Promouvoir le développement rural et agricole en Afrique grâce à la
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Promouvoir le développement rural et agricole en Afrique grâce à la
COMITÉ EUROPÉEN DES GROUPEMENTS DE CONSTRUCTEURS DU MACHINISME AGRICOLE Promouvoir le développement rural et agricole en Afrique grâce à la mécanisation agricole (MA) avancée Juillet 2014 Introduction Les machines agricoles ont révolutionné l’agriculture, et continuent de le faire aujourd’hui encore. Certaines des hausses les plus fortes de la productivité totale des facteurs (PTF) jamais observées dans le domaine de l’agriculture n’ont été possibles que grâce à l’introduction de machines agricoles.1 La mécanisation agricole (MA) constitue un pilier central et indispensable à l’amélioration de l’efficacité et de la productivité de ces activités dans la mesure où elle détermine en grande partie l’efficacité et la productivité de tous les autres éléments utilisés pour la culture, tels que les semences, les engrais, l’eau, le travail et le temps. En résumé, l’agriculture moderne n’existerait pas sans ces machines de pointe. L’utilisation de machines dans l’agriculture demeure toutefois très hétérogène au niveau mondial. L’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) a défini 12 niveaux de mécanisation agricole : les niveaux les plus élevés (niveaux 9-12) sont généralement observés aux ÉtatsUnis et dans les pays d’Europe occidentale. À l’inverse, des niveaux de très faible mécanisation persistent dans de nombreux pays en développement et notamment en Afrique, qui reste la région représentant le plus grand défi en la matière. Les niveaux moyens de mécanisation observés vont de 5 (au Maroc) ou 4 (au Botswana) à seulement 1 au Cameroun.2 En Afrique sub-saharienne (ASS), la productivité de la terre est l’une des plus faibles au monde et la mécanisation agricole a connu une stagnation, voire une régression, au cours des dernières années. Dans les pays de l’ASS : plus de 60 % de l’énergie nécessaire à l’agriculture demeurent d’origine humaine, essentiellement des femmes, des personnes âgées et des enfants ; 25 % seulement de l’énergie nécessaire à l’agriculture proviennent des animaux de trait ; moins de 20 % des services de mécanisation sont motorisés.3 1 The Impact of Mechanization on Agriculture, J.F. Reid,Agriculture and Technology 41(3), 22-29. 2 Agricultural Development and Mechanization in 2013 – A Comparative Survey at a Global Level, S. Böttinger, R. Doluschitz, J. Klaus (Université d’Hohenheim) & C. Jenane, N. Samarakoon (ONUDI). 3 Mechanization for Rural Development: A review of patterns and progress from around the world, J. Kienzle, J.E. Ashburner, B. G. Sims, FAO 2013. 1 COMITÉ EUROPÉEN DES GROUPEMENTS DE CONSTRUCTEURS DU MACHINISME AGRICOLE La mécanisation agricole durable : un aspect potentiellement bénéfique, bien qu’encore largement négligé par les programmes Agriculture au service du développement L’objectif ultime des stratégies de mécanisation agricole (SMA) dans les pays en développement est de favoriser l’accroissement du bien-être des ménages agricoles et de créer une dynamique positive ainsi que des opportunités de croissance économique dans les zones rurales.4 La mécanisation agricole peut contribuer à la réalisation de cet objectif de diverses manières : en augmentant l’efficacité de la production agricole, et donc, la productivité ; en réduisant les pertes après récolte ; en augmentant la valeur ajoutée aux matières premières agricoles ; en maintenant l’intégrité et la qualité des produits agricoles5. La mécanisation agricole est donc idéalement positionnée pour relever, de manière approfondie et complète, bon nombre des défis agricoles les plus fondamentaux des pays en développement. Sous réserve d’utiliser des solutions technologiques adaptées, la mécanisation agricole « remplace la traction animale dans le travail de la terre, élimine les goulets d’étranglement observés au niveau du temps et du travail nécessaires pour réaliser des tâches dans un laps de temps optimal, et peut influencer l’empreinte de l’agriculture sur l’environnement, produisant ainsi des résultats durables. »6 Compte tenu des faibles niveaux de mécanisation qui perdurent dans de nombreux pays en développement et des avantages et des possibilités de progrès incroyables qu'offre la mécanisation agricole, il existe un large consensus selon lequel les acteurs internationaux et les gouvernements devraient « continuer à encourager les agriculteurs à utiliser les machines agricoles en proposant des programmes de développement et des mesures incitatives. »7 Cependant, les niveaux d’engagement et d’encouragement affichés actuellement par les acteurs internationaux et les gouvernements pour promouvoir la mécanisation agricole dans les pays en développement sont proportionnellement faibles. Malgré son importance fondamentale et son rôle potentiellement bénéfique, la mécanisation agricole est, selon les termes de la FAO, « le laissé-pourcompte » du développement agricole et rural dans les pays en développement.8 4 Rapport sur le développement dans le monde 2008 : l’agriculture au service du développement, Banque mondiale 2007. Towards sustainable agricultural mechanization in Indonesia – A conceptual model of innovation technology, S. Handaka, TECH MONITOR 2009, 38-43. 5 6 Sustainable Agricultural Mechanization Strategies, Regional framework report, FAO &CESAP-ONU 2011. Ibid., p. 30 8 FAO (2013), p. xxiii. 7 2 COMITÉ EUROPÉEN DES GROUPEMENTS DE CONSTRUCTEURS DU MACHINISME AGRICOLE Dans la plupart des rapports rédigés par les acteurs du développement international qui traitent des moyens visant à promouvoir les technologies agricoles et l’agriculture avancée dans les pays en développement, la question du machinisme et de la mécanisation agricole est quasiment inexistante. En fait, la liste de rapports sur l’Agriculture au service du développement ne traitant pas de cette question est longue.9 La mécanisation agricole est un sujet complexe, et l’exclusion de cet aspect fondamental des débats sur le développement agricole et rural dans les pays en développement apparaît comme une lacune sérieuse, compte tenu du rôle central et indispensable qu’elle joue dans l’efficacité et la productivité de ces activités. Le moment est donc venu, plus particulièrement en Afrique, d’examiner ces lacunes et de réintroduire avec plus de fermeté les aspects liés à la mécanisation agricole dans les programmes Agriculture au service du développement et dans les politiques de développement.10 Vers une approche sur mesure, inclusive et intégrée : ancrer des stratégies de mécanisation agricole durable dans les politiques de développement et les politiques agricoles Les stratégies indépendantes et isolées visant à mécaniser l’agriculture dans les pays en développement se sont révélées inappropriées. Des exemples passés ont mis en lumière les lacunes et les risques de telles approches.11 Au lieu de cela, et pour qu’elles portent leurs fruits et qu’elles s’inscrivent durablement, les politiques de développement de la mécanisation agricole doivent être adaptées aux besoins locaux et être étroitement intégrées dans les approches plus larges des politiques agricoles. Il est important qu’elles intègrent également des programmes de coopération et de partenariat entre les agences et les différents acteurs des secteurs public et privé.12 Comme le résume le rapport conjoint FAO-ONUDI de 2008, « si l’on veut que les efforts fournis dans le cadre de la mécanisation agricole soient couronnés de succès en Afrique, il est urgent que tous les acteurs concernés, qu’ils soient agriculteurs, organes de soutien, planificateurs ou décideurs politiques, comprennent ces efforts et qu’ils y contribuent à travers l’ensemble du système agricole dans la seule perspective de la chaîne de valeur. »13 9 Voir par exemple : Agricultural Technologies for Developing Countries, STOA 2008. 10 Alors qu’un certain intérêt institutionnel s’est mis en place autour de la mécanisation de la région Asie-Pacifique par le biais du Centre régional des Nations unies pour la mécanisation agricole durable (CMAD), un tel cadre institutionnel est toujours inexistant pour l’Afrique. 11 Des approches de mécanisation inappropriées véhiculent le risque de mettre la « pression sur des ressources naturelles fragiles en augmentant l’érosion et le compactage des sols, en favorisant l’usage abusif d’intrants chimiques et en encourageant les agriculteurs à exploiter des terres qui sont actuellement des forêts précieuses et des parcours. »Sustainable Agricultural Mechanization Strategies, Regional framework report, FAO & CESAP-ONU 2011. 12 Agricultural mechanization in Africa…Time for action, ONUDI & FAO 2008, p. 14. 13 Ibid., p. 11 3 COMITÉ EUROPÉEN DES GROUPEMENTS DE CONSTRUCTEURS DU MACHINISME AGRICOLE Pour que ces stratégies de mécanisation agricole soient une réussite, elles doivent être : Adaptées : pour que les agriculteurs puissent ajuster et adopter les technologies appropriées à leurs activités, le type de mécanisation doit être adapté aux conditions et aux besoins locaux/régionaux. Cela signifie qu’il faut prendre en considération différents aspects tels que le système et les pratiques agricoles locaux, les infrastructures existantes dans ce domaine, et plus largement, la situation socio-économique des agriculteurs. Inclusives : les stratégies de mécanisation agricole doivent être élaborées d’une façon inclusive, qui offre des avantages aux exploitations agricoles de différents types et tailles et qui bénéficie à la communauté rurale dans son ensemble. Intégrées : les stratégies de mécanisation agricole ne peuvent pas réussir si elles sont orientées sur un acteur unique, que ce soit au niveau du gouvernement ou de la chaîne de production agro-alimentaire. Il convient d’adopter une approche élargie et intégrée, qui prévoit des partenariats public-privé, une participation active et le soutien des agriculteurs et d’autres parties prenantes clés du secteur agro-alimentaire telles que les entreprises de transformation, les producteurs du secteur et les institutions financières. Des exemples de réussite tels ceux du Bengladesh et de l’Indonésie sont la preuve que lorsqu’elles sont adaptées aux besoins locaux et intégrées à des politiques agricoles plus larges, ces stratégies soutiennent efficacement le développement agricole et rural.14 Surmonter les principaux obstacles à la production agricole et au développement rural Pour qu’elle puisse réussir, la mécanisation agricole doit s’accompagner de stratégies plus larges visant à lever les principaux obstacles qui entravent le développement de la production agricole dans les pays en développement. Les principaux aspects concernés sont notamment les suivants : Fournir un cadre politique de soutien global de la production agricole Les gouvernements nationaux doivent travailler à un cadre politique global qui crée un environnement favorable à la production agricole et au développement rural : Ainsi, les gouvernements s’investiraient dans des efforts conjoints de coopération et de soutien avec d’autres établissements publics et secteurs (selon le « modèle de la triple hélice »). Les gouvernements devraient s’assurer que les politiques concernées, telles que les politiques agricole, fiscale et commerciale ou les questions liées à la régulation technique (normalisation, 14 Towards sustainable agricultural mechanization in Indonesia, S. Handaka ; Status Agricultural Mechanization in Bangladesh A. Wohab, http://www.unapcaem.org/Activities%20Files/A1112Rt/bd.pdf ; Farm Mechanization for Sustainable Agriculture in Bangladesh: Problems and Prospects, S. Islam, http://www.un-csam.org/Activities%20Files/A09105thTC/PPT/bd-doc.pdf. 4 COMITÉ EUROPÉEN DES GROUPEMENTS DE CONSTRUCTEURS DU MACHINISME AGRICOLE par exemple), concordent avec les objectifs des stratégies de développement agricole nationales et les soutiennent structurellement. Traiter les obstacles socio-économiques Une faible productivité agricole se traduit généralement par une faible capacité d’achat des agriculteurs. Cela signifie que les investissements en capital nécessaires à l’achat de machines, par exemple, ne peuvent généralement pas être consentis, notamment lorsque les terres sont petites et fractionnées. Il est donc important de : promouvoir la transformation agro-alimentaire au niveau local : cela garantira l’augmentation de la valeur ajoutée aux produits agricoles au niveau local ; stimuler les investissements dans des infrastructures agricoles plus vastes, notamment en matière d’irrigation et de routes ; encourager la mise en place de programmes de coopération permettant des achats communs et des structures de propriété ; soutenir la fourniture de services contractuels pour certains travaux de cultures (comme l’ensemencement, la fertilisation ou la récolte). Cela permettrait de s’assurer que les agriculteurs, et notamment les propriétaires de petites exploitations, peuvent bénéficier de technologies de pointe même s’ils ne sont pas (encore) totalement propriétaires de la machine, par exemple. Pour garantir une approche inclusive, la rémunération de ces services contractuels serait répartie de façon juste et équitable (d’un point de vue financier ou autre, comme en pourcentage de récolte). Établir un cadre adapté au financement rural Les services financiers constituent un pan essentiel des activités de développement. Or, dans les zones rurales, les facilités de crédits sont souvent limitées. Les institutions de microfinance (IMF) sont rarement en mesure d’assurer le financement rural. Alors que les IMF sont efficaces dans des activités à chiffre d’affaires élevé, comme le menu bétail ou l’horticulture, elles se révèlent moins performantes dans l’agriculture. Les mécanismes de crédits agricoles ou ruraux jouent un rôle important en vue de fournir aux agriculteurs les fonds nécessaires à l’achat des équipements dont ils ont besoin. Ces mécanismes doivent être renforcés ou mis en place là où ils sont inexistants.15 Réformer les banques agricoles publiques : il est peu probable que les banques agricoles de l’État puissent fonctionner de façon durable d’un point de vue commercial et de répondre aux besoins des petits exploitants, à moins de procéder à une modification radicale des dispositions de gouvernance qui les protègent de toute emprise politique.16 15 16 Agricultural mechanization in Africa…, p. 19. Agricultural Technologies for Developing Countries, p. 63. 5 COMITÉ EUROPÉEN DES GROUPEMENTS DE CONSTRUCTEURS DU MACHINISME AGRICOLE Favoriser l’éducation et la formation La formation revêt une importance cruciale en vue de garantir l’utilisation correcte et en toute sécurité des machines. Les programmes de formation et de renforcement des capacités doivent être renforcés au niveau local, dans le cadre d’écoles pratiques d’agriculture et/ou selon un modèle de fermes de formation agricole, dans lesquelles les agriculteurs peuvent se familiariser avec des types de machines particulières. Des projets de services de consultation doivent être mis en place concernant la mécanisation agricole durable et les compétences agricoles associées. Développer un support dédié à la maintenance et aux services Une mécanisation réussie implique de mettre en place une structure de soutien sous la forme de services de réparation, de fourniture de pièces, de carburant et de lubrifiants. Des investissements plus importants sont nécessaires aussi bien de la part des gouvernements que du secteur privé pour mettre en place une couverture régionale adéquate en matière de services de maintenance et de pièces de rechange essentielles, ainsi que pour les installations de remplacement. Conclusions et appel à l’action La mécanisation demeure un aspect quelque peu négligé par les politiques de développement agricole et rural dans les pays en développement, en particulier en Afrique. Dans ce contexte, les progrès réalisés ces dernières années dans le domaine de la mécanisation agricole dans cette région du monde sont restés limités en termes de nombre de machines supplémentaires et d’expansion du marché. Néanmoins, les prévisions pour les prochaines années sont optimistes d’un point de vue structurel. Au vu de cela et du rôle positif que peut jouer la mécanisation en améliorant l’efficacité et la productivité des activités agricoles, le CEMA appelle les acteurs nationaux et internationaux des politiques de développement menées en Afrique, qu’ils soient publics ou privés, à élargir au maximum cette conjoncture favorable et à : réintroduire avec plus de fermeté les aspects relatifs à la mécanisation agricole dans les programmes Agriculture au service du développement et les politiques de développement en Afrique ; élaborer des stratégies de mécanisation agricole (SMA) durable sur mesure, inclusives et intégrées ; travailler conjointement pour surmonter les principaux obstacles qui freinent l’intégration et l’utilisation de machines agricoles dans les pays en développement. 6 COMITÉ EUROPÉEN DES GROUPEMENTS DE CONSTRUCTEURS DU MACHINISME AGRICOLE Le CEMA appelle en particulier : les agences et acteurs internationaux clés tels que la FAO et l’ONUDI à renforcer leurs travaux sur les stratégies de mécanisation agricole durable en Afrique ; les institutions financières internationales telles que la Banque mondiale (BM), la Banque africaine de développement (BAD) et le Fonds international de développement agricole (FIDA) à répondre aux besoins de financement des futures stratégies de mécanisation agricole durable ; l’ONU à mettre en place un Centre régional pour la mécanisation agricole durable en Afrique sur le modèle du Centre régional des Nations unies pour la mécanisation agricole durable (CMAD) existant pour la région Asie-Pacifique ; l’UE à intégrer plus étroitement les stratégies de mécanisation agricole durable dans ses politiques de développement et à les soutenir dans le cadre du travail réalisé par les plateformes de coopération UE-Afrique existantes telles que le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA) ; les agences internationales et l’UE à développer de nouveaux projets de coopération avec le secteur privé en matière de mécanisation, pour générer une croissance inclusive et durable du secteur agro-alimentaire dans les pays en développement, comme l’explique la Commission européenne dans une communication de 2014 intitulée Un rôle plus important pour le secteur privé en vue de parvenir à une croissance inclusive et durable dans les pays en développement.1 ***** À propos du CEMA – Comité européen des groupements de constructeurs du machinisme agricole Le CEMA est une association européenne qui représente le secteur du machinisme agricole. Depuis plus de 50 ans, le CEMA œuvre en tant que réseau d’associations nationales en proposant des services et des conseils et en délivrant une vision commune au niveau européen sur des sujets pertinents. Le CEMA regroupe 4 500 constructeurs d’équipements agricoles à l’origine de 135 000 emplois directs et de 125 000 emplois indirects dans les réseaux de distribution et de services. Les constructeurs concernés sont principalement des petites et moyennes entreprises, selon la définition de l’UE, et ont généré en 2011 un chiffre d’affaires total de 26 milliards d’euros. www.cema-agri.org 7