Des galets blancs venus de la mer
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Des galets blancs venus de la mer
REPORTAGES h A Cayeux-sur-Mer, au Nord-Ouest de la France, la société Silmer s’est rendue célèbre grâce à son procédé quasi centenaire de production de granulats blancs par calcination. France Des galets blancs venus de la mer A Cayeux-sur-Mer, dans le Nord-Ouest de la France, Silmer produit depuis 1928 des granulats extra blancs issus de la calcination des galets de mer. Des produits à haute valeur ajoutée exportés dans le monde entier. 46 n°908/juin/août 2012 [©CBPC] L a Normandie, région française verdoyante au Nord-Ouest du pays, se caractérise par ses plages de galets et ses falaises blanches. Ces dernières, composées de craie et de silex, vont donner en s’éboulant les galets. Petit à petit, les blocs de silex issus de l’affaissement s’érodent et s’entrechoquent sous l’énergie des vagues et des marées, et, au fil des années, ils finissent par prendre une forme arrondie. Ces galets de mer, composés à 99 % de silice (SIO2), sont ramassés par la société Silmer, qui les transforme par calcination en silice cristobalite très blanche. Cette cristobalite, produit haut de gamme (environ 20 000 t sont produites par an), est utilisée, après concassage, dans diverses applications : résines de sols, produits anti-dérapants, mortiers de parements, béton ultra blanc ou encore comme charge. « Nous ne sommes pas des carriers, notre production reste artisanale, explique Brigitte Pages, responsable technico-commerciale de Silmer. Nous exploitons deux sites à proximité de l’usine. Un en bord de mer pour lequel nous avons une autorisation pour ramasser 30 000 t de galets par an. Et un second site, en recul dans les terres, et à ciel ouvert, où nous récupérons 80 000 t de galets de [©CBPC] REPORTAGES [©CBPC] h carrière chaque année. Nous n’avons une autorisation que pour prendre les galets en surface, nous n’avons pas le droit de creuser. Sur ce dernier tonnage, 30 000 t repartent sur notre site en bord de mer, puisque nous avons l’obligation de restituer chaque élément prélevé en bord de mer. » Les galets ramassés sur la plage sont calcinés à 1 600 ° C pour produire la cristobalite extra blanche et ceux prélevés en carrière sont, quant à eux, chauffés à 900 ° C pour la production de granulats destinés à la réalisation de bétons désactivés par exemple. Ces produits sont anti-dérapants, rétro-réfléchissants et non gélifs. « Les galets de carrière présentent une légère couche d’oxydation en surface. Moins de 0,5 % de la masse totale, indique Brigitte Pages. Mais cette couche fait que l’on n’arrive pas à obtenir de la cristobalite. Nous avons des produits blancs, mais pas extra blancs. Nous en Les galets sont transportés par camion depuis le bord de mer jusqu’à l’usine. Il y a quelques années, cette dernière a bénéficié d’une rénovation d’environ 10 M€, l’environnement marin étant nocif pour les équipements. fabriquons environ 50 000 t/an pour des applications routières ou béton. » La 3e gamme de silice calcinée produite par Silmer est un granulat rose, le Granurose. Il est issu de la calcination à 900 ° C de silex oxydés achetés par l’entreprise sur un autre site. « Les galets oxydés sont roses en surface et blancs à l’intérieur. Une fois calcinés et concassés, on obtient un mélange rose/blanc », reprend Brigitte Pages. Du blanc au rose Les galets pour la production de cristobalite sont ramassés à la pelle, puis criblés pour ne retenir que la fraction supérieure à 40 mm. Silmer produit quelque 5 000 t/an de Granurose qui peuvent être utilisées pour la réalisation de béton désactivé ou comme sables. Au total, ce sont plus d’une quarantaine de références qui sont au catalogue, avec des granulométries allant de quelques microns à environ 20 mm selon les produits. La transformation de ces galets en granulats à haute valeur ajoutée se fait dans des fours quasi centenaires, selon un savoir-faire unique, et sans catalyseur chimique. « L’origine de la société, fondée en 1928, est la production de silice calcinée à partir de galets de mer, très purs en silice. Ils étaient ramassés sur le domaine public maritime », raconte Bertrand Sannac, directeur de l’usine de Cayeux-sur-Mer. Chauffée à 1 600 ° C, la silice amorphe composant les galets se transforme en silice cristalline, en présentant une perte de densité. Le galet affiche une densité réelle de 2,65 et de 2,24 lorsqu’il est cuit. « La cristobalite est composée de plus de 99 % de SIO2 , mais son état physique est différent de celui d’un galet », précise Bertrand Sannac. Outre sa blancheur exceptionnelle, la cristobalite présente des propriétés intéresn°908/juin/août 2012 47 REPORTAGES h Silmer possède 8 fours. La production [©CBPC] est assurée par [©CBPC] un automate. En sortie de four, les paniers servent à freiner la [©CBPC] chute des galets calcinés et contribuent à la bonne vitesse de rotation. Les espaces sont déterminants santes : une dureté importante de 7 Mohs, une inertie chimique vis-à-vis des acides (excepté l’acide fluorhydrique), un coefficient de dilatation nul entre 300 ° C et 1 000 ° C, une porosité pratiquement inexistante et une gélivité nulle. [©CBPC] Le tri des galets oxydés est encore assuré manuellement. pour une calcination réussie. Le réglage des ouvrants pour l’alimentation du four en oxygène est toujours assuré manuellement. Un savoir-faire empirique 48 n°908/juin/août 2012 A gauche, les galets et [©CBPC] à droite, la cristobalite. [©CBPC] Les galets sont acheminés par camion depuis la carrière, située à 1 km à vol d’oiseau de l’usine. Une fois sur le site de production, les galets sont rincés afin d’éliminer toutes les traces de sable. Ils sont, soit déchargés directement dans les trémies, soit stockés sur site. Les galets issus du ramassage, d’une granulométrie supérieure à 40 mm, sont envoyés sur une table de tri manuel afin de supprimer ceux qui sont recouverts d’une couche oxydation. « Cette activité pourrait être mécanisée, mais nous avons conservé une personne pour le faire. Nous avons la volonté de préserver l’emploi », fait valoir Brigitte Pages. Après triage, ces galets partent en calcination à 1 600° C. « Quelques galets peuvent échapper au tri, cela donne quelques points de couleur au produit final. C’est ce qui fait la spécificité de nos granulats. » En parallèle, une seconde trémie achemine les galets de carrière, d’une granulométrie de 20/40 mm, directement dans un des fours à 900 ° C. Silmer possède 8 fours verticaux. Quatre sont constamment affectés à la basse température et 2 à la haute température. Les 2 derniers peuvent être “convertis” à la demande. « L’intérêt de ce système est que nous pouvons nous adapter aux demandes, précise Brigitte Pages. Nous fonctionnons avec des stocks réduits. Aussi, il faut anticiper la production. » D’origine et revêtues à l’intérieur d’un briquetage spécifique, les tours fonctionnent selon le principe des fours à chaux, avec une alimentation par le haut et une réception de la matière par le bas. La flamme de combustion est située au milieu de la tour. Elle est répartie dans le four grâce à un système de ventilateurs. « Tout est empirique dans cette production et ce savoir-faire a été développé au fil des ans, conclut Brigitte Pages. Si on change un paramètre, la calcination ne se fait plus de la même manière. Et ce sont nos équipes qui réalisent la maintenance. » Corinne Bailly www.acpresse.fr