Réflexion de Sylvie Jouanny (27/11/2016)

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Réflexion de Sylvie Jouanny (27/11/2016)
Réflexion de Sylvie Jouanny (27/11/2016)
Parce que je veux croire que la réflexion collective est vraiment ouverte, je me permets
de vous proposer sincèrement quelques réflexions . Certaines sont peu amènes, mais je
crois à la force de la critique, beaucoup plus qu’aux propos lénifiants.
Un constat : la précarité de l’APA
Depuis près de 30 ans que nos fonds sont déposés à Ambérieu, la ville, à part le panneau
« ville de l’autobiographie », n’a visiblement pas compris l’intérêt de l’APA ! Les
dernières batailles pour le déménagement et le lieu futur d’hébergement confirment un
manque d’intérêt et laissent entendre un désengagement total. Soit ! Prenons le bon côté
des choses : l’APA ne va pas bien, cessons d’avaler des couleuvres ambarroises et
imaginons l’APA de demain, nous qui sommes fiers de cette association et convaincus de
sa nécessité intellectuelle et humaine.
I-La nécessaire inclusion du fonds Apa dans une institution nationale
Je partage l’avis de la plupart des contributeurs. La dépendance d’une mairie (petite
de surcroît) est trop précaire, il faut viser plus grand et plus solide : BNF, Archives
nationales, Ministère de la Culture , DRAC, la BHVP, IMEC, ou institutions qui ont déjà un
lien avec nous, comme l’université Paris XIII, qui ne rate jamais une occasion de mettre
en avant le passage de Philippe Lejeune dans ses lieux. Je pense aussi, en termes de géopolitique : un lieu comme Strasbourg (et son nouvel eurodistrict) afficherait une
ouverture sur l’Europe et nos amis allemands. La ville a un remarquable réseau de
médiathèques et met en avant l’ouverture sur le monde –germanophone, en particulier.
Nous avons, les uns et les autres, des liens avec organismes et personnes susceptibles de
nous aider à réfléchir dans ce sens. Il n’est plus temps de faire montre de timidité et de
discrétion, dans l’espoir qu’on viendra nous chercher…tellement nous sommes bons !
Les usages ont changé, et à ne pas oser, nous serons mangés tout cru…Faisons la liste
des personnes qui peuvent faire des travaux d’approche auprès de telle ou telle
institution et allons-y ! Pour ma part, je peux étudier la piste strasbourgeoise si elle
vous semble intéressante.
La question du départ à la retraite de Christine. Il est certain que la solution la
meilleure, ce serait que Christine parte l’année où nous changeons de lieu. Ce sera
probablement le cas, tout changement administratif demandant quelques années pour
être réalisé. Mais si la synchronie n’est qu’approximative, nous ferons au mieux pour
Christine ; il est évident, en tout cas, que la question majeure est celle du lieu et de la
pérennisation de notre fonds.
La question de l’éventuelle perte d’autonomie de l’APA face à ses fonds. La question
mérite d’être posée mais le fonctionnement avec une grande institution devra être
négocié. Et du reste, s’il faut établir des priorités, ce qui me semble prioritaire, c’est la
pérennisation de l’hébergement du fonds et de sa
mise à disposition pour les
chercheurs. Nous n’avons pas gardé toutes ces archives pour nous mais pour l’histoire.
C’est un peu comme les enfants, on ne les élève pas pour soi, mais pour qu’ils partent un
jour, et s’émancipent de nous.
La question du budget. Arrimée à une grande institution, l’APA recevrait sans doute un
petit budget ou bien verrait un certain nombre de frais mutualisés (poste, secrétariat,
photocopieuse, téléphone , etc)
II-La Faute à Rousseau
Dans l’état actuel du budget, la FAR est un luxe qui met notre budget en péril .
L’insécurité financière est désastreuse à plusieurs titres : entre autres, elle momifie
notre réflexion sur le devenir de la FAR. Bien des suggestions ont été écartées d’un
revers de langue, comme si nous étions condamnés à ne rester que dans le couloir pensé
24 ans avant…L’appel à subventions a certes bien fonctionné mais nous a permis de
vivre combien de temps et le problème de budget ne se repose-t-il pas de la même
façon ? Il convient donc sérieusement de se demander si la FAR n’est pas un luxe, si elle
ne doit pas diminuer le nombre de ses parutions ou bien proposer la moitié de ses
numéros exclusivement en version électronique, par exemple.
Parallèlement, se poser la question : qu’est-ce que la FAR aujourd’hui ? En quoi estelle nécessaire dans le paysage autobiographique ? Avons-nous réussi, par exemple, à
inviter des amis à l’acheter ? à la citer dans une réflexion sur le genre
autobiographique ? Nous devenons nombreux à constater que nous ne la décachetons
pas toujours, que, quand nous la lisons, notre lecture ne dépasse pas les 25% de la revue,
bref, que notre enthousiasme s’assèche. Une impression tenace d’ « entre-soi », de
réflexions gentillettes, de sujets peu en rapport avec l’actualité littéraire ou politique,
bref un petit magazine reposant dont le look est certes très réussi -mais il se trouve que
c’est à ce moment que la FAR a cessé de perdre de sa tenue intellectuelle…Force est de
constater que c’est chez les amis que l’on voit de beaux colloques sur l’autobiographie, et
des revues qu’on a vraiment envie de lire.
Revoir la cible : quel public vise-t-on ? Les adhérents qui ont déposé ou souhaitent
vaguement le faire ? Certes, pensons à eux et comme le proposent certains, n’oublions
pas de valoriser le fonds dans des réflexions synthétiques, de 2 ou 3 p. Mais ce regard de
la FAR sur elle-même, mal dosé, pourrait devenir mortifère. Regardons le présent et
comment nous vivons au présent avec notre conscience d’autobiographe et partageons
avec tous, vieux ou jeunes, cette conscience au présent de l’autobiographie. A penser
« adhérents et déposants », nous nous limitons et nous ligotons. Certains peurs
récurrentes apparaissent, dites sous cape –il vaudrait mieux qu’elles soient dites
explicitement, ce serait plus constructif et nettement plus sympathique- que résument
quelques mots comme « universitaires », et « jargon » (Diable, nous n’allons pas, après
Donald Trump, nous mettre à douter de la réflexion, de la pensée, des mots ? Je
m’interroge, pour ma part, sur cet imaginaire anti-universitaire... ) A titre de
comparaison, artistes et metteurs en scène de publics peu favorisés s’interdisent de
« dévaluer » leur travail artistique, conscient du rôle « d’élévation » sociale et culturelle
qui est le leur. De toute évidence, la FAR ne partage pas ce point de vue et on peut à juste
titre se demander si elle de montre pas un peu de mépris pour nos lecteurs…
Pour une FAR plus exigeante
dans ses contenus : proposer des articles
systématiquement plus liés avec l’actualité littéraire, artistique
et politique.
L’autobiographie a gagné la sphère de tous les arts. Ainsi , au théâtre, d’Une chambre en
Inde (Mnouchkine) ;dans le roman, du dernier Hélène Gestern ; dans la vidéo, du
spectacle de théâtre Nobody(m. en sc. Cyril Teste), qui part de l’intériorité du
personnage pris dans le harcèlement au travail de son openspace ; dans les arts
plastiques, l’influence du spectateur et de son impression de l’exposition sur l’évolution
de la performance. Cette hybridité est passionnante et nous concerne, comme public
sensible à l’autobiographie et à ses nouvelles formes. Nous dira-t-on que c’est « trop »
pour la FAR, trop « intello » ? Ne nous étonnons pas alors de la baisse des lecteurs ni de
l’enthousiasme des collaborateurs de la FAR, et par conséquent, du vieillissement du
public. Pour ma part, j’ai de jeunes étudiants très intéressés par l’autobiographie, mais
compte tenu de la ligne actuelle, sympathique mais –j’ose le mot- ronronnante, je ne
suis pas toujours sûre de souhaiter qu’ils nous rejoignent pour le moment. J’attends avec
impatience notre mutation sur laquelle je mise beaucoup d’espoir !