canadien d’information sur la santé et du Réseau canadien pour la santé
urbaine. Les organismes suivants ont aussi offert une contribution en nature au projet :
Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, Fraser Health, Island Health, Vancouver
Coastal Health, Bureau de santé de la région de Peel, Santé publique Toronto,
Direction de santé publique de Montréal, Centre de collaboration nationale sur les
politiques publiques et la santé, Centre de collaboration nationale pour la santé
environnementale, Institut canadien des urbanistes et Agence de la santé publique du
Canada. Nous remercions les personnes suivantes, qui nous ont aidées à réviser le
manuscrit ou nous ont fourni des données : Marla Steinberg et Andi Cuddington
(anciennement du projet CAPTURE), Gene Chin (Fondation des maladies du cœur et
de l’AVC) et Heather Evans (Heather Evans Consulting).
Conflit d’intérêts : aucun à déclarer. Les points de vue exprimés dans cet article
sont ceux des auteures et ne reflètent pas nécessairement ceux des bailleurs de fonds
ni des partisans du projet.
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
COALITION BÂTIR UN CANADA EN SANTÉ PHASE I
Figure 1.
Modèle logique de Bâtir un Canada en santé
AEC : application et échange des connaissances; COALITION : Connaissances et action liées pour une meilleure prévention; FMC : Fondation des
maladies du cœur et de l’AVC; ASR : autorités de santé régionales.
N.B. : cette version du modèle logique a été simplifiée pour les besoins de cet article.
les leviers nécessaires pour aborder les milieux bâtis malsains8,12.
En outre, on faisait peu de chose pour évaluer ou diffuser les
méthodes, les constatations et les leçons apprises par les divers
organismes intervenant dans ce domaine. Les organismes de santé
publique avaient besoin d’informations fondées sur les preuves
pour exercer une influence au-delà de la santé environnementale
classique et faciliter l’intégration de considérations sanitaires dans
la hiérarchie des politiques, des plans et des pratiques
d’aménagement du territoire et des transports qui façonnent le
milieu bâti. Notre article décrit les activités et les effets
préliminaires de la première phase de l’initiative BUCS dans son
ensemble. Les résultats des activités constitutives de BUCS sont
abordés dans d’autres articles du présent supplément.
1)
OBJECTIFS
PARTICIPANTS, LIEU, INTERVENTION ET
ÉVALUATION
L’initiative BUCS a rassemblé des partenaires de divers secteurs et
de plusieurs provinces en un réseau coordonné et intégré axé sur
le milieu bâti et la santé. Financée par Santé Canada dans le cadre
du projet COALITION du Partenariat canadien contre le cancer, la
première phase de BUCS a réuni des spécialistes de la recherche,
de la pratique et des politiques de divers horizons pour faire fond
sur les efforts en cours dans ce domaine13. La première phase de
l’initiative avait trois objectifs :
faciliter l’intégration de données probantes sur la santé dans
la prise de décisions sur le milieu bâti;
2) élaborer de nouveaux modèles et outils de collaboration
intersectorielle;
3) favoriser une communauté de pratique nationale unissant
des planificateurs communautaires, des professionnels de la
santé publique et des organisations non gouvernementales
(ONG).
En bout de ligne, l’initiative visait à contribuer à la prévention
des maladies chroniques en faisant en sorte que les politiques et
les programmes de santé tiennent compte du milieu bâti, et que
les politiques et les pratiques sur le milieu bâti intègrent des
objectifs de santé des populations.
Population cible
De 2009 à 2012, les partenaires de BUCS ont mobilisé les secteurs
pouvant influencer les milieux bâtis 8 : la santé publique,
l’urbanisme et la planification des transports, les ONG et les
organismes communautaires. Ces secteurs se sont impliqués par
le biais d’organismes (les « partenaires de BUCS »). Entre 2 et
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS55
COALITION BÂTIR UN CANADA EN SANTÉ PHASE I
Tableau 1. Activités de la coalition Bâtir un Canada en santé (BUCS) de l’initiative COALITION (Connaissances et action liées pour
une meilleure prévention)
Type d’activité
(voir modèle logique)
Organismes meneurs
de BUCS
Exemples d’activités menées dans le cadre de BUCS
Élaboration de processus, de
liens et de mécanismes de
collaboration durables et
efficaces entre le secteur de la
santé, le secteur
communautaire et le secteur
de la planification
Bureau de santé de la région
de Peel
Intégré le savoir-faire en planification dans la santé publique en créant le poste de « facilitateur de
la planification en matière de santé » pour assurer la liaison entre le Service de planification et le
Service de santé publique.
Production d’outils et de
ressources pour appuyer
l’intégration de données
probantes sur la santé dans
la prise de décisions sur le
milieu bâti
Créé et saisi des occasions de collaborer avec les planificateurs des municipalités, dans la région
de Peel et à l’échelle provinciale, pour réussir à intégrer des concepts et des outils de santé dans
les initiatives et les politiques de planification en cours, p. ex., dans les lignes directrices sur la
conception durable de la Ville de Brampton.
Fraser Health, Vancouver
Coastal Health, Vancouver
Island Health
Intégré le savoir-faire en planification dans la santé publique en retenant les services d’une
consultante en planification ayant une expérience professionnelle au sein d’administrations
locales. Cette personne a aidé les autorités de santé à renforcer leur capacité de s’impliquer dans
les processus d’aménagement du territoire et de planification des transports. Entre autres activités
de renforcement des capacités, on a élaboré des ateliers et des outils de formation pour aider le
personnel des autorités de santé à travailler avec des planificateurs; et saisi les occasions pour les
autorités de santé de collaborer avec des planificateurs pour intégrer les concepts et les outils de
santé dans les initiatives et les politiques de planification en cours. Par exemple, le personnel des
autorités de santé a commenté la stratégie régionale de développement durable du District
régional de la Capitale, le plan communautaire officiel de la Ville de Surrey et le plan
communautaire officiel de la Ville de North Vancouver.
Direction de santé publique
de Montréal
Dressé l’inventaire et cartographié des interventions communautaires visant à promouvoir des
quartiers plus verts et plus propices à la marche dans le Grand Montréal et évalué un sousensemble de ces interventions. Au moyen de consultations et de forums, engagé un dialogue
avec les partenaires communautaires, la Ville de Montréal et ses arrondissements pour réfléchir
aux résultats et aux solutions susceptibles d’améliorer le potentiel piétonnier.
Réseau canadien pour la santé
urbaine (RCSU) et Institut
canadien des urbanistes (ICU)
Créé un répertoire national de ressources sur la santé et le milieu bâti. Il recense plus de
150 études de cas, lignes directrices, outils et articles scientifiques clés liés à la santé et au milieu
bâti. On peut l’interroger par sujet, par type de ressource, par population cible et par mot clé.
ICU
Élaboré le manuel Healthy Communities Practice Guide, qui oriente les planificateurs canadiens vers
des pratiques davantage fondées sur des données probantes et vers une collaboration accrue
entre les secteurs de la santé et de la planification.
Fondation des maladies du
cœur et de l’AVC et ICU
Préparé des mémoires de recherche sur le milieu bâti et la santé, Built Environment & Health:
A Summary of Canadian Health and Built Environment Research (2007 à 2011), organisés selon des
thèmes pertinents pour la pratique de l’urbanisme au quotidien.
Bureau de santé de la région
de Peel
Géré le peaufinage, la validation et l’essai pilote d’un « indice de développement sain ». Il s’agit
d’un ensemble de cibles et d’intervalles éclairés par des données probantes pour divers éléments
du milieu bâti; il peut servir à formuler des recommandations sanitaires uniformes et quantifiables
pour les décisions de planification.
Géré l’élaboration d’un « cadre d’étude de base sur la santé ». Cet outil à l’intention des
promoteurs et des autorités de planification présente une justification et des recommandations
précises pour intégrer les considérations sanitaires dans les processus d’aménagement du
territoire aux stades de la demande de plan d’aménagement et des politiques préalables.
Direction de santé publique
de Montréal
Élaboré et validé un « audit de potentiel piétonnier » à l’intention des organismes
communautaires, un outil éclairé par les données probantes pour évaluer le potentiel de tronçons
de rues de favoriser les déplacements à pied ou en fauteuil roulant.
Santé publique Toronto
Géré l’élaboration, la mise en œuvre et l’analyse d’un sondage sur les préférences résidentielles
mené dans la région du Grand Toronto et la région métropolitaine de Vancouver. Le sondage
portait sur les préférences des résidents pour les quartiers propices à la marche ou pour les
quartiers orientés vers l’automobile.
Produit le rapport stratégique The Walkable City (2012), fondé sur les résultats du sondage, pour
accompagner les commentaires formulés sur le Plan officiel de Toronto.
Santé publique Toronto
Géré le développement et l’essai pilote d’un prototype logiciel qui estime l’impact de divers
scénarios d’aménagement du territoire et de planification des transports sur les niveaux d’activité
physique, les modes de transport et les émissions de gaz à effet de serre. Cet outil a été
développé à Toronto, mis à l’essai pour la proposition d’aménagement du quartier Donlands
West à Toronto et mis à l’essai à Surrey, en Colombie-Britannique.
Santé publique Toronto a utilisé les résultats du logiciel pour formuler des commentaires sur le
Plan officiel de Toronto et le plan torontois des parcs et loisirs. Ces résultats ont aussi étayé deux
rapports stratégiques publiés en 2012 :
• The Walkable City Policy; et
• Towards Healthier Apartment Neighbourhoods.
Activités et produits
d’application et d’échange
des connaissances (AEC) à
l’échelle nationale
Fondation des maladies du
cœur et de l’AVC, RCSU,
Centre de collaboration
nationale sur les politiques
publiques et la santé et ICU
Mené diverses activités d’AEC, par exemple :
Créé trois grands sites Web sur la santé et le milieu bâti; donné des présentations lors de
conférences et de webinaires à l’intention des professionnels de la planification et de la santé
publique; et diffusé les effets, les réflexions et les leçons apprises du projet dans des revues
professionnelles, des bulletins, des revues évaluées par des pairs et des rapports.
eS56 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
COALITION BÂTIR UN CANADA EN SANTÉ PHASE I
10 permanents ou bénévoles de chaque organisme partenaire (les
« participants de BUCS ») ont été directement impliqués dans les
initiatives de BUCS. Les partenaires et les participants étaient :
1) Six autorités de santé – la Direction de santé publique de
Montréal, Santé publique Toronto, le Bureau de santé de la
région de Peel, Fraser Health, Vancouver Coastal Health et
Island Health (qui s’appelait alors Vancouver Island Health
Authority). Ces organismes sont membres du Réseau
canadien pour la santé urbaine, lequel aborde les problèmes
de santé publique que les populations urbaines ont en
commun. Le personnel participant de ces autorités de santé
comptait des directeurs de santé publique ou des médecins
hygiénistes (DSP-MH), ainsi que des directeurs, des
gestionnaires et des coordonnateurs travaillant dans les
domaines de la santé environnementale, de la mobilisation
communautaire, de l’analyse décisionnelle, de la promotion
de la santé et du développement communautaire.
2) Quatre organismes nationaux – la Fondation des
maladies du cœur et de l’AVC, le Réseau canadien pour la
santé urbaine (RCSU), le Centre de collaboration nationale
sur les politiques publiques et la santé et l’Institut canadien
des urbanistes (ICU). Ces organismes ont accès à quelquesuns des principaux secteurs à cibler pour obtenir un milieu
bâti plus sain. Le personnel participant de ces organismes
comptait un directeur des politiques, deux documentalistes
et un directeur des politiques et des affaires publiques.
Plusieurs planificateurs professionnels ont participé
bénévolement par l’entremise du Comité sur les collectivités
saines de l’ICU, et plusieurs DSP-MH se sont portés
volontaires par le biais du RCSU.
Les participants de BUCS ont consulté ou collaboré avec de
nombreux acteurs du milieu bâti : planificateurs municipaux ou
régionaux, chercheurs, fonctionnaires provinciaux et fédéraux,
représentants d’associations du secteur privé, résidents et personnel
d’organismes communautaires et d’ONG intervenant dans des
initiatives sur le milieu bâti. Ces personnes et leurs organismes sont
considérés comme étant les « collaborateurs de BUCS ».
Le degré d’implication des collaborateurs a beaucoup varié
d’une autorité de santé à l’autre et au fil du temps. Dans trois
régions sanitaires sur six, ils ont été impliqués dès le début du
projet, par exemple en aidant à rédiger l’énoncé des travaux de
certaines activités, à sélectionner les entrepreneurs du projet et à
identifier les acteurs privilégiés. Dans ces cas, les collaborateurs
ont souvent continué à s’impliquer activement jusqu’à la fin du
projet, en participant aux réunions hebdomadaires ou
mensuelles, en ayant des échanges fréquents avec les participants
de BUCS et en collaborant au travail « pratico-pratique » de
l’analyse décisionnelle, de la mobilisation des acteurs et de
l’élaboration des outils. Dans une région sanitaire, les
collaborateurs sont beaucoup intervenus au début du projet, pour
cerner les besoins et définir la portée des travaux, mais plus
sporadiquement durant la mise en œuvre. Enfin, dans les deux
autres régions sanitaires, les collaborateurs ont participé à des
consultations ponctuelles à deux étapes ou moins du projet.
Lieu
Les six autorités de santé ayant participé à la phase 2009–2012 de
BUCS sont responsables de la santé publique de plus de
9 millions d’habitants de quelques-uns des plus grands centres
urbains et suburbains du Canada, soit environ le quart de la
population canadienne. Bien que la plupart des outils et des
processus élaborés durant la première phase de BUCS se soient
appliqués à des milieux urbains ou suburbains, certaines
ressources ont été élaborées pour le milieu rural. Les activités
d’application et d’échange des connaissances (AEC) se sont
déroulées dans le Grand Victoria, le Grand Vancouver, le Grand
Toronto et le Grand Montréal et à l’échelle nationale.
Intervention en santé publique
D’octobre 2009 à mars 2012, les participants de BUCS ont élaboré
et mis en œuvre un ensemble d’activités régionales,
interrégionales et nationales visant à obtenir l’ensemble d’effets
communs illustré dans le modèle logique de BUCS (figure 1). Les
interventions étaient surtout axées sur le renforcement des
capacités de la santé publique d’intégrer des données probantes
sur la santé dans les documents d’aménagement du territoire et
de planification des transports.
Les types d’activités menées par les partenaires et les
collaborateurs de BUCS sont résumés dans le tableau 1.
Méthode d’évaluation et effets mesurés
Le groupe de travail chargé de l’évaluation de BUCS, composé de
participants du projet intéressés à en superviser l’évaluation, était
animé par une évaluatrice professionnelle. L’initiative BUCS dans
son ensemble est un amas de projets régionaux et nationaux
(tableau 1). Les répondants de l’évaluation se sont penchés sur les
volets de BUCS auxquels ils avaient directement participé; leurs
réponses aux sondages et leurs commentaires lors des entrevues
sont présentés ici globalement. L’évaluation a porté sur les
extrants et les effets préliminaires, sachant que les changements
au milieu bâti pouvant affecter les facteurs de risque de maladies
chroniques ne seraient pas observables au cours des trois ans du
projet. Pour les effets préliminaires, on a mesuré :
• La création de liens intra- et intersectoriels,
interorganisationnels et interprovinciaux;
• Les connaissances accrues et les compétences améliorées pour
pouvoir influencer les milieux bâtis afin de promouvoir la
santé;
• L’accroissement de la sensibilisation et de l’engagement à tenir
compte de la santé dans les décisions sur le milieu bâti;
• L’inclusion de préoccupations sanitaires dans les plans, les
politiques et les décisions sur le milieu bâti.
La collecte de données a été intégrée dans une évaluation du
programme de financement du projet COALITION menée en
parallèle par le Partenariat canadien contre le cancer.
Participants
Les participants de BUCS ont fourni des données d’évaluation en
répondant à des sondages et en se prêtant à des entrevues :
• Sondage en ligne de décembre 2010 : 13 répondants, taux de
réponse de 56 %. Les répondants étaient des DSP-MH et des
membres du personnel des autorités de santé.
• Sondage en ligne de novembre 2011 : 21 répondants, taux de
réponse de 78 %. Les répondants étaient principalement des
DSP-MH et des membres du personnel des autorités de santé,
dont 6 (29 %) avaient participé au sondage de 2010.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS57
COALITION BÂTIR UN CANADA EN SANTÉ PHASE I
Tableau 2. Nombre de collaborateurs de Bâtir un Canada en
santé, par secteur
Nb en 2011
Nb en 2012
2
5 (plusieurs
ministères dans
5 provinces)
Gouvernements provinciaux
Administrations de municipalités
et de villes
6
33
Autorités régionales, de district ou de comté,
dont des conseils scolaires et des
autorités de transport
3
24
Autorités de santé
0
9
Organisations non gouvernementales
(nationales, provinciales, régionales ou locales)
4
10 (principalement
au Québec)
Chercheurs ou unités universitaires
0
9
Associations et sociétés du secteur privé
(planification, conception, génie,
bâtiment)
13
13
Fondations
0
3
5
Interactions nulles ou minimes
Nb. de liens par répondant
Collaborateurs par secteur
6
Réseautage
4
Coordination
Coopération
Collaboration
3
2
1
Sources : Nomination d’organismes partenaires par les régions sanitaires;
Cross-CLASP Monitoring Form (le registre tenu par la gestionnaire de projet de
BUCS tout au long de l’initiative).
• Entrevues en personne, en groupes semi-structurés ou au
téléphone de janvier et février 2012 : 10 entrevues avec
12 chefs d’équipe du projet dans toutes les autorités de santé
sauf une.
• Exploration par courriel des impacts décisionnels (6 entrevues
en ligne menées par le Centre de collaboration nationale sur les
politiques publiques et la santé avec les participants du projet
de chacune des six autorités de santé).
0
2010 :
Lien
antérieur
Figure 2.
2010 :
Lien
actuel
2011 :
Lien
antérieur
2011 :
Lien
actuel
Nature des liens entre les participants de BUCS
Source : sondages en ligne administrés en décembre 2010 et
novembre 2011 aux partenaires de l’initiative BUCS (n=13 et
21 respectivement, taux de réponse de 56 % et 78 %
respectivement). Le nombre de liens par participant au
sondage avant et après BUCS était plus élevé en 2011 qu’en
2010 en raison du plus grand nombre total de participants du
projet et du taux de réponse plus élevé en 2011.
Contraintes
Collaborateurs
Les collaborateurs de BUCS ont fourni des données d’évaluation
en répondant à des sondages et, dans un cas, en participant à un
groupe de discussion :
• Sondage en ligne de mai 2011 : 34 répondants, taux de réponse
de 49 %.
• Sondage en ligne de janvier 2012 : 52 répondants (taux de
réponse de 42 %), dont 14 (27 %) avaient participé au sondage
de 2011.
Les collaborateurs ayant répondu aux sondages étaient, les
deux années, le plus souvent des fonctionnaires municipaux
(52 % en 2011 et 56 % en 2012), mais aussi des fonctionnaires
provinciaux et des membres du personnel des autorités
régionales (p. ex., autorité de transport régionale), d’ONG ou de
groupes communautaires, des citoyens et des membres du
personnel d’entreprises privées (en 2011 seulement dans ce
dernier cas).
• Groupe de discussion avec 8 planificateurs municipaux et
membres du personnel d’une autorité de santé régionale.
Impact des activités d’AEC
• Les personnes ayant assisté aux ateliers ou aux présentations de
BUCS ont été invitées à remplir un questionnaire après
l’activité (n=356, dont 50 %, 22 % et 26 % respectivement
provenaient des secteurs de la planification, de la santé et
d’autres secteurs – élus, citoyens et membres d’ONG).
• En tout temps, la gestionnaire de projet de BUCS a tenu un
registre des activités d’AEC et des organismes mobilisés dans le
cadre de BUCS, y compris les collaborateurs.
L’évaluation comportait des contraintes, dont certaines étaient
dues à la nature de l’intervention à l’étude. Nous les présentons ici
pour que les lecteurs puissent en tenir compte en lisant les
résultats. Premièrement, la population des organismes participants
et des organismes collaborateurs a évolué au fil du temps, à la fois
parce que l’on a adapté l’intervention pour saisir les occasions
pour la santé publique de s’impliquer dans les systèmes de
planification, et en raison du roulement et de la réorganisation du
personnel (les représentants des organismes ont parfois changé
avec le temps). Les données d’enquête sont donc une
représentation transversale de la situation à certains points dans le
temps et non des changements au fil du temps. Certaines
contraintes sont inhérentes à la recherche organisationnelle : les
points de vue de chaque répondant peuvent ne pas refléter ceux
de tout l’organisme, et les populations des organismes sont
beaucoup plus petites que celles des individus, ce qui limite les
tailles d’échantillon possibles. Le faible taux de réponse aux
sondages était une autre contrainte clé. Les taux déclarés ici sont
basés sur la population complète des personnes invitées à
participer aux sondages; or, certaines d’entre elles peuvent avoir
été relativement peu impliquées dans l’initiative BUCS au
moment du sondage, ce qui peut avoir réduit leur intérêt à y
répondre. Globalement toutefois, à notre connaissance des
organismes impliqués, les points de vue de tous les principaux
participants et collaborateurs sont représentés dans les données.
RÉSULTATS
À la fin du projet en septembre 2012, BUCS avait produit deux
grands extrants et quatre grands effets.
eS58 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
COALITION BÂTIR UN CANADA EN SANTÉ PHASE I
Tableau 3. Interactions ou pourparlers ayant aidé les secteurs de la santé et de la planification à collaborer plus étroitement
Type de pourparlers ou d’interaction
% étant d’accord ou tout-à-fait d’accord
2011 (n=34)
2012 (n=46)
Faire participer BUCS ou [une autorité de santé] à nos réunions ou activités
Appui général et alliance stratégique
Partage des connaissances, conseils techniques, expertise ou recommandations
Utilisation d’outils, de ressources ou d’autres types de produits du savoir créés par BUCS
90 %
78 %
71 %
44 %
45 %
48 %
61 %
44 %
Source : Sondages auprès des collaborateurs, mai 2011 et janvier 2012. Les valeurs de n par question en 2012 variaient selon le type de lien entretenu.
1er extrant : La portée intersectorielle et les mécanismes
de collaboration de BUCS
Dans le cadre des projets et des interventions susmentionnés,
BUCS a travaillé avec plus de 100 organisations, organismes
gouvernementaux et services (tableau 2). En outre, plus de
4 000 élus, citoyens et professionnels de la planification, de la
santé, de l’environnement et de la sécurité alimentaire ont assisté
aux ateliers, présentations et activités publiques offerts
localement par BUCS.
2e extrant : Les nouveaux outils et méthodes
On a élaboré plusieurs outils et méthodes dans le cadre de BUCS :
• Un jeu d’outils et de méthodes utilisés par les autorités de santé
pour justifier leur implication dans les processus
d’aménagement du territoire et de planification des transports
ou pour faciliter l’inclusion de données probantes sur la santé
dans les décisions d’aménagement du territoire;
• Des données probantes canadiennes pour combler des lacunes
importantes sur les préférences résidentielles et l’impact de la
conception du quartier sur les modes de déplacement, les
niveaux d’activité physique et les kilomètres-véhicule
parcourus;
• Des documents et des sites Web d’AEC pour appuyer la
diffusion de ces produits du savoir.
Plusieurs des outils et méthodes élaborés pour cette initiative
sont les premiers du genre au Canada. Comme la plupart des
outils produits par BUCS n’ont pas été disponibles avant la fin de
la période de financement, il n’a pas été possible d’en mesurer le
recours ou l’utilisation.
À la fin du projet, BUCS avait produit quatre grands effets.
1er effet : Les liens intersectoriels
Les participants de BUCS ont tissé des liens intra- et intersectoriels, mais aussi interorganisationnels et interprovinciaux.
Ils ont évalué la fréquence relative de cinq niveaux d’intensité des
liens entre les participants du projet avant et après le lancement
de l’initiative : interactions nulles ou minimes, réseautage,
coordination, coopération et collaboration. La forme la plus
commune de liens actuels (c.-à-d. après le lancement) aux deux
points dans le temps était le réseautage (figure 2). Dans le
sondage de 2011, les répondants ont indiqué que leurs liens
étaient passés des interactions nulles ou minimes à tous les autres
types d’interactions, le plus remarquablement la collaboration.
On observe un changement perçu semblable dans les données de
2010, mais pas de saut de l’interaction nulle à la coopération.
Comme nous l’avons indiqué à la rubrique des contraintes, il ne
faut pas inférer de changements au fil du temps entre les deux
sondages.
Voici les mécanismes de collaboration qui se sont développés
entre les secteurs de la santé publique et de la planification :
• Créer ou saisir des occasions (réunions de cadrage,
consultations communautaires) pour le personnel de santé
publique de mieux connaître les processus de planification et
d’y contribuer de façon informelle;
• Créer ou saisir des occasions pour le personnel de santé
publique d’examiner officiellement les projets de documents de
planification afin de départager les choix d’aménagement selon
« l’optique de la santé »;
• Créer des protocoles d’entente pour faire de la santé publique
un membre proactif de l’équipe de planification.
Ces constatations sont étayées par d’autres données d’enquête.
En 2011 par exemple, 90 % des répondants au sondage (n=20)
ont convenu qu’en raison de leur participation à l’initiative
BUCS, ils connaissaient mieux les autres organismes travaillant
dans le domaine. De même, 75 % des répondants au sondage de
2011 (n=20) ont dit avoir formé de nouveaux partenariats ou tissé
des liens avec d’autres organismes.
Les données qualitatives font état de défis dans la création et la
préservation de liens. Du point de vue des collaborateurs, leurs
échéanciers et leurs impératifs internes, dont les cycles électoraux
municipaux, ont beaucoup compliqué les prises de contact avec
la santé publique. Comme l’a noté un collaborateur : Nous avons
réussi à intégrer les documents fournis par [la santé publique], mais les
occasions manquées ont été nombreuses à cause de nos délais ridicules.
Aussi, l’horaire de nos réunions changeait constamment; il était
difficile de vraiment coordonner la participation de [la santé publique]
à notre équipe de planification.
Les maillages établis entre la santé publique et le secteur du
milieu bâti ont souvent impliqué plusieurs niveaux intra- et
interorganisationnels :
• Au sein de la santé publique, entre les rôles des DSP-MH et du
personnel professionnel. Dans plusieurs régions, le personnel
de santé publique a tissé des liens avec les planificateurs
municipaux, et les DSP-MH ont monté des plateformes pour
influencer les élus ou les organismes publics. Quand les
planificateurs faisaient déjà la promotion de l’environnement
bâti favorable à la santé (EBFS), cette action à deux niveaux a
été particulièrement efficace. Des planificateurs ont indiqué,
par exemple, que : En se préparant à lancer le processus [de
planification], l’équipe de planification de la ville était consciente
que lorsqu’un bureau de santé se prononce de façon objective et
impartiale – et qu’il parle au nom de la santé du public – ça aide
vraiment à justifier les initiatives municipales et le processus [de
planification].
• Au sein de la santé publique, entre la pratique classique de la
santé environnementale comme protection de la santé et le
nouvel accent sur la promotion de la santé par le milieu bâti.
Par exemple, dans une évaluation d’un atelier interne, les
agents d’hygiène du milieu n’avaient pas tous la même
connaissance du domaine de l’EBFS et ont suggéré qu’il fallait
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS59
COALITION BÂTIR UN CANADA EN SANTÉ PHASE I
Tableau 4. Points de vue des collaborateurs sur les résultats des réunions ou des activités de Bâtir un Canada en santé
Type de résultats
Nb étant d’accord ou tout-à-fait d’accord
2011 (n=26)
2012 (n=34)
J’ai eu la possibilité de resserrer un lien ou d’en tisser un nouveau.
Ma conscience de l’enjeu ou ma réflexion à ce sujet a changé.
Mes connaissances se sont accrues.
Mes compétences se sont accrues.
Mon attitude a changé.
88 %
69 %
62 %
46 %
23 %
73 %
74 %
94 %
67 %
50 %
Source : Sondages auprès des collaborateurs, mai 2011 et janvier 2012. Les valeurs de n par question en 2012 variaient selon le type de lien entretenu.
encore clarifier les rôles : Je ne vois pas encore très bien comment
le Service de protection de la santé peut mettre en œuvre des
initiatives d’EBFS; on pourrait avoir un rôle à jouer, mais lequel
exactement? Ce n’est pas encore très clair.
• Au sein des autorités de santé régionales, entre la santé
publique et le système de santé axé sur les soins curatifs. Le
personnel de santé publique a indiqué qu’il était Difficile de
convaincre nos gens…. ce n’est pas vu comme faisant partie de notre
mandat.
• Entre des régions sanitaires contiguës qui partagent certains
partenaires ou intérêts municipaux ou régionaux. Des
questions ont été soulevées quand les régions contiguës
n’avaient pas la même approche ou la même volonté de
travailler sur le milieu bâti et la santé. Dans un cas, ceci a
poussé deux bureaux de santé publique impliqués dans
l’initiative BUCS à dissocier leur travail.
• Dans une relation à trois : mobiliser le secteur communautaire
pour plus tard utiliser la mobilisation citoyenne pour
influencer les municipalités.
Dans l’ensemble, bien que des liens se soient tissés, on ignore
s’ils seront durables – surtout après la fin du financement du
projet COALITION.
Certains mécanismes par lesquels le secteur de la santé peut
mobiliser d’autres secteurs autour des enjeux du milieu bâti
pourraient être plus efficaces. En 2011, les collaborateurs ont dit
que le fait de faire participer BUCS à leurs réunions ou activités
était l’élément le plus efficace de la relation de travail, tandis
qu’en 2012, ils jugeaient que le partage des connaissances, les
conseils techniques, l’expertise ou les recommandations étaient
plus efficaces (tableau 3). Dans les entrevues, le rôle de
planificateur ou de planificatrice intégré(e) dans la santé publique
était vu comme étant particulièrement utile pour tisser des liens.
Par exemple, une personne interrogée a indiqué : Notre plus
grande réussite a été de pouvoir siéger à différents comités; en
connaissant les rouages de la planification, nous avons pu demander
d’en faire partie. Les deux années, l’utilisation des outils, des
ressources ou d’autres types de produits du savoir créés par BUCS
a été évaluée par les collaborateurs externes comme étant
l’élément le moins susceptible d’avoir aidé à tisser des liens plus
étroits entre les secteurs de la santé et de la planification.
2e effet : Les connaissances accrues et les compétences
améliorées
BUCS a accru les connaissances et amélioré les compétences des
participants et collaborateurs pour qu’ils puissent influencer le
milieu bâti afin de promouvoir la santé :
• 89 % et 70 % des répondants de 2010 et 2011, respectivement,
ont dit mieux connaître la relation entre le milieu bâti et la
santé en raison de BUCS;
• 62 % et 80 % des répondants de 2010 et 2011, respectivement,
se sont dits plus compétents pour travailler avec des partenaires
de l’extérieur de la santé publique à améliorer le milieu bâti.
Les résultats des sondages en ligne auprès des collaborateurs de
BUCS ont été semblables :
• 56 % et 83 % des répondants de 2010 et 2011, respectivement,
ont dit mieux connaître la relation entre le milieu bâti et la
santé en raison de BUCS;
• 56 % et 67 % des répondants de 2011 et 2012, respectivement,
se sont dits plus compétents pour travailler avec des partenaires
de l’extérieur de la santé publique à améliorer le milieu bâti;
• 68 % et 65 % des répondants de 2011 et 2012, respectivement,
se sont dits plus compétents pour travailler avec leur organisme
à aborder la santé par le biais du milieu bâti.
Pour les collaborateurs municipaux, l’un des résultats de leurs
relations avec la santé publique dans le cadre de BUCS a consisté
à démystifier la nature de l’organisme de santé publique et son
rôle dans le milieu bâti. Un de ces collaborateurs a déclaré par
exemple : Je pense que les gens comprennent mieux qu’un autre
partenaire peut contribuer à un processus de planification municipal,
non seulement comme « acteur », mais comme un véritable
partenaire… Je pense que mon organisme avait du mal à comprendre le
meilleur moyen d’impliquer [la santé publique]; ce projet n’est pas
parfait, mais il a aidé à faire la lumière sur ce qui a fonctionné ou pas;
je pense que c’est positif quand on songe à des partenariats futurs.
3e effet : L’accroissement de la sensibilisation et de
l’engagement à tenir compte de la santé dans les
décisions sur le milieu bâti
Chez les acteurs de l’extérieur du milieu de la santé, BUCS a accru
la sensibilisation et l’engagement à tenir compte de la santé dans
le milieu bâti. On a demandé aux participants aux ateliers et aux
activités d’AEC d’évaluer s’ils étaient susceptibles de modifier
leurs pratiques en raison de ce qu’ils avaient appris. Sur les
166 personnes du secteur de la planification qui ont assisté aux
13 ateliers de BUCS, 92 % ont dit être assez ou très susceptibles de
modifier leurs pratiques en raison de ce qu’ils avaient appris. En
réponse aux questions sur l’impact de leur présence aux réunions
ou aux activités organisées par BUCS, les collaborateurs étaient le
plus susceptibles de convenir que cette présence avait eu un
impact sur les connaissances ou le réseautage (tableau 4).
Les faibles notes attribuées aux changements dans les attitudes
pourraient s’expliquer par la sous-estimation par la santé
publique du haut niveau d’appui préexistant aux concepts de
l’environnement bâti favorable à la santé (EBFS), comme
l’indique ce commentaire d’un collaborateur du domaine de la
planification : Nous savions déjà qu’il y avait un lien entre la forme
urbaine et la santé; nous appuyons les efforts en ce sens, mais étant
donné notre contexte et le besoin de juger chaque situation à son
eS60 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
COALITION BÂTIR UN CANADA EN SANTÉ PHASE I
mérite, nous ne pouvions pas faire grand chose de plus. Une
participante issue de la santé publique a indiqué, au sujet de ses
consultations initiales avec les planificateurs : Nous avons été
surpris par le message très clair des urbanistes lors de cette journée : ils
ont tous compris les avantages de l’EBFS et de l’intégration des
principes d’EBFS dans la politique municipale et n’avaient pas besoin
de plus d’information sur le sujet. Ils avaient plutôt besoin d’un
soutien de la part des autorités de santé pour l’élaboration et la mise en
œuvre de politiques.
4e effet : L’inclusion de préoccupations sanitaires dans
les plans, les politiques et les décisions sur le milieu bâti
Selon l’évaluation, l’initiative BUCS a contribué à inclure les
préoccupations relatives à la santé dans les plans, les politiques et
les décisions sur le milieu bâti. À la fin de la première phase du
projet, dans la région de Peel et la région métropolitaine de
Vancouver, il y a eu des indications selon lesquelles les plans
régionaux et municipaux ont fait référence à la santé en raison de
BUCS. Dans Peel, par exemple, cinq politiques régionales et trois
politiques de planification municipales ont été modifiées pour
faciliter l’application du « cadre d’étude de base sur la santé »
élaboré par le Bureau de santé de la région de Peel à la faveur du
projet BUCS. Le plan communautaire officiel du District de
North Vancouver, qui reconnaît formellement le rôle de l’autorité
de santé locale dans l’élaboration de ce document de politique,
en est un autre exemple.
Voici quelques exemples, tirés du sondage de 2012 auprès des
collaborateurs, de l’application de nouvelles connaissances à
l’élaboration ou à l’examen de plans, de lignes directrices ou
d’évaluations : Durant l’élaboration du nouveau Plan communautaire
officiel et des plans secondaires (plans de quartier, de couloirs de
verdure, de sentiers pédestres etc.), notre partenariat a rehaussé la prise
en compte des conséquences sanitaires de différentes politiques; et Mon
organisme favorise l’inclusion de politiques de conception de collectivités
saines dans les plans officiels locaux et les plans secondaires. Nous
avons créé une liste de contrôle des éléments de conception sains pour
examiner les grandes propositions d’aménagement. En entrevue, une
participante de BUCS a indiqué : Selon des employés municipaux, le
support de [la santé publique] pour plusieurs politiques en matière
d’environnement bâti a été instrumental; si [la santé publique] n’était
pas un fervent défenseur des politiques […] pour des quartiers centraux
connectés et le transport actif, il est fort possible que ces politiques aient
été diluées dans le plan.
Défis et réussites de la prestation de BUCS
Certains des défis de la première phase de BUCS ont découlé de la
complexité de travailler sur les enjeux liés au milieu bâti à une
échelle interprovinciale. Les interventions de BUCS ont été
menées par des autorités de santé situées dans trois provinces où
les structures de santé publique, les lois sur l’aménagement du
territoire et les liens entre les municipalités locales et régionales
sont différents. Par exemple, l’une des deux autorités de santé
basées en Ontario fonctionne comme un service dans une
municipalité régionale à deux paliers, tandis que l’autre
fonctionne comme une direction au sein d’une municipalité
locale à palier unique. Au Québec et en Colombie-Britannique,
les autorités de santé participant à BUCS fonctionnent
indépendamment des administrations locales et régionales.
Au début de l’initiative BUCS, l’expérience professionnelle sur
la santé et le milieu bâti, la capacité de faire ce genre de travail, la
participation à ce travail et la connaissance des concepts liés à ce
travail étaient différentes au sein des six autorités de santé
publique. Il a donc été difficile de trouver des projets communs
dont la prestation pouvait être assurée par toutes les autorités de
santé; il en est résulté une grande diversité d’interventions.
L’élaboration d’une structure de dotation et de gouvernance
adaptée à ce vaste projet novateur s’est avérée complexe et a pris
plus d’un an. Gérer l’administration, l’évaluation, les activités
d’AEC et le développement de partenariats pour la première
phase de BUCS a exigé deux équivalents temps plein, et non un
seul comme prévu à l’origine. Il a fallu plusieurs tentatives et
restructurations avant d’en arriver à une structure de
gouvernance efficiente qui permette à tous les partenaires de
BUCS de se prononcer sur l’orientation du projet et d’en
influencer les décisions clés.
CONCLUSION
La première phase du projet BUCS a été révolutionnaire, car elle a
uni des acteurs du milieu bâti et de la santé autrefois disparates
en un réseau pancanadien. Les ressources de l’initiative et son
alliage unique de la recherche, des politiques et des pratiques a
permis aux professionnels des secteurs de la planification, de la
santé publique et des ONG de collaborer à des projets aux paliers
local et national; elle a permis aux professionnels de la santé
publique de différentes provinces de collaborer à des projets sur le
milieu bâti; et elle a justifié que l’on oriente la recherche
appliquée vers les lacunes dans les politiques sur le milieu bâti.
Malgré ses contraintes, l’évaluation de BUCS a apporté des
perspectives intéressantes quant à savoir si le projet a mis les
participants de BUCS « sur la bonne voie » pour atteindre
l’objectif à long terme de l’initiative : la prévention des maladies
chroniques.
De 2009 à 2012, BUCS a contribué à accélérer les modifications
au milieu bâti favorisant la santé au Canada, en partie en jetant
les bases d’un réseautage et d’une coordination sur cet enjeu
entre les autorités de santé, les planificateurs et les ONG. On
associe souvent les changements communautaires et systémiques
à la mise en œuvre de partenariats de collaboration 14. C’est
pourquoi BUCS a été le fondement d’alliances stratégiques et de
partenariats intersectoriels qui pourraient entraîner des
changements généralisés au milieu bâti. Bien que les initiatives et
les stratégies élaborées durant la phase 1 de BUCS aient
principalement porté sur le Canada urbain, elles pourraient aussi
s’appliquer au milieu rural et aux environnements bâtis du
monde entier.
Les collaborateurs de BUCS ont trouvé que le partage de
connaissances, de conseils techniques, de savoir-faire ou de
recommandations en personne étaient les tactiques les plus
susceptibles d’avoir aidé les secteurs de la santé et de la
planification à collaborer plus efficacement et à produire des
effets sur les politiques locales. Par contre, la forme plus classique
de transfert des connaissances en santé publique, par la diffusion
unidirectionnelle de documents d’un secteur (la santé) à l’autre
(la planification), était jugée comme étant la moins efficace pour
faciliter la collaboration intersectorielle. Cette stratégie pourrait
avoir accru les connaissances fondamentales nécessaires, mais elle
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS61
COALITION BÂTIR UN CANADA EN SANTÉ PHASE I
n’est pas suffisante, en soi, pour tisser des liens qui alimentent
une collaboration intersectorielle. Cette observation fait ressortir
l’importance d’affecter des ressources humaines et d’établir des
mécanismes intersectoriels pour entretenir les liens, échanger les
connaissances, dialoguer, agir conjointement et élaborer des
ressources en concertation.
La première phase de l’initiative BUCS a aussi rehaussé la
connaissance spécialisée du contenu et les compétences des
organismes de santé publique participants pour qu’ils puissent
communiquer avec les planificateurs municipaux et régionaux et
influencer les décisions sur le milieu bâti. Les participants de
BUCS ont mieux compris comment s’y retrouver dans le dédale
d’acteurs et d’agents qui influencent les décisions sur le milieu
bâti au sein des services de planification municipaux et au-delà.
Ils ont aussi élaboré et mis en pratique une vaste panoplie
d’outils et de processus. Le chemin le plus direct vers des
politiques et des pratiques qui favorisent l’environnement bâti
favorable à la santé varie selon le contexte, en fonction des cadres
juridiques provinciaux et régionaux, des priorités et des
contraintes des administrations locales, de la conjoncture
politique et de la culture organisationnelle15. Ceci donne à penser
que des initiatives comme BUCS, qui produisent une gamme
d’outils, peuvent accroître la probabilité que leurs extrants soient
pertinents dans des régions sanitaires diverses.
Peu de collaborateurs externes ont fait état de changements
dans les pratiques, les politiques ou les programmes
organisationnels en raison de leur interaction avec BUCS. Ceci
pourrait s’expliquer par la durée relativement brève du projet.
Toutefois, les collaborateurs « adoptants précoces » qui ont mis
en œuvre des changements organisationnels ont établi un
précédent sur lequel on peut miser pour favoriser des
changements institutionnels à plus grande échelle à moyen
terme.
Le milieu bâti est façonné par une hiérarchie de documents de
politique et de décisions qui commence au palier provincial et
qui descend vers les paliers régional, municipal, du quartier, de la
rue et de la parcelle de terrain. On a élaboré l’initiative BUCS en
partant de l’hypothèse que d’avoir des données probantes sur la
santé intégrées dans les documents de politique aux paliers
régional et municipal, « en amont », facilitera à moyen terme
l’intégration des considérations sanitaires « en aval », à l’échelle
du quartier, de la rue et de la parcelle de terrain. La première
phase de l’initiative BUCS a contribué à inclure les considérations
sanitaires dans certaines politiques d’amont; on a jugé que c’était
là un impact encourageant, étant donné la complexité du
domaine du milieu bâti et les délais requis pour des changements
d’orientation, et un premier pas vers des milieux bâtis plus sains.
Il est toutefois important de mentionner que la mise en œuvre
concrète de politiques sur le milieu bâti favorisant la santé
présentera sans doute des difficultés considérables. L’application
de stratégies comme la densification, la diversification des usages
du sol et l’allocation de couloirs réservés au transport actif suscite
souvent la résistance des résidents ou des entreprises locales16-19,
et elle est compliquée par les pressions économiques et les
besoins des promoteurs immobiliers20. De plus, la construction
réelle de communautés favorisant la santé sera probablement
confrontée aux pressions du marché pour édifier de nouveaux
aménagements sur des sites nouveaux7,16-19, autrement dit sur des
parcelles vierges à l’extérieur ou en périphérie des zones déjà
aménagées. On commence à s’apercevoir que les nouveaux
aménagements construits pour promouvoir la marche à l’échelle
du quartier et de la rue sur des sites vierges, loin des centres
urbains ou suburbains établis, sont associés à de faibles niveaux
de marche pour les déplacements quotidiens21. Nous mettons en
garde les autorités de santé contre ces difficultés possibles pour
qu’elles en tiennent compte en élaborant des programmes
d’application des connaissances et d’élaboration et de défense des
politiques sur le milieu bâti.
Pour résumer, les résultats de la première phase de l’initiative
Bâtir un Canada en santé montrent que le secteur de la santé
peut être un atout et un allié précieux pour le secteur de la
planification en créant un potentiel d’assainissement des milieux
bâtis. Le projet illustre à la fois les possibilités et les obstacles qui
attendent les organismes de santé publique lorsqu’ils travaillent
autrement, et avec de nouveaux partenaires, pour influencer les
facteurs du milieu bâti qui sont des déterminants des maladies
chroniques. Conformément aux modèles de renforcement des
capacités de pratique de la santé publique14, l’initiative a créé une
base de compétences et de liens intersectoriels qui peut d’ores et
déjà donner une cohérence et rehausser la coordination du travail
sur la santé et le milieu bâti au Canada au moyen d’une
communauté de pratique. Enfin, BUCS a mobilisé les
administrations municipales et le secteur de la planification
d’une manière qui, à long terme, pourrait produire des
orientations sur la santé et le milieu bâti qui soient pleinement
intégrées et qui contribuent à réduire le risque de maladies
chroniques et à améliorer l’équité en santé.
RÉFÉRENCES
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REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS63
POST-SCRIPTUM
Bâtir une communauté de pratique : la coalition Bâtir un Canada en
santé renouvelée – Post-scriptum
Kim Perrotta, M.Sc.S.
L
a coalition Bâtir un Canada en santé (BUCS), créée en 2009,
a été financée pendant cinq ans par le Partenariat canadien
contre le cancer (PCCC) dans le cadre de l’initiative
Connaissances et action liées pour une meilleure prévention
(COALITION) et par Santé Canada. Il y a eu deux phases à la
coalition BUCS : le projet COALITION I, financé de 2009 à 2012, et
le projet COALITION renouvelé, financé de 2012 à 2014. Le présent
supplément est consacré au travail des partenaires de la coalition
BUCS du projet COALITION I. À titre de post-scriptum, nous
voulions que nos lecteurs sachent que ce travail s’est poursuivi dans
le cadre de la coalition BUCS renouvelée entre le 1er octobre 2012
et le 30 septembre 2014. Notre article résume très succinctement
les activités menées par les partenaires de la coalition BUCS
renouvelée.
Durant le second cycle de financement, les partenaires de BUCS
ont convenu de faire fond sur le travail accompli dans le cadre de
BUCS-COALITION I; de s’attacher au transport actif; d’étendre leur
travail des milieux urbains aux milieux ruraux; et d’élargir le
partenariat pour inclure : un autre partenaire national, l’Institut
canadien des ingénieurs en transport; six autres autorités sanitaires,
de la Saskatchewan, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de la
Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et de l’Ontario; deux ONG; et un
partenaire universitaire (voir la boîte 1). L’une des autorités
sanitaires qui était partenaire dans le cadre de BUCS-COALITION I,
Vancouver Island Health Authority, n’a pas participé à la coalition
BUCS renouvelée.
Avec le renouvellement de la coalition BUCS, le travail a été
réparti en trois volets : approfondir l’impact en s’attachant aux défis
cernés dans le cadre de BUCS-COALITION I; élargir l’impact en
étendant le travail de la coalition BUCS à de nouvelles provinces et
au milieu rural; et accroître l’impact de la coalition BUCS au moyen
d’un programme d’application des connaissances et de
communication.
Approfondir l’impact de la coalition BUCS
Les projets BUCS axés sur les défis cernés dans le cadre de BUCSCOALITION I ont compris deux projets de données, une analyse
de la conjoncture, un rapport d’étude de cas et trois projets pilotes :
1. Données sur la santé et le transport actif – Lower
Mainland de la Colombie-Britannique (C.-B.) : Ce projet
était dirigé par les partenaires de la coalition BUCS renouvelée à
l’Université Simon Fraser. En collaboration avec deux autorités
sanitaires partenaires de BUCS, 15 municipalités et deux districts
régionaux de la C.-B., l’équipe de projet a identifié les données
nécessaires pour intégrer des considérations sanitaires dans les
processus de planification des transports, puis elle a cerné les
endroits où ces données étaient et n’étaient pas disponibles. Le
eS64 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
Encadré 1. La coalition Bâtir un Canada en santé renouvelée
Organismes nationaux
• Fondation des maladies du cœur et de l’AVC (FMC) – organisme
responsable
• Réseau canadien pour la santé urbaine (RCSU)
• Institut canadien des urbanistes (ICU)
• Institut canadien des ingénieurs en transport (CITE)
• Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé
(CCNPPS)
Autorités sanitaires
• Direction de santé publique de Montréal
• Santé publique Toronto
• Bureau de santé de la région de Peel
• Fraser Health Authority
• Vancouver Coastal Health Authority
• Provincial Wellness Advisory Council/ Eastern Health Region (TerreNeuve-et-Labrador)
• Capital District Health (Nouvelle-Écosse)
• Ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick
• Office régional de la santé de Winnipeg
• Région sanitaire de Regina Qu’Appelle
• Santé publique Ottawa
Établissements d’enseignement
• Université Dalhousie*
• Université McGill*
• Université Memorial*
• Université Simon Fraser
• Université de la Colombie-Britannique*
• Université de Montréal*
Organisations non gouvernementales
• Toronto Centre for Active Transportation (TCAT)
• Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM)
* Par le biais de partenaires
rapport final contient des recommandations pour améliorer la
disponibilité et l’accessibilité de ces données pour les
administrations locales et régionales et le gouvernement
provincial de la C.-B.
2. Évaluation des impacts sur la santé de scénarios de
transport à Montréal : Ce projet a été mené par des
chercheurs et des praticiens de la santé publique de la Direction
de santé publique de Montréal, de l’Université de Montréal, de
l’Université McGill et de l’Institut national de santé publique du
Québec. Il impliquait la cueillette des données nécessaires au
développement d’un modèle logiciel pouvant servir à prédire les
impacts sur la santé positifs et négatifs associés à divers scénarios
de planification des transports dans la région de Montréal, en
tenant compte de leurs effets sur la qualité de l’air, l’activité
physique et les collisions entre véhicules automobiles.
3. Étude comparative des lois affectant la santé des
communautés : L’Institut canadien des urbanistes a mené une
Affiliation de l’auteure
Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, Hamilton (Ontario)
Remerciements : L’auteure remercie les personnes suivantes pour leurs commentaires
et leurs conseils au sujet du présent article : Gene Chin et Alice Miro, Fondation des
maladies du cœur et de l'AVC, Vancouver (Colombie-Britannique); et Natalie Kishchuk,
Program Evaluation and Beyond Inc.
© Association canadienne de santé publique, 2015. Tous droits réservés.
POST-SCRIPTUM
analyse de la conjoncture portant sur les lois provinciales. À l’aide
d’entrevues avec des urbanistes de tout le pays, on a examiné
l’effet des lois, des programmes et des politiques de différentes
provinces sur la capacité des urbanistes d’élaborer et de mettre
en œuvre des politiques de santé communautaire aux paliers
local et régional.
4. Études de cas – Tracés de rues novateurs élaborés ou mis
en œuvre : Mené par l’Institut canadien des ingénieurs en
transport, ce projet visait à élargir le concept des milieux bâtis
sains aux secteurs de la planification des transports et du génie.
En collaboration avec l’Université de la Colombie-Britannique
(Okanagan), on a sondé des municipalités de tout le Canada sur
leurs pratiques de transport novatrices. Le rapport du projet a été
présenté dans le cadre de webinaires pour sensibiliser les
professionnels des transports.
5. Mobilisation communautaire et transport actif : deux
projets de démonstration à Toronto : Composée du
Toronto Centre for Active Transportation et de Santé publique
Toronto avec l’appui du Centre d’écologie urbaine de Montréal,
l’équipe de projet a interrogé les répondants de deux quartiers
de Toronto sur leurs besoins de transport actif. L’un des quartiers
est assez bien nanti et a une longue histoire de militantisme en
faveur du transport actif, tandis que l’autre compte un
pourcentage élevé de familles à faible revenu et peu d’antécédents
de mobilisation citoyenne.
6. Évaluation des impacts sur la santé d’une proposition
d’aménagement axée sur les transports collectifs à
Sainte-Catherine au Québec : Le Centre de collaboration
nationale sur les politiques publiques et la santé a collaboré avec
la région de la Montérégie, au Québec, pour démontrer comment
traduire des principes d’apaisement de la circulation et d’autres
mesures axées sur le transport actif à une proposition
d’aménagement dans cette municipalité à l’aide d’une approche
d’évaluation des impacts sur la santé.
7. Promotion des transports durables à Clearwater (C.-B.) :
Sous la direction de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC,
une équipe de projet a travaillé avec les fonctionnaires municipaux
et les résidents de la petite ville de Clearwater (C.-B.) à intégrer le
transport actif dans le tracé des routes et des lotissements
résidentiels; il s’agissait d’un premier pas vers l’élaboration et
l’application d’un règlement administratif sur le transport actif.
Élargir l’impact de la coalition BUCS
Pour élargir l’impact de la coalition BUCS, cinq autres autorités
sanitaires, ainsi que le Provincial Wellness Advisory Council de
Terre-Neuve-et-Labrador (« Conseil de T.-N.-L. »), se sont engagés à
intégrer les considérations de santé dans les processus
d’aménagement du territoire et de planification des transports de
leurs communautés à l’aide du modèle employé par les autorités
sanitaires de la Colombie-Britannique dans le cadre de BUCSCOALITION I. Quatre des cinq autorités sanitaires, ainsi que le
Conseil de T.-N.-L., ont reçu du financement de la coalition BUCS
renouvelée afin d’embaucher un urbaniste pour travailler avec eux
sur une longue période (de 12 à 18 mois). En s’inspirant du modèle
BUCS-COALITION I de la Colombie-Britannique, ces urbanistes
devaient aider les autorités sanitaires et le Conseil de T.-N.-L. à :
tisser des liens avec les urbanistes et les professionnels des
transports de leur municipalité; renforcer la capacité de créer des
milieux bâtis sains dans le périmètre d’action des autorités
sanitaires; et intégrer des considérations de santé dans les processus
d’aménagement du territoire et de planification des transports. La
sixième autorité sanitaire, Santé publique Ottawa, a embauché un
urbaniste sur une base permanente pour travailler directement avec
le service de santé sur des dossiers liés au milieu bâti, mais n’a pas
reçu de fonds de projet de la coalition BUCS renouvelée.
Dans chacun de ces six projets, les équipes de projet, composées
de professionnels de la santé publique et d’une ou d’un urbaniste,
étaient censées : cerner les besoins de renforcement des capacités et
les priorités des autorités sanitaires/du Conseil de T.-N.-L. à l’égard
du milieu bâti; recenser les possibilités d’influencer les politiques
d’aménagement du territoire et de planification des transports dans
leur zone de responsabilité respective au cours de la période de leur
projet; élaborer des plans d’action précisant des objectifs, des rôles,
des extrants, des résultats et un calendrier; et mettre en œuvre ces
plans d’action. Les plans d’action des six équipes de projet étaient
très différents les uns des autres en raison : des capacités de leur
organisme respectif; des différents niveaux de sensibilisation au lien
entre la santé et le milieu bâti dans les municipalités; des possibilités
présentées par les processus d’aménagement du territoire et de
planification du transport actif; et des besoins et priorités de leur
communauté respective. Après avoir mené à bien le travail prévu
dans leurs plans d’action, les équipes de projet ont préparé des
rapports d’étude de cas précisant leurs objectifs, les mesures prises,
les résultats obtenus, les difficultés rencontrées et les leçons apprises
de leurs projets.
Application des connaissances et communication
Au début de 2013, des plans d’application des connaissances et de
communication ont été élaborés pour le Réseau canadien pour la
santé urbaine, la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC,
l’Institut canadien des urbanistes et la coalition BUCS renouvelée
dans son ensemble. Celui de la Coalition est un plan multiniveaux
dont les activités sont conçues pour répondre à quatre objectifs :
1. Soutenir les nouvelles équipes de projet des autorités sanitaires en
créant un bassin multicommunautaire de professionnels pouvant
s’entraider;
2. Mieux faire connaître et comprendre aux acteurs locaux les
mesures nécessaires pour créer des communautés qui favorisent
et qui soutiennent l’activité physique et le transport actif dans
les communautés où travaillent les nouvelles équipes de projet
des autorités sanitaires;
3. Créer une communauté de pratique intersectorielle dans laquelle
des professionnels de différents secteurs de tout le pays peuvent
partager de l’information, fait fond sur leur travail mutuel et
trouver des occasions de collaborer;
4. Appuyer la diffusion d’informations sur les ressources, les outils,
les interventions, les activités et les leçons apprises de la coalition
BUCS avec les professionnels de la santé, de la santé publique,
de l’urbanisme et des transports de tout le Canada.
Objectif no 1 : Créer un bassin multicommunautaire de
professionnels
Plusieurs stratégies ont été employées pour créer un bassin
multicommunautaire de professionnels :
• Des séances officielles entre pairs ont été organisées pour aider les
six nouvelles équipes de projet des autorités sanitaires avec leurs
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS65
POST-SCRIPTUM
projets liés à la coalition BUCS renouvelée. Ces séances ont inclus
des présentations données par des membres de la coalition BUCS
renouvelée et par des invités, avec des périodes de questions et de
discussion. L’objectif était d’offrir aux membres la possibilité de
partager leurs informations et leurs expériences et d’apprendre
de leurs pairs de l’extérieur de la Coalition qui travaillent aussi à
créer des communautés soutenant et favorisant l’activité
physique et le transport actif.
• Des séances informelles entre pairs ont aussi été organisées pour
appuyer le partage continu de l’information et les discussions
entre les membres de la coalition BUCS renouvelée. Ces séances
n’ont pas comporté de longues présentations ni de conférenciers
invités. Elles ont servi à appuyer le partage d’informations et les
discussions plus informelles sur certains enjeux d’intérêt
immédiat pour les membres de la coalition BUCS renouvelée.
• Un site Web pivot pour BUCS a été lancé en mars 2013 pour
faciliter le partage d’informations entre les membres de la
coalition BUCS renouvelée. Il inclut des pages Web pour les
ressources, les outils et les rapports de la coalition BUCS; des
présentations et des enregistrements tirés des séances entre pairs;
des présentations données par les membres de BUCS lors de
conférences et de webinaires; des nouvelles des projets sur des
pages Web protégées par mot de passe; les rapports d’évaluation
des projets; et des ressources pour créer des communautés saines,
produites par d’autres organismes (http://hcbd-clasp.com/).
Objectif no 2 : Rallier les acteurs locaux
Les quatre autorités sanitaires financées, ainsi que le Conseil de
T.-N.-L., ont chacun eu accès à une spécialiste renommée des
milieux bâtis sains qui a pu les aider à sensibiliser et à informer les
acteurs des municipalités sur les façons possibles de créer des
milieux bâtis sains et sur les nombreux avantages connexes de ces
mesures. Le temps de cette spécialiste a été consacré à prononcer
des discours-thèmes lors de conférences organisées avec les instituts
d’urbanisme et lors d’ateliers, d’assemblées publiques, d’entrevues
accordées aux médias et de réunions avec les acteurs du milieu
(urbanistes locaux, fonctionnaires provinciaux, directeurs de santé
publique ou médecins hygiénistes, professionnels de la santé et
chambres de commerce des municipalités) pour chacun des cinq
projets financés par les autorités sanitaires.
Objectif no 3 : Créer une communauté de pratique
intersectorielle
Plusieurs stratégies ont été employées pour créer une communauté
de pratique intersectorielle entre les partenaires de la coalition
BUCS renouvelée :
• Une réunion en personne a été convoquée pour tous les
partenaires de la coalition à Winnipeg en novembre 2013. La
séance de deux jours a compris des mini-présentations par les
19 partenaires; des présentations sur plusieurs projets techniques
menés dans le cadre du premier et du deuxième cycle de
financement; une séance de questions avec un panel stratégique
de médecins hygiénistes; et une table ronde sur divers thèmes,
dont la durabilité de la coalition BUCS. Les réunions en personne
ont permis aux membres de tous les organismes partenaires de la
coalition BUCS renouvelée de se rencontrer, d’entendre parler de
leurs projets mutuels, de se concerter sur des enjeux d’intérêt
commun et de cerner les domaines de collaboration possibles.
• Des séances officielles entre pairs ont été organisées pour les
membres de la coalition BUCS renouvelée et pour des invités
d’organismes partenaires. Au sein de BUCS, environ 50 membres
étaient activement impliqués dans les projets ou les activités
actuellement financés. Pour les séances de mentorat entre pairs,
on a invité d’autres personnes au sein des organismes partenaires
qui, tout en n’étant pas membres de BUCS, s’intéressaient aux
communautés saines ou au transport actif. Des invitations ont
été envoyées, par exemple, aux gestionnaires et aux directeurs de
la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC et à tous les
membres du Réseau canadien pour la santé urbaine. Ces séances,
menées par téléconférence, se sont articulées autour de
présentations données par d’éminents conférenciers invités
venant de provinces chefs de file dans le domaine de la
collaboration intersectorielle, du transport actif, de l’offre de
transports collectifs dans de petites communautés éloignées ou
des liens entre le transport actif et les transports collectifs.
• Plusieurs cyberbulletins ont été préparés pour la coalition BUCS
pour tenir les membres, répartis dans tout le pays, au courant des
travaux de leurs collègues. Ces bulletins ont aussi été utiles pour
informer les décideurs et d’autres membres de nos organismes
partenaires du travail accompli par la Coalition. Ces bulletins ont
présenté les faits saillants d’activités récentes ou à venir de la
coalition BUCS, des liens vers de récents articles sur le site Web
de la coalition et des liens vers de nouvelles ressources pouvant
intéresser les personnes qui travaillent sur les communautés
saines ou le transport actif.
Objectif no 4 : Appuyer la diffusion de l’information
Plusieurs stratégies ont été employées pour diffuser l’information
sur le travail accompli par la coalition BUCS :
• Le site Web de la coalition BUCS a facilité le partage
d’informations avec le réseau élargi des professionnels des
secteurs de la santé, de la santé publique, de l’urbanisme et des
transports au Canada, ainsi qu’avec les membres de la coalition
BUCS renouvelée. Depuis sa création en mars 2013, le site reçoit
en moyenne environ 1 300 visites par mois.
• Des blogues – de brefs articles avec photos et liens – ont été
préparés pour promouvoir les outils élaborés, les rapports
préparés et les activités organisées par les partenaires de la
coalition BUCS renouvelée. Ces articles de 500 mots ont été
publiés sur le site Web et diffusés par courriel et au moyen de
listes de diffusion, de LinkedIn et de Twitter. En tout, 21 articles
ont été préparés, chacun générant en moyenne 450 visites sur le
site Web.
• Quatre webinaires nationaux ont été organisés pour présenter
12 des projets de la coalition BUCS financés par le projet
COALITION renouvelé. Chaque webinaire comportait des
présentations de deux à quatre équipes de projet BUCS.
• Les membres de BUCS ont souvent présenté leurs projets lors de
conférences locales, provinciales et nationales, mais de plus, les
résumés de panels de la coalition BUCS renouvelée ont été soumis
aux conférences et congrès annuels 2014 de l’Association
canadienne de santé publique, de l’Institut canadien des urbanistes
et de l’Institut canadien des ingénieurs en transport pour que
chacun des 12 projets actuellement financés soit présenté au moins
une fois à un auditoire national de professionnels de la santé
publique, de l’urbanisme ou des transports.
eS66 REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • VOL. 106, NO. 1 (SUPPLÉMENT 1)
POST-SCRIPTUM
Derniers commentaires
Conformément à son engagement financier avec le Partenariat
canadien contre le cancer (PCCC), la coalition BUCS renouvelée a
été officiellement évaluée pour déterminer la mesure dans laquelle
elle a accéléré les prises de contact, la collaboration intersectorielle
et les changements d’orientation au sein des communautés et des
organismes participants. Elle contribuera aussi à une évaluation
globale de l’initiative COALITION du PCCC, surtout en ce qui a
trait aux résultats des volets d’application des connaissances. Ce
rapport sera publié en 2015. Selon le rapport d’évaluation de la
coalition BUCS, « Bâtir un Canada en santé » a joué un important
rôle d’incubateur de relations de travail efficaces et d’élaboration
de politiques sur les milieux bâtis sains dans les municipalités du
pays où nos partenaires étaient présents.
REVUE CANADIENNE DE SANTÉ PUBLIQUE • SUPPLÉMENT 1 (2015) eS67