les nouveaux éditeurs, l`artisanat et le design : enjeux et impacts sur

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les nouveaux éditeurs, l`artisanat et le design : enjeux et impacts sur
LES NOUVEAUX ÉDITEURS,
L’ARTISANAT ET LE DESIGN :
ENJEUX ET IMPACTS SUR LES
MÉTIERS DE LA CRÉATION
LES NOUVEAUX ÉDITEURS,
L’ARTISANAT ET LE DESIGN : ENJEUX
ET IMPACTS SUR LES MÉTIERS DE LA
CRÉATION
Mardi 26 juin 2012, 9h00-12h30
Institut National des Métiers d’Art
Viaduc des arts - 23 avenue Daumesnil, 75012 PARIS
Ya Pas le Feu au Lac, Marcel By, Moustache, Petite friture, … Des noms
surprenants et que l’on n’associerait pas forcément aux métiers d’art, à moins
d’en être un amateur éclairé. Décalage et modernité appliqués à un secteur qui
a trop longtemps souffert de son isolement et de son image désuète, de quoi
s’agit-il précisément ?
L’Institut National des Métiers d’Art, fidèle à sa mission de promotion et de
développement d’un secteur en plein renouveau, s’est proposé de répondre à
cette question en donnant la parole à deux des principaux intéressés : FrançoisXavier BALLÉRY, directeur artistique de Y’a Pas le Feu au Lac, et Stephan
LANEZ, co-fondateur de Marcel By, deux jeunes maisons d’édition d’objets et de
mobilier contemporains. « Rendez-vous » a donc été pris le mardi 26 juin 2012,
au Centre de Ressources de l’INMA.
En présence d’un public nombreux et varié, composé aussi bien de
professionnels que d’étudiants, auquel se sont joints les représentants des
tutelles de l’Institut : Romane SARFATI, Georges-François HIRSCH et Pierre
OUDART pour le ministère de la Culture et de la Communication, Serge
JARRAUD et Jean-Michel VERNE pour le ministère chargé de l’Artisanat, du
Commerce et du Tourisme, les deux designers-éditeurs ont inauguré, aux côtés
de Jean-Baptiste SIBERTIN-BLANC, un nouveau cycle de rendez-vous matinaux.
Conçus et organisés par l’INMA - services Information et Développement en lien
étroit avec la Commission Création-Innovation du Conseil scientifique et
culturel, présidée par Alain LARDET, ces petits-déjeuners, qui se dérouleront au
rythme de cinq par an, ont un double objectif.
En premier lieu, diffuser le travail de veille, d’analyse et de prospective de
l’Institut, lequel, s’appuyant sur son Centre de ressources, qui dispose d’un
fonds documentaire et d’un service d’accompagnement et d’information
uniques en Europe, et sur les contributions des membres de la Commission
Création-Innovation, a développé une expertise très fine du secteur des métiers
d’art et de création.
En second lieu, offrir un espace de rencontres, d’échanges et de débats à
l’ensemble des acteurs du secteur, pouvoirs publics et professionnels, étudiants
et grand public, autour de questions relatives à ses évolutions, qu’elles relèvent
de tendances ou de mouvements de fond.
1. Les métiers d’art en plein renouveau.
En effet, le secteur des métiers d’art connaît un profond renouveau, caractérisé par
l’émergence de jeunes créateurs, dont la maîtrise technique et formelle confère aux métiers
d’art une vitalité plébiscitée par le public et par les professionnels, à commencer par les
éditeurs d’objets et de mobilier contemporains. « Il n’y a jamais eu autant de maisons d’édition
que depuis ces deux dernières années » a souligné Gérard LAIZÉ, Directeur général du VIA
et membre du Conseil scientifique et culturel de l’INMA. Pourtant, bien qu’il soit un maillon
essentiel de la chaîne de production d’un objet, de sa conception à sa diffusion, l’éditeur
demeure peu connu du grand public.
L’intérêt que suscite aujourd’hui cette fonction est dû, sans doute, à l’indifférence dont a pâti
le secteur ces 30 dernières années compte tenu à la fois de l’industrialisation des procédés de
fabrication, puis de leur délocalisation à l’étranger, et à la valorisation de la création
conceptuelle. Écoles d’art et d’arts appliqués, professionnels du secteur de la création,
journalistes, mais aussi décideurs politiques et économiques se sont détournés d’un secteur
progressivement associé à une image traditionnelle, voire désuète, entraînant avec eux le
public, clientèle en quête de nouveautés et de modernité.
Est-ce à dire que les professionnels des métiers d’art n’avaient d’autre possibilité que celle de
répondre à une demande de production d’objets et de mobilier traditionnels ou de se
reconvertir en sous-traitants de l’industrie du luxe ? Rien n’est moins sûr, car comme l’a
rappelé Alain LARDET, « l’artisanat est le laboratoire de l’industrie » tandis que le geste de
l’artisan d’art et sa connaissance de la matière suscitent toujours autant d’admiration,
davantage sans doute depuis la crise économique de 2008.
De fait, le succès rencontré par des éditeurs tels que Y’a Pas le Feu au lac et Marcel By, qui ont
fait le pari de fonder des maisons d’édition d’objets et de mobilier contemporains, conforte
l’idée selon laquelle l’édition appliquée à la production artisanale a de beaux jours devant elle ;
ce qui semblait une gageure il y a quelques années seulement apparaît désormais comme une
démarche porteuse d’innovation artistique et économique.
Mais comment devient-on éditeur ?
2. L’édition, une affaire de rencontres.
Pour François-Xavier BALLÉRY et Stephan LANEZ, ce fut une affaire de rencontres.
Designer de profession, diplômé de l’Ecole Supérieure d’art et de design de Reims et titulaire
d’un Master supervisé par Ron ARAD au Royal College of Art – Londres, François-Xavier
BALLÉRY a toujours éprouvé l’envie de se lancer dans l’aventure de l’édition. Une démarche
cohérente avec sa formation et sa volonté de proposer des créations innovantes. Lorsque
l’occasion s’est présentée à la faveur d’une rencontre avec Gregory et Marie BODEL,
tourneurs tabletiers, héritiers-repreneurs d’As’Bois, maison familiale implantée dans le Jura, le
designer a su s’en saisir et concrétiser sa passion d’entreprendre. « Dans le design et dans la
vie, il faut savoir saisir les occasions qui se présentent et réaliser ce que l’on porte en soi depuis
un moment ».
Si Y’a Pas le Feu au Lac est née d’une rencontre, Marcel By a été créée afin d’en susciter, de
natures variées et à des échelles diverses. « Ma vision de l’édition et du mobilier contemporain,
c’était de créer des rencontres, des échanges, des croisements : tout d’abord entre les individus
impliqués dans le processus de fabrication, puis entre les savoir-faire, et enfin, entre le
designer, l’artisan et l’éditeur, trio vital de toute maison d’édition » a tenu à préciser Stephan
LANEZ, son co-fondateur, par ailleurs designer formé à l’ENSAD et directeur artistique de
Chevallier Edition, qui a lancé Marcel By au salon Maison&Objets de Janvier 2012.
Contrairement à Y’a Pas le Feu au Lac, la maison Marcel By ne fabrique pas ses objets. Elle
s’appuie pour cela sur un réseau de sous-traitants, qu’elle cherche à entretenir en privilégiant la
qualité des savoir-faire et de la finition. Parfois, ces rencontres dépassent les frontières, parce
que le savoir-faire n’existe pas en France, mais aussi parce qu’il peut être difficile de travailler
avec des entreprises françaises, ce qu’a déploré Stephan LANEZ : « […] c’est très décevant,
après, il y en d’autres qui savent entendre nos demandes, qui savent discuter pour échanger.
On arrive ensuite à produire des choses ensemble qui ont une vocation commerciale. »
Ces rencontres humaines, artistiques et professionnelles s’inscrivent dans le temps long. Elles
s’approfondissent projet après projet dans un dialogue permanent entre l’ensemble des parties
prenantes –éditeur, designer, artisan d’art– qui partagent les mêmes valeurs et une même
exigence de résultats. Car outre la dimension affective de ces échanges, il est aussi question de
rencontres entre l’innovation, la création et le savoir-faire ; entre une vision industrielle de
rendement économique et de distribution, et une exigence de finition parfaite.
A l’origine de la création de Y’a Pas le Feu au Lac, « il y avait une double volonté », a précisé
François-Xavier BALLÉRY, « valoriser ce savoir-faire d’artisanat industriel, […] et le
partager, en développant une vision sur une matière, le bois, dont Marie et Gregory BODEL
souhaitait donner une vision contemporaine […]. L’équipe [de la manufacture] a été
redynamisée. »
On retrouve cette même envie chez Marcel By : « proposer des produits innovants à partir de
savoir-faire traditionnels. »
Jean-Baptiste SIBERTIN-BLANC, ébéniste et designer, a insisté lui aussi sur cette notion de
rencontre entre secteurs aux finalités et aux objectifs multiples, à partir de sa démarche, qui
consiste à « considérer la conception d’un produit artisanal avec les exigences et les
méthodologies propres au design industriel ». Son parcours de designer (PUIFORCAT,
HERMÈS, etc.) et de directeur artistique (DAUM) lui a en effet permis d’imposer la
complémentarité de ses formations et de situer son travail au croisement du design et de
l’artisanat d’art : « aujourd’hui, mon travail est aux frontières de contextes semi-industriels
et/ou semi-artisanaux, au travers desquels j’essaie de trouver les zones de perméabilité pour
que les deux s’enrichissent. » En d’autres termes, Jean-Baptiste SIBERTIN-BLANC
expérimente et développe « un design dans lequel les savoir-faire sont au cœur de projets » et
une réflexion qui s’articule autour « des métamorphoses de nos environnements quotidiens »,
au sein desquels, les « choses doivent anticiper l’évolution de nos perceptions ».
Si d’aucuns nomment design artisanal cette rencontre entre le design et l’artisanat –JeanBaptiste SIBERTIN-BLANC fut sans doute l’un des premiers à employer ce terme– les
éditeurs présents s’inscrivent quant à eux dans une conception à la fois plus globale et moins
spécifique des échanges industrie/artisanat. Il s’agit dès lors de valoriser l’ « artisanat
industriel », dont l’éditeur constitue la clef de voûte, en ce que lui seul, dans le cadre de
collaborations de ce type, semble en position de faire converger les idées de l’ensemble des
collaborateurs en une vision globale et stratégique du produit final qui constitue le cœur de
cette démarche éditoriale. Aussi, pareille entreprise n’est-elle possible que si l’on a quelque
chose à dire et si l’on sait à qui l’on s’adresse.
3. Vision globale et développement stratégique : le produit final au cœur de
la démarche créative et commerciale.
Si l’édition appliquée à ce qu’il convient désormais de nommer artisanat industriel, ou design
artisanal, naît généralement de rencontres ou de l’envie d’entreprendre, existe-t-il une garantie
de réussite ? La présence d’un éditeur dans l’équation y suffit-elle ? A quoi le succès que
rencontrent actuellement YPLFL et Marcel By tient-il ?
Durant leurs interventions respectives et les échanges avec la salle qui ont suivi, conclus par
Gérard LAIZÉ, François-Xavier BALLÉRY et Stephan LANEZ ont souligné un élément
crucial : l’éditeur est avant tout un entrepreneur dont la démarche créative s’inscrit dans une
perspective économique selon une logique d’innovation. Sa valeur ajoutée réside dans sa
capacité à définir un projet d’entreprise –ou plan de développement– et à développer une
politique de marque autour des produits qu’il entend proposer.
Dès lors, le succès d’une maison d’édition d’objets et de mobilier contemporains semble se
mesurer à la justesse de sa démarche globale, car comme l’ont indiqué François-Xavier
BALLÉRY et Stephan LANEZ, « il faut se pencher sur la globalité de la chaîne et […]
définir le positionnement de départ [de la marque] », qui, « doit être évident et en cohérence
avec un marché », avec lequel chaque produit doit être en phase afin de trouver preneur.
De son côté, Jean-Baptiste SIBERTIN-BLANC a également souligné la nécessité de
développer une démarche intégrée, permettant d’ « identifier les bras de levier pour favoriser la
rencontre entre un produit artisanal et son client final, en optimisant les investissements et les
coûts de production ».
En quoi cela consiste-t-il précisément et comment procède-t-on ?
Le témoignage des deux éditeurs et la conclusion de Gérard LAIZÉ nous ont proposé un
éclairage très instructif.
Identification des marchés potentiels et positionnement de la « marque ».
En premier lieu, l’éditeur doit être en mesure d’identifier les marchés potentiels et les cibles de
clientèle, en fonction des typologies de produits : produit isolé ou ligne de produits. « Il existe
un marché résidentiel et un marché professionnel plus important encore dont les attentes
diffèrent », a indiqué Stephan LANEZ. L’éditeur peut choisir de s’adresser à l’un ou l’autre de
ces marchés, voire au deux, à condition « d’être en capacité de construire une offre lisible », a
tenu à préciser Gérard LAIZÉ.
De la même façon, chaque marché est structuré en plusieurs segments, en fonction des types
de clientèle, dont dépend la définition du prix de détail/vente de chaque produit (prix auquel
le produit sera payé par le consommateur). Il s’agit là d’éléments incontournables de toute
démarche entrepreneuriale, destinés à définir son positionnement.
La spécificité de la fonction d’éditeur tient à son rôle de coordination de la production mise en
œuvre. S’il arrive que l’éditeur soit également producteur ou fabricant, ce cas de figure
demeure somme toute assez rare, aussi doit-il sous-traiter sa production à un réseau de
concepteurs et de fabricants. Pour cela, il peut faire appel, en tant que commanditaire, à des
artisans d’art, des designers, des artistes, etc.
Cette étape incontournable et cruciale de l’entreprise éditoriale affecte aussi bien l’identité de
la maison d’édition que son positionnement commercial. « Il est parfois difficile de trouver un
bon interlocuteur car il faut une volonté commune d’avoir des objets cohérents par rapport aux
outils de production, qui puisse aller au-delà pour apporter quelque chose de spécifique, mais
en conservant un objectif réaliste de production, de stockage, de commercialisation » d’après
François-Xavier BALLÉRY, qui a confirmé en cela la fonction de coordination que doit
remplir l’éditeur.
Celle-ci consiste à définir une ligne éditoriale spécifique qui apportera de la cohérence aux
gammes de produits proposées. Si « la qualité des produits est une carte de visite en ellemême », comme l’a précisé François-Xavier BALLÉRY, la ligne éditoriale constitue la
marque de fabrique d’une maison d’édition, qui contribuera à la distinguer de ses
concurrentes.
Aussi s’agit-il de développer une politique de marque fondée sur un parti pris créatif gage de
son identité et des valeurs qu’elle a vocation à promouvoir ; « une collection structurée selon
une logique d’achat et une politique de services associées », a indiqué Gérard LAIZÉ, fort de
son expérience d’ancien Directeur stratégique et commercial d’Habitat et Directeur du VIA.
« Dans tous les cas de figure, l’offre constituée devra répondre à deux impératifs indissociables
quelles que soient les typologies de produits, individuellement ou combinés entre eux : des
réponses adaptées à l’époque et l’exploitation de facteurs émotionnels correspondants aux
attentes actuelles » a-t-il encore souligné. En outre, elle devra prendre en compte les niveaux
de prix psychologiques des marchés ciblés afin, notamment, de conforter le positionnement
choisi.
En ce sens, YPLFL et Marcel By sont également des marques.
Communication, diffusion et stratégie marketing.
En deuxième lieu, l’éditeur doit déployer une stratégie de communication et de marketing
adaptée au positionnement de la marque qu’il souhaite développer, en tenant compte des
mutations socio-économiques à l’œuvre depuis quelques années, tant en France qu’à l’étranger.
Car ainsi que l’a souligné Gérard LAIZÉ, les publics ont changé : la France, qui était le pays
des classes moyennes, est aujourd’hui largement clivée entre des catégories
socioprofessionnelles aux pouvoirs et logiques d’achat antagonistes. D’un côté, on trouve des
catégories socioprofessionnelles favorisées qui bénéficient d’un fort pouvoir d’achat et qui ne
consomment pas ou peu. De l’autre, on observe au sein de catégories moins favorisées une
réelle envie d’investir dans des produits de qualité, ce qui sous-entend qu’il y a une réelle
demande de la part de ces publics pour des produits accessibles, car leurs ressources ne leur
permettent pas de consacrer des sommes importantes à ces postes de dépenses domestiques.
C’est notamment cet état de fait qui a contraint l’entreprise As’Bois à se repositionner. A
l’inverse, le nombre global de millionnaires et de milliardaires ne cesse d’augmenter d’année en
année. D’après Gérard LAIZÉ, 1 210 milliardaires auraient été recensés en 2012, avec une
augmentation de 50% à Moscou, et autant en Chine et à Taïwan.
Dès lors, le champ des possibles semble inépuisable, à condition de développer une stratégie
de communication fondée sur une offre structurée et cohérente, destinée à mettre en valeur la
marque auprès des clientèles ciblées.
« Lorsque nous avons créé Y’a Pas le Feu au Lac, notre premier investissement a d’abord été de
choisir une très bonne agence de presse. Puis nous avons loué un stand au salon
Maison&Objet, avant de nous rendre à Milan et aux États-Unis, afin de rencontrer une
clientèle internationale. Aujourd’hui, 60% de notre chiffre d’affaires se fait à l’export », a
indiqué François-Xavier BALLÉRY, avant de poursuivre, « l’entreprise As’Bois compte 20
personnes et après huit mois de commercialisation, YPLFL représente 10% du chiffre
d’affaires de la maison. » Quant à la notion de durabilité, induite aussi bien par le matériau
choisi que par le nom de la ligne de produits, le directeur artistique de Y’a Pas la Feu au Lac,
également fondateur de Goodbye Edison, maison d’édition de luminaires créée à partir des
dernières avancées technologiques en matière de LED, a précisé que celle-ci était intégrée à la
démarche globale.
De son côté, Stephan LANEZ a également tenu à souligner l’importance du choix du nom
d’une marque. « Marcel By renvoie à la notion de famille, une famille aux racines françaises
mais métissée. J’aimais le prénom Marcel, que je trouve très simple, indentifiable à la France
et en même temps facile à prononcer dans différentes langues étrangères. By permet de faire le
lien avec les concepteurs et fabricants avec lesquelles nous travaillons et cela donne, par
exemple, Marcel By Noé DUCHAUFOUR-LAWRENCE. De la même façon, nous
valorisons les artisans d’art avec lesquels nous souhaitons établir des collaborations de long
terme. » La coopération est ainsi également au cœur de la marque de fabrique de la jeune
maison d’édition dont l’objectif consiste à « produire le maximum de pièces et surtout de les
vendre, car ce qui rassemble tous les acteurs du projet, c’est le produit final, qui fera vivre tout
le monde. Et la vie commerciale d’un produit, c’est sa vie tout court » a-t-il précisé avant de
rappeler que, dans le cadre d’une stratégie marketing, il fallait distinguer les produits dits de
communication du reste de l’offre.
Par conséquent, la stratégie globale de communication et de marketing doit mettre en avant
les avantages comparatifs d’une marque et la valeur ajoutée de sa démarche, auxquels le client
pourra s’identifier.
Enfin, aucune stratégie de développement ne saurait faire l’impasse d’un lieu de
commercialisation dans lequel les clients pourront découvrir les produits proposés. Le mois de
septembre 2012 sera donc marqué par l’ouverture, rue Saint-Claude, dans le Marais – lieu
stratégique s’il en est - de la première boutique showroom Marcel By. Il s’agit donc d’avoir
« pignon sur rue » a indiqué Gérard LAIZÉ non sans rappeler que toutes les grandes maisons
du luxe avaient débuté dans un atelier, avant d’ouvrir leur première boutique et de se déployer
sur les marchés internationaux.
Positionnement, communication, diffusion, autant d’éléments incontournables que l’éditeur
doit être en capacité de maîtriser afin de faire aboutir un processus collaboratif qui, s’il est
enthousiasmant et enrichissant, n’en demeure pas moins complexe à gérer. Et une fois de plus,
c’est à l’éditeur qu’il revient de fédérer l’ensemble des parties prenantes du projet.
4. Économie et ressources humaines : la gestion d’un processus collaboratif.
Qu’il soit chef d’entreprise, directeur artistique ou de collection, ou que les fonctions soient
liées, l’éditeur maîtrise l’ensemble du processus de production et travaille avec des
collaborateurs ou sous-traitants, en France et à l’étranger. Cette gestion du processus
collaboratif revêt deux dimensions : l’une économique, l’autre se rapprochant d’une démarche
de ressources humaines, à ceci prêt que le facteur affectif intervient dans tout processus créatif
où se rencontrent des sensibilités diverses, qu’il convient de faire converger dans le sens d’une
complémentarité des talents, car comme l’a souligné François-Xavier BALLÉRY, « il faut que
chacun reste à sa place […] tout le monde n’est pas fait pour s’engager dans un processus
collaboratif […]. Chez mes associés, ils étaient contents de voir l’entreprise redynamisée et ont
éprouvé beaucoup de satisfaction lorsque les créations ont trouvé leur public, un public
contemporain et varié ».
Chez Marcel By, on valorise autant les designers que les artisans d’art. La marque a en effet
choisi de présenter sur son site internet ses sous-traitants et, si c’est le nom du designer qui
figure sur la fiche descriptive du produit, cela répond à un double objectif : un choix de
communication – « […] on ne peut pas communiquer sur tout » a indiqué Stephan LANEZ et une logique économique.
En effet, l’éditeur entretient des rapports économiques différents avec les artisans d’art et les
designers : le savoir-faire est rémunéré dès le départ tandis que la forme est un pari, le
designer ne percevant que des royalties – généralement à l’issue d’un délai de trois ans - une
fois le produit commercialisé. Cette information n’a pas manqué de susciter étonnement et
interrogations au sein de l’auditoire, révélant ainsi la diversité des problématiques rencontrées
par les professionnels dans le cadre de projets collaboratifs.
Au cours de leurs travaux de réflexion, de veille et d’analyse, la Commission CréationInnovation et le Centre de Ressources de l’INMA ont fait le constat suivant : si des
collaborations entre artisans d’art et designers ont été engagées ces dernières années, rares sont
celles qui ont abouti à la commercialisation des productions qui en furent issues. De plus, la
valorisation de ces collaborations a souvent eu pour objectif d’insuffler une nouvelle
dynamique au secteur des métiers d’art, en termes de renouvellement des productions et
d’identification de nouveaux segments de marché. Il apparaît désormais que ces collaborations
ont le plus souvent fait l’impasse d’une réflexion préalable en matière de plan de
développement. La mise en avant de la dimension formelle du projet, l’absence de cosignature du designer et de l’artisan d’art a laissé un goût amer à ces derniers, de sorte que la
réalité de l’activité du designer, en termes de temps de travail et de conditions de
rémunération, et la capacité créative de l’artisan d’art ont été occultées, le débat ayant ainsi été
biaisé.
Le premier Rendez-vous de l’INMA a eu pour objectif de présenter la fonction et le travail de
l’éditeur, chaînon manquant des projets collaboratifs entre designers et artisans d’art ; ce qui
n’induit pas nécessairement l’automaticité de ce genre de démarche. En effet, celle-ci n’a de
sens que dans le cadre d’un projet spécifique, en amont duquel le cahier des charges et
l’implication de chaque intervenant doivent être définis.
Et si la démarche de Marcel By est remarquable, en ce sens que la maison d’édition valorise ses
fabricants, le caractère concurrentiel de l’entreprise ne doit pas être négligé. De nombreuses
maisons d’édition ou maisons de luxe ne communiquent pas l’identité de leur sous-traitants,
allant parfois jusqu’à protéger jalousement leurs réseaux, qui constituent leur valeur ajoutée.
Néanmoins, s’intéresser à l’ « édition dans le contexte de la production artisanale », c’est
conforter l’idée selon laquelle il y aurait interpénétration des secteurs de création et
d’innovation, laissant ainsi présager la nécessité d’une évolution conjointe. La rencontre de
l’innovation et du savoir-faire dans le cadre d’une démarche créative et commerciale, la
rencontre d’individus partageant les « mêmes valeurs » et « une volonté commune d’exigence ».
Les années qui viennent de s’écouler ont vu naître de nombreux projets individuels ou
collaboratifs. Ces derniers ont contribué à redynamiser le champ de la création au sein duquel
les métiers d’art ne sont pas en reste. L’élément intéressant réside sans doute dans l’intérêt
renouvelé que leur porte une nouvelle génération d’étudiants, de publics et de professionnels,
designers, créateurs, architectes qui, malgré les écueils du passé, n’hésitent pas à engager des
processus collaboratifs, car aucun savoir-faire, technique ou formel, ne peut se substituer à un
autre. Lorsque le rôle de chacun est défini, lorsque chaque individu et chaque métier trouvent
leur place, le processus collaboratif en tant que tel devient une œuvre qui fait date.
Le deuxième rendez-vous de l’INMA, qui aura lieu le 26 septembre 2012 à 9h, à l’Hôtel de
Ville, dans le cadre de l’exposition « Le dessein du geste », a pour objectif d’apporter un nouvel
éclairage sur ces questions afin d’en esquisser de nouvelles, destinées à explorer davantage
encore les possibilités du secteur des métiers d’art et de création.
Nous vous y attendons nombreux.
IZ/Paris, le 25/07/2012