Barrage Rizzanese - Descente

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Barrage Rizzanese - Descente
Le barrage sur le Rizzanese: un projet aberrant
Que ce soit pour la pêche, les sports d'eau vives ou tout simplement la baignade, le Rizzanese est
une référence citée dans tous les guides à commencer, en ce qui concerne la baignade, par le
Guide du Routard.
Pour les kayakistes, c'est même LA référence en Corse et l'une des plus importante au niveau
mondial comme en témoignent les extraits suivants:
" Pour moi qui ai une expérience de 25 années, il n’existe aucun torrent pouvant rivaliser avec le
Rizzanese" (Josef Haas, sportif allemand de renommée internationale qui a publié un ouvrage magnifique
pour les sportifs en eau vive).
"Certainement le plus célèbre des parcours d'eau vive en Corse" (Canoe-Kayak magazine, mars
2003).
Or ce fleuve est directement menacé par ce projet de barrage hydroélectrique. La plus belle
partie, dans la vallée resserrée en amont et en aval de Zoza, serait court-circuitée par le projet, car
90% du débit du cours d’eau serait acheminé dans une galerie souterraine pour faire une plus
grande chute. Cette note a pour but d'expliquer quelles sont les raisons qui font qu'un nombre
important de personnes s'opposent à ce projet:
-
Un projet sans réelle justification technique, énergétique ou économique
Un chantier sans retombées socio-économiques durables sur la région
Un projet extrêmement dommageable pour l'environnement
Un projet purement politique au service de certains élus
Pour information: une première déclaration d'utilité publique avait été annulée par le tribunal
administratif de Bastia en octobre 2000 et par là-même la convention qui avait été passée avec
EDF. Cette annulation faisait suite à la demande de l'association de Défense du Rizzanese et de
son Environnement (ADRE). Sous la pression de certains élus, à commencer par le Président de
l’Assemblée Territoriale (voir plus bas), le projet a été relancé et une nouvelle enquête publique
vient d'être ouverte afin d'obtenir une nouvelle déclaration d'utilité publique.
Un projet sans réelle justification technique, énergétique ou économique
Le barrage hydroélectrique sur le Rizzanese remonte à 1917 et, tel qu’il est repris aujourd’hui, à
plus de 20 ans. En 1987 EDF avait effectué une étude pour en étudier l'intérêt économique et
énergétique. Suite à cette étude EDF avait renoncé au projet.
En 1995, José Rossi alors ministre de l'industrie a imposé à EDF la réouverture du dossier. EDF
s'est exécutée sur la base d'un projet un peu moins ambitieux afin d'en limiter, tant que faire se
peut, le coût.
Des coûts de production exorbitants
C'est ce projet qui a servi de base pour l'enquête publique en 1999 et qui est présenté à nouveau
aujourd'hui. A la lecture de ce projet, on comprend bien pourquoi EDF y avait renoncé avant que
José Rossi n'impose sa poursuite. Le calcul des coûts liés aux travaux et au fonctionnement du
barrage et de la centrale hydroélectrique qui l'accompagne aboutit un coût de production de près
de 1,29 francs (0,2 euros) le kWh alors que ce même kWh est facturé au plus 0,82 francs (0,12
euros) aux particuliers (aux heures pleines).
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Avec ce projet de barrage, la production d’électricité, loin d’être performante, est déjà envisagée
comme déficitaire dans des proportions phénoménales. Même les énergies renouvelables
basées sur des techniques respectueuses de l'environnement (parfois plus coûteuse que les modes
de production traditionnels) sont moins chères!
A défaut d'être une énergie renouvelable, certains soutiennent ce projet en arguant que c'est une
énergie moins polluante que d'autres modes de production comme le thermique ou le nucléaire.
Les barrages ne sont pas moins polluants, ils créent eux aussi des dommages importants. Quand
bien même ils le seraient, est-ce vraiment rendre service à l'environnement que de "promouvoir
des énergies supposées moins polluantes" à travers des projets qui s'avèrent catastrophiques du
point de vue financier et durables pour un millénaire ? N'est-ce pas au contraire donner des
arguments à ceux qui veulent promouvoir le nucléaire en argumentant notamment sur les coûts de
production?
On peut considérer que la protection de l'environnement a un coût notamment en matière de
production d'électricité. Mais comment peut-on défendre un projet néfaste pour l'environnement
et financièrement catastrophique alors qu'il existe précisément d'autres moyens de production
respectueux de l'environnement et moins coûteux?
Aucun emploi créé
Au-delà du coût, les promoteurs du projet ont longtemps avancé que cela permettrait de créer de
nombreux emplois au niveau local. Il s'agissait d'une pure mystification que le dossier déposé par
EDF a bien été obligé de démentir puisque qu'il précise clairement que les installations
hydroélectriques seraient automatisées et télécommandées à partir d'Ajaccio par les équipes
existantes. Par conséquent aucun emploi créé.
En réalité, le seul effet réellement attendu de ce projet est de générer artificiellement de la taxe
professionnelle pour les communes concernées. Si le but est de doter les communes de quelques
milliers de francs, pourquoi gaspiller plus d'un milliard de francs (150 millions d'euros) sur un
projet extrêmement nocif pour l'environnement?
Un danger pour le tourisme
Pire encore, il est probable que le seul effet socio-économique du projet consistera à nuire à
l'attrait touristique de la micro-région. En effet, la baignade serait dès lors interdite sur
l'ensemble du fleuve. Qui plus est, les plages de Capu Laurosu et de Portigliolo sont directement
menacées et pourraient disparaître d'ici quelques décennies (voir plus bas). De leur côté, les
pêcheurs et autres amateurs d'eau vive devraient se rabattre sur d'autres sites.
Un chantier sans retombées socio-économiques durables sur la région
Compte tenu de l'inefficiente économique de ce projet et de son absence totale de retombée socioéconomique réelle, les promoteurs du projet ont finalement restreint leurs arguments sur les
seules retombées que pourrait engendrer un tel chantier pendant les 5 années de travaux prévues.
L'argument est en lui-même fallacieux car si un équipement n'a aucune justification économique
ou sociale, pourquoi se focaliser sur sa construction elle-même? Dans ce cas, pourquoi ne pas
construire des bâtiments inutiles ou creuser des trous pour ensuite les reboucher? Au moins les
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entreprises locales seraient concernées ce qui, dans le cas du projet de barrage sur le Rizzanese
n'est même pas le cas.
La lecture du dossier d'EDF montre là aussi que les arguments avancés sur les retombées
attendues correspondent à une pure mystification:
- Le chantier sera confié à des entreprises spécialisées dans la construction de barrages, de tunnels
et de centrales hydroélectriques. Il n'y a aucune entreprise de ce type en Corse pas plus qu'il n'y a
de main d'œuvre spécialisée dans ce type de travaux.
- Pour ce qui est de la main d'œuvre non qualifiée, on imagine aisément que, pour des raisons de
coûts, les entreprises détentrices du marché ne manqueront pas de l'importer. Comme cela se fait
toujours sur ce type de chantier, cette main d'œuvre peu chère sera logée dans des cabanes de
chantier et la durée de sa présence sera limitée au strict nécessaire.
Les entrepreneurs et les travailleurs implantés en Corse devront donc probablement limiter leur
intervention à la construction du mur d'enceinte et à la grille du chantier ; et ils le savent bien.
Certains élus ont affirmé dans la presse locale qu'un tel chantier représenterait environ 500
emplois pendant les 5 années que durerait le chantier. Le dossier déposé par EDF évoque quant à
lui environ 500 000 heures de travail sur effectivement 5 ans. A moins de travailler 200 heures
par an, on est loin, très loin, extrêmement loin des 500 emplois évoqués par les élus. Au mieux,
peut-on en espérer une cinquantaine (avec 35 h par semaine, sans heure supplémentaire, etc.).
En guise d'analyse des retombées socio-économique du chantier, le dossier présenté par EDF se
limite à une enquête réalisée par un groupe d'étudiants de l'université de Corte. Cette enquête a
consisté à demander aux acteurs socioprofessionnels locaux (entrepreneurs, artisans,
restaurateurs, hôteliers, agriculteurs, etc.) quelles étaient les retombés économiques qu'ils
espéraient avoir sur leurs activités.
Le moins que l'on puisse dire, est que cette analyse des retombées socio-économique du chantier
est très limitée: Aucune analyse des flux financiers, aucune analyse des besoins d'un tel chantier,
aucune analyse de l'offre locale ; une simple enquête d'opinion auprès de professionnels qui ne
connaissaient rien des données du chantier.
Il est frappant de constater, que malgré le fait qu'ils n'ont que très peu d'élément en main et
malgré les discours des élus, les socioprofessionnels de la région ne se font pas d'illusions.
L'enquête révèle ainsi que les entrepreneurs n'attendent quasiment rien du chantier (et pour cause,
en tant que professionnels du bâtiment, ils savent bien qu'il s'agit de travaux très spécialisés) et
que les hôteliers n'en attendent pas beaucoup plus. En définitive ceux qui sont les plus optimistes
et qui en attendent beaucoup sont les éleveurs de bétail! On nage dans l'absurde.
Un projet extrêmement dommageable pour l'environnement
Le projet de barrage sur le Rizzanese ne se résume pas à un gaspillage financier. Il a aussi de
lourdes conséquences sur l'environnement, non seulement à cause du barrage lui-même, mais
aussi à cause de la dérivation de l'eau qui assécherait le lit du fleuve sur 12 km. Tous ceux qui
connaissent et fréquentent ce fleuve savent que cette partie est la plus belle, la plus sauvage et
surtout la plus importante du point de vue écologique.
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En outre, le barrage menace directement les plages autour de Propriano dans la mesure où les
débits solides (rochers qui se transforment en sable) ne seront plus acheminés en quantité
suffisante. Ce point a été démontré par une étude italienne qui compare le Rizzanese à l’Osu et
démontre que l'érosion de certaines plages sur la côte Orientale est due à la construction de
retenues.
Les dommages environnementaux sont inhérents à ce type d'ouvrage. Ceux-ci peuvent
éventuellement être acceptés dès lors que le projet a une véritable utilité et que ces dommages
sont analysés, limités et, dans la mesure du possible, réparés ou compensés.
Or, au-delà de l'inutilité (voir de la nocivité) socio-économique du projet de barrage sur le
Rizzanese, l'analyse du dossier déposé par EDF montre que les dommages sur l'environnement
sont non seulement importants mais surtout qu'ils ont été largement sous-estimés. Il serait trop
long de refaire ici la liste et l'analyse des dommages. Pour cela, il suffit de se référer au livre
publié par l'ADRE et consultable sur Internet (http://membres.lycos.fr/adre).
De fait, il semble qu'EDF, soucieuse de limiter le coût, déjà exorbitant, du projet, ait délibérément
sous-évalué les dommages afin de ne pas avoir à réaliser, en plus du barrage, les travaux
permettant d'en limiter ou d'en compenser les effets néfastes.
Par exemple, l'étude EDF considère que "Le tronçon du Rizzanese situé à l’aval du barrage apparaît
peu peuplé et peu propice à l’installation de frayères". Un fait que les pêcheurs, les guides de pêche
et les truites, ignorent. Cela permet malgré tout de ne pas avoir à construire d'échelle pour les
poissons.
De la même façon, les modes de calcul du débit du fleuve sont très contestables. Là encore, il
semble qu'EDF cherche à minimiser le plus possible le débit réservé (10% du débit moyen qui
doivent, selon la loi, être rejetés pour ne pas assécher la partie court-circuitée). Cela aurait
effectivement pour conséquence de supprimer les eaux de surface à certaine période de l'année
mais au moins EDF pourrait turbiner pour, là encore, limiter le déficit de l'investissement.
Un projet purement politique au service de certains élus
Compte tenu des dommages pour l'environnement et de l'inefficiente socio-économique de ce
projet, on peut se demander comment il a pu survivre jusqu'à présent. Le fait est que ce projet est
soutenu de longue date par certains élus qui, ayant peu de chose à proposer, se reposent sur ce
projet pour donner l'impression qu'ils agissent en faveur du développement de la Corse.
José Rossi en est le principal artisan. En 1995, en tant que Ministre de l'Industrie, par ailleurs
Conseiller Général de Corse du Sud, il a imposé à EDF de reprendre le projet et de le faire aboutir
(cf. son site internet: www.joserossi.com). C'est toujours lui qui, depuis qu'il est Président de
l'Assemblée de Corse, défend ardemment ce dossier à travers notamment les conventions signées
avec EDF. Il est clair que José Rossi a fait du barrage sur le Rizzanese son cheval de bataille et
qu'il compte beaucoup sur ce projet comme faire valoir pour asseoir sa crédibilité.
De leurs côtés, certains élus de l'Alta-Rocca soutiennent ardemment ce projet car ils espèrent en
tirer des revenus supplémentaires grâce à la taxe professionnelle que cela génèrerait. De tels
suppléments leur permettraient de conforter leur assise. Il s'agit là essentiellement des élus des
communes où seraient installés les équipements (Santa Lucia di Tallano, Levie, Altagène,
Olmiccia) et qui ne se trouvent pas sur la partie dérivée du Rizzanese.
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Pour Levie, cela permettrait notamment d'éponger en partie les dettes colossales générées par la
municipalité et son ex-maire (L.F. de Rocca Serra, déchu de ses droits civiques depuis fin 2001).
Pour d'autres, moins endettés, de tels revenus permettraient aux communes d'installer de
nouveaux équipements et de mener à bien de nouveaux projets. Si cet argument peut paraître
louable en lui-même, on peut se demander si, pour doter ces communes de plus de moyens, il est
nécessaire d'en passer par des recettes fiscales crées artificiellement à travers un projet contreproductif et extrêmement nocif pour l'environnement.
Parallèlement, ce noyau dur de promoteurs du projet est soutenu par certains groupes politiques
comme par exemple l'UPC (par la voix de François Alfonsi) qui voient à travers ce projet un
moyen illusoire d'assurer l'indépendance énergique de la Corse. C'est une thèse qu'ils défendent
depuis de très nombreuses années et le barrage sur le Rizzanese est une façon de donner corps à
cette thèse, même si cela doit se faire au prix d'une dégradation de l'environnement et d'une
dépendance financière accrue.
Conclusion
La commune de Zoza est la principale victime de ce projet barrage puisqu'elle se trouve sur la
partie court-circuitée du fleuve. Certains en ont conclu en un peu vite que l'opposition des
habitants à ce projet était tout simplement due au syndrome Nimby (Not In My Back-Yard). Ce
syndrome consiste, pour les riverains, à contester un projet, non pas au vue de son (in)utilité, mais
simplement du fait qu'il se trouve dans leur entourage.
Dans le cas du projet de barrage sur le Rizzanese, il est absurde de parler de syndrome Nimby.
D'abord parce que les conséquences néfastes de ce projet vont largement dépasser la commune de
Zoza et impacter toute la micro-région et la Corse dans son ensemble. Ensuite parce que les
opposants au barrage ne se contentent pas de dénoncer les atteintes à l'environnement mais
dénoncent aussi la scandaleuse inefficiente de ce projet.
Les habitants de Zoza sont contre ce projet (et ils ne sont pas les seuls) non seulement pas qu'ils
sont les premiers a en subir les dommages mais surtout parce que ce sacrifice serait fait au nom
d'intérêts purement politiques et non au profit de l'intérêt général.
Le nombre et l'origine des adhérents de l'ADRE montrent que l'opposition à ce projet de barrage
est loin de se limiter au seul village de Zoza. Nombreux sont ceux qui proviennent des autres
villages de la micro-région, d'ailleurs en Corse et même hors de Corse.
Tous pensent, compte tenu des éléments exposés ci-dessus, que ce projet de barrage est une
aberration que ce soit sur le Rizzanese ou ailleurs. Ce projet est tout simplement nocif pour l'Alta
Rocca, pour la Corse et pour l'environnement en général.
C'est pourquoi il est primordial que nous soyons nombreux à participer à l'enquête publique et à
exprimer notre opposition, nos craintes et nos interrogations. Une enquête publique n'est pas un
référendum mais une procédure qui permet aux différents Commissaires enquêteurs de se faire
une opinion (qui détermine leurs conclusions) au vu des avis et réactions exprimés.
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