Jean-Luc Mastikian - Bobcat

Transcription

Jean-Luc Mastikian - Bobcat
Le mot du changement
Témoins
Décalages
Les ressources
externes, vecteur
de développement
de l’entreprise
Pourquoi avoir lancé cette
nouvelle approche des
ressources externes ?
Il faut d’abord savoir que Bobcat France,
unité de conception et production
de chariots télescopiques du groupe
Bobcat, a engagé depuis 2003 un
ambitieux plan de redressement. Axé sur
une démarche d’amélioration continue,
de recentrage sur nos coeurs de métier
(assemblage, peinture, mécano-soudure
des composants à forte technicité…) et
de déploiement du Lean manufacturing,
ce plan nous a ramené à la rentabilité.
Il nous fallait cependant, en parallèle,
lancer un nouvel effort d’augmentation
de nos volumes de production grâce à
de nouveaux développements. Cette
croissance est en effet essentielle pour
continuer à améliorer notre rentabilité. Ce
qui passait par un nouveau produit : une
machine innovante, intermédiaire entre
chargeuse et chariot télescopique, que le
groupe étudiait depuis quelques temps.
Or, pour des raisons liées à l’historique de
la conception de cette machine, ce projet
répondait aux spécifications techniques
visées mais souffrait de niveaux de
coûts prohibitifs. Des fonctions, et donc
des coûts, étaient venus «s’empiler»
les uns sur les autres au gré des
développements… Il fallait donc résorber
ces surcoûts : dans la mesure où nous
Jean-Luc Mastikian
Le site industriel Bobcat France
a optimisé ses modes d’achat de
composants, en appliquant une
nouvelle méthodologie de « gestion
des ressources externes », avec
une implication stratégique sur
son développement et sur ses
organisations internes. Analyse de
Jean-Luc Mastikian, Directeur de
Bobcat France.
La Revue Quaternaire - N° 16
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Réflexions
Le monde change
Expériences
avions déjà enregistré des améliorations
significatives de notre productivité interne,
et que nous avions déjà largement
entamé une politique d’externalisation des
opérations ne relevant pas de nos «core
competencies», l’essentiel de l’effort à
réaliser, et donc du challenge à relever,
relevaient des «ressources externes».
Comment avez-vous initié
la démarche ?
adéquat, de définir des coûts objectifs à
un niveau suffisamment fin, et enfin de
mesurer notre niveau d’avancement par
rapport à notre objectif.
Compte tenu de l’enjeu, la situation
imposait une action rapide, volontaire et
efficace. Nous avons donc constitué une
équipe de 3 personnes 100 % dédiées à ce
projet, regroupant bureau d’études, achat
et industrialisation. La nouvelle machine
a ensuite été décomposée en systèmes
cohérents (structure, motorisation, transmission, etc.) sur lesquels l’équipe a
travaillé dans le cadre d’une approche
«coût/fonction», et pas seulement dans
la vision limitative du seul «prix d’achat».
Il s’agit dans cette approche de prendre
en compte à la fois la valeur apportée aux
clients et le coût de la fonction. Ainsi, selon
les cas, l’action a porté sur la réduction
du coût ou sur la valorisation de la
fonction vis-à-vis du client. Cette analyse
découpée en systèmes a ensuite permis
de ventiler les objectifs d’amélioration
des coûts : d’abord par fonction, puis
par composants principaux à l’intérieur
de chaque fonction. Nous avons ainsi mis
au point un outil permettant de modéliser
notre décomposition des coûts au niveau
Quels sont les principaux
atouts de cette démarche ?
Cette approche qui se préoccupe de
l’entièreté des coûts liés à différentes
fonctions, intégrant bien sûr la recherche
du meilleur prix d’achat mais prenant
en compte également les coûts induits
par ces achats dans le fonctionnement
de l’usine (assemblage, etc.), a fait
progresser l’usine dans son ensemble. Du
côté du bureau d’études par exemple, elle
a fait évoluer les définitions techniques qui
ne se contentent plus de la description
technique fermée mais s’élargissent vers
des préoccupations de type cahier des
charges fonctionnel… Cette approche
donne également aux acheteurs une
meilleure visibilité du produit fini, leur permet de mettre en oeuvre des interactions
rapides et efficaces entre le « marché
clients » (fonctionnalités de la machine,
options, volumes…) et le « marché fournisseurs » (propositions du composant
adapté, de solutions techniques…). En
ce sens, au-delà de l’aspect « outil » de
cette démarche, il faut remarquer que
l’évolution du mode de collaboration
l’entreprise ne doit pas subir
mais au contraire organiser ses
relations avec les ressources
externes pour en faire un vecteur
de développement…
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La Revue Quaternaire - N° 16
Le mot du changement
Témoins
entre études et achats a permis de faire
évoluer la relation avec nos partenaires et
fournisseurs de manière qualitative. Sur
deux points en particulier. D’une part, du
point de vue de la « crédibilité » accrue
des acheteurs vis-à-vis des fournisseurs,
grâce à la coopération renforcée avec les
études qui leur donne une bien meilleure
compréhension des exigences techniques
qu’ils transmettent. D’autre part, il apparaît
que ce travail collaboratif entre études et
achats améliore nettement la qualité des
échanges avec les fournisseurs, avec
bien plus d’interactivité, de réactivité, de
rapidité… Enfin, ce travail d’analyse a de
plus permis de remettre certaines idées
reçues, et fausses, qui semblaient de
toute éternité ancrées dans l’entreprise.
… par une meilleure collaboration
avec le département études, les
acheteurs gagnent en crédibilité
et la qualité des échanges avec
les fournisseurs progresse…
« chercheurs de prix » mais bien plus des
« chercheurs de solutions ». Et nous avons
également lancé une action de « coaching »
de ces acheteurs, pour leur donner des
moyens accrus en termes de méthodes et
de techniques de négociation. Ce n’est que
par ce type d’efforts de réflexion stratégique
et d’organisation fonctionnelle que l’on peut
faire en sorte que l’entreprise ne « subisse »
pas la nécessité d’acheter mais au contraire
exploite les ressources externes comme un
vecteur fort de son développement.
Ces constats
d’amélioration vous
ont-ils conduit à changer
l’intégralité de vos modes
d’achat ?
Basé
à
Pontchâteau
(44),
Bobcat France est le spécialiste
du chariot télescopique au sein
Nous avons capitalisé sur cette expérience : la méthode mise au point
lors de ce projet a été déclinée dans
les fonctionnements quotidiens de
l’entreprise, avec une plate-forme achats
animée par des binômes ingénieur/
acheteur, et une organisation par
fonctions et non plus comme c’est le
cas traditionnellement selon les marchés
fournisseurs. Et nous avons d’autre part
décidé de pousser encore un peu plus
loin l’accompagnement des acheteurs. Il
s’agit bien sûr de profiter à plein de cette
nouvelle organisation, qui leur permet à la
fois d’être mieux intégrés dans le quotidien
de l’usine, dont ils connaissent les enjeux
et les contraintes techniques, et d’être
valorisés aux yeux de fournisseurs pour
lesquels ils ne sont plus seulement des
La Revue Quaternaire - N° 16
Décalages
du groupe Bobcat, l’une des
divisions d’Ingersoll Rand. Ce
groupe
une
international
large
offre
de
propose
produits,
services et solutions intégrées
dans des secteurs aussi divers
que le transport, la fabrication,
la construction et l’agriculture.
Ingersoll Rand, qui a fêté ses 100
ans en 2005, regroupe plus de
46 000 collaborateurs à travers
le monde, est coté au New York
Stock Exchange et a réalisé en
2005 un chiffre d’affaires de plus
de 10 milliards de dollars.
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