Critique de la Neuvième Symphonie de Franz Schubert

Transcription

Critique de la Neuvième Symphonie de Franz Schubert
Critique de la Neuvième Symphonie de Franz Schubert
Eduard Hanslick, 1892
traduit par Julien Labia , le 07/06/2013
Eduard Hanslick
Extrait de Cinq années de musique
(« L’opéra des Modernes », Tome 7)
Berlin, 1895
Musique orchestrale, 1892
Schubert, Symphonie en ut majeur
Ce n’était pas une bonne idée que de placer la grande symphonie en ut majeur de Schubert en fin de programme, après un très long
concerto pour violon (n°3 de M. Bruch). Il est bien vrai que R. Schumann s’enthousiasmait pour sa « céleste longueur ». En vérité, tout
peut être qualifié de « céleste » dans cette symphonie, sauf cette longueur justement… Cette longueur est préjudiciable, elle entrave le
plein effet de cette musique géniale. Qui n’a pas fait lui-même cette expérience : comme l’incomparable sentiment de bonheur qui nous
inonde dans l’andante en ré mineur s’affaiblit progressivement après le milieu du mouvement pour faire enfin place à l’attente épuisante
et impatiente de la fin. Ces pensées mélodiques si charmantes finissent par perdre leur pouvoir « céleste » originel sur nous, à cause
d’insatiables répétitions et rapiéçages, auxquels manquent l’énergie dramatique et l’art du contrepoint de Beethoven. On comprend très
bien pourquoi tous les chefs d’orchestres d’aujourd’hui craignent d’opérer des coupures dans une telle œuvre. On n’y manquerait pas si
Schubert les avait faites lui-même. Dans le poème de Voltaire « Le temple du goût », on trouve cette idée ingénieuse : au cœur de ce
royaume les meilleurs écrivains corrigent eux-mêmes leurs œuvres… surtout en les raturant.
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