AllegraVersace
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ELLE - 17/06/2011 - N° 3416 1987. Portrait de famille. Allegra est à gauche, dans les bras de sa mère. Peu avant sa mort, Gianni et celle qu’il considérait comme sa fille. ALLEGRA VERSACE LA PETITE PRINCESSE L’héritière principale de Gianni Versace fait son entrée dans la planète fashion en acceptant enfin de monter sur le trône que lui avait légué son oncle avant qu’il ne soit assassiné. 26 ELLE.17 JUIN 2011 ELLE - 17/06/2011 - N° 3416 Avec son allure fragile et ses grands yeux verts apeurés, Allegra Versace, bientôt 25 ans, a enfin trouvé le courage d’occuper la place que son oncle Gianni lui avait confiée au sein du clan. La belle héritière, qui a toujours semblé avoir des difficultés à monter sur le trône, vient de siéger pour la première fois au conseil d’administration de la griffe dont elle possède la plus grosse part (50 %). Tout un symbole pour cette jeune femme frêle qui fuit la presse comme la peste et ne semblait pas prête à faire son entrée sur la planète fashion. « Je déteste la célébrité », a-t-elle confié récemment dans une rare interview au quotidien « La Repubblica ». Preuve encore une fois qu’elle n’est pas une héritière comme les autres et ne risque pas de tomber dans les travers de Miss Hilton. C’est en juillet 1997, alors qu’elle a 11 ans à peine, que le destin d’Allegra bascule. Son oncle, le créateur Gianni Versace, est au sommet de sa gloire quand un déséquilibré l’assassine devant sa villa de Miami. « Cette mort a choqué toute la planète, autant que celle de Kennedy ! » se souvient Tony Di Corcia, auteur d’un livre sur Gianni *. Alors que des people du monde entier – Lady Di, peu avant sa mort, Sting ou encore Naomi Campbell, top préférée de Gianni – débarquent à Milan pour les funérailles du créateur, tous les regards se tournent vers celle que Gianni surnommait sa « petite princesse » : Allegra, sa nièce. Car le styliste a décidé de donner la plus grosse part de son héritage à cette bambina qu’il adorait par-dessus tout, le premier enfant de sa sœur Donatella et de l’ex-mannequin américain Paul Beck. Stupéfaction chez certains, mais Donatella et Santo, le grand frère de Gianni, tous deux cofondateurs de la griffe en 1978, ne s’en étonnent pas. « Ceux qui connaissaient Gianni savaient qu’Allegra était pour lui comme sa fille », soulignait Donatella peu après l’assassinat. A l’époque, la sœur de Gianni venait de reprendre en main la création au sein de la maison, rôle qu’elle assume encore. « Nous n’avons rien dit sur l’héritage à Allegra, car nous ne voulions pas la perturber. Mais elle l’a découvert un soir en regardant la télé. » Est-ce ce soirlà, devant son écran, que le conte de fées de la princesse a mal tourné ? « J’ai eu peur qu’il (Gianni) ne me réserve un futur dans lequel j’aurais dû être aussi forte que lui (...). Je savais que je n’en serais jamais capable », admet-elle dans « La Repubblica ». Pour Allegra, il y aura donc, plus que pour les autres membres de la famille, un avant et un après Gianni. Quand il était encore là, elle était « simplement » sa nièce chouchou, grandissant sous les projecteurs au milieu des amis de la famille : Madonna, Elton John... Son oncle l’emmenait partout, lui confectionnait des vêtements sur mesure et lui avait même offert un cours de danse avec Maurice Béjart ! Après sa mort, elle mène au contraire une vie très discrète. A Milan, d’abord, puis aux Etats-Unis où elle rejoint son père – ses parents, qui ont eu également un fils, Daniel, sont séparés – et étudie le marketing et le cinéma à New York. Mais juste avant son départ d’Italie, à 18 ans, la presse la pourchasse pour qu’elle prenne la parole. Car la jeune femme désormais majeure est officiellement l’héritière de la griffe. « L’ado la plus puissante de la haute couture », dira « The Wall Street Journal ». Mais la belle garde le silence et s’échappe, affichant déjà une maigreur inquiétante. En 2007, ses parents l’avouent : Allegra souffre depuis des années d’anorexie. Une page que la jeune femme aimerait maintenant tourner. « J’appelle cette période mon moment d’absence, révèle-t-elle dans “La Repubblica”. Je m’étais perdue (...), je ne pouvais pas me confronter à la réalité (…), je voulais surtout une chose, n’être personne, ne plus être reconnue, ne plus être traquée. » Outre sa phobie des flashs, la mort de son oncle semble aussi expliquer ce désir de disparaître qui la ronge. « Pendant des années, j’ai vécu dans l’obscurité, je ne me rappelais plus rien de ma vie avant ce jour terrible. » A cela s’ajoute une relation complexe avec sa mère, qui a avoué avoir été un temps accro à la cocaïne. « Sa mère est une icône de la jet-set très sophistiquée. Il est difficile de trouver son identité quand on a une mère qui ressemble à une déesse !, décrypte la psychanalyste Silvia Vegetti Finzi. Allegra semble lui dire en même temps : je veux être comme toi et je ne veux pas être comme toi. » Toujours main dans la main, les deux femmes sont à la fois très différentes et fusionnelles. Même aujourd’hui, Allegra reconnaît avoir participé au conseil d’administration de Versace « parce que la mamma me l’a demandé ». Fille à sa maman qui rêve d’anonymat, la fragile Allegra a-t-elle aujourd’hui les épaules pour s’imposer comme patronne de la célèbre Méduse ? « L’arrivée d’Allegra est une très bonne nouvelle pour la griffe, répond Tony Di Corcia. Elle a grandi en regardant Gianni et a tout pour incarJESSICA AGACHE ner son héritage. » * « Gianni/Versace, lo stilista dal cuore elegante » (Utopia Edizioni). (Gianni/Versace, le styliste au cœur élégant). Non traduit en français. Allegra avec son père et son frère à la messe d’adieu de Gianni, à Milan. Allegra et Donatella, une relation mère-fille très fusionnelle. Robert Pitts/Landov/MaxPPP ; Ledesma/Sipa ; Dave Benett/Getty Images ; Floria/Visual ; Rue des Archives. elleinfohebdo 27