Damnio gara sa moto sur le trottoir et prit soin de
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Damnio gara sa moto sur le trottoir et prit soin de
Titre Damnio gara sa moto sur le trottoir et prit soin de placer un cadenas sur le disque du frein. Vu la tête des loulous qui traînaient dans le quartier, il ne voulait pas prendre le risque de se faire voler le seul bien qui lui restait. Manu avait fait récemment peindre la façade de son bistrot d’un bleu turquoise qui tranchait avec l’ambiance morose du lieu. Un molosse, affalé près de la porte d’entrée, émit un léger grognement au passage du détective. Line était toujours là. Elle discutait avec un couple de jeunes à qui le chien devait probablement appartenir. Elle semblait admirer quelque chose et, en s’approchant, Damnio aperçut un rat qui hissait son nez du sac à main d’une punk aux cheveux rouges. Les dents jaunies du rongeur le rendaient presque menaçant. L’enquêteur s’installa au comptoir et ignora sans le vouloir la poignée de main amicale que lui proposait Manu. - Tu peux me dire ce qu’elle fout encore là ? – Elle bosse ici. – Hein ? – Ben ouais, elle avait besoin d’un job pour son argent de poche et moi d’une serveuse. – Mon oeil! Elle te plaît, avoue! – C’est pas tes oignons! – Elle n’est pas un peu trop jeune pour toi? – Elle est majeure, j’te signale. – Ouais, ben, si tu veux mon avis, pas depuis longtemps. – Bon, ta gueule! Manu ne restait jamais plus de trois jours avec une fille et se délectait de les voir tourner en bourrique. Pourtant, cette fois, l’enquêteur sentit qu’il valait mieux ne pas s’aventurer sur ce terrain, sous peine de se faire cogner pour de bon. Il commanda une bière et se dirigea vers Line, qu’il saisit par le bras. – Vous avez deux minutes, mademoiselle ? Le Mademoiselle se voulait ironique, et il passa du vouvoiement au tutoiement sans même sans apercevoir. Il la conduisit dans l’arrière cuisine, en informant Manu d’un petit signe de la main. – Si je comprends bien, tu sèches les cours. Le barman ne tarda pas à les rejoindre. Son air renfrogné indiquait clairement son mécontentement. – Bon, tu joues les assistantes sociales maintenant? – Je me sens un peu responsable de l’avoir conduite chez toi, c’est tout. La jeune fille baissa les yeux et vint passer sa main autour de la taille de Manu. – Je me sens bien ici. Titre – Et tes parents, ils en disent quoi? Son pote fulminait. – Et tu ne veux pas connaître la couleur de son slip, tant que tu y es? – Mes parents, ils s’en fichent. Damnio fit redescendre la tension. – Ok, ok, j’abandonne. Je promets de ne plus poser de questions perso, ça vous va? Par contre, y a des trucs que j’aimerais savoir concernant l’enquête. Le barman lança un dernier avertissement. – Ok, mais si tu l’emmerdes encore une fois avec des questions à la con, je te refais le portrait. Capiche? – J’ai compris, tu peux partir sans crainte. Manu tourna les talons et Damnio ne put s’empêcher d’en remettre une couche. – Fais gaffe quand même, c’est un bourreau des cœurs. Ils s’installèrent sur un vieux canapé au cuir fripé et l’enquêteur alluma une cigarette. – J’en veux bien une. Un peu étonné, il lui obéit. – Je veux bien une bière aussi. Décidément, cette gamine ne voulait en faire qu’à sa tête et dans ces conditions, les conseils d’un vieux clown comme lui ne valaient pas un kopeck. Bah, après tout, il n’était pas son père! Il alla chercher une autre cannette pour lui et une pinte pour la jeune fille. On était en fin d’après midi, heure appréciable pour les débits de boisson. – Hugo Lenjoie. Ça te dit quelque chose? Non, cela ne lui disait rien du tout. Damnio insista. – Il est étudiant en Histoire de l’art ; les cheveux colorés, la peau blanche, environ 1 m 80. Un gros bouton dans le cou et épais comme un clou de girofle. – C’est pas un bouton. – Non ? – C’est un point de beauté dépigmenté. – Donc, tu le connais. – Je l’ai vu une fois à la bibliothèque. Il était venu voir Charlie. Je crois qu’ils s’aimaient bien. – Qu’est-ce qui te fait dire ça? – Il lui a enlevé quelque chose sur la joue et lui a un peu caressé la nuque. Manu coupa court à la conversation en interpellant le détective de derrière son comptoir. – Poulet-frites, ramène tes fesses ! L'ex-capitaine avait horreur de se faire héler de la sorte. Cela faisait plusieurs années qu’il ne travaillait plus dans la police et il refusait d’en subir encore les désagréments. Il se leva Titre rejoindre le barman et abandonna sa cannette presque vide. Manu pointa un type du menton en servant un autre client. – Y’a le Belge qui vient de me raconter un truc qui pourrait bien t’intéresser. Tu devrais prendre le temps de lui causer un brin. L’enquêteur se tourna vers l’individu en question. Le Belge était un Baker à la chevelure blonde attachée en queue de cheval désordonnée. Un type du genre costaud, avec lequel il valait mieux rester ami. Le barman répondit au regard interrogateur que lui adressait le détective : – Ben ouais, Line m’a parlé de ton enquête. À l’avenir tu sauras qu’elle n’a absolument aucun secret pour moi. L'enquêteur inspira un grand coup et se dirigea vers le Belge qui se trouvait en grande conversation avec de jeunes loups avides de sensations fortes. – Salut, excuse-moi de t’interrompre vieux, mais je suis un pote du patron et apparemment tu lui as raconté une histoire que j’adorerais entendre à mon tour. Le Baker se leva et s’approcha tout près de l’ex-capitaine en le fixant dans les yeux. A cet instant Damnio fut à peu près sûr de s’en prendre une. L’autre le dominait d’au moins deux têtes et devait faire pas loin de 100 kilos. Il serra ses poings, prêt à se battre, et tenta un dernier recours. – Je te paye un verre? Soudain le Belge éclata d’un rire jovial et lui lança une bourrade dans le dos. Il s’adressa à Manu qui essuyait ses verres comme si rien ne s’était passé: – Allez mon garçon, deux doubles pintes. Si les jeunes riaient à s’en déboîter la mâchoire, Damnio, quant à lui, n’appréciait que très moyennement la plaisanterie. Ils s’installèrent au comptoir et le Baker se présenta. – Tu peux m’appeler Bram. – Ok, moi c’est Francis. Bram avait la cinquantaine bien sonnée. Sa taille et son poids imposaient d’emblée le respect à ses interlocuteurs. Il portait un vieux jean qui glissait sur ses fesses à la façon des ados boutonneux et rebelles. Son blouson en cuir sans manches, grand ouvert sur son torse, laissait entrevoir un ventre un peu trop proéminent. – Ton pote m’a dit que tu t’intéressais aux histoires de Killers? Titre – Faut voir! Je suis détective et… – Te fais pas chier, je sais qui tu es. Damnio lança un regard rancunier à Manu et laissa poursuivre son interlocuteur. – Ces dernières années, il y a eu en Belgique une série de meurtres qui ressemblent à ceux que vous avez dans le coin. – C’est-à-dire ? – Il y a un gars qui s’amuse à zigouiller bon nombre de personnes et, à chaque fois, il en laisse des morceaux, histoire de rigoler un peu. La voix grave du Belge, assortie à son accent, rendait la situation presque comique, d’autant que l’un comme l’autre n’étaient pas à leur première bière. L’ex-capitaine remarqua ses ongles trop longs et il se demanda si cela était fait exprès. – Et qui était le meurtrier? – Ben justement, on ne l’a jamais retrouvé, et les restes des individus non plus d’ailleurs. Dit- il avant d'éclater d’un rire bruyant. Les faits présentaient trop de similitudes pour être le fruit du hasard. Cependant Damnio savait qu’il ne servait à rien d’extrapoler sans s’être d’abord renseigné sur la véracité des informations. Ce type n’avait pas l’air d’être un menteur, mais il ne le connaissait pas. Il s’agissait probablement d’un vieux routard qui roulait ça et là et qui récupérait ses informations dans tous les troquets que la providence mettait sur son passage. Pour faire plaisir à ce gaillard sorti de nulle part, l’enquêteur but avec lui au souvenir des victimes et ils rigolèrent comme des perdus avant d’aller jouer à celui qui pisserait le plus loin au quai de l'île sonnante. Ils chantaient à tue-tête dans le port d’Amsterdam quand ils se firent embarquer par des policiers, qui eurent bien des difficultés à les faire grimper dans la bétaillère banalisée. Ils testèrent leur complicité alcoolique en tentant d’assommer les forces de l’ordre mais heureusement pour eux, leur taux d’alcoolémie les transforma en deux pantins ridicules. Cette nuit-là, ils furent les deux meilleurs amis du monde. £ Titre