Les religions et le manque de nourriture. L`ascèse, le jeûne et la

Transcription

Les religions et le manque de nourriture. L`ascèse, le jeûne et la
1re journée d’études : 15 mai (9h-13h)
Les religions et le manque de nourriture.
L’ascèse, le jeûne et la privation volontaire de nourriture.
Maison de la Région –1, place Adrien Zeller
Tram B ou E, Bus 18 ou 50, arrêt WACKEN
 9h : Accueil, par M. C. Florentz, Vice-Présidente Recherche de l’Université de Strasbourg & M.
R. Gounelle, Directeur du GIS SCIRTHES
 9h15-10h45 : Session I, présidée par I. Jacoberger, directrice de l’Equipe d’Accueil1340-GEO :
Perspectives d’ensemble
Exposés (9h15-10h00),
 Exposé 1 : N. WEIBEL (DRES), « Du vide à la plénitude: la fascination du jeûne »
 Exposé 2 : J. ROGOSINSKI (CREPHAS), « Les mésaventures de l'ascète ou les
paradoxes du surmoi »
 Exposé 3 : G. KABAKOVA (Université Paris-Sorbonne), « Les jeûnes en Russie :
l’abstinence ou la consommation ajournée »
Débat (10h00-10h30)
 10h30-10h45 : Pause
 11h00-12h30 Session II, présidée par C. Muylaert, Proviseure du Lycée Hôtelier AlexandreDumas (Illkirch) : Pourquoi jeûner ou ne pas jeûner ? Les points de vue du pythagoricisme et
des christianismes
Exposés (11h-12h00),
 Exposé 1 : G. FREYBURGER (CARRA), « Le végétarisme pythagoricien dans la
Rome antique »
 Exposé 2 : C. GRAPPE (EA 4378), « Le jeûne impossible avec Jésus. Et après (Marc 2,1820) »
 Exposé 3 : St. ZOCHIOS (EA 1340-GEO), « Jeûne dogmatique et populaire dans le monde
grec »
 Exposé 4 : F. ROGNON (EA 4378), « Le jeûne dans le protestantisme »
Débat (12h-12h30)
 Repas pour les intervenants, à la Maison de la Région
RESUMES
Nathalie WEIBEL, « Du vide à la plénitude: la fascination du jeûne »
Si l'acte de se nourrir participe de l'identité religieuse, la privation ponctuelle, totale ou
partielle de nourriture, selon des modalités spécifiques à chaque tradition, s'est imposée dans
l'ensemble des religions. De l'antiquité à nos jours. la symbolique du jeûne oscille entre
pénitence et rituel purificatoire autant corporel que mental. C'est sous ce dernier aspect que le
jeûne connaît aujourd'hui un regain d'intérêt dans un contexte métareligieux, au croisement
des médecines traditionnelles et des nouvelles formes de spiritualités.
Jacob ROGOZINKSI, « Les mésaventures de l'ascète ou les paradoxes du surmoi »
Il s'agit de présenter le "paradoxe de la conscience morale" exposé par Freud. Il remarque que,
dans le cas des personnes vertueuses et des saints, plus le sujet renonce à satisfaire ses
pulsions sexuelles et agressives, plus il se sent coupable. La psychanalyse entend donner
l'explication de ce paradoxe en ramenant la conscience morale à ce que Freud nomme le
surmoi. Comme cette instance psychique trouve son origine dans le "renoncement" du moi à
satisfaire ses pulsions, tout nouveau renoncement renforcera l'énergie du surmoi et son
agressivité envers le moi. L'ascétisme religieux se réduirait ainsi à un symptôme névrotique
ou plutôt à un passage à l'acte pervers, et il proviendrait du "masochisme" du moi, jouissant
de satisfaire les exigences sadiques de son surmoi. Il faut toutefois se demander, avec Ricœur,
si Freud ne se focalise pas sur des formes pathologiques de religiosité en méconnaissant la
possibilité d'une relation plus authentique au divin, y compris dans le cas de l'ascétisme.
Galina KABAKOVA : « Les jeûnes en Russie : l’abstinence ou la consommation
ajournée »
L’église orthodoxe impose quatre jeûnes dans l’année, quelques jeûnes d’un jour ainsi que
l’abstinence le mercredi et le vendredi, la tradition populaire a tendance d’allonger la liste de
ces périodes d’abstinence en ajoutant des journées supplémentaires. Ces jeûnes
« populaires » pour la plupart ne concernent que certaines catégories de la population
(femmes enceintes, mères dont les enfants sont morts en bas âge, sages-femmes, etc.). Et si le
calendrier traditionnel est structuré selon l’alternance des jours gras et des jours maigres, chez
les Russes les carêmes sont ressentis moins comme une épreuve que comme une période où
l’on prépare la période de faste. L’accumulation des matières animales (beurre, crème fraîche,
fromage blanc) interdites à la consommation immédiate est ainsi considérée comme une
solution pour l’économie paysanne. Dans cette perspective, les différents carêmes ne jouissent
pas du même respect.
Gérard FREYBURGER, « Le végétarisme pythagoricien dans la Rome antique »
Les adeptes du pythagorisme devaient, dans l’Antiquité gréco-romaine, pratiquer le
végétarisme. Cette obligation était inhérente à l’enseignement pythagoricien et remonte
certainement aux origines de ce mouvement, c’est-à-dire au VIè siècle av. J.-C. Elle était liée à
la croyance en la métempsycose et s’accompagnait du refus des sacrifices sanglants. Ce
dernier point fit que le végétarisme pythagoricien eut mauvaise presse en Grèce et, plus
encore, à Rome, étant donné l’importance qu’y avait le banquet qui suivait le sacrifice et au
cours duquel on consommait les chairs sacrificielles. Cet exposé commentera dans cette
perspective les vers 120 à 142 du livre XV des Métamorphoses d’Ovide, où le poète énonce
une condamnation hardie du banquet sacrificiel et même du sacrifice sanglant au nom de
principes pythagoriciens.
Christian GRAPPE, « Le Jeûne impossible avec Jésus. Et après (Marc 2,18-20) »
Dans l’Evqngile selon Marc 2,18-20, les disciples de Jean et les disciples des pharisiens s’en
prennent à Jésus au motif que ses disciples ne jeûnent pas alors qu’eux-mêmes s’astreignent à
une telle pratique. Jésus leur répond : « Les fils de la noce peuvent-ils jeûner tant que l’Époux
est avec eux ». Ce faisant, il qualifie implicitement le temps de sa présence parmi les siens
comme un temps de noce, qui rend le jeûne impossible, affirmation dont il conviendra de
préciser la portée en fonction de la métaphore biblique des noces. Cela étant, le texte se
poursuit en faisant annoncer à Jésus que viendront des jours où l’Époux aura été enlevé aux
fils de la noce et qu’alors ils jeûneront. Il faudra là aussi mesurer la portée d’une affirmation
qui réinstaure des médiations rituelles, comme le jeûne, là où la présence de l’Époux les
rendait vaines.
Stamatis ZOCHIOS : « Jeûne dogmatique et populaire dans le monde grec »
La première partie de notre exposé analysera les thèses des Pères de l’Eglise orthodoxe
grécophone concernant le jeûne - Jean Chrysostome, Basile de Césarée, Maxime le
Confesseur, Jean Colovos, Abba Pœmen, Jean Damascène, Grégoire Palamas, Jean Climaqueafin de présenter les axes et les fonctions principales de la privation de nourriture en tant que
partie indispensable à la pratique orthodoxe selon les règles du dogme. La deuxième partie
examinera la conception de ces règles par le peuple, leur intégration dans la double-foi
(combinaison des éléments religieux chrétiens et préchrétiens) et l’établissement des
nouvelles règles alimentaires pour des raisons surnaturelles (gestes rituels, croyances
populaires). Pour conclure, nous juxtaposerons les deux systèmes et leur mise en pratique, en
vue d'examiner leur points communs et divergents, afin de constater finalement comment le
jeûne peut nous aider à comprendre la relation entre le dogme et la forme populaire-laïque de
la religion.
Frédéric ROGNON, « Le jeûne dans le protestantisme »
Les relations entre la confession protestante et les pratiques de jeûne ont à l'évidence pâti de la
disqualification des oeuvres méritoires dans la conception du salut défendue par les
réformateurs. Et cependant, il n'est pas certain que les disciplines d'ascèse alimentaire ait
disparu dans le protestantisme, considéré dans sa diversité. Nous interrogerons notamment la
tension paradoxale entre le rejet du jeûne et le retour à l'Ecriture dans laquelle celui-ci est
récurrent ; les mutations conceptuelles afférentes au jeûne dans une économie du salut par
grâce ; et enfin, l'hypothèse d'un transfert, en protestantisme, du jeûne spirituel vers la grève
de la faim, d'acception plus politique.