Notes pour une allocution de Mme Pelchat Le sexe dans les médias
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Notes pour une allocution de Mme Pelchat Le sexe dans les médias
NOTES POUR UNE ALLOCUTION DE CHRISTIANE PELCHAT, PRÉSIDENTE CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME MME LE SEXE DANS LES MÉDIAS : OBSTACLE AUX RAPPORTS ÉGALITAIRES CALACS DE RIMOUSKI 19 SEPTEMBRE 2008 Notes pour une allocution de Mme Pelchat Le sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires Notes d'allocution Mme Pelchat - Le sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires. Septembre 2008. Date de publication : 2008-09-19 Auteur : Conseil du statut de la femme 1. Rappel du mandat Pourquoi le Conseil du statut de la femme s’est-il intéressé à la question de la sexualisation de l’espace public? Contexte : • Préoccupation croissante de la population à l’égard des tenues vestimentaires hypersexualisées chez des filles de plus en plus jeunes, de l’obsession de l’image corporelle chez les jeunes et de l’émergence de nouveaux comportements sexuels et surtout par les conséquences que ces comportements ont sur la santé et le développement des jeunes. • On observe une plus grande visibilité de la sexualité dans les médias, que ce soit par la publicité et la télévision ou par les vidéoclips. Aussi s’interroge-t-on quant au rôle des médias dans le modelage du comportement des adolescents. Mandat : • Le Conseil du statut de la femme a reçu le mandat de mener une réflexion sur la problématique de la sexualisation de l’espace public. Plus précisément : o D’examiner les effets de ce phénomène sur certains indicateurs comme les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), la violence conjugale et de suggérer au gouvernement des pistes d’action afin de mieux soutenir les jeunes dans ce contexte. o De faire le point sur le type de sexualité qui est actuellement proposé aux jeunes dans les médias et de s’intéresser aux effets de ces modèles chez les jeunes âgés de 12 à 18 ans. 2. La sexualisation de l’espace public Qu’entend-on au juste par l’expression « sexualisation de l’espace public »? • Pour le Conseil, la sexualisation de l’espace public réfère à l’omniprésence de la sexualité et à l’utilisation croissante du sexe comme stratégie de marketing. • Le Conseil met ainsi en lumière le fait que la sexualité, qui est traditionnellement du ressort de la vie privée, constitue maintenant un élément important de la vie publique, véhiculé principalement par l’intermédiaire des médias. Que désigne le terme « médias »? 2 • Terme qui désigne à la fois les moyens de communication utilisés pour transporter un message, c’est-à-dire l’affichage, le cinéma, la presse, la radio, la télévision et l’Internet, et le message médiatique, que ce soit la musique, les films, les émissions de télévision ou la publicité. Pourquoi s’être intéressé aux médias? • Le Conseil ne croit pas que les médias sont les seuls responsables de l’adoption de ces nouveaux comportements chez les jeunes. Il est clair que les parents et la société en général ont aussi leur part de responsabilité. • Les médias sont le miroir d’une société. Ils reflètent une certaine conception de l’homme et de la femme, de leurs rôles dans la société, de la façon dont ils doivent se comporter dans les différentes situations de la vie. • Les médias ont un immense pouvoir de socialisation, en particulier auprès des jeunes alors qu’ils en sont à une période de leur vie où ils recherchent des modèles auxquels s’identifier et leur indiquant comment se comporter. 3. Les médias dans la vie des jeunes Les médias sont omniprésents dans la vie des jeunes : • Croissance de l’utilisation du Web par les jeunes : o En 2006, 93 % des jeunes de 12 à 18 ans affirmaient avoir accès à l’Internet à la maison, dont la majorité au moyen d’une connexion haute vitesse. • Progression de la fréquentation de médias sur lesquels il est difficile d’exercer un contrôle quant au contenu : o Internet, émissions de télévision, revues et musique étrangères. • Omniprésence de la publicité. 4. Présence accrue de la sexualité dans les médias Présence accrue du sexe dans les médias : • Télévision : o Pas de données pour le Québec. o Une étude américaine révèle que le contenu sexuel dans les émissions de télévision regardées par les jeunes aurait augmenté de façon constante sur une période de sept ans. 3 • Internet : o L’accessibilité à la sexualité est facilitée par la consultation de contenus sexuels dans un climat d’anonymat complet (ce qui est moins gênant que de louer un film au club vidéo) et de façon le plus souvent gratuite. o Le nombre de sites Internet gratuits offrant du contenu sexuel est en constante croissance. o 56 % des 12 à 17 ans ont visité des sites pornographiques (mais seulement 16 % l’auraient fait volontairement). • Publicité et vidéoclips : o Le sexe et la provocation sont des stratégies de vente efficaces qu’utilisent abondamment la publicité et les vidéoclips. o Ce qui était choquant devenant peu à peu banal, on doit, pour provoquer et attirer l’attention, franchir de nouvelles limites, et notamment recourir à des images de plus en plus provocantes : Les modèles sont de plus en plus dénudés et adoptent des postures suggestives. Certaines images véhiculées dans les publicités et dans les vidéoclips s’apparentent à de la pornographie. o L’intérêt croissant pour le marché des jeunes consommateurs a amené les publicitaires à s’adresser directement aux jeunes : Ils utilisent, auprès des jeunes, les mêmes stratégies et les mêmes codes que ceux utilisés à l’endroit des clientèles adultes, comme le recours à la sexualité, peu importe que le public cible soit âgé de 15 ans ou de 8 ans. 5. Vision stéréotypée de la sexualité Ce qui interpelle le Conseil, au-delà de cette visibilité et de cette accessibilité plus grandes de la sexualité dans les médias, c’est la conception d’une sexualité basée sur des rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes qui y est véhiculée, et que les jeunes, non seulement adhèrent aux messages, mais reproduisent les comportements qui y sont présentés. Il faut reconnaître que de grands pas ont été franchis au Québec alors que la représentation de l’homme et de la femme dans les médias a évolué depuis une trentaine d’années, principalement dans les téléséries et les téléromans produits ici. Les modèles d’hommes et de femmes qui y sont présentés sont plus variés et tendent à s’éloigner des clichés. Néanmoins, les médias véhiculent encore trop souvent une image 4 stéréotypée de l’homme et de la femme, en particulier dans la publicité, les vidéoclips, les magazines et les jeux vidéo. Message véhiculé aux filles : • Charmer, plaire, séduire est le message qui leur est transmis : o Les filles sont toujours incitées à adhérer aux standards de mode et de beauté. • La séduction et le sexe sont une forme de pouvoir qui permet aux femmes d’obtenir ce qu’elles veulent (argent, amour, popularité) : o Message renforcé par les exemples de femmes qui n’ont pas hésité à utiliser leur image et leur pouvoir de séduction pour réussir. • La jeune fille moderne est fière de son corps, n’a pas honte de le montrer et assume pleinement sa sexualité : o Elle est libre et ouverte aux nouvelles expériences sexuelles. o Elle peut vouloir satisfaire son désir sexuel, sans amour ni attentes de relations à long terme. o Cette façon d’agir est valorisée au point de passer pour coincée lorsqu’une fille ne se montre pas ouverte sexuellement ou qu’elle ne s’habille pas suffisamment sexy. Message véhiculé aux garçons : • Les modèles masculins dans les jeux vidéo, les vidéoclips et les films d’action sont musclés, forts, courageux, compétitifs, n’hésitent pas à être violents et cachent leurs émotions. • Lorsqu’ils se comportent ainsi, ils ont de l’argent et de belles voitures, les belles femmes leur tournent autour, et n’ont qu’à claquer des doigts pour qu’elles se retrouvent dans leur lit : o Avoir de belles filles à ses côtés est un signe de réussite. • Ils ont une sexualité essentiellement physique, détachée de l’amour, axée sur la performance, aimant l’aventure, la nouveauté : o Pornographie sur Internet. 6. Objets d’inquiétude Quel est le problème? 5 • En quoi est-ce un problème que les médias présentent une vision stéréotypée de la sexualité? • En quoi est-ce un problème que les jeunes adhèrent aux stéréotypes véhiculés dans les médias? Au fond, les hommes et les femmes sont différents et c’est sans doute préférable que ça demeure ainsi. • N’est-il pas normal de se soucier de son apparence, de chercher à plaire, de vouloir être celui ou celle que l’on choisit, que l’on désire? Rares sont les personnes qui peuvent affirmer qu’elles ne se laissent pas influencer par l’apparence des gens qu’elles rencontrent. Le problème se pose lorsque ces comportements normaux sont exacerbés au point de présenter des risques pour la santé et le développement personnel. Objets d’inquiétude pour le Conseil : • L’obsession de l’image corporelle. • Les pratiques sexuelles non sécuritaires. • La contrainte et l’inconfort dans les relations sexuelles. • La violence dans les relations amoureuses. Obsession de l’image corporelle : • Selon une enquête de l’Institut de la statistique du Québec, 55 % des filles de 15 à 19 ans veulent perdre du poids; 35 % des filles, dès la 4e année du primaire, souhaitent perdre du poids. • Selon une enquête de Santé Canada, 1 fille sur 6 souffrirait de troubles alimentaires au cours de l’adolescence. • Plus de 30 % des garçons de 13 à 16 ans souhaitent gagner de la masse musculaire. Adoption de comportements sexuels non sécuritaires : • En 2005, 26 % des adolescents sexuellement actifs ont déclaré ne pas avoir utilisé de condom lors de leurs dernières relations sexuelles. • Précocité des relations sexuelles : o 22 % des Québécoises âgées de 14 ou 15 ans affirment avoir déjà eu des relations sexuelles. o Parmi les jeunes de 16 ans qui se déclarent sexuellement actifs, l’âge moyen à la première relation sexuelle est de 14 ans et demi. 6 • Hausse du nombre de partenaires sexuels chez les jeunes. • L’absence de protection, combinée à l’abaissement de l’âge de la première relation sexuelle et à une hausse du nombre de partenaires sexuels chez les jeunes, a donné lieu à une hausse importante au cours des dernières années des taux d’infection à chlamydia et d’infection gonococcique, particulièrement chez les filles âgées de 15 à 24 ans. • Selon les données du ministère de la Santé et des Services sociaux, le nombre de cas d’infection à chlamydia déclarés a doublé entre 1997 et 2004 : o ¾ des personnes infectées sont des femmes. o 72 % des femmes infectées avaient de 15 à 24 ans. • De 2004 à 2007, le taux d’infection à gonocoque a augmenté de 250 % chez les adolescentes âgées de 15 à 19 ans. La contrainte et l’inconfort dans les relations sexuelles : • Adhésion aux stéréotypes au point de penser que c’est normal d’agir ainsi. • Filles : o Elles pensent qu’il est normal qu’elles soient sexy (sinon elles ont l’air moches). o Elles pensent qu’il est normal de susciter le désir chez les garçons : Elles peuvent poser volontairement des gestes à caractère sexuel (danses avec positions sexuelles, strip-tease, Webcam), puis ressentir un malaise le lendemain parce qu’elles sont allées à l’encontre de ce qu’elles souhaitent réellement. o Elles pensent qu’il est normal d’être prêtes à satisfaire les besoins des garçons : Elles consentent à des pratiques sexuelles avec lesquelles elles ne sentent pas à l’aise pensant qu’il est normal d’agir ainsi, par peur du rejet. • Garçons : o Ils pensent qu’en se comportant comme les modèles présentés dans les films d’action, les jeux vidéo et les vidéoclips – qu’en étant violents et en montrant leurs gros bras – ils vont réussir à avoir ce qu’ils veulent : argent et femmes. o Ils pensent que les femmes sont toujours prêtes, qu’elles aiment se laisser guider. Violence dans les relations amoureuses : • Selon les données du ministère de la Sécurité publique, on note une hausse de 20 % de la violence conjugale chez les jeunes filles de 12 à 17 ans de 2005 à 2006. 7 • Chez les filles de 16 ans ayant fréquenté un garçon durant l’année précédente, 34 % auraient vécu de la violence psychologique, 20 % de la violence physique et 11 % de la violence sexuelle. • Lorsque les garçons de 16 ans ont été questionnés sur leurs comportements violents à l’égard des filles dans une relation amoureuse, 19 % d’entre eux ont affirmé avoir infligé de la violence psychologique, 10 % de la violence physique et 4 % de la violence sexuelle. 7. Obstacles aux rapports égalitaires Pourquoi affirmer que le sexe dans les médias est un obstacle aux rapports égalitaires? • Pour plusieurs, la participation volontaire à différentes pratiques sexuelles est un reflet de l’égalité entre les sexes, de la liberté « sexuelle » que les filles ont acquise, qu’il est normal d’agir comme ça. La libération sexuelle a permis aux filles d’exercer un meilleur contrôle de leur corps et de s’affirmer dans leur sexualité : • Les filles d’aujourd’hui sont plus libres et peuvent se montrer plus ouvertes en matière de sexualité. • Dans la mesure où elles peuvent affirmer leurs besoins, il s’agit d’une réussite. Les filles d’aujourd’hui sont-elles réellement plus libres d’affirmer leurs besoins? • Un nombre croissant de jeunes filles consent à des pratiques sexuelles avec lesquelles elles ne se sentent pas à l’aise uniquement dans le but de plaire et d’être acceptées des autres, par crainte d’être rejetées. Le sexe, un pouvoir à la portée des femmes? • Que le sexe soit présenté comme une façon pour les filles d’obtenir facilement de l’argent, des voyages, un chum riche peut effectivement être perçu comme une forme de pouvoir. • Il s’agit toutefois d’un pouvoir limité, car à partir du moment où le sexe constitue une monnaie d’échange, il est plus difficile de fixer ses limites, d’affirmer ses besoins et d’agir d’égal à égal dans une relation. 8 8. Une sexualité égalitaire selon le Conseil La définition d’une sexualité égalitaire a été développée par le Conseil au fil des années. Il adhère à une vision multidimensionnelle de la sexualité qui englobe à la fois les dimensions biologique (physique), psychologique (affective) et sociale de la personne. • Biologique : o La découverte, l’exploration et la connaissance de son corps et de celui de l’autre. o L’acceptation de son corps (l’apparence, écart par rapport aux modèles) et du rythme de ses transformations. o La sécurité des pratiques sexuelles. o L’accès aux contraceptifs et aux préservatifs et le partage des responsabilités à cet égard. • Psychologique : o La reconnaissance des partenaires comme sujets de leur sexualité plutôt que comme objets sexuels et, par conséquent, l’affirmation et la prise en considération des besoins, des attentes, des désirs et des limites de chacun, fille ou garçon. o Le respect de soi et de l’autre et la confiance mutuelle. o Le développement et le maintien d’une bonne estime de soi (sans mépris). o L’absence de violence, de domination ou de contrainte. • Sociale : o Le développement d’un esprit critique quant à l’influence de l’environnement social – famille, pairs et médias – sur la définition des besoins et des attentes, mais aussi des limites de chaque personne. o L’absence de pression sociale. o Une sexualité libre de stéréotypes sexuels qui rejette le carcan des rôles définis pour chacun des sexes et selon lequel, par exemple, les garçons doivent être des experts qui guident leurs partenaires et les filles qui acceptent de les suivre dans ces expériences. 9. Pour une sexualité égalitaire Pour en arriver à une sexualité plus égalitaire, comment agir? Que peut-on faire? La sexualité relève de la sphère privée : 9 • Comment un organisme gouvernemental comme le Conseil du statut de la femme peut intervenir? • Mis à part les campagnes sur le port du condom pour promouvoir l’adoption de comportements sécuritaires – les ITSS étant un problème de santé publique – le gouvernement peut-il dire aux gens comment se comporter dans ce domaine? Il n’est pas question non plus de contrôler les messages véhiculés par les médias : • Trop risqué – risques liés à la censure. • La fréquentation de médias sur lesquels nous ne pouvons exercer de contrôle sur le contenu – tels Internet, les chaînes télé étrangères – rendrait cette démarche inutile. À moins de les enfermer, les jeunes seront exposés à ces messages, qu’on le veuille ou non. Le Conseil croit que l’adoption de comportements égalitaires suppose des changements de mentalités, de cultures, de façons de penser. Il s’agit là d’un vaste travail d’éducation et de sensibilisation auquel est convié l’ensemble de la population. Agir sur le développement d’un esprit critique face aux messages véhiculés par les médias : • Sensibilisation à l’influence des médias, notamment sur la définition de ses besoins et de ses attentes. • Reconnaître la présence de stéréotypes dans les médias. Renforcer l’estime de soi des jeunes filles et des jeunes garçons : • Il faut avoir développé une bonne estime de soi pour être capable d’affirmer ses besoins. Valoriser les rapports égalitaires entre les femmes et les hommes : • Se rappeler que l’idéal d’égalité n’est pas que dans les domaines économique et politique, mais également dans le domaine privé. • Avoir en tête que l’égalité homme-femme dans les rapports sexuels ne veut pas dire pareil, mais plutôt l’égale possibilité – tant pour l’homme que pour la femme – d’affirmer ses besoins, de faire respecter ses limites, et ce, dans un climat de confiance et de respect mutuel. Chacun, individuellement, peut agir : 10 • Être agent de changement, ça commence dans la sphère privée : o Prendre conscience de l’influence de l’environnement social – dont les médias – sur la définition de nos besoins, de nos attentes envers l’autre et des limites de chaque personne. o S’interroger sur ses comportements. o Être capable de les remettre en question. Recommandations (10 au total, dont) : Gouvernement : • Promouvoir des modèles de comportements égalitaires (campagne publicitaire). • Pérenniser le Comité de travail sur la promotion des rapports égalitaires et étendre son mandat à la problématique de la sexualisation de l’espace public. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport : • Inciter le personnel enseignant à aborder la question de l’égalité entre les sexes dans le nouveau programme d’éthique et culture religieuse, tant au primaire qu’au secondaire. • Valoriser la prise en compte de cette préoccupation dans l’éducation à la citoyenneté, dès le niveau primaire. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et ministère de la Santé et des Services sociaux : • S’assurer que l’information destinée aux parents relativement à la sexualité des jeunes soit mieux diffusée. • Déployer des mesures pour informer les parents sur l’utilisation du Web par les jeunes. Ministre de la Condition féminine : • Rencontrer le milieu de la publicité au Québec pour le sensibiliser aux effets des stéréotypes sexuels. 11