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LA PARTIE REGLEMENTAIRE DU CODE GENERAL DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES
QUELLES EVOLUTIONS
:
?
DROIT PUBLIC
Le décret n°2011-1612 du 22 novembre 20111 publie la partie réglementaire du code général de la
propriété des personnes publiques (CG3P) désormais en vigueur depuis le 25 novembre 2011.
Est ainsi complétée l’entreprise de simplification et de codification du droit des biens publics, plus de
cinq ans après l’adoption de l’ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative
du même code.
Conformément aux règles de la codification, le pouvoir réglementaire a respecté l’architecture retenue
pour la partie législative et a procédé à l’abrogation des textes épars qu’il a regroupés2. Par ailleurs,
toujours dans un souci de cohérence, des dispositions de nature réglementaire qui avaient été
adoptées par le législateur sont « déclassées » pour être intégrées dans la partie correspondant à leur
niveau normatif. Il s’agit notamment, et il convient d’attirer l’attention sur ce point, des dispositions de
la partie législative du code du domaine de l’Etat qui avaient justement été maintenues en vigueur,
après l’adoption de l’ordonnance du 21 avril 2006, jusqu’à la publication des dispositions
réglementaires du CG3P.
On notera par ailleurs que l’application de la partie législative du CG3P demeure incomplète : la Ve
partie relative à l’outre-mer n’a pas été adoptée, et les règles du niveau de l’arrêté (qui seront
identifiées par un « A ») n’étaient pas concernées par le chantier du gouvernement. Ce dernier point,
d’ailleurs, n’est pas sans poser de sérieuses difficultés dans la mesure où certaines dispositions de la
partie législative du CG3P impliquent l’adoption d’arrêtés pour être applicables. C’est notamment le
cas de l’article L. 2125-4 du code qui permet la capitalisation des redevances d’occupation du domaine
public sur toute la durée de l’occupation lorsque celle-ci n’excède pas cinq ans, ou par périodes
quinquennales dans le cas contraire.
Aussi, parmi les dispositifs majeurs introduits en 2006, certains n’appelaient pas de mesures
réglementaires d’application. C’est le cas notamment pour les dérogations au principe d’inaliénabilité
prévues aux articles L. 3112-1 à L. 3112-33. Cependant, pour les dispositions devant être précisées, la
partie réglementaire est pour le moins modeste. Ainsi, à propos des différentes modalités de gestion
du domaine public, la partie réglementaire indique simplement quelles sont les autorités compétentes
pour décider des transferts de gestion, superpositions d’affectations, ou pour passer des conventions
de gestion, conventions pour lesquelles le CG3P reprend les dispositions du code du domaine de l’Etat.
1
JO 24 nov. 2011, texte n°49. Ce décret procède également à l’actualisation et la mise en cohérence d’autres codes (code de
l'environnement, code général des collectivités territoriales, code forestier, code rural et de la pêche maritime, code du tourisme
et code de l'urbanisme). On notera en particulier les modifications apportées au CGCT en matière de baux et actes de vente,
dont il est affirmé qu’ils sont passés – après autorisation des organes délibérants – par le maire et les présidents des conseils
général et régional, respectivement au nom de la commune, du département et de la région (CGCT, art. R. 2241-1, R. 3213-1
et R. 4221-1).
2
V. notamment : sur l’avis des domaines (D. n°86-455 du 14 mars 1986 repris aux articles R. 1211-1 et suivants, pour les
acquisitions, et R. 4111-1 et suivants, pour les prises en location) ; sur les conventions d’utilisation (D. n°2008-1248 du 1er
décembre 2008 repris aux articles R. 2313-1 et suivants) ; sur la délivrance des autorisations d’occupation du domaine de l’Etat
constitutives de droits réels (D. n°95-595 du 6 mai 1995 repris aux articles R. 2122-9 et suivants).
3
Concernant les échanges, l’article R. 3211-46 précise toutefois que les dispositions – d’ordre procédural – des articles R. 321143 à R.3211-45 sont applicables aux échanges sans déclassement de deux biens du domaine public, ou aux échanges avec un
bien du domaine public qui sera déclassé sans être immédiatement désaffecté.
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Pouvait-on en attendre davantage de la part du pouvoir réglementaire ? Malgré les difficultés de
l’exercice, on était peut-être en droit d’espérer des clarifications sur la liaison entre transfert de
gestion et changement d’affectation, ou sur l’articulation entre les polices de la conservation et de la
circulation dans le cadre des superpositions d’affectations. Et il aurait également été important de
préciser l’étendue des pouvoirs du bénéficiaire d’un transfert de gestion, notamment en ce qui
concerne la délivrance de titres constitutifs de droits réels (v. infra).
Si l’entreprise du gouvernement était donc limitée, il convient cependant de relever les quelques mises
au point qu’elle comporte.
Dons et legs au profit de l’Etat. Le CG3P reprend les dispositions du code du domaine de l’Etat aux
termes desquelles « la réclamation concernant un legs en faveur de l'Etat, formulée par les héritiers
légaux, est recevable auprès du ministre compétent dans un délai de six mois à compter de
l'ouverture du testament » et que « lorsque la réclamation est formulée après l'expiration du délai
mentionné au premier alinéa ou émane de personnes autres que les héritiers légaux, l'accusé de
réception fait mention de son irrecevabilité » (art. R. 1121-3). Le pouvoir réglementaire a cependant
apporté une précision de taille en indiquant que « l'autorité compétente statue sur l'acceptation ou le
refus du legs dans les douze mois suivant la transmission par le notaire prévue à l'article R. 1121-2. Le
silence gardé par l'autorité compétente au-delà du délai défini au présent alinéa vaut refus de la
libéralité ».
Cessions d’immeubles de l’Etat. Sont repris les principes de publicité et de mise en concurrence,
et les dérogations qui étaient prévues à l’article R. 129-5 du code du domaine de l’Etat, avec une
actualisation quant aux autorités compétentes (art. R. 3211-2 et s.). Le pouvoir réglementaire
confirme par ailleurs qu’une cession d’un immeuble du domaine privé implique, au préalable, que
celui-ci ait été déclaré inutile par le service ou la personne qui en est attributaire (art. R. 2313-5).
L’inutilité du bien sera désormais matérialisée par la fin de la mise à disposition dans le cadre des
conventions d’utilisation qui se substituent au régime de l’affectation des immeubles de l’Etat (cf.
articles R. 2313-1 et s.)4.
Passation des locations constitutives de droits réels. Il est désormais certain que les règles de
publicité et de mise en concurrence qui s’imposent en matière d’aliénation d’immeubles de l’Etat ne
s’appliquent pas aux locations constitutives de droit réel. L’ancien article R. 66 du code du domaine de
l’Etat avait fait naître un doute à cet égard en précisant que ces locations « sont autorisés dans les
conditions prévues pour les aliénations. » Se posait donc la question de savoir si cette formule
renvoyait au principe de publicité et de mise en concurrence applicables aux aliénations. Ce débat est
aujourd’hui définitivement tranché puisque le nouvel article R. 2222-1 du CG3P dispose que « La
location d’un immeuble du domaine privé de l’Etat est consentie par le préfet, après fixation par le
directeur départemental des finances publiques des conditions financières du contrat. Toutefois, les
locations constitutives de droits réels sont autorisées par le ministre chargé du domaine lorsque la
valeur vénale de l’immeuble, déterminée par le directeur départemental des finances publiques, est
supérieure au montant fixé par l’arrêté du ministre chargé du domaine mentionné au dernier alinéa de
l’article R. 3211-6. » On comprend donc que les conditions auxquelles faisait référence l’ancien article
R. 66 étaient celles relatives aux compétences susvisées.
4
Rappelons toutefois que, par dérogation au principe posé, le législateur a autorisé la cession d’immeubles à usage de bureaux
encore occupés par des services de l’Etat (CG3P, art. L. 3211-2 ; v. également CG3P, art. L. 3211-13 pour les immeubles des
établissements publics de l’Etat).
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Délivrance des autorisations d’occupation du domaine public, fixation du montant des
redevances et superpositions d’affectations. Il ressort des articles R. 2122-2 et R. 2122-5 de du
CG3P que les établissements publics ou organismes privés (concessionnaire de service public par
exemple) gestionnaires d’immeubles du domaine public de l’Etat ne peuvent délivrer d’AOT
simplement compatibles avec l’affectation du domaine qu’à partir du moment où le « texte qui leur
confie ou concède la gestion » de ce domaine leur a expressément donné ce pouvoir 5. Il nous semble
qu’il s’agit là d’une modification des règles issues de la jurisprudence et non d’une interprétation de
l’état du droit (cf. CE, 8 juillet 1996, n°121520 ; CE, Sect. 29 avril 1966, Affichage Giraudy ; v.
également, postérieurement à l’entrée en vigueur de la partie réglementaire du CG3P : CE, 1er févr.
2012, SA RTE EDF Transport, n°338665, signalé dans le présent numéro du Bulletin). Il conviendrait
donc désormais de s’assurer que les gestionnaires du domaine de l’Etat ont bien reçu un tel pouvoir
par un « texte » leur confiant ou concédant cette gestion, ce qui pourrait poser problème, d’une part,
pour les mise à disposition anciennes qui n’avaient pas nécessairement été rédigées ainsi, puis,
d’autre part, pour les mises à dispositions futures, en particulier sur le point de savoir ce qu’il faut
entendre par « texte » confiant ou concédant la gestion (par exemple, est-ce qu’un acte de transfert
de gestion peut constituer un tel texte ?). Aussi, en toute logique, « les conditions financières de
l'occupation ou de l'utilisation du domaine public de l'Etat confié en gestion à un établissement public
de l'Etat sont fixées, sauf si son statut en dispose autrement, par l'autorité compétente de
l'établissement gestionnaire dès lors que celui-ci tient expressément du texte qui lui confie ou concède
la gestion du domaine le pouvoir d'y délivrer des titres d'occupation » (art. R. 2125-1, der. al.). On
notera toutefois que le pouvoir réglementaire a adopté une solution différente en ce qui concerne la
décision de procéder à une superposition d’affectation : la convention fixant les modalités de cette
superposition est passée, après avis du propriétaire, par l'autorité compétente de l'établissement
gestionnaire du domaine sauf disposition contraire du texte qui lui en confie ou concède la gestion
(art. R. 2123-15, al. 2).
Indemnisation en cas de retrait du titre d’occupation du domaine public. L’article R. 2125-5
du CG3P dispose : « Lorsque l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public est retirée,
avant l'expiration du terme fixé, pour un motif d'intérêt général, le titulaire évincé peut prétendre,
outre à la restitution de la partie de la redevance versée d'avance et correspondant à la période
restant à courir, à une indemnité égale, sous déduction de l'amortissement calculé dans les conditions
fixées par le titre d'autorisation, au montant des dépenses exposées pour la réalisation des
équipements et installations expressément autorisés, dans la mesure où ceux-ci subsistent à la date
du retrait. » Cette disposition abroge implicitement l’article A 26 du code du domaine de l’Etat et hisse
au niveau du décret les règles relatives aux conséquences indemnitaires d’une fin anticipée de
l’autorisation d’occupation. On sait cependant que le Conseil d’Etat considère qu'en l'absence de
clause contraire, l'occupant est en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de
la résiliation, « tel que la perte des bénéfices découlant d'une occupation du domaine conforme aux
prescriptions de la convention et des dépenses exposées pour l'occupation normale du domaine, qui
auraient dû être couvertes au terme de cette occupation » (CE, 31 juill. 2009, n° 316534, Sté
Jonathan Loisirs). Le principe jurisprudentiel semble donc plus favorable à l’occupant, mais la doctrine
a pu considérer que cette solution devait être cantonnée aux occupations contractuelles (cf. F.
Alhama, « L'indemnisation en cas de fin anticipée des autorisations domaniales », AJDA 2010, p.
1515), ce que semble d’ailleurs confirmer la rédaction des considérants de l’arrêt qui ne visent que les
contrats d’occupation. Et on notera donc que, en bonne logique, le pouvoir réglementaire n’envisage à
l’article R. 2125-5 que l’hypothèse du « retrait » du titre et non d’une résiliation, renvoyant ainsi aux
5
On rappellera que les mêmes dispositions existent à propos de la délivrance des titres constitutifs de droits réels, mais il s’agit
d’une reprise des dispositions qui figuraient déjà dans le code du domaine de l’Etat (cf. CG3P, art. R. 2122-12 et R. 2122-15).
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seules autorisations unilatérales. On regrettera toutefois le maintien d’un régime juridique distinct
pour deux types de titres d’occupation dont la différenciation demeure, en pratique, pour le moins
délicate.
Les évolutions contenues dans la partie réglementaire du CG3P concernent l’Etat et ses établissements
publics. Par souci de cohérence, les pouvoirs publics ont en effet voulu que le CGCT reste le volume
de référence pour la gestion et l’administration des biens des collectivités territoriales, de leurs
établissements publics et leurs groupements. Mais ce code connaît également des transformations et
développements. A cet égard, il faut signaler la publication du décret n°2011-2065 du 30 décembre
2011 relatif aux règles de passation des baux emphytéotiques administratifs (v. sur ce décret le
commentaire de G. Clamour, Contrats et Marchés Publics, n°2, février 2012, comm. 35). Le nouvel
article R. 1311-2 du CGCT précise désormais que lorsque ces baux sont susceptibles d’être requalifiés
en marchés publics, délégations de service public, concessions de travaux publics ou contrat de
partenariat, du fait des clauses qu’ils comportent ou des conventions non détachables qui les
accompagnent, leur passation doit être précédée des mesures de publicité et de mise en concurrence
prévues par les dispositions applicables à ces contrats. Cette affirmation n’est qu’une transposition des
solutions jurisprudentielles classiques et n’apporte donc aucune nouvelle obligation de publicité et de
mise en concurrence. On peut toutefois se demander pourquoi le pouvoir réglementaire a fait
référence à la définition des marchés publics issue du code du même nom alors que, contrairement à
la définition communautaire, le droit français subordonne la qualification en marché public de travaux
à la condition que la maîtrise d’ouvrage des travaux relève du pouvoir adjudicateur. En effet, si cette
condition ne sera pas remplie dans le cadre d’un BEA, celui-ci pourra néanmoins être qualifié de
marché public de travaux au sens des directives communautaires. Reste que la référence au code des
marchés publics est pertinente s’agissant des marchés publics de services que pourraient constituer
les conventions non détachables d’un BEA ou que l’on pourrait déceler dans certaines clauses de ces
baux.
Le décret du 30 décembre 2011 constitue également la première modification de la partie
réglementaire du CG3P puisqu’il était nécessaire d’adapter les références à aux nouveaux articles du
CGCT. Et cette première modification n’est déjà plus la seule puisque, moins de trois mois après son
entrée en vigueur, la partie réglementaire du CG3P a de nouveau été modifiée – de façon plus
substantielle cette-fois-ci – par le décret n°2012-203 du 10 février 2012 relatif à la commission pour la
transparence et la qualité des opérations immobilières de l’Etat, qui élargit notamment les
compétences de cette commission et prévoit qu’elle doit être obligatoirement consultée avant toute
cession de gré à gré d’un immeuble appartenant à l’Etat dont la valeur vénale estimée est supérieure
à deux millions d’euros (troisième alinéa de l’article R. 3211-6 ajouté par l’article 5 du décret précité).
RAPHAËL LEONETTI
GROUPE DROIT PUBLIC IMMOBILIER
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