L`état de droit dans les «trois régions» du soudan
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L`état de droit dans les «trois régions» du soudan
58 L’état de droit dans les «trois régions» du Soudan FMR 26 L’état de droit dans les «trois régions» du Soudan par Sebastien Gouraud L’instauration de l’état de droit est cruciale pour le maintien des efforts de paix dans le Soudan d’aprèsconflit. En mars 2005, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) mit en route un vaste programme de promotion de l’état de droit dans la zone isolée et dévastée par la guerre des trois régions, afin de faciliter l’accès de la population à la justice. La région d’Abyei, l’État du Nil Bleu et le Kordofan méridional/les monts Nouba - formant une zone d’environ quatre millions d’habitants - sont connus collectivement sous le nom de régions transitionnelles ou des trois régions. L’Accord de paix global (APG), signé en janvier 2005 par le gouvernement soudanais et le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS), n’a pas réussi à déterminer si les trois régions font partie du Sud Soudan ou si elles sont sous le contrôle de Khartoum. Des accords protocolaires passés entre le gouvernement soudanais et le MPLS en mai 2004 reconnaissent le statut spécial des trois régions mais laissent de nombreuses questions sans réponse. Deux ans après la signature de ces accords, les trois régions - qui se trouvaient au front des combats dans la guerre civile opposant le Nord et le Sud - font maintenant face à un grand afflux de rapatriés ainsi qu’à des conflits permanents pour la terre, la propriété et les ressources naturelles. On estime a 300.000 le nombre de personnes déplacées qui retourneront dans les trois régions en 2006, la majorité retournant au Kordofan méridional et au Nil Bleu. Si on ajoute à ces retours à grande échelle le peu de capacité d’absorption des régions de retour, il apparaît que la sécurité humaine et la réintégration durable soient clairement menacées. Etant donné l’augmentation actuelle de la criminalité et des revendications de terres et de propriétés, ainsi que le manque de confiance dans les institutions nationales, il est crucial d’offrir aux rapatriés et aux communautés d’accueil des mécanismes de protection et de résolution des différends et des litiges. Etablir l’état de droit au Soudan nécessite une combinaison d’approches au niveau de la communauté et un renforcement des capacités des institutions liées à l’état de droit. Celles-ci doivent être soutenues par un gouvernement efficace et une action politique au niveau national et international. L’absence d’une action efficace au niveau de la communauté, de l’Etat, au niveau national ou international, pourrait saper l’ensemble du processus de consolidation de la paix entre le Nord et le Sud. C’est dans ce cadre que le PNUD a mis en place son Programme de Renforcement de l’accès à la justice et à la sécurité humaine dans les trois régions. Conflit et violence Malgré l’APG, l’on s’attend à ce que la violence continue et frappe une bonne partie des trois régions, surtout là où les tensions sont exacerbées par la présence de milices, les intérêts pétroliers et le retour des réfugiés. De nombreuses communautés sont militarisées, les armes légères sont facilement disponibles et la compétition pour les rares ressources bat son plein. L’expansion des villes et de leurs banlieues lors de la période de retour et de réintégration ne fera qu’aggraver les choses et mènera à une intensification de l’activité criminelle. Les droits fonciers sont traditionnellement hérités des ancêtres et appartiennent collectivement à la communauté ou à la tribu. La plupart du temps, il n’existe pas de système d’enregistrement formel ni de documentation officielle de la propriété. Cependant, dans les zones urbaines le droit à la terre et à la propriété est de plus en plus considéré comme un droit légal basé sur les réclamations individuelles soutenues par des documents valides. Beaucoup prévoient de potentiels problèmes dans les villes, où les autorités ont loué ou distribué des parcelles à des commerçants, des personnes importantes ou à d’autres qui ont les moyens de louer des terres ou une propriété. L’on rapporte que plusieurs cas de réclamations de propriété sont en cours ou ont été résolus de manière peu satisfaisante dans des villes telles Abyei. Dans la plupart des cas les propriétaires légitimes doivent faire face à un processus infiniment long pour prouver leurs droits, et se voient ensuite souvent offrir des terres peu attrayants à la campagne en guise de compensation. Ces premiers cas démontrent la nécessité d’établir un mécanisme de résolution légal et juste et d’enregistrement formel de la propriété urbaine. A part quelques exceptions, les femmes n’ont pas le droit à la propriété selon le droit coutumier et font souvent face à de grandes difficultés lorsqu’elles revendiquent des terres ou des biens immobiliers appartenant à leur mari ou à un autre membre de leur famille. Les femmes sont souvent seules à subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille; elles se retrouvent brusquement dans la sphère publique d’une société fortement militarisée et dominée par les hommes. L’organisation traditionnelle de la famille et de la communauté qui assurait la sécurité physique et matérielle des femmes et des enfants par le passé n’offre maintenant que très peu de protection contre les éléments criminels. Mettre en place des mécanismes et des institutions coutumiers et légaux affirmant l’état de droit dans les trois régions reste l’un des plus grand défis de la réforme de la justice. Les hommes et les femmes sont considérés comme des personnes légales très différentes, aussi bien par la justice que dans la vie civile, et les femmes sont généralement exclues de toute fonction importante et des assemblées publiques où sont prises des décisions majeures. Initiative «Accès à la Justice» du PNUD Afin de répondre à ces problèmes, le PNUD, en collaboration avec le Comité international de secours, a établi cinq Centres de justice et de confiance (CJC) FMR 26 L’état de droit dans les «trois régions» du Soudan en faisant le lien entre le client et la police, les procureurs et les juges. En outre, le PNUD défend aussi les procès qui sont dans l’intérêt du public afin d’essayer de modifier la structure actuelle du pouvoir et des privilèges. Ce genre de procès nécessitent des avocats qui prennent en charge des affaires dans l’intérêt de groupes ou de communautés qui sont profondément vulnérables et sans défense, tels les prisonniers, les femmes, les pauvres et les PDI. A travers leurs Centres de ressources et d’informations juridiques, les CJC mettent à la disposition de chacun des documents et des informations juridiques - textes de lois et autres publications régionales et internationales liées aux droits de l’homme - c’est-à-dire non seulement au public, mais aussi aux juges, aux avocats, aux procureurs et aux militants des droits de l’homme. Sebastien Gouraud/UNDP Conclusion à Abyei, Kadugli, Dilling, Lagawa et Damazin. Grâce à ces centres, le PNUD espère améliorer l’accès à la justice, favoriser la réconciliation et la mise en confiance entre réfugiés, communautés locales et autorités et engager les autorités à protéger les civls de manière proactive. Les programmes d’information sur les droits de l’homme des CJC encouragent les différentes parties à accepter leurs responsabilités dans la mise en place d’une situation de confiance et à soutenir une culture de respect pour l’état de droit. Cela implique l’amélioration des connaissances, des aptitudes et de la confiance de groupes vulnérables afin qu’ils puissent travailler eux-mêmes vers leur propre développement. Les activités d’émancipation incluent l’éducation des pauvres et d’autres groupes vulnérables, en particulier les femmes et les PDI, au sujet des droits légaux et humains, et de les aider dans leur poursuite de la justice. Au contraire de la fromation conventionnelle sur les droits humains, les activités de sensibilisation des CJC sont inspirées des sytèmes traditionnels et indigènes de résolution des conflits et des valeurs culturelles et religieuses. La sensibilisation pénale aide les gens à comprendre qu’ils ont le droit de demander des dédommagements lorsque leurs droits sont bafoués. Le PNUD offre une aide juridique, représente les clients (communautés ou individus) auprès des autorités et, simultanément, permettent à ces dernières de devenir plus efficaces et plus réceptives. Cela implique d’étendre l’offre de services juridiques gratuits aux groupes et aux communautés pauvres, marginalisés et indigents. Une telle assistance est apportée tant aux affaires civiles qu’aux affaires criminelles et demande une représentation formelle lors des procès ainsi qu’une offre de conseil et d’assistance pour les questions administratives qui peuvent être résolues dans des tribunaux quasi judiciaires. Il ne se trouve actuellement que très peu de personnes travaillant dans le domaine juridique dans les trois régions. L’un des objectifs des CJC est d’identifier ces personnes - celles qui possèdent une certaine expérience du droit - et de les former en tant qu’assistants juridiques. Le rôle de ces assistants est d’aider les gens à résoudre leurs problèmes juridiques L’initiative «Accès à la Justice», qui se trouve au cœur du programme du PNUD sur l’état de droit dans les trois régions, a pour but le renforcement des capacités des institutions juridiques visant à faire respecter les lois mais soutient aussi les mécanismes traditionnels de résolution des différends. Le retour et le rapatriement dans les trois régions des personnes déplacées pose des problèmes nombreux et uniques pour la sécurité humaine qui ont un impact direct sur la protection des individus et des communautés et sur l’accès à la justice. L’initiative «Accès à la Justice» du PNUD se concentre sur cette phase initiale de relèvement afin de répondre aux besoins de protection immédiats tout en alliant secours et développement de manière efficace et réaliste. Sébastien Gouraud est administrateur du programme du PNUD pour l’état de droit dans les trois régions (la région d’Abyei, l’État du Nil Bleu et le Kordofan méridional). E-mail: [email protected]. Pour de plus amples informations sur le programme du PNUD pour l’état de droit au Soudan, veuillez contacter Yasmine Sherif, chef d’unité et conseillère principale sur l’état de droit. E-mail: [email protected] Cet article est l’expression d’opinions personnelles et ne représente pas nécessairement les points de vue de l’ONU ou de toute autre organisation. 59 Symposium sur l’Application de la Loi à Agok, mars 2006.