Le patrimoine en perspective au Togo et au Bénin

Transcription

Le patrimoine en perspective au Togo et au Bénin
Le patrimoine en perspective au
Togo et au Bénin
(Actes des rencontres sur le patrimoine, tenues à Lomé, les 15 et 16 mai 2012)
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Le patrimoine en perspective au
Togo et au Bénin
(Rencontres sur le patrimoine au Togo, tenues à Lomé, les 15 et 16 mai 2012)
Organisées avec le soutien du fonds d’Alembert de l’Institut français
Document réalisé par l’Institut des Sciences de l’Information, de la
Communication et des Arts (ISICA) / Université de Lomé
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SOMMAIRE
SOMMAIRE…………………………………………………………………... 5
CONTEXTE DE LA MANIFESTATION………………………………………….. 7
LA CEREMONIE D’OUVERTURE……………………………………………….9
LES TRAVAUX PROPREMENT DITS…………………………………………... 11
TABLE-RONDE N°1 : QUELS PATRIMOINES PRESENTS AU TOGO ? …………...11
TABLE-RONDE N°2 : PATRIMOINE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE……..25
TABLE-RONDE N°3 : PATRIMOINE ET DEVELOPPEMENT SOCIAL/LOCAL…….33
TABLE-RONDE N°4 : LES ENJEUX DE LA FORMATION SUR LE PATRIMOINE…..39
PROJECTION-DEBAT : « LE CHAINON MANQUANT »……………………….....45
LES DEBATS………………………………………………………………....47
QUE RETENIR DE CES RENCONTRES ?..................................................................... 51
LISTE DES INTERVENANTS…………………………………………………. 53
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CONTEXTE DE LA MANIFESTATION
L’Institut Français du Togo a abrité, les 15 et 16 mai 2012, un grand événement culturel portant sur le thème : « Le patrimoine en perspective au
Togo et au Bénin ».
Cette manifestation se situe dans le cadre des rencontres organisées à
Cotonou et à Lomé par les Ambassades de France au Togo et au Bénin. Elle
est partie d’un constat : ces deux pays disposent de sites patrimoniaux qui sont
de véritables mines très peu explorées. D’où l’initiative de confronter un large
éventail d’acteurs béninois et togolais (autorités étatiques et locales, société
civile, universitaires…) sur la question, afin de relever les atouts et les impacts
que peut avoir une mise en valeur de ce patrimoine sur le développement (culturel, économique, social, et même politique). A travers des témoignages et un
partage d’idées et d’expériences, une plate forme d’actions concrètes se prépare
en vue de valoriser les patrimoines de ces deux Etats.
En dehors des discours d’ouverture, ces rencontres ont été organisées
autour de quatre tables-rondes dont les thèmes sont respectivement : i) Quels
patrimoines présents au Togo ? ii) Patrimoine et développement économique ;
iii) Patrimoine et développement social/local ; iv) Les enjeux de la formation
sur le patrimoine. Les participants ont, par ailleurs, assisté à la projection du
documentaire « Le chaînon manquant » et au débat portant sur ce film.
Le présent document rend compte du déroulement et du contenu de la
rencontre de Lomé.
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LA CEREMONIE D’OUVERTURE
Trois Ministres ont représenté le Togo à l’ouverture ; à l’extrême droite, l’ambassadeur de France au Togo
La cérémonie inaugurale a vu se succéder trois discours, prononcés respectivement par l’ambassadeur de France au Togo, le ministre togolais du Tourisme et celui des Arts et de la Culture.
L’ambassadeur a évoqué, dans son intervention, la coopération entre la
France et ses partenaires. Après avoir rappelé les liens historiques les unissant,
il a mis l’accent sur les patrimoines communs au Togo et au Bénin, dont la
valorisation entraînera des effets bénéfiques.
Le ministre du Tourisme, M. Batienne Kpabre-Sylli a, quant à lui, estimé
qu’il est opportun de s’intéresser particulièrement aux patrimoines culturels et
naturels que ces deux pays ont en commun depuis des siècles. Il a salué la tenue de cette rencontre qui, selon lui, a une portée historique.
En effet, elle rapproche davantage les peuples de ces deux nations déjà
unies par des liens ethniques, par diverses alliances et par des idéaux communs.
Entre autres, les valeurs liées au culte « vaudou », aux fêtes traditionnelles « épéékpé », « togbé agni », « bussetié » et aux expressions culturelles comme : « gèlèdè »,
« zangbéto », « djoukabontanaidjombi » sont des réalités culturelles communes à ces
deux territoires.
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Pour le ministre, toutes ces manifestations culturelles sont des produits
touristiques par excellence qui demandent que le Bénin et le Togo transcendent
leurs frontières physiques, pour se fondre dans un terreau où tous peuvent
cultiver des identités communes de développement.
Par ailleurs, il a fait l’état des lieux sur le tourisme togolais, rayonnant
dans un passé récent, mais ayant connu un déclin suite aux troubles sociopolitiques des années 1990. En dépit de cette situation, le ministre a néanmoins
précisé que des programmes de réhabilitation des sites et des espaces naturels
sont en cours d’exécution, ce qui permettra une relance des activités dans ce
domaine si vital pour le développement.
Pour finir, il a souhaité que ces travaux balisent la voie aux démarches de
valorisation des richesses patrimoniales pour booster la croissance des collectivités locales et des nations togolaise et béninoise tout entières.
A la suite du ministre du Tourisme, son collègue des Arts et de la Culture, M. Yacoubou K. Hamadou, s’est félicité de la justesse du choix du thème
de ces rencontres. A ses yeux, la sauvegarde, la conservation et la promotion
du patrimoine culturel revêtent une importance majeure. C’est sans doute cette
importance qui justifie l’intérêt porté à ce secteur par les pouvoirs publics et
qui s’est manifestée, entre autres, par les mesures législatives et réglementaires
destinées à ces fins. Pour lui, La prochaine participation du Togo à la quatrième assemblée générale des parties à la convention de 2003 portant sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, convention ratifiée par notre pays, et
qui aura lieu au siège de l’UNESCO à Paris, du 04 au 08 juin 2012, est un témoignage de la place qu’occupe le patrimoine dans les programmes de développement. Il a, par ailleurs, invité les acteurs, qui qu’ils soient, à s’investir dans
la protection et la sauvegarde du patrimoine togolais, source de richesse culturelle et économique.
Tout en souhaitant plein succès aux travaux de ces rencontres, le ministre a formulé le vœu que le fruit des échanges et réflexions qui se feront,
concourt à la relance économique du Togo.
Après l’étape inaugurale, un intermède musical a permis à l’assistance
d’admirer les prestations de la chorale « Chœur national du Togo ». Celle-ci a exécuté, à l’appréciation de tous, des danses et chants des différentes régions du
Togo. A l’issue de cet intermède, une pause a été observée avant la reprise des
activités proprement dites.
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LES TRAVAUX PROPREMENT DITS
Ils se sont déroulés autour de quatre tables-rondes et d’une projection, le
tout suivi de débats.
TABLE-RONDE N°1 : QUELS PATRIMOINES PRESENTS AU TOGO ?
Cette table-ronde a eu pour modérateur M. Yves Komi Tublu, Gestionnaire de patrimoines culturels au Cabinet du Ministère des Arts et de la Culture, ancien Conservateur du Musée national du Togo. Les intervenants sont
respectivement M. Akoété Kouglenou, Secrétaire général de la Commission
nationale togolaise pour l’UNESCO (Organisation des Nation Unies pour
l’Education, la Science et la Culture), Mme Angèle Dola Aguigah, Maîtreassistante d’Archéologie des Universités du Togo, Mme Lucie B. Tidjougouna,
chef de la Division des Musées, des Sites, Monuments et du Patrimoine Immatériel du Ministère des Arts et de la Culture et Mme Amah Atutonu, Chargée
d’études à la Direction Faune et Chasse du Ministère de l’Environnement et
des Ressources forestières.
En note introductive, le modérateur, après avoir présenté les conférenciers, a défini la notion de patrimoine en rappelant qu’il est d’abord un concept
économique qui se double d’une acception culturelle à la Révolution française
de 1789. Il a ensuite fait la genèse de la protection juridique du patrimoine au
Togo en évoquant les premières dispositions juridiques de conservation du
patrimoine de la période coloniale française, notamment le décret du 25 août
1937 relatif à la protection des monuments naturels et des sites à caractère historique, scientifique, légendaire ou pittoresque des colonies, pays de protectorat et territoires sous-mandat relevant du Ministère des colonies (promulgué au
Togo par l’arrêté n° 558 du 13 octobre 1937), la loi n° 24-90 du 23 novembre
1990 relative à la protection du patrimoine culturel national et la loi n° 2008005 du 30 mai 2008 portant loi-cadre sur l'environnement. Le patrimoine se
présente sous deux formes: il peut être culturel (matériel/immatériel) ou naturel, a-t-il conclu avant de passer tour à tour la parole aux intervenants dont le
premier à entretenir l’assistance est M. Akoété Kougblenou.
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Les intervenants de la première table-ronde
L’intervention de ce dernier a consisté à éclairer l’assistance sur la commission qu’il représente. D’entrée de jeu, il a montré que la convention créant
l’UNESCO, a été signée à Londres, le 16 novembre 1945 par 37 pays, mais
n’est rentrée en vigueur que le 4 novembre 1946 après 20 ratifications.
Le Togo, indépendant depuis le 27 avril 1960, est devenu membre de
cette organisation internationale le 17 novembre de la même année. Cette adhésion a poussé les autorités togolaises à instituer, par décret du 19 septembre
1963, une Commission nationale pour l’UNESCO1 pour servir d’interface entre cette institution onusienne, le gouvernement et les organisations éducatives,
scientifiques et culturelles.
Cette commission se compose de personnes hautement qualifiées dont
leurs activités se rapportent directement ou indirectement aux domaines de
compétences de l’UNESCO. Elle est structurée comme suit :
− une assemblée générale de trente membres ;
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En vertu des dispositions de la Charte des commissions nationales, et de l’article 7 de l’acte
constitutif de l’UNESCO.
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− un comité exécutif de onze membres, dont le ministre présidant la
commission, les présidents des sous-commissions nationales, le secrétaire général national et son adjoint ;
− le secrétariat général : c’est l’organe permanent de mise en œuvre des
activités de la commission, dirigé par le secrétaire général ;
− les sept sous-commissions concernent : l’éducation ; la science, la
technologie et l’environnement ; la culture et le développement ; la communication ; la science sociale et humaine ; le droit de l’homme, la démocratie et la
paix ; l’enseignement supérieur et la recherche ;
− il y a également des comités spécialisés qui peuvent être (permanents
ou non).
La Commission nationale togolaise pour l’UNESCO a actuellement à
son actif, cinq comités spécialisés :
- le comité national : l’homme et la biosphère (MAB) ;
- le comité océanographique intergouvernemental (COI) ;
- le comité consultatif national de bioéthique (CCNB) ;
- la gestion des transformations sociales (MOST) ;
- le programme informatique pour tous (PIPT).
Selon M. Kougblenou, l’UNESCO travaille à l’identification et à la protection des lieux culturels qui méritent d’être connus de l’humanité, conformément aux dispositions de sa convention du 16 novembre 1972, concernant
la protection du patrimoine mondial naturel et culturel. Ce texte est fondé sur
l’idée que certains sites ont une valeur exceptionnelle et devraient, de ce fait,
faire partie du Patrimoine commun de l’humanité. Sans préjudice des lois pour
la souveraineté nationale et les droits de propriété prévus par les législations
nationales, les Etats parties à la convention reconnaissent que la protection du
patrimoine mondial est le devoir de la communauté internationale dans son
ensemble. L’Etat hôte se doit de prendre des dispositions pour la protection, la
sauvegarde et la restauration du site. Dans le cas contraire, le site risque de
tomber sur la liste du patrimoine en péril.
Depuis, 187 pays ont ratifié cette convention et 936 biens sont actuellement inscrits sur la liste des sites protégés.
Le Togo y a adhéré en 1998.
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Au niveau de l’UNESCO, ces deux types de patrimoine sont protégés et
valorisés:
Pour le patrimoine culturel et naturel, il y a la Convention du patrimoine
mondial culturel et naturel de 1972 mis en œuvre par le Centre du Patrimoine
mondial et la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
de 2003.
Ces deux Conventions sont ratifiées par le Togo. Au titre de la Convention de 1972, le Togo a inscrit le site du Koutammakou sur la liste du Patrimoine mondial en juin 2004 comme paysage culture sous le nom de « Koutammakou, pays des Batammariba ». En ce qui concerne la Convention de
2003, même si le Togo n’a pas directement inscrit un bien sur la Liste représentative du patrimoine immatériel de l’humanité, en 2008 il y a co-inscrit avec le
Nigeria, le patrimoine oral Gèlèdè présenté par le Bénin (originellement proclamé chef-d’œuvre en 2001).
Le Togo a inscrit le complexe Oti-Kéran/Oti-Mandouri Togo dans le
Réseau mondial des réserves de biosphère lors de la 23e session du Conseil
international de coordination du programme sur l’Homme et la Biosphère
(MAB) de l’UNESCO, tenue en Allemagne, du 28 juin au 1er juillet 2011.
Parallèlement à ces conventions, l’UNESCO met en œuvre, depuis le
début des années 1970, le Programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) qui
est un programme scientifique intergouvernemental visant à établir une base
scientifique pour améliorer les relations homme-nature au niveau mondial,
lancé au début des années 1970.
C’est sur cet inventaire que le représentant de la Commission nationale
togolaise pour l’UNESCO a conclu son intervention.
La deuxième communication, celle de Mme Angèle Dola Aguigah, a mis
en lumière le patrimoine archéologique.
En introduction, l’oratrice a fait observer que le patrimoine culturel de
l’Afrique est riche et diversifié. Il se compose d’une grande variété de produits
culturels retrouvés dans les sites paléontologiques, archéologiques ou historiques, qu’on retrouve sur les sites, dans les musées, les galeries et dans la vie
quotidienne des populations.
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L’archéologie togolaise, comparée à celle des autres pays de la sous région ouest-africaine, est une discipline relativement jeune. Il n’y a quasiment
pas eu de recherches archéologiques au Togo jusqu’en 1979.
Les raisons en sont la concentration des recherches à l’IFAN (Institut
français d’Afrique noire, devenu Institut fondamental d’Afrique noire) de Dakar et le statut de territoire sous mandat, puis sous tutelle de ce territoire au
cours de la période coloniale.
Abordant le cœur de son sujet, Mme Aguigah a posé plusieurs questions : quel patrimoine faut-il protéger ou sauvegarder ? Autrement dit, peut-on
ou doit-on tout protéger et tout sauvegarder ?
Répondant à ces interrogations, elle a d’abord défini la notion du patrimoine qui, selon elle, est un héritage légué par les générations précédentes et
qui doit être transmis, intact ou augmenté, aux générations futures. Cette définition montre donc que le patrimoine est une chose qui transcende la simple
propriété personnelle. Il relève du bien public et du bien commun qu’il faut
constituer pour l’avenir.
Pour elle, le patrimoine culturel se définit comme l’ensemble des biens,
matériels ou immatériels, ayant une importance artistique et/ou historique
certaine et qui appartiennent à une entité privée (personne, entreprise,
association, etc.) ou à une entité publique (commune, département, région,
pays, etc.). Cet ensemble est généralement préservé, restauré, sauvegardé et
montré au public, soit de façon exceptionnelle (ex : les Journées européennes
du patrimoine, la journée du patrimoine en France, le Mois du patrimoine, …),
soit de façon régulière dans les musées, sur les sites ou les musées de sites
comme à Notsé, Bassar, et Tcharè.
Poursuivant sa communication, l’oratrice déclare qu’il existe deux souscatégories de patrimoine culturel : le patrimoine culturel matériel ou tangible et
le patrimoine culturel immatériel ou intangible Le premier est composé de
l’ensemble de monuments et sites, des paysages culturels (Koutammakou par
exemple), de l’architecture (habitat vernaculaire, l’architecture coloniale...), des
sites archéologiques et géologiques, des aménagements de sol, d’objets d’art, de
mobilier, du patrimoine artisanal (outils, instruments, ...), …
Le second regroupe est constitué de l’ensemble des savoir-faire, savoir
être, de différentes formes : chants, folklores, coutumes, danses, traditions gas-
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tronomiques ou patrimoine culinaire, jeux, mythes, contes et légendes, devinettes, témoignages, us et coutumes, etc.
L’archéologie qui étudie le passé humain à travers les monuments, les
œuvres d’art et les restes matériels de toutes origines, légués par les anciennes
civilisations, contribue grandement à la constitution du patrimoine culturel.
Ayant une dimension pluridisciplinaire, elle utilise les données des autres
sciences : physique, chimie, zoologie, palynologie, botanique, géologie, histoire,
histoire de l’art, philologie, anthropologie, ethnographie, géographie, …
Son champ d’études s’étend de la préhistoire aux vestiges de la société
industrielle : des vestiges les plus humbles du début de l’humanité sur plusieurs
millions d’années, jusqu’aux vestiges et monuments d’époques historiques.
Le patrimoine archéologique est constitué des éléments de tous les
vestiges et autres traces de l’existence de l’humanité, dont la sauvegarde et
l’étude, notamment par des fouilles ou des découvertes, permettent de retracer
le développement de l’histoire de l’humanité et de sa relation avec
l’environnement naturel.
Les vestiges archéologiques s’acquièrent par deux méthodes : les fouilles
archéologiques programmées et les découvertes fortuites.
Pour Mme Aguigah, l’Etat est responsable de l’organisation et de
l’exécution de fouilles ou de sondages pouvant intéresser la préhistoire,
l’histoire, l’art ou l’archéologie sur tous terrains susceptibles de contenir des
vestiges archéologiques. L’Etat doit donc faire procéder à l’exécution de
fouilles ou de sondages pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou
l’archéologie.
L’archéologie terrestre et celle subaquatique peuvent y contribuer.
Mais il y a lieu de ne pas oublier l’importance de l’archéologie préventive
dans ce processus. Cette dernière assure, dans les délais appropriés, la
détection, la conservation ou la sauvegarde par l’étude scientifique des éléments
du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d’être affectés par les
travaux publics ou privés concourant à l’aménagement. Elle a également pour
objet l’interprétation et la diffusion des résultats obtenus. Elle relève de
missions de service public et est partie intégrante de l’archéologie. Elle est régie
par les principes applicables à toute recherche scientifique.
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Quant aux découvertes fortuites, elles sont celles faites par suite de travaux ou d’un fait quelconque. Elles concernent les monuments, les ruines, les
mosaïques, les vestiges d’habitation, les sépultures anciennes ou, généralement,
tous les objets intéressant la préhistoire, l’histoire, l’art, l’archéologie.
En principe, il s’impose à ceux ayant fait les découvertes de déclarer immédiatement leurs trouvailles auprès des autorités locales, qui doivent, à leur
tour, informer les services administratifs compétents en la matière. Ces derniers
organisent la visite des lieux des découvertes ou des locaux abritant les objets.
Ils peuvent aussi prescrire toutes les mesures utiles pour leur conservation ou
encore confier l’organisation des fouilles plus approfondies aux archéologues
plus compétents.
S’intéressant aux fouilles archéologiques réalisées au Togo, l’oratrice a
présenté l’historique et les résultats obtenus par ces recherches. En effet, de
tout temps, il y a eu des découvertes fortuites faites par les habitants de ce territoire. Il s’agit des objets de forme insolite trouvés dans le sol dans diverses
localités. La croyance populaire a souvent attribué ces œuvres à l’action de la
nature. C’est le cas, par exemple, de la « pierre de foudre » si répandue dans certains endroits du pays.
Mais dès l’époque allemande (1884-1914), ces objets ont commencé à retenir l’attention des administrateurs coloniaux. C’est ainsi que l’Allemand
Schwanold a trouvé, en 1913, des « monnaies en pierre » ou galets perforés « sokpé » (pierres de la foudre) et des outils lithiques en pays éwé.
Entre 1933 et 1958, d’autres administrateurs et chercheurs se sont intéressé au matériel lithique à l’ouest et au nord du Togo, à la description des perles au sud du pays. La présence des nucléus et l’abondance des rebuts d’outils
indiquent l’accessibilité de la matière première et l’occupation du site à une
période probablement préhistorique.
Ces différentes découvertes ont permis aux missionnaires allemands et
aux administrateurs français d’écrire quelques monographies sur les galets perforés, les mégalithes du nord et de l’ouest du pays et sur la métallurgie du fer
en pays Bassar. Ces chercheurs ont quelquefois réalisé des œuvres remarquables pour l’époque. La collection des objets lithiques de R. P. Vialettes est, en la
matière, digne d’intérêt.
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La première reconnaissance archéologique a été effectuée par le Britannique O. Davies qui séjournait à l’époque au Ghana. Elle a révélé des sites préhistoriques au Togo et au Dahomey (actuelle République du Bénin).
Cependant, il a fallu attendre 1979 pour que démarre, au Togo, une véritable politique de recherche archéologique. La découverte du matériel lithique
(bifaces, pierres polies, meules dormantes, molettes…), suite aux campagnes
menées dans ce cadre, a permis d’émettre des hypothèses selon lesquelles les
zones de leurs sites sont des milieux où des hommes, installés là depuis longtemps, ont pratiqué des activités comme la chasse, la cueillette, l’agriculture, la
poterie et la métallurgie de fer.
C’est la mission Posnansky, dirigée par le Professeur Merrick Posnansky
de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et composée de Philip de
Barros et d’André Kuévi, (Posnansky, M., de Barros, Ph. 1979), qui a réalisé cet
important travail.
Cette prospection, organisée sur l’ensemble du territoire, a permis
d’identifier des sites déjà connus et mentionnés dans la documentation écrite et
de repérer d’autres sites jusque-là ignorés (Posnansky, M. et Philip de Barros,
1979).
Ainsi, des sites et des vestiges comptant parmi les plus anciens en Afrique ont été repérés en surface : sites préhistoriques, néolithiques, protohistoriques, de technologie de la poterie, de la métallurgie, des revêtements des sols,
des amas coquillers…
Les archéologues togolais ont ensuite pris la relève, notamment les enseignants-chercheurs de l’Université du Bénin (actuelle Université de Lomé).
Ils ont d’abord vulgarisé les résultats de leurs devanciers à travers
l’enseignement. Ensuite, ils ont mené des recherches sur le terrain. C’est ainsi
qu’à partir de 1982, Angèle Dola Aguigah a mené des prospections et des fouilles sur les sites de Notsé, Tado, Tcharè, Bè, dans les régions des Lacs, de la
Kara et de Dapaong. Parallèlement, André Dovi Kuévi a effectué des investigations sur les populations du Plateau de Danyi, puis dans la région de la Kara et
de Dapaong.
En 1990, un accord de collaboration a été signé entre le PAT et la KAVA du DAI pour entreprendre des prospections et des fouilles dans plusieurs
régions du pays. Les travaux ont alors débuté dans la région de Dapaong, mais
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ils ont été prématurément arrêtés, à cause des troubles politiques survenus au
Togo. Cependant, les résultats partiels auxquels les chercheurs ont abouti, ont
été satisfaisants dans l’ensemble.
Les principaux objectifs de ces recherches consistaient en l’étude des cultures matérielles et en l’établissement de séquences chronologiques. C’est sur
cette base que des chantiers ont été ouverts dans plusieurs préfectures pour
faire des observations de terrain, recueillir les informations à partir des sources
orales, étudier les vestiges exhumés en s’appuyant sur les enquêtes ethnoarchéologiques, faire des analyses de laboratoire pour la datation et
l’identification du matériel. Les actions de ces chantiers permettent
d’appréhender l’environnement géoculturel et l’organisation socio-économique
des habitants du Togo actuel.
Dans la région maritime, des sites d’industrie lithique, de métallurgie du
fer, d’ateliers de potières, des amas de coquilliers, des sites historiques,… ont
été découverts. A Lomé, au titre de l’archéologie urbaine, des fouilles ont été
effectuées sur le dépotoir de Bè, site de l’actuel palais royal du chef Aklassou.
Dans les préfectures des Lacs et de Vo, des prospections ont été organisées,
notamment des enquêtes ethnoarchéologiques.
Des enceintes de pierres et en terre battue, des vestiges de métallurgie
ancienne du fer, des pavements ont été aussi découverts dans la région des
Plateaux, en particulier dans le Kloto. Les sites d’Ahlon ont livré le caveau et
les structures en cercles et les murailles en pierre.
Dans la région de la Kara, les préfectures de la Binah et de la Kozah
recèlent des bois sacrés, des vestiges, des statuettes en terre cuite, des
pavements, de métallurgie ancienne de fer. Les sites de Bassar comportent
d’importants vestiges de métallurgie ancienne du fer. Sur les sites de Farendé,
Koutammakou et de Tcharè, les découvertes sont nombreuses.
Certains sites sont érigés en chantiers-école comme Tado, Notsé, Bassar
et Farendè.
Dans la région des Savanes, le peuplement humain semble remonter au
paléolithique récent, avec des vestiges de peintures rupestres, de métallurgie
ancienne du fer, d’industrie lithique, de pavements… On y dénombre, entre
autres, les sites de la vallée de l’Oti et de la métallurgie de Dapaong.
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La présentation de cet aperçu historique sur les résultats des fouilles archéologiques au Togo a été ponctuée d’illustrations photographiques permettant à l’assistance de voir les images des objets exhumés.
Pour Mme Aguigah, les recherches archéologiques effectuées ces 30 dernières années montrent que le Togo possède indubitablement de richesses dans
ce domaine, capables de déboucher sur une étude rationnelle de la culture et de
la vie matérielles des populations anciennes de l’espace aujourd’hui togolais.
Ces résultats ont, par ailleurs, confirmé certaines hypothèses : l’existence d’un
peuplement préhistorique, l’occupation ancienne de plusieurs sites, l’existence
des technologies endogènes (céramique, métallurgie ancienne du fer, architecture de défense et traditionnelle (enceintes), pavements de sols et l’organisation
de l’espace, etc.). Ces éléments, confrontés aux données des sources orales et
des archives existantes, permettent de mieux cerner les contours du passé, en
réduisant les zones encore obscures de l’histoire du Togo. Cette dernière remonte, en l’état actuel des recherches, à environ 3000 ans avant J-C.
La valorisation du patrimoine archéologique est aujourd’hui une exigence
pour l’Afrique et si les contacts entre la communauté scientifique, les communautés locales et le grand public sont maintenus, ce sont tous les acteurs de la
chaîne de l’archéologie qui en bénéficieront.
Pour conclure, l’oratrice a fait observer qu’au Togo, le patrimoine archéologique est de nos jours relativement riche par rapport aux années 1980.
Malheureusement, les difficultés persistantes dans la pratique des fouilles, le
manque d’intérêts de la part des étudiants et l’absence de moyens,
d’infrastructures adéquates, de financement de l’Etat menacent dangereusement l’avenir de l’archéologie dans ce pays. Aussi, a-t-elle convié l’assistance à
garder à l’esprit, que la richesse de l’Afrique se trouve non seulement dans son
patrimoine visible, mais aussi dans son sous-sol. Cela impose à tous les Africains de s’impliquer dans la valorisation de ce trésor dans l’intérêt de tous.
Mme Lucie B. Tidjougouna qui a pris ensuite la parole, s’est, à son tour,
interrogée : quels sont les patrimoines présents au Togo ?
Après la définition du concept de patrimoine dans son sens général,
l’oratrice s’est appesantie sur le patrimoine culturel qui, selon elle, peut être
défini de plusieurs manières.
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On peut le définir, entre autres, comme étant un ensemble de biens
meubles ou immeubles dans le sens du code civil, artistique, littéraire ou touristique. Selon la Convention de 1972, on parle de patrimoine culturel et naturel.
Le patrimoine culturel togolais est varié et diversifié. Il est caractérisé
par : les sites archéologiques et historiques et, quand ils sont mixtes, par les
itinéraires, les établissements humains, les cultures traditionnelles et les paysages culturels et naturels.
Le patrimoine matériel comprend le patrimoine immobilier que représentent l’architecture traditionnelle (case ronde et takienta), l’architecture coloniale et moderne, le cimetière traditionnel et les sites archéologiques, naturel,
historique et sacré.
Le patrimoine mobilier est composé, quant à lui, d’éléments qui attestent,
tous dans leurs particularités, de l’évolution des pratiques, du traditionnel au
moderne.
Le patrimoine matériel rassemble des objets tangibles qu’on peut conserver, restaurer et diffuser.
Qu’en est-il alors du patrimoine culturel immatériel ?
Il est défini par la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel
immatériel de 2003 comme étant des pratiques, représentations, expressions,
connaissances et savoir-faire (ainsi que les instruments, objets, artefacts et
espaces culturels qui lui sont associés) que les communautés, les groupes et, le
cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur
patrimoine culturel. C’est l’ensemble des croyances, des pratiques religieuses,
des récits, des contes, des légendes et des proverbes qui se transmettent de
génération en génération.
Il comprend, entre autres, les traditions, expressions orales, la langue
comme vecteur du Patrimoine culturel immatériel (PCI), les arts du spectacle
(la musique, la danse, le théâtre, les jeux traditionnels comme le tir à l’arc,
« awale » (tomédi)), les pratiques sociales, rituels et évènements festifs (les rites
initiatiques et autres fêtes traditionnelles, les connaissances et pratiques
concernant la nature et l’univers) et les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel
(la poterie, la forge, la vannerie et le tissage).
Le PCI togolais est assez dense et varié. Toutes les ethnies togolaises en
possèdent de riche. Il s’agit, notamment : des rites initiatiques ; des danses de
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chasseurs, de guerriers, de réjouissance, des fêtes de moissons, de carnaval ; de
l’artisanat, les rituels divers ; des accoutrements du prêtre traditionnel et du
corneur ; de l’art culinaire issu du brassage afro-brésilien ; de la fabrication de la
manche de la houe et autres outils aratoires, etc. Les exemples sont légions : les
danses initiatiques dikuntri, Fabenfé, la sortie des zangbéto, le plat de crabes farcis
appelé kandji-goussi et le féchuada, les danses du carnaval à Atouèta, la danse des
vierges, l’art des griots à Pagouda, …
Le patrimoine culturel revêt une importance capitale sur tous les plans :
social, économique, politique et religieux. Pour la société à laquelle il appartient, il est source de fierté, d’originalité, d’authenticité. Il exprime la mémoire
collective d’un peuple et forge son identité. Il peut permettre de retracer les
origines d’un groupe social.
Sur le plan juridique, le patrimoine culturel bénéficie d’une double protection : protection traditionnelle locale ou nationale et protection moderne ou
administrative, assortie de textes réglementaires.
Le patrimoine culturel togolais se caractérise dans sa globalité par sa
grande variété. Le nombre important de monuments, de sites historiques, archéologiques, naturels, les ensembles architecturaux, les techniques de production séculaires encore vivaces et les cultures traditionnelles témoignent d’une
civilisation vivante, a conclu l’oratrice.
Pour clôturer la série des quatre communications, Mme Amah Atutonu a
entretenu l’assistance sur l’état des lieux du patrimoine naturel du Togo.
Elle a énuméré les éléments pouvant être classé dans la catégorie du
patrimoine naturel, aux termes de la convention mondiale sur le patrimoine, en
son article 2. Il s’agit des monuments naturels constitués par des formations
physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une
valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique, des
formations géologiques et physiographiques et des zones strictement délimitées
constituant l’habitat d’espèces animales et végétales menacées, qui ont une
valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation,
des sites naturels ou des zones naturelles strictement délimitées, qui ont une
valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science, de la conservation ou
de la beauté naturelle.
22
Mme Atutonu, a affirmé que le Togo a adhéré à la Convention sur le
patrimoine mondial culturel et naturel. A ce titre, il a l’obligation de respecter
les dispositions qui y sont prescrites. En effet, pour répondre aux exigences de
l’article 3 de la Convention relative à l’identification et à la délimitation des
différents biens situés sur le territoire de chaque Etat membre, le Togo a
inventorié un certain nombre de sites naturels et culturels susceptibles d’être
inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Cette liste comporte : le Complexe
Oti-Kéran/Oti-Mandouri (OKM), le Parc national de Fazao-Malfakassa et la
Réserve de faune d’Alédjo.
Le complexe OKM s’étend sur une superficie de 179 000 ha et se trouve
à cheval sur les régions des Savanes (Oti, Kpendjal) et de la Kara (Kéran).
La combinaison du Parc national Oti-Kéran et de la Réserve de faune
d’Oti-Mandouri abrite une diversité d’écosystèmes (savane, forêt sèche et forêt
galerie) avec une gamme très variée d’espèces floristique et faunique.
Le Parc national Fazao-Malfacassa couvre 192 000 ha. Il est à cheval sur
les régions centrale (Sotouboua, Tchaoudjo, Blitta) et de la Kara (Bassar). Il
résulte de la fusion des aires protégées de Fazao et de Malfakassa. Riche en
espèces fauniques et floristiques, il abrite la seule espèce végétale endémique du
pays : phyllanthus rouxii.
La Réserve de faune d’Alédjo dispose d’une superficie de 765 ha localisée
dans la région centrale (Tchaoudjo) et dans celle de la Kara (Assoli). Elle
présente de potentialités géomorphologiques, esthétiques et socioculturelles
intéressantes (ex : faille d’Alédjo). Elle est aussi riche en espèces fauniques et
floristiques.
C’est sans doute cette richesse qui a amené les pouvoirs publics à
prendre des mesures pour la protection de ce patrimoine naturel, notamment :
− l’élaboration de politiques de conservation des ressources naturelles,
d’une politique nationale de l’environnement, d’une stratégie nationale de
conservation et d’utilisation durable de la diversité biologique, …
− l’élaboration de textes juridiques relatifs à la protection des ressources
naturelles : la loi n° 2008-009 du 19 juin 2008 portant code forestier et la loi n°
2008-005 du 30 mai 2008 portant loi-cadre sur l’environnement et leurs textes
d’application, …
23
Au niveau international, le Togo a aussi signé plusieurs conventions
internationales relatives à la conservation des ressources naturelles, à la
protection de la faune et de son habitat ainsi que des écosystèmes fragiles : la
convention sur le patrimoine mondial, la convention sur la diversité biologique,
la convention sur les zones humides d’importance internationale comme
habitats des oiseaux d’eau, la convention sur le commerce des espèces de flore
et de faune sauvages menacées d’extinction et la convention sur la lutte contre
le changement climatique.
La Constitution togolaise du 14 octobre 1992 indique que toutes les
conventions et textes internationaux auxquels le Togo adhère, s’intègrent
automatiquement dans l’arsenal national et, de fait, doivent être appliqués
comme lois de la République. Le travail consiste à précipiter cette intégration
qui prend généralement trop de temps et à adopter de mesures pour leur
application effective.
C’est sur cette intervention que la première table-ronde a pris fin.
24
TABLE-RONDE N°2 : PATRIMOINE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
Les panélistes autour de la table
Modérée par M. Mourtala Ouro-Koura, Gestionnaire-comptable et financier du Centre régional d’action culturelle (CRAC), cette table-ronde a été
organisée autour de trois communications présentées tour à tour par M. Kossi
Wowui, Chef de la Division de la promotion touristique au Ministère du tourisme, M. Eric Peijmans, Expert en communication et nouvelles technologies
de l’information en service au Ministère du tourisme et M. Komi Nomenyo,
Enseignant-chercheur à la FASEG (Faculté des sciences économiques et de
gestion) de l’Université de Lomé.
Après une brève introduction du modérateur qui montre les enjeux économiques du développement, la parole a été donnée à M. Kossi Wowui pour
présenter son exposé.
D’emblée, ce dernier a affirmé que, dans ses composantes matérielles et
immatérielles, le patrimoine constitue la matière première du développement
touristique. Sa valorisation et son exploitation judicieuse conditionnent la
croissance de l’économie touristique. Présentant l’état des lieux sur la question
au Togo, il a déclaré que les activités liées au tourisme reprennent peu à peu
25
après les périodes difficiles des années 1990. Il a mentionné qu’en 2011, le Togo a enregistré l’arrivée d’environ 325 000 touristes. Les recettes hôtelières
générées par cet afflux sont de 20,5 milliards de F CFA. Plus ou moins 4000
emplois ont été créés dans le sous-secteur hôtelier de ce fait.
L’intervenant a précisé à l’assistance l’objectif visé par la politique commune de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine). En effet, cette institution fixe, pour les huit pays membres, à l’horizon 2020,
l’atteinte du chiffre de 8 000 000 de touristes (contre deux millions en 2011), de
4080 milliards de recettes touristiques (contre cinq milliards en 2011) et de
500 000 emplois créés (contre 250 000 en 2011).
Cet objectif impose au Togo d’enregistrer impérativement en 2020,
1 000 000 de touristes, une avancée qui engendrerait des retombées économiques et sociales conséquentes.
Ainsi, la valorisation, à travers l’aménagement et la promotion des sites et
monuments, devient donc une exigence. Malheureusement, les sites et attraits
touristiques sont laissés en l’état ou insuffisamment mis en valeur.
L’inexistence, dans leur voisinage, des structures d’hébergement et de gestion,
le non entretien de celles existantes, la non praticabilité des voies d’accès en
toute saison, … sont autant d’entraves défavorables à la réalisation des objectifs.
Par ailleurs, pour espérer accueillir un effectif conséquent de visiteurs sur
ces sites, il convient de mettre un terme à cette habitude nocive des guides qui
harcellent les touristes pour leur extorquer des pourboires, a-t-il souligné.
Après ce constat déplorable, l’orateur a procédé à l’inventaire de quelques sites touristiques. Il a d’abord parlé des plages du pays, couvertes de sable
fin, qui courent sur 45 km de Lomé à Aneho. En dehors de quelques aménagements opérés à certains endroits par des hôtels et des riverains, « l’insalubrité
et l’insécurité entretenue par les voleurs à la tire » ou à main armée en limite l’accès à
certaines heures de la journée. L’autre exemple cité est le Lac Togo qui a vu la
construction, en 1970, d’un hôtel du même nom, doté d’un club de sport nautique. Ce site est confronté au lotissement et à la vente de ses abords, occasionnant la disparition de la flore, de la faune et de l’espace à aménager.
Hérités de l’époque coloniale allemande, les vestiges du site de Kamina
(Atakpamé) sont laissés en friche en saison des pluies. Ils ne sont pas docu-
26
mentés et il n’y a pas de structure d’accueil, ni de guides professionnels pour
accompagner les visiteurs.
S’agissant de la cascade d’Aklowoa dans la région des plateaux ouest, les
aménagements réalisés en 1980 (passerelles sur les ruisseaux et escaliers sur les
pentes raides) n’ont pas tenu ; l’accès du site demande souffle et endurance,
rendant sa fréquentation à pied difficile.
Le site de Koutammakou, un paysage culturel en pays temberma de 500
km² classé en 2004 au patrimoine mondial de l’UNESCO, développe quelques
projets de mise en valeur (banques culturelles). Il subsiste cependant des problèmes d’enclavement à quelques endroits, de conservation de l’architecture
dominante et de gestion des visites. Des structures d’hébergement et de loisirs
y font défaut.
L’accès aux greniers de la Grotte de Nok est aujourd’hui facilité par le
renforcement de la piste. Cependant, des problèmes de destruction des greniers
et de risques d’accident lors des visites se posent, car le site est situé en bordure
d’une importante dénivellation. Il y a donc un besoin de protéger ces greniers
et les visiteurs.
Comment valoriser ces sites pour que l’économie touristique puisse en
tire meilleur parti ?
Du fait du manque de structures de gestion, de personnel formé et de
matériel adéquat, la collecte des données statistiques de l’exploitation touristique du patrimoine devient difficile. De toute évidence, si les sites étaient suffisamment mis en valeur et bien gérés, l’exploitation serait optimale et les retombées économiques appréciables ; car le tourisme bien géré et bien exploité
sur les sites est pourvoyeur de ressources financières, créateur d’emplois, facteur d’enrichissement culturel et outil de réduction de la pauvreté.
Pour y parvenir, il y a des préalables :
− En matière de conservation et protection du patrimoine, il convient de
finaliser l’inventaire général du patrimoine et de mettre en œuvre les dispositions de la loi n° 90-24 sur la protection du patrimoine, notamment par
l’établissement d’une liste nationale exhaustive des biens et enfin de procéder à
leur classement.
− Il faut adopter une gestion concertée avec les acteurs concernés, c’està-dire l’Etat, les collectivités territoriales et les populations d’accueil.
27
− Il est nécessaire de procéder aux aménagements et à la mise en valeur
des trois sites dont les études ont été réalisées en 2011 : la cascade de Womé, le
site de Koutammakou et les greniers de la Grotte de Nok.
Pour la cascade de Womé, il s’agit d’aménager la voie d’accès, de construire un bureau de gestion et une structure d’hébergement avec restaurant.
Pour Koutammakou, il faut renforcer la principale piste Kantè–Nadoba, et
ouvrir une piste de désenclavement du canton de Koutougou, marquer les itinéraires de circuit de découverte des attraits touristiques et construire une
structure d’hébergement avec restaurant. Les escaliers et les rampes d’accès aux
Greniers de la Grotte de Nok doivent être renforcés. En plus, il convient de
faire des travaux d’équipement pour la protection des greniers et des visiteurs
et construire un bureau de gestion et une structure d’hébergement et de restauration.
En matière d’actions de marketing et de promotion, l’on devra :
− réaliser et diffuser des documents écrits, visuels, audiovisuels et numériques sur le patrimoine et le tourisme et se servir de l’e-marketing ;
− organiser des émissions radio, télévision, des journées portes ouvertes
et des circuits touristiques de découverte du patrimoine à l’intention du public
national ;
− participer aux salons et foires du tourisme à l’étranger.
Les populations d’accueil doivent être formées à l’entreprenariat et à la
gestion de micro-entreprises touristiques et d’activités connexes dans les domaines de l’hébergement, de la restauration, du guidage, du design en artisanat
d’art.
Mais, où trouver les fonds ?
Des réseaux de micro-finances doivent être sollicités pour soutenir les
initiatives locales de construction d’auberges, de campements ruraux, de restaurants promouvant l’art culinaire national et de centres et villages artisanaux.
En définitive, la mise en valeur du patrimoine notamment des sites, des
monuments et des expressions culturelles est une condition nécessaire pour la
croissance du tourisme togolais. La valorisation et la gestion durable du patrimoine incombent d’abord à l’Etat, mais aussi aux opérateurs économiques, aux
collectivités territoriales et populations locales.
28
L’exploitation judicieuse du patrimoine mis en valeur est source de croissance de l’économie, plus particulièrement du tourisme pourvoyeur de ressources financières, d’emplois directs et indirects et facteur d’échanges interculturels, a-t-il conclu.
A la suite de M. Wowui, M. Eric Peijmans est intervenu pour relever un
problème commun que pose la non ou l’insuffisante valorisation du patrimoine
au Niger, au Bénin et au Togo.
Il a préconisé la mise en place des Organisations de gestion de destinations (OGD), constituées par les Etats, les collectivités locales et les associations ou organisations de la société civile.
Ces OGD se chargeront de « vendre » ces pays et leurs atouts touristiques
sur le plan national, régional et international. Il est donc nécessaire d’installer
des centres d’information touristique et des sites internet (qui sont le moyen le
plus pratique et efficace pour attirer les touristes de par le monde aujourd’hui).
A cela, il faut associer les médias classiques que sont la presse, la radio et la
télévision.
M. Komi Nomenyo a clôturé la série des trois communications en entretenant l’assistance sur le patrimoine comme facteur de croissance et de réduction de la pauvreté sur un territoire donné.
Il a soutenu que l’adoption d’un cadre stratégique cohérent à long terme
où s’inscrivent des actions de développement économique s’impose pour mettre les richesses du patrimoine à la disposition du plus grand nombre. Au rang
des actions prioritaires à envisager par les gouvernements en Afrique de l’ouest,
l’orateur cite la connaissance du patrimoine, sa protection, sa conservation et sa
collecte, son inventaire. Ils devront mettre l’accent sur l’artisanat et le tourisme
réputés « accroître la richesse et générer de nombreux emplois », même dans des entreprises liées ou non à la culture.
Le rôle économique du patrimoine soutient-il, est, de plus en plus, une
démarche dynamique de production des services artistiques, cognitifs, de loisirs, … Les différents acteurs intervenant sur le champ patrimonial promeuvent leurs actions par une meilleure valorisation économique et sociale.
L’intervenant est parti du sens général de la notion de patrimoine. Pour
lui, au sens financier et économique, le patrimoine d’une personne physique
(un individu) ou d’une personne morale (une entreprise) est égal à l’ensemble
29
des biens qu’elle possède à un moment donné : biens meubles ou immeubles,
droits, créances et éléments inaliénables et transmissibles.
Partant de ce préalable, l’orateur a d’abord montré l’impact qu’il peut
avoir sur un territoire pour les acteurs. Il s’agit, non seulement d’effets économiques, sociaux et fiscaux, mais aussi des investissements publics et une attractivité observables. Les acteurs que sont les collectivités, les gestionnaires, les
entreprises interviennent dans la préservation, la rénovation et la valorisation
du patrimoine. Ces enjeux sont des besoins d’information, de méthodes, de
mise en réseau, d’expertise, de partage de différentes cultures professionnelles
et de développement de capacités collectives d’intervention.
Ensuite, il a analysé la préservation du patrimoine comme étant un facteur de croissance économique et de réduction de la pauvreté. Pour lui, un impact remarquable découle d’un investissement en faveur du patrimoine. Les
groupes sociaux défavorisés et marginalisés disposent là d’un moyen
d’améliorer leur subsistance et d’avoir une autonomie et une vitalité.
L’effet de propagation de ces investissements est énorme :
− le renforcement de l’économie locale et nationale ;
− l’amélioration de l’environnement urbain ou rural et de la qualité des
espaces publics ;
− la création d’emplois ;
− la valeur des biens immobiliers et les recettes fiscales tendent à augmenter avec la mise en valeur des sites ;
− l’appréciation des biens immobiliers et l’augmentation des recettes fiscales consécutivement à la mise en valeur des sites.
Enfin, l’intervenant a montré que le patrimoine apparaît comme la solution aux besoins des pauvres pour les raisons suivantes :
− Le soutien d’autres activités économiques procure des emplois flexibles et à mi-temps qui peuvent compléter d’autres moyens d’existence, tout en
créant des revenus à travers une chaîne complexe de fourniture de biens et de
services.
− Le patrimoine contribue à une meilleure répartition des emplois et
permet de lutter contre l’exode rural. Les pauvres se retrouvant en majorité
30
dans les zones rurales, une réhabilitation des patrimoines peut créer une source
de revenus dans ces milieux.
− Le patrimoine offre des emplois aux personnes de tous les niveaux de
qualification, surtout aux femmes et aux jeunes, ce qui permet l’autonomisation
des intéressées et accroît la possibilité de scolarisation des enfants du milieu.
− Le patrimoine génère un sentiment de fierté culturelle de la population
autochtone et une prise de conscience de l’environnement naturel et de la valeur économique du patrimoine.
− Les infrastructures nécessaires à la mise en valeur du patrimoine
(transports, communications, alimentation en eau, installations sanitaires et
services de santé) peuvent également profiter aux populations des milieux abritant ce patrimoine.
Pour que tout cela soit possible, il est indispensable d’adapter continuellement la qualité de l’offre aux attentes des visiteurs.
En conclusion, M. Nomenyo a suggéré qu’il est nécessaire :
− pour les gestionnaires, d’intégrer leurs programmes d’actions dans de
véritables projets économiques transversaux ;
− de mettre en place un système d’observation des différentes données
relatives à la nature du patrimoine, aux acteurs concernés, aux métiers et qualifications qui s’y rattachent et aux retombées induites par le patrimoine ;
− d’asseoir un modèle de développement basé sur des principes d’actions
holistes : modes de sensibilisation des populations et démarches participatives,
inscription des projets dans un environnement global, contribution au développement social des territoires, prise en compte environnementale. Ces mutations entraînent une profonde recomposition des métiers et modes
d’organisation.
31
32
TABLE RONDE N°3 : PATRIMOINE ET DEVELOPPEMENT SOCIAL/LOCAL
Cette table-ronde a vu se succéder cinq communications, présentées respectivement par M. Agué-Boyé affo, Expert chargé de la gestion des sites patrimoniaux au Togo, M. Badoualou Karka Alizim, Conseiller culturel, gestionnaire du site culturel Koutammakou (Togo), M. Gautier K. Amoussou, Coordonnateur national Eco-Bénin, M. Assimassi Kossi Satro, Directeur exécutif de
l’Association découverte Togo-profond (ADETOP) et M. Nayondjoua Djanguenane, Conseiller d’action culturelle, Attaché de cabinet au Ministère du tourisme. La modératrice est Mme Angèle Dola Aguigah.
Vue partielle de l’assistance ayant pris part à cette troisième table-ronde
Pour commencer, la modératrice a réexpliqué les notions de patrimoine
et développement. S’appuyant sur cette introduction, elle a évoqué le problème
de gestion du patrimoine et a, ensuite, donné la parole au premier intervenant,
M. Agué-Boyé Affo.
Ce dernier a articulé sa présentation autour de cinq points : le diagnostic
des problèmes liés aux sites patrimoniaux, les enjeux du patrimoine, les objectifs de gestion des sites patrimoniaux, le développement local et, en dernier
lieu, un cas d’exemple sur le PNOK.
33
Pour le présentateur, le Togo dispose d’une diversité de biens et des sites
culturels et naturels qui ont une valeur exceptionnelle, mais qui ne sont pas
tous classés sur la liste du patrimoine mondial. Ceux qui y sont classés ne sont
pas aménagés et ne répondent pas aux attentes des visiteurs. De plus, les sites
inscrits sur la liste indicative du Togo ne sont pas valorisés et se trouvent dans
un état de dégradation inquiétant. Et pourtant, observe-t-il, il y a bien des enjeux, tels que la préservation de l’intégrité des sites, la dégradation des vestiges,
la mobilisation des ressources pour la valorisation des sites et le renforcement
des capacités des différents acteurs. A tout cela s’ajoute le problème de gestion.
Pour lui, chaque site jouissant d’une image forte qui attire les visiteurs et
à laquelle s’identifient les habitants, il urge d’améliorer les conditions de conservation en valorisant de façon participative, les différentes facettes des sites.
Les objectifs poursuivis par cette gestion sont, entre autres, l’aménagement, la
gestion locale des sites, l’amélioration de l’accueil des visiteurs et un tourisme
qui contribue au développement local.
Pour M. Affo, le développement local passe par la mise en place des mini-infrastructures (puits, écoles…) et des micro-coopératives. Citant un exemple de développement local au Togo, l’orateur a mentionné l’arrêté sur les
droits de circulation dans les aires protégées où 30% des recettes reviennent
aux populations locales pour la construction des bâtiments scolaires. Malheureusement, cette pratique a été suspendue depuis la décision communautaire
d’enlever toutes les entraves à la libre circulation.
Pour conclure, le présentateur a proposé que tout le monde, y compris
les décideurs, collabore à la valorisation des sites patrimoniaux.
La deuxième présentation a été celle de M. Badoualou Karka Alizim, qui
a entretenu l’assistance sur la « Contribution de la Banque Culturelle du Koutammakou au développement socio–économique des Batammariba » (population du site culturel
Koutammakou inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco).
Après une présentation de la géographie et des richesses culturelles du
site Koutammakou, il s’est appesanti sur le concept de banque culturelle qu’il a
défini comme étant une institution de proximité gérée par les acteurs locaux,
où la richesse patrimoniale d’une localité est conservée et sécurisée moyennant
l’octroi de petits prêts aux détenteurs, afin de la rendre profitable à toute la
communauté.
34
Selon M. Badoualou Karka Aliz, le patrimoine culturel a rarement été
considéré au Togo comme moyen de développement économique et social
d’une communauté. Cette vision a engendré un désintérêt pour la conservation
des biens culturels dans de nombreuses localités. Aussi, les populations rurales,
confrontées aux difficultés économiques, se débarrassent-elles facilement de
leurs biens culturels au profit des antiquaires et des collectionneurs. Cette situation a abouti finalement à un appauvrissement, aussi bien économique que
culturel. La perte des biens culturels entraîne celle de nombreuses opportunités
pour les communautés villageoises.
Pour remédier à cette situation, propose M. Alizim, il faut créer des
structures locales décentralisées permettant à la fois de préserver et de rentabiliser le patrimoine culturel. Une banque culturelle, lorsqu’elle est bien gérée,
permet la valorisation et la protection des biens culturels. Un prêt est ainsi octroyé à chaque villageois qui dépose un objet culturel au musée. L’importance
de ce prêt n’est pas déterminée par la valeur esthétique de l’objet mais plutôt
par sa valeur historique et culturelle.
Il a rappelé au passage que la banque culturelle du site Koutammakou a
ouvert officiellement ses portes le 26 mars 2011, à l’occasion du lancement de
la première édition du festival temberma (FESTEMBER) qui s’est déroulé du
26 au 30 mars 2011 à Nadoba. Le musée de cette banque culturelle enregistre
mensuellement 50 visiteurs issus des populations locales et 70 provenant des
écoles. Les visites sont gratuites pour les autochtones et payantes pour les touristes. Elles génèrent en moyenne 8 000 à 10 000 F CFA par mois. Cette
somme permet au comité de gestion d’entretenir les locaux du musée et de
financer l’entretien des lieux.
Le présentateur a conclu en insistant sur le fait que les banques culturelles sont de nouvelles structures culturelles nées, non pas pour concurrencer les
musées et autres institutions culturelles dans nos différents pays, encore moins
les mettre en cause, mais plutôt pour aider les populations rurales à résoudre
leurs problèmes de pauvreté en leur confiant la gestion de leur patrimoine
culturel.
La troisième présentation a porté sur « le développement local/social ». Elle a
été l’œuvre de M. Nayondjoua Djanguenane. Pour ce dernier, la patrimonialisation vise à maintenir en l’état, le patrimoine pour sa transmission aux générations futures et à engranger régulièrement des bénéfices découlant de son ex35
ploitation. De son point de vue, trois cas sont à considérer pour la mise en
valeur du patrimoine au Togo : les banques culturelles (patrimoine mobilier),
les fêtes traditionnelles à l’instar de celle initiatique des évala se tenant en pays
kabyè au nord Togo (patrimoine immatériel) et le paysage culturel (patrimoine
immobilier).
En guise d’exemple, le présentateur a proposé les statistiques de l’Hôtel
Kara pour montrer l’impact économique de la fête traditionnelle des évala (patrimoine immatériel). Il s’est appesanti sur la capacité qu’elle a à mobiliser les
visiteurs chaque année comme le montre le tableau ci-dessous.
Tableau montrant les recettes de l’hôtel Kara en FCFA
les mois de juillet de 2009 à 2011
Années
Pourcentage
d’occupation
au mois de
juillet
Pourcentage
Recettes
d’occupation
Semaine
durant la semaine des éva- évala
la
Recettes pour
les 3 autres
semaines de
juillet
Juillet 2009
40%
66,13%
16 386 405F
18 608 561 F
Juillet 2010
40,70%
66,03%
15 520 850F
10 718 075 F
Juillet 2011
43,70%
67,75%
16. 961 495F
12 943 110 F
Source : N. Djanguenane, enquête de terrain (2009-2011).
Les données de ce tableau montrent que l’essentiel des chiffres d’affaires
de cet hôtel se fait en période d’évala.
M. Djanguenane a également donné l’exemple de l’Association découverte du Togo profond (ADETOP). L’objectif de cette association étant de
contribuer à l’amélioration des conditions de vie de la population et de favoriser le développement durable à travers l’écotourisme, elle œuvre à valoriser les
patrimoines culturel et naturel des communautés rurales à des fins identitaires,
à protéger l’environnement et à impulser le développement local.
Après avoir énuméré quelques atouts et opportunités dont dispose le
Togo et les efforts consentis par les pouvoirs publics pour les avancées dans le
domaine du patrimoine, M. Djanguenane a conclu qu’il appartient aux élus
36
locaux et à la société civile d’exploiter les patrimoines naturels et culturels en
profondeur pour en tirer des bénéfices divers au profit de leurs territoires,
l’Etat ayant pour rôle de les accompagner.
La quatrième présentation, celle de M. Gautier Amoussou, a été une
étude de cas portant sur la promotion d’une chaine de valeur éco-touristique
autour des aires protégées au Bénin. Elle a commencé par une brève présentation géographique du Bénin par rapport à ses atouts patrimoniaux. Elle s’est
poursuivie par l’exposé de la vision de son ONG appelé Eco-Bénin. Celle-ci, at-il dit, est de créer de la valeur ajoutée à partir du patrimoine naturel et culturel
du pays, à travers le développement d’une offre éco-touristique gérée durablement par les populations locales, afin d’en tirer directement des profits. La
démarche de Eco-Bénin, a-t-il dit, est une chaine de valeur éco-touristique qui
suit cinq étapes : guidage et circuits éco-touristiques, hébergement chez
l’habitant, restauration locale, artisanat d’art/service animation culturelle, location de matériels (tentes, Vtt).
Eco-Bénin : quelques exemples de logement et de restauration
37
Il s’agit de tout un processus mis en place et qui permet à Eco-Bénin, selon son coordonnateur, d’améliorer les conditions de vie des populations locales, même si beaucoup de chose reste encore à faire en la matière.
La dernière présentation de cette troisième table-ronde s’est articulée autour des interrogations suivantes : comment allier mise en valeur du patrimoine, développement touristique et développement local ? Quelle peut être
l’implication des populations locales dans la mise en œuvre de projets touristiques autour du patrimoine ? Qu’entend-on par projets de tourisme solidaire ?
Cette présentation de M. Assimassi Kossi Satro a été relative à la faisabilité d’une alliance entre patrimoine, tourisme et développement local. Pour un
développement durable, soutient-il, un contrat entre les acteurs territoriaux
s’impose pour réaliser cette alliance entre patrimoine et tourisme.
Le présentateur a également expliqué la notion de patrimoine et ses différentes formes. A titre d’exemple, le patrimoine culturel comprend le matériel
et l’immatériel, alors que le patrimoine naturel englobe les parcs naturels. La
mise en valeur du patrimoine, au travers du tourisme solidaire ou du tourisme
alternatif, est un outil de développement économique, de planification environnementale et de conservation patrimoniale. Accompagné d’une sensibilisation, il permet une meilleure prise de conscience et constitue un modèle de
développement communautaire. Mais il convient encore de ne pas considérer
le tourisme solidaire comme une fin en soi, mais comme un moyen pouvant
conduire au développement local, a-t-il conclu.
38
TABLE-RONDE N°4 : ENJEUX DE LA FORMATION SUR LE PATRIMOINE
Les orateurs de la quatrième table-ronde
La quatrième et dernière table-ronde s’est déroulée sous la modération
de Mme Maggy Goeh Akué, Conservatrice du musée national du Togo. Elle a
enregistré quatre présentations dont les auteurs sont : M. Jules Bocco, Directeur des études au Centre régional d’action culturelle (CRAC) ; M. Komla
Dieudonné Améla, Directeur du Collège d’enseignement artistique et artisanal
(CEAA) de Kpalimé, M. Ismailou Balde, Coordinateur du pôle formations et
recherches à l’EPA (Ecole du patrimoine africain) et M. Ambroise Adjamagbo,
Directeur de la recherche et du développement de l’EAMAU (Ecole africaine
des métiers d’ architecture et d’urbanisme).
La première présentation a été faite par M. Jules Bocco sur le thème :
« La formation sur le patrimoine : l’importance de la professionnalisation du secteur ».
Après une brève introduction sur le patrimoine, le présentateur a partagé une
interrogation avec l’assistance : « de quel type d’homme a-t-on besoin pour la protection
et la promotion du patrimoine dans nos pays ? »
Répondant à cette interrogation, il a présenté les différents sites du patrimoine au Bénin et au Togo pour constater qu’il est aujourd’hui rare de trou39
ver sur ces lieux dans ces deux pays, des gens vraiment formés et acquis à la
cause du patrimoine. Il n’est pas rare, a-t-il ajouté, d’y trouver des musées ayant
un effectif très restreint de personnel conservateur, soit seulement une ou deux
agents. Pourtant, le musée est le lieu par excellence de conservation des témoins les plus significatifs du patrimoine. A ce titre, ils méritent plus
d’attention. Il a aussi insisté sur la présence des faussaires et des antiquaires
autours des structures de gestion et de l’animation des sites du patrimoine, des
instances qu’ils côtoient dans le seul souci de les piller, donc de brader le patrimoine. Il a également mentionné les guides improvisés qui prétendent être
les détenteurs de l’histoire liée aux sites, mais qui, en définitive, n’en savent
rien. M. Jules Bocco a conclu sa présentation sur le constat d’un manque criant
de professionnels, handicapant sérieusement leur promotion.
La deuxième présentation a été faite par M. Améla Komla Dieudonné
sur « l’état des lieux de la formation sur le patrimoine et les enjeux relatifs à la professionnalisation du secteur ».
En ce qui concerne l’état des lieux, l’orateur a rappelé les différents efforts consentis par le Togo, notamment dans le domaine de l’éducation où a
été introduit, dans les programmes d’histoire et de géographie des cours primaire et secondaire, l’étude de quelques aspects du patrimoine naturel matériel
(faille d’Alédjo par exemple dans le relief du pays) et du patrimoine culturel
immatériel (les langues nationales par exemple qui sont les supports de notre
culture, c’est-à-dire l’enseignement de l’éwé au sud et du kabyè au nord). A
partir de ces exemples, le présentateur a montré qu’il est nécessaire de reconnaître que la didactique qui se développe autour de la sauvegarde du patrimoine
togolais est embryonnaire. Il convient donc de formaliser et de systématiser
cette formation dans les institutions d’enseignement sur le territoire, en créant
des structures spécialisées à cet effet, en les équipant de matériels et d’une documentation suffisante, en élaborant un programme formel d’enseignements,
en recrutant des formateurs bien qualifiés et en renforçant régulièrement leurs
capacités.
Parlant des enjeux, l’orateur les a repartis de la façon suivante :
− Enjeux politiques : dans nos jeunes Etats caractérisés par une diversité linguistique, la formation sur les patrimoines culturels et naturels se veut
l’occasion de pouvoir aller à la découverte et à l’acceptation des autres. L’Etat
aura réussi ainsi l’unité nationale nécessaire au développement harmonieux du
40
pays. Toutefois, il faudra réussir à mettre la différence entre sauvegarde et folklorisation du patrimoine culturel et naturel du pays.
− Enjeux économiques : l’essor économique est fonction de la stabilité
politique. Une fois que l’Etat aura planifié le secteur de la formation du patrimoine, les investisseurs prendront d’assaut le pays. La réactualisation périodique de la carte touristique du pays par ces structures de formation attirera certainement les touristes d’horizons divers vers les sites. Car l’économie de certains pays africains, comme la Tunisie, reposait essentiellement sur le tourisme
avant le déclenchement du printemps arabe. C’est pourquoi le Togo aussi doit
renouer avec le tourisme moderne, en réhabilitant ses parcs animaliers et son
hôtellerie.
− Enjeux sociaux : hormis la cohésion sociale qu’elle apportera au pays
en évitant les conflits sociaux, la formation au patrimoine culturel et naturel
garantira des emplois, non seulement, aux enseignants qui seront dans les centres, mais aussi aux formés qui pourront s’installer à leur propre compte, dans
le cadre de la réduction de la pauvreté. Toutefois, il est à craindre une oscillation entre la valorisation du patrimoine et son instrumentalisation à d’autres
fins.
− Enjeux culturels : la professionnalisation de la formation sur le secteur du patrimoine togolais s’appuiera sur l’écrit et constituera un riche héritage
du Togo moderne pour les générations futures, tout comme la civilisation européenne moderne repose aujourd’hui sur l’héritage gréco-latin.
Pour conclure, le présentateur pense qu’il est plus que jamais nécessaire
de réglementer, à l’instar des pays développés, le domaine des patrimoines culturels et naturels par une formation professionnelle de qualité.
A la suite de cette présentation, M. Ismailou Baldé, a partagé avec
l’assistance, l’expérience de son institution en matière des enjeux de la formation sur le patrimoine. Après la présentation de l’EPA, le coordinateur a déploré la mauvaise gestion des collections de musées/archives, voire l’abandon et la
non documentation. S’agissant du patrimoine immatériel en voie de disparition,
il donne l’exemple de l’abandon de la pêche traditionnelle au profit de la pêche
moderne à Aguégué et à Ganvié au Bénin.
Il a également fait cas des enjeux du patrimoine culturel qui concerne entre autres : la conservation, la valorisation, la qualification du personnel, la qua41
lification des autres acteurs et l’insuffisance des structures et des opportunités
de formation. Il y a aussi le manque de cadre de concertation entre les différentes structures existantes qui interviennent de façon individuelle et disparate
dans le domaine.
En guise de conclusion, l’orateur a évoqué certaines perspectives. Il
pense que les enjeux dans le domaine de la formation au patrimoine en Afrique
subsaharienne, notamment au Bénin et au Togo, sont importants.
Selon lui, il faudrait :
− encourager les Etats à mettre en place une politique de recrutement et
de formation des agents du secteur culturel ;
− soutenir les structures nationales et régionales de formation existantes ;
− encourager la création de nouvelles structures nationales et régionales ;
− susciter la concertation et la collaboration entre les acteurs, les structures de formation existants et les partenaires afin d’harmoniser les contenus et
méthodes d’enseignements.
La dernière intervention de la série de présentations a été faite par M.
Ambroise Adjamagbo. Elle a montré que l’EAMAU est un pôle d’excellence
en matière de patrimoine. Cette communication a commencé par la présentation de l’Ecole, créée en 1975 à Kigali (Rwanda), par une convention de chefs
d’Etat. Quatorze pays en sont membres aujourd’hui. Son service de formation,
de recherche et d’expertise urbaine embrasse le septième de la population et le
cinquième de la surface de l’Afrique au sud du Sahara. Ses filières sont : architecture, urbanisme, gestion urbaine, école doctorale, formations complémentaires et formation continue (renforcement des capacités).
Selon M. Adjamagbo, l’EAMAU définit le patrimoine comme :
« l’ensemble des biens hérités de nos ancêtres et par extension de civilisations prestigieuses qui
se sont succédé. » Il en existe deux catégories principales : le patrimoine culturel
matériel (patrimoines archéologiques, artistiques, mobiliers, architecturaux et
paysagers ...) d’une part et, de l’autre, le patrimoine culturel immatériel (expressions culturelles telles que les rituels d’initiation, les célébrations des cycles de la
vie, les danses traditionnelle, etc. qui témoignent de modes de connaissance
spécifiques originaux (forces de la nature, rapports sociaux, etc.) et de savoirs
et savoir-faire particuliers.
42
Parmi les paysages culturels témoignant des « œuvres conjuguées de l’homme et
de la nature », M. Adjamagbo a cité la faille d’Alédjo au Togo et la divinité Tanguiéta au nord du Bénin.
S’agissant des architectures dont la variété et la diversité traduisent la richesse culturelle du milieu, l’orateur a mentionné, images à l’appui, les villages
lacustres de Ganvié au Bénin, la ville de Djenne au Mali, Kasséna au Burkina
Faso, l’architecture traditionnelle du Niger, l’habitat Sénoufo en Côte d’Ivoire,
les cases mousgon au Tchad et batammaribe communs au Togo et au Bénin. Il
n’oublie pas les sites archéologiques de Dassa au Bénin et de Notsé au Togo.
L’étude du patrimoine figure donc en bonne place dans la formation
donnée à l’EAMAU. Dès la 1ère année (semestre 1), débute l’initiation au patrimoine qui comprend : le patrimoine africain, les connaissances sur le patrimoine, ses différentes formes, les spécificités du patrimoine africain matériel et
immatériel.
En 2e année (semestre 4), les étudiants sont instruits sur le patrimoine et
la dynamique urbaine, sur les actions dans le tissu urbain, sur
l’identification/Inventaire/Relevé.
En 5ème année (Semestre 9), les étudiants abordent les thématiques de la
valorisation du patrimoine en rapport avec la sauvegarde passive (législation) et
active, la conservation/restauration/réhabilitation, au plan de sauvegarde et de
mise en valeur.
La présentation s’est appuyée sur des illustrations tirées des exemples de
travaux de sauvegarde du noyau historique de Porto Novo au Bénin, d’Aneho
au Togo, de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, de Ségou au Mali, de
l’architecture afro-brésilienne à Aneho, de l’architecture afro-brésilienne et
l’architecture coloniale dans le vieux Lomé et de la Maison Wood à Agbodrafo.
Cet intérêt porté au patrimoine par l’EAMAU s’explique par le fait qu’il a
une valeur culturelle et sociale ; qu’il constitue un potentiel économique qui
peut contribuer au développement durable d’une localité, a-t-il conclu.
En dehors des tables-rondes, les participants ont eu à suivre la projection
d’un film sur la participation de l’espace aujourd’hui togolais à la traite négrière.
43
44
PROJECTION-DEBAT : « LE CHAINON MANQUANT »
En fin d’après-midi du mardi 16 mai 2012, les participants ont suivi un
film sur la participation du Togo au commerce des esclaves, un documentaire
titré : « Le chaînon manquant ». Il est réalisé en 2009 par l’Université de Lomé, à
des fins pédagogiques, sur financement de l’UNESCO. Ce film a été commenté par le Professeur Michel Goeh-Akué, appuyé dans les débats par le Professeur Nicoué Lodjou Gayibor, tous deux historiens dans ladite université.
Sur la base de documents écrits, des témoignages de descendants de familles esclavagistes ou de témoins et de visites des vestiges, le documentaire
retrace l’histoire de l’implication « tardive » et clandestine du Togo dans le
commerce de la honte, aux 18e et 19e siècles ; clandestine parce que se déroulant après l’abolition de l’esclavage en 1820, au moment où des gardes-côtes
britanniques surveillaient les grands ports négriers pour vérifier l’effectivité du
respect de la prohibition et pour punir les contrevenants.
A travers des circuits courts et des circuits longs, les esclaves étaient
acheminés de l’intérieur du territoire vers Agbodrafo précédemment Porto
Séguro, entassés au sous-sol de la Maison Wood en attendant d’embarquer sur
des pirogues pour la haute mer où des bateaux de négriers les emportaient
pour le voyage sans retour. Ceux qui descendaient de Dapaong faisaient escale
au marché de Tchamba, où il y avait une divinité du même nom. Ils étaient
dirigés soit vers le nord du Dahomey (Bénin actuel), soit vers le nord de la
Gold Coast (Ghana actuel), soit vers le sud du Togo par Sokodé, Atakpamé et
Tsévié. Les esclavagistes procédaient par des rapts ou enlèvements : vous sortiez de chez vous pour ne jamais revenir. Vous pouviez être surpris au champ
ou sur le chemin, à la manière de Kounta Kinté dans le film américain Racines,
titré en anglais « Roots », ont expliqué les professeurs Gayibor et Goeh-Akué.
Faute de statistiques, il est difficile de dire combien ils sont, ces Togolais ayant
transité par Porto-Seguro dans le cadre de la traite transatlantique.
Cette époque a laissé, jusqu’à nos jours, des traces dans les toponymes et
les patronymes (noms de lieux et de personnes), les langues et les traditions, les
habitudes vestimentaires et l’habitat : les noms comme Donko en éwé, Yoma
ou Yomaboua en kabyè (rivière des esclaves), ceux comme Lawson, da Silva,
da Silveira, d’Ameida sont d’origine brésilienne. Le culte tchamba répandu dans
45
la préfecture des Lacs marque l’introduction de femmes esclaves dans les familles autochtones, mais permet aussi de vénérer la divinité du même nom.
Il n’existe pas de famille où il n’y a pas eu d’esclave, mais la question demeure taboue, a déclaré le Professeur Goeh-Akué.
La construction d’habitat muni de véranda, d’un sous-sol et d’un toit
quadrangulaire date de cette époque et est calquée sur le modèle brésilien. A
Attoèta, localité située au sud-est du Togo, les réjouissances et danses populaires s’apparentent à un micro carnaval brésilien.
Comme dans d’autres pays de la sous-région, le patrimoine bâti datant de
cette époque, laissé en ruines depuis longtemps, peut-il encore être restauré et
exploité dans la cadre d’un tourisme du souvenir ? Avec quel financement ?
Autant de questions qui ont été aussi posées.
Le film suggère aux associations de se mobiliser contre tout projet de
destruction de ces vestiges et des autres sites patrimoniaux : « L’histoire s’assume,
les responsabilités sont partagées. Trêve de misérabilisme : après 52 ans d’indépendance, il
faut lutter contre la mauvaise gouvernance qui demeure le scandale du Togo aujourd’hui »,
ont indiqué ces historiens en guise de conclusion.
Pour conclure, les orateurs ont invité l’assistance à faire large diffusion
du CD « Le chaînon manquant », dont le prix est fixé à 5 000 F CFA et qui est
disponible au Département d’histoire et d’archéologie de l’Université de Lomé,
auprès du Professeur Michel Goeh-Akué.
Ce documentaire et les communications présentées lors des différentes
tables-rondes ont donné lieu aux débats auxquels a participé un public avide de
comprendre davantage les enjeux du patrimoine.
46
LES DEBATS
Vue partielle de l’assistance ayant alimenté les débats.
A ce niveau, l’assistance a montré clairement ses inquiétudes face à
l’apparente indifférence ou à l’impuissance des pouvoirs publics vis-à-vis de ces
trésors laissés à l’abandon et qui, pourtant, ne demandent qu’à être valorisés.
Le public a voulu, par ailleurs, connaître les dispositions prises à l’échelle sousrégionale pour la protection des biens patrimoniaux. Une autre préoccupation a
porté sur la portée réelle du tourisme sur un espace urbain, à l’instar de la ville
de Kara par exemple. Les intervenants ont été interpellés sur les raisons qui
expliquent le désintéressement des Togolais vis-à-vis du tourisme. L’assistance
a voulu aussi comprendre les enjeux de l’influence grandissante des Chinois sur
l’économie togolaise. Enfin, il s’est agi, pour l’auditoire, d’avoir une idée claire
sur la portée du documentaire « Le chaînon manquant ».
Les conférenciers ont répondu à toutes ces préoccupations en déplorant
l’absence de projets concrets relatifs au patrimoine dans le Plan de la stratégie
de développement durable. Empêtré dans ses engagements vis-à-vis des institutions internationales, le Togo ne peut plus contrôler ses investissements. Les
DSRP (Document de stratégie de réduction de la pauvreté), que ce soit le premier ou le deuxième en cours d’élaboration, établissent des priorités qui ne
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prennent pas encore en compte le secteur patrimonial. Néanmoins, il faut reconnaître que les ministères concernés font de leur mieux, malgré les maigres
budgets que le gouvernement leur affecte. Souvent, ils essaient de parer au plus
pressé.
Au niveau de la CEDEAO (Communauté économiques des Etats de
l’Afrique de l’ouest) et de l’UEMOA, il existe des cellules de promotion du
tourisme, dont les travaux ont abouti à l’instauration du visa unique CEDEAO
pour faciliter la circulation des personnes et des biens au sein des pays membres et à l’adoption de la politique commune de l’UEMOA. Certes, les deux
institutions ne financent pas les projets transnationaux sur leurs budgets propres. Mais ils s’adressent au marché international de capitaux détenu par les
Occidentaux, les Arabes et les Asiatiques pour mobiliser des ressources financières à cette fin.
S’agissant des statistiques touristiques, l’UEMOA recommande la mise
en place de directions pour traiter de ces questions. Mais il n’y a pas de cadres
formés pour effectuer ce travail. Pour le moment, les hôtels déclarent à l’Etat
les chiffres à leur convenance.
Il a été également répondu à la question des sensibilisations organisées
tous les cinq ans sur le thème du harcèlement des touristes au sujet des pourboires. Le souhait a été émis qu’elles aient lieu plus régulièrement. De même,
toutes les entraves à la libre circulation des personnes et des biens, surtout sur
les sites touristiques, doivent être levées.
Les débats ont aussi montré que le développement du tourisme national
achoppe sur plusieurs obstacles, dont les problèmes lies au niveau de vie des
Togolais. Pour preuve, une campagne de promotion touristique organisée en
2010 à 15 000 F CFA, avec une nuit à passer à l’hôtel à l’intérieur du pays n’a
enregistré aucune inscription. C’est la preuve que le tourisme ne fait pas encore
partie des préoccupations des Togolais, qui sont plutôt orientés vers les questions de survie.
Faut-il alors faire sponsoriser le tourisme des jeunes ?
Aucune réponse n’a été donnée précisément à cette interrogation. Cette
éventualité n’est pas à exclure. Mais l’expérience de la Loterie nationale togolaise plaide contre cette solution pourtant salutaire. En effet, le Ministère du
tourisme avait suggéré de payer les gagnants de la loterie, en partie en argent et
en partie en ticket de voyage pour découvrir l’intérieur du pays. Le succès de
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cette initiative n’a été de courte durée. Depuis, plus rien n’a plus été tenté. C’est
dans ces conditions de désintérêt total des Togolais, que la politique nationale
du tourisme a été adoptée en 2011. Des efforts sont enregistrés dans la construction d’hôtels, à Lomé comme à l’intérieur du pays par des privés. Plusieurs
hôtels appartenant à l’Etat sont également en voie de privatisation. Dans tous
les cas, l’Etat, soumis à la contrainte des bailleurs de fonds internationaux, ne
peut tout faire. Il est obligé de se retirer du secteur productif pour laisser la
place aux privés réputés être plus aguerris en la matière.
Par ailleurs, les populations éprouvent de la réticence vis-à-vis des projets
publics, notamment quant aux retombées sur les conditions de vie des autochtones. Face à cette situation, il urge de mettre en œuvre une politique de communication pour bien expliquer les bénéfices qu’elles peuvent en tirer, recommandent les intervenants.
Concernant la ville de Kara, les intervenants ont montré que cette ville
qui manquait, avant, de logements pour héberger les visiteurs, connaît aujourd’hui un boom hôtelier. On en dénombre actuellement plusieurs dizaines..
La seule fête initiatique des Evala a eu des influences très positives sur cette
ville qui s’est considérablement transformée. Cet exemple montre que, si les
autres peuples peuvent promouvoir leurs fêtes traditionnelles sur ce modèle, le
pays ne s’en porterait que mieux.
La valorisation des hauteurs et sommets de montagnes par l’introduction
des activité comme la parapente, celle de la mise en valeur du pourtour du Lac
Togo par le cabotage, ainsi que leurs impacts ont été également évoqués pour
expliquer l’importance du tourisme dans le développement d’un territoire.
Au sujet de l’influence chinoise sur l’économie togolaise, les conférenciers ont mentionné la logique de la mondialisation qui engendre un rapport de
force favorable aux nations économiquement et financièrement les plus puissantes. C’est cette situation qui explique la ruée des Asiatiques sur le continent
africain. Mais, au lieu de s’en offusquer ou de s’en inquiéter, il faut plutôt comprendre que le rapprochement afro-asiatique vise à apprendre aux Africains à
s’inspirer des modèles de développement des pays asiatiques, une évolution qui
peut être salutaire pour le continent noir.
S’agissant enfin de la valorisation du « Chaînon manquant », les commentateurs ont montré qu’il a été conçu à des fins pédagogiques. De ce fait, il doit
pouvoir transmettre des valeurs, surtout aux apprenants, mais aussi à tous ceux
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qui le verront. Il est alors nécessaire d’en faire une large diffusion, ont-ils conclu.
Les débats ont pris fin sur le constat de la nécessité d’inculquer les valeurs de la nation en gestation et de citoyenneté à l’enfant dès le bas âge et,
pourquoi pas, de réformer l’éducation pour y inclure ces valeurs.
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QUE RETENIR DE CES RENCONTRES ?
Les différents intervenants ont montré que la valorisation à travers
l’aménagement et la promotion des sites et monuments devient une exigence,
si l’on veut faire du patrimoine, un secteur-clé du développement.
Organisatrice du présent colloque, la France, jadis gestionnaire du patrimoine de ces pays à l’époque coloniale manifeste déjà un intérêt certain pour la
cause.
Le gouvernement togolais doit hâter la mise en œuvre de la politique nationale du tourisme adoptée en 2011, mais aussi l’intégration à la législation
nationale de toutes les conventions internationales et régionales sur le patrimoine auxquelles le Togo est partie prenante.
Il devra aussi, en matière d’aménagement et de promotion, mobiliser
l’UNESCO et d’autres bailleurs de fonds, notamment des privés togolais ou
étrangers, la société civile et les populations autochtones riveraines des sites et
monuments.
Intéresser le Togolais à son patrimoine, facteur intrinsèque
d’appartenance à une même et seule nation, donc de réconciliation, demeure
un important défi à relever. Une véritable campagne d’information et de sensibilisation à travers les médias classiques, des journées portes ouvertes et autres
manifestations peut y contribuer. Vu le caractère transversal du patrimoine,
tous les ministères sont concernés par ce travail.
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LISTE DES INTERVENANTS
1.
ADJAMAGBO Ambroise : Directeur du développement et de la recherche à l’Ecole africaine des métiers de l’architecture et de l’urbanisme (EAMAU) ;
2.
AFFO Agué Adji-Boyé : ex-Directeur régional de l’environnement et des
ressources forestières de la Kara et Expert national chargé de la gestion
des sites patrimoniaux ;
3.
AGUIGAH Angèle Dola : Maître-assistante des Universités du Togo ;
4.
ALIZIM Badoualou Karka : Conservateur du site Koutammakou, classé
au patrimoine mondial de l’Unesco ;
5.
AMELA Dieudonné : Directeur du Collège d’enseignement artistique et
artisanal (CEEA) de Kpalimé ;
6.
AMOUSSOU Gautier : Coordonnateur national de l’Association EcoBénin ;
7.
ATUTONU Amah : Chargée d’études à la Direction faune et chasse du
Ministère de l’environnement et des ressources forestières ;
8.
BALDE Ismaïlou : Responsable du pôle formations et recherches de
l’Ecole du patrimoine africain (EPA), basée au Bénin.
9.
BOCCO Jules : Directeur des études au Centre régional d’action culturelle
(CRAC) ;
10. DJANGUENANE Nayondjoua : Attaché de cabinet au Ministère du tourisme ;
11. GOEH-AKUE N’buéké Adovi Michel : Professeur titulaire d’histoire
contemporaine à l’Université de Lomé et co-responsable de la Chaire
Unesco « Rayonnement de la pensée africaine et préservation du Patrimoine » ;
12. GOEH AKUE Maggy : Directrice du musée national du Togo ;
13. KOUGBLENOU Akoété : Secrétaire général de la Commission nationale
pour l’UNESCO ;
14. NOMENYO Komi : Professeur d’économie à l’Université de Lomé (FASEG) ;
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15. OURO-KOURA Mourtala : Gestionnaire comptable et financier du Centre régional d’action culturelle (CRAC) ;
16. PEIJMANS Eric : Expert en communication et nouvelles technologies ;
17. SATRO Assimassi Kossi : Directeur exécutif de l’Association découverte
Togo profond (ADETOP-Togo) ;
18. TIDJOUGOUNA Lucie Badjoumbayena : Chef de la division des musées,
des monuments et du patrimoine culturel immatériel du Ministère des arts
et de la culture ;
19. TUBLU Komi Yves: Gestionnaire de Patrimoines culturels au Cabinet du
Ministre des Arts et de la culture, ancien Conservateur du musée national
du Togo ;
20. WOWUI Kossi : Chef de la Division de la promotion touristique du ministère du Tourisme.
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