Simulation et gestion des chaînes logistiques globales dans l
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Simulation et gestion des chaînes logistiques globales dans l
Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Simulation et gestion des chaînes logistiques globales dans l’incertain : application à une filière agro-alimentaire face à la crise sanitaire Thi Le Hoa VO CREM, UMR CNRS 6211 / IGR-IAE de Rennes, Université de Rennes 1 [email protected] La complexité et les incertitudes liées à l’environnement extérieur d’une chaîne logistique exigent aujourd’hui une gestion de plus en plus complexe de la chaîne globale. Modélisation et simulation sont devenues des méthodes courantes d’amélioration et de pilotage de chaînes logistiques, notamment pour les chaînes qui sont dans des situations de déséquilibre et d’instabilité. Cet article essaye donc de mettre en évidence le rôle important de ces outils dans la gestion de la chaîne logistique globale, principalement les chaînes logistiques multi-échelons, en illustrant une application de la simulation dynamique d’une filière agroalimentaire dans un contexte de crise sanitaire. Introduction Aujourd’hui, la gestion de la chaîne logistique globale (ou Supply Chain Management en anglais) est devenue l’une des formes organisationnelles contemporaines les plus courantes. Le terme « Supply Chain Management » (SCM) a été utilisé non seulement pour expliquer les activités logistiques, la planification ou le contrôle des flux physiques et informationnels internes ou externes entre les entreprises (Christopher, 1992 ; Cooper et al, 1997) mais aussi pour révéler les problèmes stratégiques et inter-organisationnels (Cox, 1997 ; Harland et al 1999), discuter d’une autre forme d’organisation pour l’intégration verticale (Hakansson et Snehota, 1995) ou encore pour identifier et décrire une relation développée par une entreprise avec ses fournisseurs (Narus et Anderson 1995). Il existe donc une quantité considérable de sujets de SCM comme : achat, logistique et transport, marketing, comportement organisationnel, réseaux, gestion stratégique, système d’information de gestion et gestion opérationnelle. Par ailleurs, comment faire face aux fluctuations de l’offre et de la demande est une question vitale dans la gestion de la chaîne logistique globale. En préalable, il est utile de bien distinguer la stabilité de la Supply Chain qui réagit à un certain nombre de perturbations, des sources elles-mêmes provoquant sa réaction au déséquilibre. Ces sources perturbatrices de types endogènes et exogènes sont souvent à l’origine du Bullwhip Effect1. Tout d’abord, les perturbations endogènes proviennent du système lui-même. Par exemple, les décideurs qui estiment que leurs clients ou leurs fournisseurs prennent des mauvaises décisions, peuvent choisir de dévier de leur stratégie de recherche d’équilibre en se constituant un stock régulateur contre le risque de comportement « non-optimal ». Ce comportement causera ensuite une perturbation chez Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 1 - Le Bullwhip Effect, source majeure d’inefficacité de la chaîne logistique de production-distribution, se décrit par un phénomène d’amplification des approvisionnements à chaque échelon de la supply chain suite à des fluctuations de la demande (Lee et al, 1997) 81 81 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management leurs propres fournisseurs. Puis les perturbations exogènes sont causées par des variations imprévisibles de la consommation. De nombreux travaux de recherche ont montré que la structure de la supply chain joue un rôle important dans les changements comportementaux de la chaîne face aux incertitudes de son environnement. Selon Sterman (2006), « the dynamics of supply chain networks arise endogenously from their structure ». Forrester (1961) a montré que les caractéristiques structurelles de la chaîne logistique peuvent amener les agents rationnels à amplifier les variations de la demande causant l’instabilité de la chaîne. En effet, la chaîne logistique peut être dynamiquement instable face à des perturbations de production et de consommation en raison des différents délais d’adaptation de capacité de production et de stock et du feed-back dans les décisions de régulation entre les acteurs de la chaîne (Forrester, 1961 ; Sterman, 1989). Taylor (1999) a proposé que les variabilités de la fiabilité des outils de production et du produit, de la capacité opérationnelle et de la qualité du produit soient les causes principales de l’amplification de la demande ou du Bullwhip Effect. D’autres chercheurs scientifiques comme Chen et al (2000), Simchi-Levi et al (2000) et Shen (2001) ont aussi constaté que des choix d’optimisations locales indépendantes de chaque acteur sans vision globale sont la cause du Bullwhip Effect. Dans cet article, nous allons d’abord analyser les modèles de simulation de gestion de la chaîne logistique globale dans l’incertain. Ensuite, nous allons présenter les principes et les applications de la dynamique des systèmes dans la gestion de chaînes logistiques en général et des chaînes agro-alimentaires en particulier. Enfin, un modèle de dynamique des systèmes des flux logistiques de la filière avicole française face à la crise de l’influenza aviaire sera proposé et analysé pour consolider notre recherche. Modèles de simulation de la gestion des chaînes logistiques dans l’incertain Depuis quelques années, la modélisation et la simulation sont des approches de plus en plus utilisées au niveau du SCM. Ballou (1992) a montré que lorsqu’on étudie une chaîne logistique composée de plus de deux échelons, la gestion des stocks de toute la chaîne entière devient extrêmement difficile pour les analy- 82 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 ses mathématiques et le recours principal est souvent la technique de simulation informatique. Cette technique est devenue indispensable pour les analyses basées sur l’intégralité de la chaîne logistique (Wyland et al 2000). La technique de simulation a été initialement utilisée dans les recherches sur le comportement et la performance des chaînes logistiques vers la fin des années 1980. Récemment, cette méthode a été largement utilisée pour étudier le comportement des chaînes logistiques multi-échelons influencé par les facteurs exogènes et endogènes (Bhaskaran,1998 ; Petrovic, 1999, 2001 ; Banerjee et al 2001,...). En effet, un des facteurs exogènes les plus importants qui influence le comportement de la chaîne logistique est la demande des clients. Une des conséquences catastrophiques de l’amplification des fluctuations de la demande de l’aval jusqu’en amont de la chaîne est le phénomène Bullwhip Effect (Lee, et al 1997). Différentes recherches sont réalisées pour étudier les causes et effets de ce phénomène. Bhaskaran (1998) a mentionné que l’échec dans les contrôles de l’instabilité des planifications résulte d’une moyenne très élevée des niveaux de stock. Van Donselaar et ses collègues (2000) ont réalisé un essai par simulation pour montrer que pour obtenir une stabilité dans les planifications, il est nécessaire d’utiliser les informations sur la demande par les clients finaux (les consommateurs) plutôt que par les clients immédiats. Wilding (1998) a démontré que les effets chaotiques engendrent aussi l’incertitude dans les chaînes logistiques. Pour réduire ces effets, il est important de diffuser le plus largement possible les informations sur la demande des clients finaux d’aval en amont. Mason-Jones et Towill (1997, 1998) ont suggéré que le partage d’information peut réduire l’amplification des variations de la demande et améliorer l’utilisation de la capacité. Par ailleurs, Towill et McCullen (1999) ont trouvé quatre principes pour le flux de matériels : système de régulation, compression du temps, transparence d’information, limitation des échelons appliqués afin de minimiser cette amplification et le niveau de stock. Selon de Souza et ses collègues (2000), avec une réduction des délais d’information plutôt que les délais de matériel, on peut obtenir une amélioration de la performance et une augmentation de la qualité du service. Récemment, la logistique floue a été introduite en simulation pour analyser le comportement et la performance des chaînes logistiques multi-échelons sous Vol. 18 – N°1, 2010 82 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management un environnement incertain (Petrovic,1999, 2001). La chaîne logistique peut aussi devenir dynamiquement instable lorsqu’elle est face aux perturbations dans les systèmes de production par les facteurs endogènes suite aux variations de la consommation. Ces perturbations surviennent à cause, non seulement des délais de l’adaptation des capacités de production et de stock, mais aussi des feedbacks de décision dans la chaîne entière (Nagatani et Helbing, 2004). Il existe dans la littérature de nombreuses recherches mettant l’accent sur les problèmes de stratégies de pilotage et plus précisément, sur l’instabilité des flux logistiques (Chopra & Meindl, 2001 ; Helbing et al 2003). Nagatani et Helbing (2004) ont montré qu’une analyse linéaire de la stabilité d’une chaîne logistique perturbée permet d’obtenir une adaptation efficace pour faire face aux variations de la consommation en aval et aussi aux fluctuations des capacités de stock en amont. En effet, ils ont proposé une technique d’anticipation du niveau futur du stock pour stabiliser le système logistique. Néanmoins, cette approche est limitée car les amplitudes des oscillations sont souvent plus considérables et les effets non-linéaires sont prédominants. Par ailleurs, les recherches en logistique sont aussi basées sur les techniques de modélisation et simulation à événement discret. Vorst van der et ses collègues (2000) ont utilisé la simulation discrète pour modéliser le comportement dynamique d’une chaîne logistique agro-alimentaire et évaluer les différentes structures alternatives proposées pour la chaîne. Chang et Makatsoris (2001) ont suggéré la nécessité de la technique de la simulation discrète pour les recherches en logistique. Godding et al (2004) ont proposé d’utiliser à la fois les modèles de simulation discrète et les techniques de programmation linéaire appliquées dans la conception structurelle et opérationnelle des réseaux de chaînes logistiques de fabrications de semi-conducteurs. Néanmoins, très peu, parmi les applications, ont étudié quand et comment la simulation discrète est réellement utilisée dans les processus de prise de décision pour l’industrie ainsi que dans les activités de fabrication et de logistique. En outre, les simulations dynamiques ont prouvé leur pertinence dans l’analyse des chaînes logistiques avec leur système de feedback interactif et hiérarchique intangible (Pidd, 1984). Les modèles de simulation basés sur les principes de la dynamique des systèmes de Forrester (1961) de la chaîne logistique sont originellement appliqués dans les systèmes industriels, montrant que la structure de la chaîne logistique et la gestion des flux déterminent sa performance. De nombreux modèles de dynamique des systèmes de chaîne logistique ont été construits (Forrester, 1961 ; Senge and Sterman, 1992 ; Thiel, 1996 ; Cheng, 1996 ; Sterman, 2000 ; Higuchi and Troutt, 2004 ; Kamath and Roy, 2007 ; Rabelo et al 2008…). Principes et applications de la dynamique des systèmes La dynamique des systèmes est l’une des méthodologies les plus pertinentes et appliquées dans le domaine de SCM qui permet de comprendre l’évolution d’un système complexe et changeant. Développée par Jay W. Forrester (1961) avec les concepts fondamentaux de rétroaction et de délai qui déterminent le comportement du système, la dynamique des systèmes est devenue un outil important pour analyser et résoudre les problèmes complexes. Les concepts de base Les variables de niveau (stock) et de taux (flow) Dans les modèles de dynamique des systèmes, il est important de distinguer deux types de variables fondamentales : variable de niveau (stock) et variable de taux (flow). Les variables de niveau représentent les résultats accumulés dans le temps. Ce sont des variables qui représentent l’état (physique ou informationnel) du système en l’instant t. Les variables de taux représentent le taux de changement des niveaux. En général, l’équation de ce niveau est : t Niveau(t) = Niveau(t = 0) + entrée - TAUXsortie)dt t=0 Cette équation explique que pendant un intervalle de temps dt, le changement de valeur du niveau est mesuré par la différence entre ce qui entre et ce qui sort. Si un modèle a n niveaux, il a mathématiquement un système de n équations différentielles du premier ordre. Effets causaux positifs et négatifs et les boucles de feedback La relation entre deux variables x ® y est une relation causale, c’est-à-dire la variable Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 ò (TAUX 83 83 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management entrante x a une influence causale sur la variable sortante y. Une influence positive signifie qu’un changement de x cause un changement de y dans une même direction : une augmentation (diminution) de x cause une augmentation (diminution) de y. Le signe « + » indique une causalité positive. En revanche, une influence négative signifie une augmentation (diminution) de x cause une diminution (augmentation) de y (direction opposée). Le signe « - » indique une causalité négative. Par ailleurs, Une boucle de feedback est une succession de relations cause-effet qui commence et finit avec la même variable ce qui constitue une causalité circulaire. Le signe d’une boucle dépend des signes des relations dans la boucle. Une boucle est positive ou d’amplification (le signe est « + ») si elle contient un nombre pair de relations négatives ou elle ne contient aucune relation négative. Une boucle est négative ou autorégulatrice (le signe est « - ») si elle contient un nombre impair de relations négatives. Les boucles de feedback positives ou négatives sont les éléments de base des structures dynamiques. Les délais Dans la dynamique des systèmes, les délais jouent un rôle important. En général, un délai est un niveau dont le flux de sortie est fonction uniquement du niveau lui-même et de quelques constantes. Des délais importants peuvent intervenir dans les causes et effets. Il y a deux catégories principales de délais : délais de matière et délais d’information (lissage). Délais de matières se trouvent dans les chaînes flux-stock et créent des décalages entre les entrées et les sorties. Le rôle du délai d’information est de lisser l’historique des informations. En principe, un délai d’information (ou un délai de lissage de l’information) repré- Figure 1 : Les étapes principales de construction d’un modèle de dynamique des systèmes sente la valeur moyenne ou du moins la valeur en régime permanent de l’information. Les étapes principales de construction des modèles (figure 1) A partir de l’observation de la réalité d’un système, un diagramme de causalité sera réalisé permettant de la représenter en montrant les mécanismes dynamiques du système observé. Basé sur ce diagramme, un modèle flux-stock sera développé en élaborant les formulations mathématiques, notamment les équations différentielles, qui décrivent les relations cause-effet pour toutes les variables et en construisant le diagramme flux-stock. Le modèle flux-stock est donc une façon graphique permettant de représenter en détail la structure de la chaîne et les boucles de rétroaction présentées dans le diagramme de causalité. Ce modèle sera lui-même simulé faisant donc objet d’expérimentation à travers la simulation. Les résultats de simulation vont nous permettre par induction de comprendre des phénomènes émergeant de ce système et ils serviront à proposer éventuellement des modifications nécessaires. Quelques applications La dynamique des systèmes trouve ses applications récentes dans l’analyse de la chaîne logistique. Par exemple, Riddalls et ses collègues (2000) ont démontré que la simulation dynamique est la seule méthode pour examiner le comportement global d’une chaîne logistique. Gonçalves (2003) a utilisé la dynamique des systèmes pour étudier l’impact endogène de la demande sur l’instabilité du système. Il a proposé que la demande endogène influence les changements dans les modes opérationnels avec les pertes de vente et les boucles de la production poussée. Par ailleurs, Son et Venkateswaran (2007) ont proposé une simulation hybride utilisant à la fois deux aspects, discret et continu, pour étudier les systèmes complexes comme les chaînes logistiques. Rabelo et ses collègues (2008) ont présenté l’application de la dynamique des systèmes pour prévoir les changements comportementaux dans les chaînes logistiques de fabrication sous les influences exogènes et endogènes dans deux dimensions de temps (court terme et long terme). Selon les auteurs, cette méthodologie permet aussi d’identifier les causes qui peuvent provoquer un comportement négatif du système. Dans la gestion des chaînes logistiques agro-alimentaires, Cloutier et Sonka (1998) ont montré « comment la dynamique des sys- 84 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 Vol. 18 – N°1, 2010 84 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management tèmes peut contribuer à la découverte d’opportunités stratégiques dans l’étude de la coordination entre les différents maillons d’une filière agro-alimentaire ». Avec un modèle de dynamique des systèmes, Vorst van der et al (2000) ont reconnu que les sources majeures d’incertitude dans une chaîne logistique agro-alimentaire sont le délai de prévision, la disponibilité d’information et de données, les politiques décisionnelles utilisées, les incertitudes inhérentes aux activités de livraison, des processus, ou de la demande. Minegishi et Thiel (2000) ont construit un modèle de dynamique des systèmes appliqué dans la filière avicole pour expliquer les comportements complexes de l’industrie de la volaille. Avec ce modèle générique de simulation, les auteurs ont montré des phénomènes d’instabilité et les moyens de contrôler les systèmes de la filière face à des fluctuations importantes des ventes aux consommateurs. Néanmoins, cette recherche ne s’intéresse pas au comportement global de la chaîne logistique de la filière qui est simultanément perturbée par des variations de l’offre et de la demande. Par ailleurs, Georgiadis et al (2005) ont adopté la méthodologie de la dynamique des systèmes comme un outil de modélisation et d’analyse pour étudier les issues stratégiques dans les chaînes logistiques multi-échelons agro-alimentaires. Pour construire leur modèle de dynamique des systèmes, ils ont d’abord créé les systèmes de stock générique avec un seul échelon qui incorpore toutes les variables d’état et les politiques de contrôle de stock et planification de la capacité de production. Sur la base de ce modèle, ils ont montré comment construire les modèles génériques de la chaîne logistique multi-échelons au niveau stratégique. Application à la filière avicole française face à la crise de l’influenza aviaire En France, l’industrie agro-alimentaire est le premier secteur d’activité en termes de chiffre d’affaires2. La France reste le leader européen agro-alimentaire et la deuxième industrie agro-alimentaire mondiale après les Etats-Unis en chiffre d’affaires. Avec un record des ventes à 45,2 milliards d’euros en 2007, la France conserve sa place de troisième position des pays exportateurs de produits agro-alimentaires derrière les Etats-Unis et les Pays-Bas3. Au niveau de la volaille, premières en tonnage dans l’Union Européenne et sixièmes dans le monde (derrière les Etats-Unis, la Chine, le Brésil, le Mexique et l’Inde), les filières avicoles françaises se singularisent par la diversité de leur production4. Le poulet représente près de la moitié des tonnages produits. La viande de volaille est la viande la plus échangée dans le monde, et les flux des échanges internationaux ont triplé depuis 1990 (de 2,7 millions de tonnes en 1990 à 9,7 millions de tonnes en 2005) selon l’ITAVI5. La viande de volaille est la seconde produite en France derrière le porc. Toutefois, depuis quelques années, la filière avicole a subi des crises sanitaires comme l’influenza aviaire et aussi des risques sanitaires émergents tels que les toxi-infections alimentaires de type Campylobacter jejuni. D’une part, ces problèmes sanitaires ont provoqué des conséquences économiques importantes dues à des défaillances du pilotage à différents niveaux de la chaîne logistique de la filière. Par exemple, en six mois de crise de l’influenza aviaire, l’ensemble de la filière avicole française a perdu environ le quart de son activité et les stocks excédentaires atteignent 50 000 tonnes6. D’autre part, la médiatisation des problèmes sanitaires, même non avérés, entraîne une perte de confiance du consommateur. Par conséquent, des baisses de ventes sur le marché français et des pertes de débouchés à l’exportation en découlent. Par ailleurs, l’inquiétude des décideurs de la filière porte essentiellement sur la fréquence de ces crises et sur leurs effets économiques à long terme. Nous nous intéressons donc à ces préoccupations qui nécessitent un ajustement du pilotage des acteurs de la filière pour faire face à des perturbations et des incertitudes provoquées par ces crises en proposant un modèle de dynamique des systèmes. Ce modèle permettra d’améliorer la connaissance des comportements logistiques en matière de gestion des flux en période de crise. Problématique de la gestion des flux logistiques La filière avicole en général et la filière « poulets standard » en particulier sont organisées en une succession de phases allant de la production primaire à la distribution et au consommateur final. Il s’agit d’une « chaîne logistique multi-échelons » qui présente la particularité d’un flux poussé en amont et d’un flux tiré en aval (Figure 2). De manière plus détaillée, les activités d’élevage en amont de la chaîne sont planifiées plusieurs semaines à l’avance à l’aide d’un Programme Directeur de Production7 (PDP), Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:28 2 - Source : Xerfi, 2008 3 - Source : Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, http://panoramaiaa.agriculture.g ouv.fr/article.php3?id_article=1 98 4 - Source : Xerfi, 2008 5 - Source : ITAVI (Institut Technique de l’Aviculture), http://www.itavi.asso.fr/economi e/eco_filiere/volailles.php?page =prod 6 - Biaggini, RIA (Revue de l’Industrie Agro-alimentaire), 2006 7 - Le PDP (ou Master Production Schedule (MPS) en anglais) a pour objectif de planifier les besoins en produits afin de satisfaire la demande finale. Il décompose d’abord les données agrégées (familles de produits) du Plan Industriel et Commercial (PIC) en références finales individuelles. Ensuite, il planifie sur un horizon plus court avec des sous-périodes plus fines la demande réelle et donc la production de chaque produit fini. Il révèle l’état des stocks disponibles par produit fini et leur évolution sur l’horizon de planification. Enfin, il déclenche le processus de calcul des besoins nets en références finales, puis en composants et matières (source : Logistique Conseil, http://www.logistiqueconseil.org. 85 85 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management 8 - Les délais exponentiels au sens de Forrester sont des retards (delays en anglais) correspondant à une réponse d’une organisation suite à une sollicitation, réponse souvent non-linéaire. 9 - Source : Xerfi2008 en tenant compte du stock existant. Dans cette filière intégrée et pour assurer une bonne qualité, les poulets standard vivants dans l’élevage doivent être abattus après un délai d’élevage fixé à 40 jours. En revanche, les opérations de fabrication des produits finis (poulets entiers, produits découpés et élaborés), dans les phases suivantes (découpe, transformation, conditionnement), sont lancées quotidiennement en fonction de la disponibilité de stock des matières premières et des demandes réelles. Cela montre que les flux physiques de la filière ont deux caractéristiques, en amont des flux poussés et en aval des flux tirés, impliquant une complexité dans la gestion des stocks et le pilotage des flux logistiques de cette filière. Chaque membre de cette filière est entièrement lié à un autre membre en amont et en aval ; la moindre défaillance de l’un des maillons pouvant entraîner des conséquences sur l’ensemble de la chaîne. Ce qui en fait une complexité structurelle de cette chaîne de valeur. ment non-linéaires. Ceux-ci engendrent des comportements imprévisibles de la chaîne (Paulré, 1985). Par exemple, l’ajustement des encours d’élevage dépend d’un certain nombre de facteurs, la réactivité des décideurs correspondant à un comportement nonlinéaire. Une complexité organisationnelle provient de la synchronisation entre le volume des stocks de poulets vivants et le volume des commandes client réelles. En effet, lorsque le volume de poulets vivants disponibles est inférieur à la demande actuelle, les entreprises d’abattage doivent faire appel à des fournisseurs extérieurs nationaux ou internationaux (par importation). Par conséquent, ils doivent subir des coûts imprévus à cause de la différence de prix et des coûts de transport. En revanche, si le stock disponible de poulets abattus dépasse la demande réelle, les entreprises d’abattage doivent congeler (ou détruire) leurs produits après cinq jours en chambre froide en raison de la périssabilité de ces produits. Cela engendre des coûts supplémentaires par la perte et la dépréciation des produits. Modèle de simulation Une autre complexité organisationnelle repose sur la succession de différents délais dits exponentiel8 tout au long de la filière. Différents délais dans la prise de décision comme par exemple, des durées d’ajustement de stock rendent la chaîne logistique des flux forte- Les observations de terrain et les interviews réalisées auprès des entreprises des quatre premiers groupes familiaux (LDC, Doux, Arrivé, Glon) et du premier groupe coopératif (Terrena) représentant 70% du chiffre d’affaires de toute la filière9 nous permettent de définir les variables pour chaque niveau de la chaîne. Ces variables vont servir à construire le modèle. Le tableau suivant présente quelques variables fondamentales. Figure 2 : Schéma des flux logistiques de la filière poulets standard Par ailleurs, cette filière est soumise à de fortes incertitudes liées à l’environnement, notamment causées par la crise de l’influenza aviaire. En effet, au niveau global, la filière doit réagir face d’une part, à la forte volatilité du consommateur (risque de perte de confiance) dans un contexte de risque sanitaire et, d’autre part, aux problèmes de sources d’approvisionnement en amont de la chaîne (locales, nationales et/ou internationales). L’incertitude de l’environnement (demande versatile, offre dépendant de l’épizootie) ainsi que les complexités structurelles et organisationnelles nous amènent donc à étudier le comportement de cette filière. Pour comprendre le comportement des acteurs et la dynamique de la filière avicole face à la crise de l’influenza aviaire, nous proposons de construire un modèle de dynamique des systèmes qui représente la structure de la filière et des politiques réelles appliquées pendant la période de la crise. Le modèle se base sur une représentation du système logistique opérant et des systèmes d’information et décision. La structure de la partie opérante est construite selon des observations empiriques sur l’organisation technique de cette filière. La structure des systèmes d’information et de décision correspond à des micro et macro-mécanismes de régulation observés pendant cette crise. Variables du modèle Diagramme de causalité proposé Les variables principales décrites dans la partie précédente sont liées entre elles, et leurs interactions peuvent être mises en évidence par un diagramme des causalités pour faciliter 86 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:29 Vol. 18 – N°1, 2010 86 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Tableau 1: Les variables principales du modèle Parties du modèle Demande et planification Variables Définition Unité de mesure Demande réelle Demande du client final (consommateur) basée sur les données réelles. Tonnes/ jour Taux d’approvisionnement total Taux d’approvisionnement en élevage basé sur la prévision de vente Tonnes/ jour Taux lancement élevage souhaité Le nombre de poulets que les éleveurs souhaitent lancer en élevage après l’ajustement des encours de l’élevage. Tonnes/ jour Encours élevage Les encours de poulets en élevage Tonnes Crise sanitaire Taux d’influence de la crise sanitaire sur la production en cours d’élevage % Achats externes La quantité de poulets achetés sur le marché extérieur (fournisseurs nationaux ou internationaux) Tonnes Abattage Stock poulets abattus Niveau de stock des poulets entiers abattus après l’abattage Tonnes Transformation Stock produits finis Niveau de stock des produits finis PE et PDE prêts Tonnes à être livrés Stock poulets surgelés Niveau de stock de produits surgelés des poulets abattus mais non livrés à cause d’un manque de commandes clients. Tonnes Transport élevage-abattage Les encours de poulets vivants transportés du centre d’élevage aux abattoirs Tonnes Elevage Transport La quantité de produits finis transportés des Transport transformation-distributio transformateurs aux grossistes n Tonnes Transport distribution-vente La quantité de produits finis transportés des grossistes aux détaillants Tonnes Distribution Stock grossistes Niveau de stock chez les grossistes Tonnes Vente Stock détaillants Niveau de stock dans les points de vente ou chez les détaillants Tonnes Performance Stock souhaité détaillants Niveau de stock de sécurité que les détaillants désirent en fonction de la demande réelle Tonnes Ecart stock réel-souhaité Ecart entre le niveau stock réel et le niveau de détaillants stock souhaité pour les détaillants Tonnes Coûts imprévus Les coûts imprévus que la chaîne subit lorsqu’il y a des poulets surgelés (coût de surgélation) ou achetés sur le marché extérieur (coût d’achat imprévu à cause de la différence de prix et du coût de transport) Million Euros Pertes de produits La quantité de produits perdus lorsque la Date Limite de Consommation (DLC) est dépassée. Tonnes la visualisation de la structure du modèle (Figure 3). Les arcs représentent la relation de causalité entre les variables, les causes (origines de l’arc) et leurs effets immédiats (extrémités terminales de l’arc)). Ces arcs sont polarisés et montre le sens de l’influence : un signe (-) indique que si un changement dans la variable d’origine se produit, la variable de destination tend à changer en sens contraire et un signe (+) indique que les deux variables tendent à évoluer dans le même sens. Il existe généralement deux types de boucle causale dans un diagramme : les boucles homéostatiques ou négatives (qui contiennent un nombre impair des arcs négatifs) ont pour objectif de ramener le système vers un état d’équilibre et les boucles de rétrocontrôle positif (qui contiennent un nombre pair des arcs négatifs ou zéro arc négatif) ont tendance à amplifier les causes des phénomènes observés. Nous avons identifié cinq boucles fermées principa- Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:29 87 87 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management 10 - Source : Service Central des Enquêtes et Etudes Statistiques (Agreste/SCEES) 11 - La validation du modèle a été réalisée en tenant compte de deux aspects principaux : structurel et comportemental (Forrester, 1971) (voir Vo (2009) pour une présentation complète sur la validation du modèle et les résultats de simulation) les (en réalité, nous avons observé qu’il existe 96 boucles dans le modèle proposé). • Boucle 1 : Cette boucle permet d’ajuster les encours d’élevage de poulets et par la suite les poulets matures prêts à abattre. • Boucle 2 : L’objectif de cette boucle est de réduire au maximum le surplus de produits finis non-livrés par rapport à la demande réelle afin de minimiser les pertes de produits finis par la congélation car ce système permet de prolonger le cycle de vie des produits frais. • Boucle 3 : Cette boucle permet de régulariser le niveau de stock des produits finis en modifiant le volume de fabrication. • Boucle 4 : Cette boucle permet donc un ajustement du volume transporté de produits finis vers les détaillants par le niveau de stock chez les grossistes. Figure 3 : Diagramme de causalité de la chaîne logistique de la filière • Boucle 5 : Cette boucle permet d’ajuster ce volume par l’écart entre le niveau de stock souhaité et le stock réel chez les détaillants. De ce diagramme de causalités, nous développons un système d’équations différentielles permettant de caractériser notre modèle. Nous nous sommes inspirés du modèle générique de la chaîne logistique de Sterman (2000) en le transformant selon les originalités de notre chaîne logistique à savoir, la représentation d’une structure particulière de type push-pull de produits périssables ainsi que la prise en compte de perturbations simultanées en amont et en aval de la chaîne. Résultats de simulation Analyse comportementale du modèle Nous allons d’abord analyser le comportement de la chaîne logistique de la filière avicole face à la crise de l’influenza aviaire avec les données collectées10 sur la production et la consommation pendant la crise de l’influenza aviaire en France entre octobre 2005 et mars 2006. Nous avons obtenu la variation de la production de poulets standard par la simulation en comparaison avec l’évolution de la demande réelle et de la production réelle (Figure 4) En comparant la production obtenue par la simulation avec la production réelle, nous avons obtenu une différence relative moyenne égale à 6,3% signifiant un taux d’erreur « relatif » de 6,3%. Ceci a été considéré comme acceptable pour valider le modèle11. Figure 4 : La production obtenue par la simulation en comparaison avec l’évolution de la demande et de la production réelles Dans la figure 5, la courbe 2 montre l’évolution de la production d’élevage en fonction de la propagation de la maladie dans la population animale et surtout de la variation de la demande réelle illustrée par la courbe 1. Nous pouvons remarquer qu’il y a un décalage entre ces deux courbes, c’est-à-dire la production ne correspond pas vraiment à la demande. Pour faire face à cet écart entre la production et la demande, la solution consiste à surgeler les poulets abattus lorsqu’il n’y a pas assez de demande et à faire appel à des achats externes si la production est insuffisante. Cette politique provoque par conséquent, une augmentation des coûts imprévus de 23,4 millions d’euros et également des pertes de produits de 20.080 tonnes pour toute la chaîne. Par ailleurs, la fluctuation de la consommation provoque une variation des niveaux de stock à tous les échelons en aval de la chaîne. Nous avons observé que la variation du niveau de stock chez les détaillants est moins impor- 88 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:30 Vol. 18 – N°1, 2010 88 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management tante que celle du niveau de stock chez les grossistes et de stock de produits finis. Cette variation est dûe aux différents délais de livraison entre les échelons et de réajustement du niveau de stock chez les détaillants. Figure 5. Variation de la demande réelle et de la production obtenue par la simulation pendant la crise Ces conséquences de cette polique pendant la crise nécessitent des politiques plus pertinentes pour, non seulement réagir de manière efficace à des situations de crise, mais aussi améliorer la performance de la chaîne. C’est pour cette raison que nous allons continuer à étudier dans la partie suivante la sensibilité du modèle sous les effets des différentes perturbations exogènes et à certains délais de réactivité dans la gestion des flux matières. Analyse de sensibilité du modèle Notre objectif dans cette partie est d’analyser l’influence des fluctuations des valeurs des variables exogènes et des différents délais sur le comportement de la chaîne afin de proposer des modifications pour améliorer la performance de la chaîne. Figure 6 : Variations de la production en élevage face à des variations type Step négatif Réponses du système face à différents types de fluctuation des variables exogènes La chaîne logistique est influencée à la fois par la propagation de l’influenza aviaire dans l’élevage en amont et par la variation de la consommation en aval. Les facteurs exogènes de la crise sont donc représentés par deux variables principales dans notre modèle : Demande réelle et Crise sanitaire. Nous allons examiner les effets de différents degrés de fluctuation de ces deux variables sur le comportement du modèle selon trois types d’évolution : (i) variations brutales et durables ; (ii) variations exceptionnelles et répétitives et (iii) variations aléatoires. Les résultats de simulation montrent que : • Pour les variations brutales et permanentes (Step + ou -): La chaîne arrive à mieux réagir face aux baisses de la consommation et à l’augmentation de la propagation du virus en élevage (Step -) (voir Figure 6) • Pour les variations exceptionnelles et répétitives (Pulse + ou -) : Il y a une grande différence du niveau de stock chez les grossistes et les détaillants lorsque l’amplitude des variations est plus élevée (voir Tableau 2). • Pour les variations aléatoires (Random + ou -) : La chaîne arrive à assurer une stabilisation au niveau des achats externes quel que soit l’amplitude des aléas (sauf Random -50%) (voir Tableau 3). Sensibilité du modèle au délai d’ajustement demande Le Délai d’ajustement demande est un délai pour ajuster le taux d’approvisionnement en élevage en fonction de la demande réelle (valeur initiale : 7 jours)12. Les résultats montrent qu’en augmentant le délai d’ajustement demande d’1 jour à 13 jours, la chaîne logistique peut limiter légèrement les achats externes et réduire les coûts imprévus avec un délai d’ajustement demande plus long (voir tableau 4). Néanmoins, ceci peut engendrer une augmentation au niveau de stock de poulets surgelés. Cela montre que plus le délai d’ajustement demande est long, plus le niveau de stock augmente. Sensibilité du modèle au délai d’élevage Le Délai d’élevage est non modifiable car il est fixé dans le contrat entre les éleveurs et les abattoirs (valeur initiale : 40 jours). Nous pouvons constater qu’une réduction du délai d’élevage de 5 jours pour répondre plus rapidement à la variation quotidienne de la Vol. 18 – N°1, 2010 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:31 12 - En effet, la production en élevage de poulets standard est planifiée par un plan prévisionnel de ventes basé sur un historique des ventes réalisées lissé sur une période d’une semaine (7 jours). 89 89 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Tableau 2 : Influence des variations type Pulse + et - sur le niveau de stock à chaque échelon Pulse -50% Pulse -30% Pulse -10% Pulse +10% Pulse +30% Pulse +50% Stock fabricants (tonnes) 76.325 76.325 76.325 76.325 76.325 76.325 Stock grossistes (tonnes) 941.588 941.999 77.693 88.458 1.269.597 1.471.020 Stock détaillants (tonnes) 1.169.275 1.169.576 337.124 645.509 1.269.721 1.279.089 Tableau 3 : Influence des variations type Random + et – sur les achats externes Achats externes (tonnes) Random -50% Random -30% Random -10% Random +10% Random +30% Random +50% 40.069 24.668 25.851 24.532 21.591 28.905 Tableau 4 : Réponse de la chaîne à différentes valeurs du délai d’ajustement demande Délai d’ajustement demande (jours) 1 7 13 Stock poulets surgelés (Tonnes) 41.392 43.348 44.101 Achats externes (Tonnes) 26.598 26.347 25.757 23,5 23,4 22,9 Coûts imprévus (M ) Tableau 5 : Réponse de la chaîne face à différentes valeurs du délai d’élevage 35 40 45 Stock poulets surgelés (Tonnes) Délai d’élevage (jours) 44.553 43.348 41.753 Achats externes (Tonnes) 25.418 26.347 26.354 22,5 23,3 23,2 Coûts imprévus (M€) Tableau 6 : Réponse de la chaîne face à différentes valeurs du délai d’ajustement de surgélation 1 5 9 Stock poulets surgelés (Tonnes) Délai d’ajustement surgélation (jours) 142.732 43.348 27.060 Achats externes (Tonnes) 68.384 26.347 16.560 61,9 23,3 14,7 Coûts imprévus (M€) demande peut réduire le volume des achats externes (voir tableau 5). Néanmoins, cela engendre une augmentation du stock de poulets surgelés lorsqu’il y a une baisse de la consommation. En revanche, une augmentation du délai d’élevage de 5 jours peut réduire significativement le stock de poulets surgelés sans augmenter les coûts imprévus car les achats externes restent quasiment constants. Cela veut dire qu’une prolongation du délai d’élevage peut être une solution pour faire face aux variations de la demande pendant la crise. Les résultats de simulation montrent qu’une très courte durée (1 jour) du stock tampon peut provoquer à la fois un surstock considérable de poulets surgelés et une augmentation très élevée des achats externes et donc un grand surcoût pour la chaîne (voir tableau 6). En revanche, une prolongation du délai d’ajustement de surgélation peut réduire de manière efficace, non seulement le niveau de stock de poulets surgelés, mais aussi le besoin d’achats externes. Néanmoins, en réalité nous ne pouvons pas prolonger ce délai à cause de la contrainte de qualité pour les produits frais. Sensibilité du modèle au délai de surgélation Les résultats de simulation montrent que les fluctuations de la demande client et de la production affectent la stabilité et la performance de toute la chaîne. Le comportement global de la chaîne logistique est influencé non seulement par les facteurs environnementaux exogènes mais aussi par les facteurs de contrôle endogènes tels que les délais d’ajustement et de production ou les politiques d’approvi- Le Délai d’ajustement poulets abattus ou délai de surgélation est la durée maximale pour les poulets abattus non-utilisés restés dans la chambre froide avant d’être surgelés (valeur initiale : 5 jours). 90 Vol18_N1_2010.prn Vol18_N1_2010 lundi 9 aoßt 2010 11:50:31 Vol. 18 – N°1, 2010 90 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management sionnement. En ajustant ces facteurs endogènes, il est possible de réduire les conséquences liées aux facteurs exogènes et d’améliorer la performance de la chaîne logistique. Bhaskaran, S., (1998), Simulation Analysis of a Manufacturing Supply Chain, Decision Sciences, vol.29, n°3, pp.633-657. Conclusion Chang, Y., Makatsoris, H., (2001), Supply Chain Modelling Using Simulation, International Journal of Simulation, vol.2, n°1, pp.24-30. Nous avons dans ce travail montré que les chaînes logistiques en général, et les chaînes logistiques agro-alimentaires en particulier, ont des caractéristiques complexes dûes à leurs structures inter-organisationnelles, leurs produits et aux incertitudes internes (aléas de production) et externes (variation de la demande), nécessitant des méthodes pertinentes de la gestion de la chaîne globale. Précisément, la chaîne logistique agro-alimentaire est un système fort complexe avec des caractéristiques spécifiques : multi-échelons souvent de type poussé-tiré, la périssabilité des produits, etc. entraînant des comportements complexes difficiles à prédire. Ces comportements complexes deviennent encore plus difficiles à appréhender lorsque la chaîne est confrontée à des perturbations provoquées par des fluctuations de l’offre et la demande. Dans ce contexte, la simulation présente un intérêt certain. Elle permet d’étudier le comportement dynamique global d’une chaîne logistique dans son ensemble en prenant compte des interactions complexes entre différentes entités et la structure multi-échelons de la chaîne. L’approche par la simulation et notamment la dynamique des systèmes paraît être une base viable pour les analyses comportementales détaillées de la dynamique d’une chaîne logistique dans son ensemble et rend possible l’évaluation des performances du système existant ou en phase de conception. Elle propose donc un outil d’aide à la décision pour la gestion de la chaîne logistique globale. Biaggini, F., 2006. Volaille, la crise couve. Revue de l’Industrie Agro-alimentaire, n°668, p.6-7. Chen, F., Drezner, Z., Ryan, J. K. et Simchi-Levi, D., (2000), Quantifying the Bullwhip Effect in A Simple Supply Chain: The Impact of Forecasting, Lead Times, and Information”, Management Science, vol.46, n°3, pp.436–443. Cheng H., (1996), Enterprise Integration and Modelling: The Meta Base Approach, Massachusetts/ Kluwer Academic Publishers. Chopra, S., Meindl, P., (2001), Supply Chain Management: Strategy, Planning, and Operation, Prince Hall, Upper Saddle River, New Jersey. 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