Annedda - BrassageAmateur

Transcription

Annedda - BrassageAmateur
Fabrication de la bière
Annedda
Cahier des charges
Élaboration d’une bière typiquement québécoise
Michel Gauthier
1 août 2012
Cahier des charges, bière annedda
La bière, fabriquée avec les bourgeons de sapin, faisait, en gelant,
éclater les barils. — (Jules Verne, Le Pays des fourrures , 1873)
Résumé
L'annedda se veut un nouveau style de bière développé par un regroupement de
brasseurs. Il se base sur des éléments historiques importants, mais il s’agit d’un
style tout à fait nouveau. Cette bière n’a jamais été brassée dans le passé. Elle
évoque néanmoins deux évènements de l’histoire du Québec : d’une part, les
premiers Français ayant hiverné à Stadaconné en 1536, et d’autre part, la
fondation de la première brasserie commerciale en Nouvelle-France par
l’intendant Jean Talon.
Nom du style de la bière
Bière Annedda
Introduction
L'annedda est le nom de l'arbre qui a guéri du scorbut les matelots de l'équipage
de Jacques Cartier en février 1536, lors du premier hivernage à Stadaconé. Au
mois d’avril, 25 hommes étaient morts et 40 étaient gravement malades. À ce
moment, sur les 110 hommes que comptait son équipage, il n’y en avait qu’une
dizaine en santé! Cartier constata que Domagaya, fils de Donnacona, le chef
iroquois, qui présentait les mêmes symptômes que son équipage - un mal qui
affectait l’intérieur comme l’extérieur du corps - semblait complètement guéri du
mal. Ce dernier lui enseigna alors comment préparer une décoction faite de
l’écorce et des aiguilles de l’arbre annedda. Ce nom signifiait «l'arbre de vie»,
notamment à cause de ses propriétés médicinales. Cet épisode de l’histoire de la
Nouvelle-France tomba dans l’oubli ! Des graines de cet arbre furent envoyées
au roi François 1er, le commanditaire de Cartier. Celles-ci ont connu un succès
tel en Europe que le conifère est devenu commun en se propageant partout ! Le
lien entre cet arbre et la guérison des hommes de Cartier fut oublié. Plusieurs
auteurs ont tenté d’identifier quel était précisément cet arbre. Plusieurs
hypothèses ont été étudiées : la pruche, le cyprès, le cèdre, le pin, l’épinette….
Les recherches effectuées par Jacques Mathieu, pour la rédaction de son
ouvrage («L’Annedda, L’arbre de vie», Les cahiers du Septentrion, 2009), ont
démontré que cet arbre était le sapin baumier.
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Lorsqu’il prit connaissance de cet ouvrage, la réaction de Mario D’Eer fut
spontanée: «Voici un nom de style de bière, et un élément fondamental de la
recette en même temps». Dans sa vaste expérience de biérologue, il constata
que tous les styles classiques de bière partout dans le monde étaient
l’aboutissement et l’évolution d’un savoir-faire régional. Les nouveaux styles
développés suite à la révolution microbrassicoles s’inspiraient pour la plupart de
ces styles traditionnels. Jamais dans l’histoire de la bière, un groupe de
brasseurs ne s’était concerté pour développer un style tout à fait original. D’Eer
décida donc de créer un comité «open source» dans le but d’inventer ce premier
style issu d’une concertation de brasseurs. Une première mondiale. Il invita
d’abord Michel Gauthier, expert-brasseur. Son rôle allait être de définir le cahier
de charge que vous avez entre vos mains. Il invita ensuite Philippe Wouters,
éditeur de Bières et plaisirs et idéalisateur de la Journée québécoise de la bière,
en lui proposant de faire de l’Annedda un pivot important de ce rassemblement
québécois. Il demanda finalement à son grand complice de toujours, et
actionnaire des Brasseurs du Temps, Alain Geoffroy de se joindre au groupe (et
d’accueillir les premières réunions). Dès la première réunion, la question de la
levure a été identifiée comme importante. Gauthier invita Tobias Fischborn, un
grand spécialiste des levures à une 2e rencontre. C’est lors de cette rencontre
qu’il a été décidé de tenter de cueillir une levure aux Voûtes Jean-Talon de l’Ilot
des Palais à Québec. Fischborn prépara plusieurs boîtes de pétries aux fins
d’exploration. Bruno Blais de la microbrasserie La Barberie s’est alors joint au
groupe afin d’accomplir cette mission. Suite à son travail, une levure
Saccaromyces cerevesia a été sélectionnée par les laboratoires Lallemand. Il est
important de préciser que le seul lien qui unit la levure à Jean Talon est un
hommage au fondateur à la première brasserie commerciale de la NouvelleFrance. La levure a été cueillie sous les Voûtes Jean-Talon, qui ont été
construites à proximité de cette brasserie, mais plusieurs décennies plus tard.
La levure Jean-Talon
À la recherche d’une levure authentiquement québécoise…
La levure a été cueillie sur le site de l’Îlot des Palais, près du premier
établissement brassicole en Nouvelle-France, construite par l'intendant JeanTalon en 1668. Les voûtes de l'entrepôt sont les voûtes originales, construites
en 1713 sous l’intendance de Michel Bégon de la Picardière.
Tobias Fichborn, chercheur réputé chez Lallemand, suggéra d’aller placer des
plats de pétris avec Agar de moûts dans les voûtes, à des endroits différents. Il
suffisait de laisser les plats ouverts pour une période de temps suffisante afin
que les microorganismes de l’air ambiant puissent se déposer sur l’Agar, pour
éventuellement s’y développer.
Bruno Blais de la Barberie s’est porté volontaire pour cette opération. Il est allé
placer les plats de pétris, préalablement préparé par Fischborn. Ces plats furent
ensuite acheminés à Montréal à l’Institut de recherche Lallemand. La plupart des
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plaques étaient recouvertes de moisissures. Tobias nota que 2 plaques (8-10 et
8-20) montraient des colonies qui ressemblaient à des levures. Il effectua un
prélèvement et procéda à une propagation. Il brassa ensuite 1 litre de moût à
12’P inoculé de cette levure. Cette levure a été employée pour la mise en
application du premier cahier des charges. La deuxième génération de levure a
été analysée aux fins d’analyse. Elle a été soumise à un contrôle qualité
exhaustif : compte cellulaire, viabilité, mutants respiratoires, détection de
bactéries et de levures sauvages. Les résultats ont confirmé son originalité et sa
stabilité génétique.
Les caractéristiques de cette levure sont les suivantes:
• Elle produit une bière légèrement phénolique (épicée) de faible
atténuation avec une densité finale de 3,2P (Degré apparent de
fermentation : 73,3%) et un % d’alcool de 4,7%. Ceci laisse supposer que
cette levure ne métabolise pas tous les maltotrioses présents dans le
moût.
• Des tests ont été effectués afin de démontrer la stabilité génétique de la
levure ainsi que pour démontrer qu’il ne s’agissait par d’une «killer yeast»,
dans l’éventualité où elle serait employée conjointement avec d’autres
levures.
• Suite aux expérimentations par les brasseries participantes, il a été
démontré que cette levure possède un caractère unique parmi l’ensemble
des levures employées par les microbrasseries.
• Elle possède un profil aromatique très élevée lorsqu’employée à haute
densité.
Les Levures Lallemand maintiennent maintenant cette souche de levure qui est
disponible à l’ensemble de la communauté brassicole québécoise et
internationale, pour brasser de l’annedda ou tout autre style de bière. La levure
Jean-Talon est la première levure authentiquement québécoise référencée par
un producteur de levure.
Le sapin baumier (Abies balsamea)
HISTORIQUE ET ORIGINE
Le Sapin baumier est issu de la famille des Pinacées. Il est aussi appelé «arbre
de Noël». Ce n'est pas une coïncidence ! Au Canada, son pays d'origine, il peut
mesurer jusqu'à 50 m de hauteur. C'est le plus vigoureux des résineux. Les
Amérindiens connaissent depuis longtemps les avantages que l'on pouvait en
tirer. Ils utilisaient, son écorce, sa résine, ses aiguilles et ses bourgeons. Ils
fabriquaient une gomme appelée le Baume du Canada, encore employé
aujourd'hui en odontologie. Le sapin baumier fournit aussi la térébenthine
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pharmaceutique (différente de celle vendue en quincaillerie !) qui traite les
affections des voies respiratoires.
PROPRIÉTÉS MÉDICINALES
L’huile essentielle et la gomme de sapin servent de remède contre les maux de
gorge, la toux et les infections des voies respiratoires. Elles soulagent les
muscles endoloris ainsi que les courbattures. Elles sont utilisées comme
antibiotique et désinfectant. La résine favorise la cicatrisation des coupures et
des brûlures légères. Deux composés volatils émanant des aiguilles de sapin
semblent avoir une efficacité contre certaines bactéries. L’écorce et les aiguilles
peuvent être préparées en décoction.
HUILES ESSENTIELLES
Pour la production d’huile essentielle, on utilise les rameaux et les aiguilles.
Ceux-ci sont récoltés de janvier à mars ainsi qu’en septembre sur des arbres
d’au moins une quinzaine d’années, et ce, pour l’obtention d’un meilleur
rendement. On coupe les branches à l’aide d’un sécateur à main ou encore tout
simplement avec les mains.
CUEILLETE DE BRANCHES ET DE JEUNES POUSSES
La précaution à prendre lors de la cueillette des jeunes pousses ou des branches
est de s’assurer qu’il n’y a pas eu de traitement antérieur aux herbicides ou aux
pesticides afin de ne pas contaminer la bière par ces composés chimiques
indésirables.
Une compagnie québécoise se spécialise dans la fabrication d’huiles essentielles
extraite du sapin baumier. Voici une émission de la semaine verte dont l'une
partie est consacrée sur le sapin baumier
http://www.tou.tv/la-semaine-verte/S2010E20
Huile essentielle de la compagnie Arbressence
http://www.arbressence.ca/
Plusieurs microbrasseries ont été consultées concernant ce projet. Toutes ont
manifesté un grand intérêt à participer au développement de ce nouveau style de
bière. Les conditions étaient maintenant réunies pour procéder à l’étape
expérimentale. Pendant les étapes expérimentales, le projet portait le nom de
«Projet Annedd’ale». Le style final porte de nom de bière annedda.
Trois versions du cahier des charges ont été rédigées suite aux différents tests.
Une dizaine de microbrasseries québécoises ont participé à la mise au point de
la recette finale : mentionnons Dieu du Ciel, le Trou du Diable, La Barberie, À
l’Abri de la Tempête, Bedondaine et Bedon Rond, La Chouappe, la
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microbrasserie du Lac St-Jean, le Naufrageur, Brasseurs de Montréal... Les
résultats des premières versions étaient très différents les uns des autres.
Quelques généralisations peuvent être faites concernant la fabrication de
l’Annedda:
1 – La levure Jean-Talon a un faible degré d’atténuation ;
2 - La levure Jean-Talon offre une très grande signature aromatique lorsqu’elle
fermente à haute densité ;
3 - La présence du sapin baumier, peu importe la forme dans lequel il est
employé, domine facilement les autres ingrédients ;
4 – Il est important d’équilibrer l’amertume résineuse du sapin baumier par
l’emploi de blé (malté ou non), d’épeautre, de sarrasin ou de Kamut dans la
préparation de la recette ;
5 – Le style se définit surtout par la présence gustative résineuse du sapin
baumier, de la rondeur procurée par les céréales, et de l’emploi de la levure
Jean-Talon (BRY 485, levures Lallemand).
Description de la bière
Bière blonde, rousse ou cuivrée ayant un arôme caractéristique de sapin
baumier, de malt, de céréale, d’épice et de houblon aromatique, une saveur de
moyenne à grande intensité et une amertume moyenne, un goût de malt
résultant de l'écart entre l'atténuation apparente et l'atténuation réelle et une
bonne teneur en gaz carbonique.
Une fois versée dans un verre, la bière révèle une mousse onctueuse et
crémeuse. Le caractère aromatique du sapin s’harmonise bien avec celui du
houblon. Cette bière doit être une boisson agréable et très appréciée des
consommateurs amateurs.
Spécifications du produit fini
 Alcool (% en volume): peut varier dans la mesure où les caractéristiques
gustatives du sapin baumier sont perceptibles. Il peut y avoir plusieurs
versions : l’annedda bière légère, la bière annedda, l’annedda bière forte, et
annedda bière extra forte.
 Couleur (unités EBC): 4-25 srm
 CO2 (volume par volume) : 2,6-3,2
 Arôme: Intensité moyenne à forte, odeur caractéristique de sapin et de
houblon.
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 Saveur: épicée, amertume d'intensité modérée à moyenne, sensation
d'âpreté subtile à modérée; ampleur en bouche de moyenne à grande avec
un arrière-goût distinctif et agréable.
Matières premières
Les principales matières premières utilisées pour la fabrication de la «Bière
Annedda» sont l'eau, le malt, le sapin baumier, le houblon, ainsi que la levure
Jean-Talon (BRY 485). Bien qu’il s’agisse d’un style québécois, il ne s’agit pas
d’un style exclusif au Québec. Comme il est possible de brasser des styles
d’inspirations internationales partout dans le monde, le style annedda se veut
également un style pouvant être reproduit partout dans le monde, peu importe la
capacité de production de la brasserie.
 Eau
 Malt 2 rangs
 Malt de spécialité
 Malt de blé (optionnel)
 Céréales crues telles du blé, de l’épeautre, du sarrasin ou du Kamut
 Pousses ou branches de sapin baumier, ou extrait d’huiles essentielles de
sapin baumier
 Houblon
 Levure Jean-Talon (BRY 485, levures Lallemand)
 Citron ou acide citrique pour rehausser le goût du sapin (optionnel)
 Matières glucidiques tels le miel, la mélasse, l’érable
Suggestions pour l’utilisation du sapin baumier lors de
la fabrication de la bière
 Eau de brassage provenant du trempage de branches de sapin ou des
jeunes pousses de sapin dans de l’eau pour une période de 1-2 semaines.
 Bouillir ou infuser de jeunes pousses de branches de sapins dans de l'eau au
ratio de 100 grammes par hectolitre d'eau pendant 45 minutes. Cette eau
aromatisée peu servir comme eau de brassage (empâtage ou aspersion) ou
comme eau ajoutée au brassin concentré en fin d’ébullition pour préserver les
arômes (comme un houblon aromatique)
 Ajout de jeunes pousses de sapin dans la cuvematière au moment
l’aspersion des drêches.
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 Ajout de jeunes pousses de sapin dans un coton fromage (exemple 100
grammes par hectolitre) dans le moût 15 minutes avant la fin d’ébullition ou
au whirlpool.
 Ajout d’huiles essentielles et/ou de jeunes pousses (‘’dry sapining’’) dans la
bière en fin de fermentation.
Procédé de fabrication
Le procédé de fabrication respecte l’imagination et le style de chaque brasseur.
Le style se veut ouvert et imaginatif, misant sur les talents artistiques de
chacun(e).
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