3 Description du mécanisme de développement propre

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3 Description du mécanisme de développement propre
Université de Liège
Institut des sciences humaines et sociales
Evaluation des impacts environnementaux et socio­économiques du mécanisme de développement propre.
Quoilin Sylvain
Ingénieur civil énergéticien
Août 2008
Table des matières
1 Introduction ....................................................................................................................................... 3
2 L'urgence climatique ......................................................................................................................... 3
2.1.1 Energie et développement .................................................................................................. 5
2.2 Nécessité de développement propre des pays non­industrialisés .............................................. 6
3 Description du mécanisme de développement propre ....................................................................... 7
3.1 Le protocole de Kyoto ................................................................................................................ 7
3.2 Fonctionnement ......................................................................................................................... 9
3.3 Acteurs ....................................................................................................................................... 9
3.4 Processus de certification d'un projet MDP ............................................................................. 11
3.5 Types de projets ....................................................................................................................... 12
3.6 Principe d'additionnalité .......................................................................................................... 12
4 Le MDP : état des lieux ................................................................................................................... 13
5 Critiques et limitations du MDP ...................................................................................................... 17
5.1 La faible part des énergies renouvelables. ............................................................................... 17
5.2 Les problèmes de répartition ................................................................................................... 18
5.3 L'incertitude post­Kyoto ........................................................................................................... 18
5.4 Absence du MDP dans le secteur des transports ..................................................................... 19
5.5 Le problème de l'aide au développement officielle ................................................................. 19
5.6 La définition du critère de « développement durable » ........................................................... 19
6 La contribution du MDP au développement ................................................................................... 20
7 Conclusion ...................................................................................................................................... 23
8 Bibliographie ................................................................................................................................... 24
Sylvain Quoilin Le mécanisme de développement propre
1 Introduction
Le monde connaît depuis plus d'un siècle un important développement économique. Le développement industriel, l'augmentation du parc automobile et la multiplication des équipements domestiques ont provoqué une croissance importante de la demande énergétique. Malheureusement, cette croissance de la demande a été majoritairement couverte par le recours aux sources d'énergie fossile, motivé par des considérations économiques. D'autres facteurs comme les émissions de CO2, le caractère limité des réserves fossiles, et l'indépendance énergétique nationale n'ont pas été pris en compte. Il apparaît aujourd'hui indispensable de limiter nos émissions de gaz à effet de serre. Le mécanisme de développement propre a été mis en place dans le cadre des accords de Kyoto pour promouvoir un développement non producteur de gaz à effets de serre dans les pays en voie de développement. Il facilite les investissements étrangers en subsidiant les émissions de gaz à effet de serre évitées et crée ainsi un « marché du carbone » permettant au pays industrialisés de réaliser leurs objectifs de réduction d'émissions à moindre coût.
Le but de ce travail est d'évaluer les retombées du mécanisme de développement propre (MDP) depuis son entrée en vigueur en 2005, aussi bien sur le plan environnemental que socio­économique. Son fonctionnement est analysé ainsi que les statistiques relatives aux projets qu'il a engendrés. Les critiques généralement formulées dans la littérature sont résumées et justifiées par certaines observations.
2 L'urgence climatique
Dans son premier rapport publié en 2007, le GIEC déclarait : “Most of the observed increase in global average temperatures since the mid­20th century is very likely due to the observed increase in anthropogenic greenhouse gas concentrations.” Cette affirmation se base sur l'étude et la compilation d'une très grandes quantité de travaux scientifiques réalisés par les climatologues du monde entier ces dernières années. L'affirmation du GIEC a mi fin au vieux débat opposant les sceptiques aux groupements écologistes. La plupart des dirigeants reconnaissent aujourd'hui le lien entre émissions anthropogènes et réchauffement climatique.
Selon les différents scénarios établis par le GIEC, la température moyenne à la surface de la terre devrait augmenter de 2 à 4°C d'ici la fin du siècle. Toujours selon ces projections, ce réchauffement aura des conséquences dramatiques sur les conditions de vie dans certaines parties de globe. On peut citer : ● L'augmentation du niveau des océans, entraînant des déplacements massifs de populations côtières
● Une augmentation de la fréquence des sécheresses, et une désertification accrue
● Une augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles
● La diminution de la biodiversité ● Des famines plus fréquentes
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La nécessité de diminuer les émissions globales de gaz à effet de serre ne peut donc plus être contestée. Le GIEC recommande ainsi une diminution drastiques de nos émissions dans ses trois rapports successifs. Cette diminution permettrait de le limiter le réchauffement à une valeur de 1.8 °C au lieu de 4°C dans le pire des cas.
Les principaux gaz à effet de serre anthropogènes sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane, le N20, et les composés fluorés HFC et PFC. Afin de distinguer le pouvoir de réchauffement global de chacun de ces gaz, un indicateur a été mis au point : le « global warning potential » (GWP). Il correspond au pouvoir relatif du gaz en question par rapport à celui du dioxyde de carbone. Comme nous le verrons ultérieurement, le CO2 est de loin le gaz qui possède le GWP le plus faible. Cependant, sa participation au réchauffement global est très supérieure à celle des autres gaz (Figure 1). En effet, le CO2 étant principalement issu de la combustion des combustibles fossiles, le volume de ses émissions est très important.
La Figure 1 montre que le secteur de l'énergie est effectivement responsable de la majorité des émissions.
Figure 1: Emissions de gaz à effet des serre par secteur & répartition des émissions par type de gaz pour le secteur énergétique
Source : Quadrelli, 2007
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2.1.1 Energie et développement
Aujourd'hui, la majorité des émissions de gaz à effet de serre sont imputables aux pays industrialisés : les 10 premiers pays en termes d'émissions produisent 2/3 des émissions totales (voir Figure 2). Figure 2: Emissions mondiales de CO2 par pays
Source : Quadrelli, 2007
NB : Il semble aujourd'hui que la Chine ait dépassé les USA au niveau des émissions, et ce depuis 2006
Les objectifs du millénaire prévoient d'ici à 2015 une réduction substantielle de la pauvreté et une amélioration du niveau de vie dans le pays en développement. Ses 8 objectifs ont été approuvés en 2000 par les 189 états membre de l'assemblée générale de l'ONU. Ces objectifs sont définis comme suit (UN General Assembly, 2000) :
1. Réduire l'extrême pauvreté et la faim. 2. Assurer l'éducation primaire pour tous. 3. Promouvoir l'égalité et l'autonomisation des femmes. 4. Réduire la mortalité infantile. 5. Améliorer la santé maternelle. 6. Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies. 7. Assurer un environnement durable. 8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement. Il est à craindre que le développement de pays sous­industrialisés ne soit accompagné d'une forte augmentation des gaz à effet de serre. En effet, par le passé, le développement industriel a toujours été de pair avec une augmentation des besoins énergétiques. Ce fut par exemple le cas pour l'Europe au cours des 19 et 20eme siècles, et l'on a constaté plus récemment une tendance similaire pour la Chine, 5
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dont la croissance économique a explosé au cours des 20 dernières années (Auffhammer, 2006). La Figure 3 compare l'augmentation des émissions entre 2003 et 2004. Les pays sont séparés en 2 groupes, définis en annexe du protocole de Kyoto. Les pays de l'annexe 1 sont les pays industrialisés, tandis que ceux de l'annexe 2 sont les pays en développement signataires du protocole. On constate que la croissance actuelle des émissions de CO2 est déjà plus importante dans les pays en développement que dans les pays industrialisés.
Figure 3: Croissance des émissions de CO2 en MTeq CO2 entre 2003 et 2004
Source : Quadrelli, 2007
Le développement semble donc effectivement lié à une importante augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Le défi consistera alors assurer le développement des pays les moins industrialisés tout en limitant son impact environnemental. Cela ne pourra s'opérer que par un important transfert technologique des pays industrialisés vers les pays en développement dans les domaines relatifs à la réduction des émissions et à l'efficacité énergétique.
2.2 Nécessité de développement propre des pays non­industrialisés
Nous l'avons vu, le développement des pays du sud ne peut se faire sans un accroissement de la demande énergétique. Si les besoins en chauffage sont très variables d'un pays à l'autre, et en plus grande partie assurée par la biomasse dans les régions rurales, l'accès à l'énergie électrique est très limité et devra se généraliser.
Pablo del Río (2006) montre que l'électrification peut contribuer de manière substantielle à l'accomplissement des objectifs du millénaire. Le Cadre 1 reprend chacun des ces 8 objectifs, et résume le rôle que pourrait jouer l'électrification.
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1. Eradicate extreme poverty and hunger: Electricity is essential for job creation and industrial activities. 2. Achieve universal primary education: In order to attract teachers to rural areas, houses and schools should have electricity. Good lighting conditions are necessary to study overnight. 3. Promote gender equality and empower women: Lack of access to electricity contributes to gender inequality because it frees up women from domestic tasks. 4. Reduce child mortality: Respiratory problems due to air pollution within houses as a result of traditional fuels and stoves cause diseases. 5. Improve maternal health: The pollution within the house, lack of electricity for health centres, lighting for night births and the day­to­day heavy physical load of recollection contribute to bad maternal health. 6. Combat HIV/AIDS, malaria and other diseases: Electricity for communication through radio and TV may help disseminate useful information on public health. 7. Ensure environmental sustainability: Conventional energy production, distribution and consumption have negative effects on the local, regional and global environment. 8. Develop a global partnership for development: The Johannesburg World Summit on Sustainable Development called for partnerships between public entities, development agencies, civil society and the private sector. This involves the promotion of environmentally sustainable and reliable energy services at reasonable prices. Cadre 1: Rôle de l'électrification dans l'accomplissement des objectifs du millénaire
Source : Pablo del Río, 2006
3 Description du mécanisme de développement propre
3.1 Le protocole de Kyoto
Le protocole de Kyoto, signé en 1997, a vu, pour la première fois, les pays industrialisés trouver un consensus sur un plan mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce protocole est entré en vigueur en 2005, suite à sa ratification par la Russie en 2004. Il est à noter la non­ratification du traité par les Etats­Unis, qui se sont rétractés pour des motifs économiques. L'objectif principal de Kyoto est des réduire de 5 à 8% (selon les pays) les émissions globales de gaz à effet de serre en 2012 par rapport à leur valeur de 1990. Cet effort de réduction est réparti entre les pays industrialisés, définis dans l'annexe 1 du protocole. Aucun mécanisme contraignant n'a été défini et l'accomplissement des objectifs ne peut être garanti que par le bon vouloir des signataires. Les gaz à effet de serre considérés dans les objectifs de réduction sont repris au Cadre 2 avec leur indice « GWP ». Il est intéressant de noter que les écarts de GWP sont énormes pour différents types de gaz. Il faut par exemple 23900 kg de CO2 pour cause un échauffement équivalent à un kg de SF6.
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Gaz
Symbole
Origine
GWP
Dioxyde de carbone
CO2
Combustion des combustibles fossiles
1
Méthane
CH4
Déchets de l'exploitation pétrolière
Fermentation anaérobie de matières organiques
21
Oxyde nitreux
N2O
Combustion, agriculture (engrais), production de nylon
310
Composants hydrofluorocarbonés
HFC
Réfrigérant
140 – 11700
Composants perfluorocarbonés
PFC
Production d'aluminium, de semi­
conducteurs
6500 ­ 9200
Hexafluorure de soufre
SF6
Isolateurs électriques
23900
Cadre 2: Principaux gaz à effet de serre considérés dans le protocole de Kyoto
Les objectifs définis par le protocole de Kyoto concernent la période allant de 2008 à 2012. Un nouveau cycle de négociations est actuellement en cours afin de préparer l'ère post­Kyoto.
Afin de faciliter l'accomplissement de ces objectifs, le protocole de Kyoto définit trois « mécanismes flexibles » :
– La mise en oeuvre conjointe permet à pays développé d'investir dans un autre pays développé où le coût relatif des technologies de réduction des émissions est inférieur.
– Le marché des droits d'émissions permet aux pays d'obtenir des droits d'émissions sur le marché international. Les pays possédant un surplus peuvent les vendre aux pays dont les objectifs de Kyoto ne sont pas encore atteints.
– Le mécanisme de développement propre est défini à l'article 12 du protocole de Kyoto. Son objectif est double : 1. Permettre aux pays industrialisés de réaliser leurs objectifs de réduction à moindre coût en investissant dans les pays en développement.
2. Contribuer au développement des ces pays par des investissements et des transferts de technologies, sans que ce développement n'entraîne de graves augmentations des émissions.
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3.2 Fonctionnement
Le mécanisme pour un développement propre (MDP) ocrtoie à certains projets de réduction de gaz à effet de serre, des “certificats de réduction d'émissions”. Ces certificats peuvent ensuite être échangés sur le marché international selon la loi de l'offre et de la demande. Lorsqu'ils sont achetés par un état, ils sont pris en compte dans le décompte de ses émissions et participent ainsi à ses objectifs de réduction. Les états concernés par les certificats de réduction sont ceux dont le protocole de Kyoto chiffre les objectifs et qui sont repris dans l'annexe 1 de ce même protocole. Les états bénéficiaire des projets sont tous les états ayant signé le protocole et non repris dans l'annexe I. Le protocole de Kyoto définit 4 conditions d'éligibilité pour les projets MDP : 1. Les deux pays concernés (pays destinataire du projet et pays investisseur) doivent avoir ratifié le protocole de Kyoto.
2. Le projet doit contribuer au développement durable du pays cible. Puisqu'il n'existe pas définition acceptée de tous du développement durable, chaque pays hôte est invité à déterminer par lui­même ses propres objectifs de développement durable à la lumière des ses contraintes et priorités nationales. 3. Le projet doit être approuvé par le pays cible
4. Le projet doit satisfaire au principe d'additionnalité (cfr section 3.5)
Le mécanisme de développement propre peut donc être considéré comme un organe de subsidiation, un marché, et un mécanisme politique. Il constitue un organe de subsidiation dans le sens où il paye les pays en développement pour polluer moins. Il constitue un marché puisque ces subsides sont échangés sur le marché des certificats d'émissions. Il constitue enfin un mécanisme politique en permettant la participation des pays en développement au protocole de Kyoto.
3.3 Acteurs
Les acteurs principaux prenant part au processus allant de l'idée du projet jusqu'à la vente des certificats de réduction d'émissions sont les suivants : 1. L'instigateur du projet : Il peut s'agir d'un organisme, d'un particulier, d'une entreprise ou encore du gouvernement du pays hôte. L'instigateur du projet est celui qui se charge de défendre le dossier devant les diverses autorités compétentes, celui qui réalise le projet, et enfin celui qui sera bénéficiaire des certificats d'émissions.
Il ne peut cependant s'agir d'un organisme étatique d'aide au développement.
2. L'autorité nationale désignée :
Chaque pays hôte se doit de désigner une autorité chargée de la définition du critère « de 9
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développement durable » requis pour que le projet soit accepté. Ce critère est défini pour chaque pays et doit donc s'adapter à la situation particulière du pays en question. L'accord de l'autorité nationale désignée est un pré requis avant la poursuite du processus de validation du projet.
3. Le conseil exécutif : Le conseil exécutif est un organe de la Convention­cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC), elle­même définie dans le cadre des Nation Unies, et ratifiée par 166 pays.
Le conseil exécutif est composé de 10 membres répartis comme suit : un membre de chacun des 5 groupes régionaux des Nation Unies, 2 membres issus des pays définis dans l'annexe I, deux autres membres issus des pays non inclus dans l'annexe I, et un représentant des petites îles en voient de développement (cfr « Accords de Marrakesh », 2002). Le conseil est chargé de superviser la mise en place du MDP, d'enregistrer les projets, et de mettre en place le marché des crédits d'émissions. Il doit en outre publier annuellement un rapport et des statistiques concernant la situation du CDM et du marché des crédits d'émission.
C'est également le conseil exécutif qui gère le « CDM Bazaar », qui est une page web permettant l'échange d'informations, d'opportunités, d'achats et de vente de Certificats d'émissions (CNUCC, 2007)
4. Les entités opérationnelles désignées :
Elles sont désignées par le conseil exécutif pour évaluer la validité des projets et pour en assurer la surveillance et le monitoring. L'entité opérationnelle peut être une entité légale, ou une organisation internationale. Elle doit disposer des compétences requises pour évaluer le bien­fondé du projet.
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Processus de certification d'un projet MDP
« Etape 1 : élaboration du document de projet MDP par ses développeurs Le développeur d’un projet MDP (Etat, entreprise privée ou ONG)) doit remplir un formulaire standard (« Project Design Document ») et le soumettre à l’agrément du Conseil Exécutif. Ce formulaire doit contenir les informations clés suivantes : ● Le scénario de référence des émissions (scénario « business as usual ») : c’est le scénario des émissions futures du pays hôte, dans la sphère d’activité du projet, le plus probable en l’absence de tout projet MDP. Il est établi à partir de méthodologies agréées par le Conseil Exécutif.
● Un plan de surveillance des émissions (donc des réductions) du projet établi en fonction de méthodologies devant être agréées par le Conseil Exécutif ● Une étude d’impact du projet sur l’environnement ● Les commentaires reçus lors de la consultation des parties prenantes9 locales organisée par le développeur du projet Etape 2 : validation du projet par l’Entité Opérationnelle Désignée (EOD) Après évaluation du projet par l’EOD, cette dernière décide de le valider ou non. Lors de cette étape de validation, l’EOD doit rendre public le descriptif du projet et l’ouvrir à commentaires pendant 30 jours. Toute personne concernée ou intéressée par un projet MDP peut apporter ses remarques sur un ou plusieurs aspects du projet. Dans son rapport de validation, transmis au Conseil Exécutif, l’EOD doit indiquer les commentaires reçus et la manière dont elle en a tenu compte. Etape 3 : enregistrement définitif du projet Après examen du rapport de validation, le Conseil Exécutif peut décider d’enregistrer ou non le projet comme projet MDP, au plus tard 8 semaines après sa réception. Cet enregistrement permettra, par la suite la délivrance d’UREC. Etape 4 : Surveillance, Vérification et Délivrance des UREC La vérification des réductions d’émissions du projet est assurée par une autre EOD. Le rapport de surveillance des émissions du projet faite par son développeur et le rapport de vérification de cette EOD doivent être publiés. A la suite du rapport de vérification, le Conseil Exécutif peut délivrer un volume d’UREC équivalent aux réductions d’émissions constatées. Le prélèvement d’une taxe obligatoire de 2% des UREC est prévu, sur chaque projet MDP enregistré pour alimenter un fonds d’adaptation, mis en place par le Protocole de Kyoto. Ce fonds a pour objectif de financer des projets d’adaptation aux changements climatiques, au profit des pays les plus vulnérables. Les projets MDP prévus dans les pays les moins avancés sont exemptés de cette taxe. » Cadre 3: 4 étapes successives du processus de certification d'un projet MDP Source : Balan, 2004
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3.4 Types de projets
Afin d'être éligible, le projet doit entrer dans l'un des secteurs d'activités définis par le MDP : ● Génération d'énergie
● Traitement des déchets
● Industrie
● Secteur résidentiel et tertiaire
● Transports, ● Agriculture
● Secteur forestier. Les projets MDP sont tous ceux qui induisent une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cela inclut les projets d’économie d’énergie, de changement de combustible, d’énergies renouvelables ou encore des projets « puits de carbone » .
Deux restrictions sont prévues par le MDP :
● L'énergie nucléaire n'est pas certifiable
● L'utilisation de « puits de Carbone » est limitée à 1% du total des émissions de gaz à effet de serre évitées.
3.5 Principe d'additionnalité
Le protocole de Kyoto stipule que les réductions d'émission certifiables doivent être « additionnelles » à celles qui auraient eu lieu en l'absence du mécanisme de certification.
Ce concept, bien qu'évident en apparence, est central dans le MDP et soulève un certains nombre de questions et de problèmes. En effet, pour qu'un projet soit accepté, ses instigateurs doivent démontrer que ce projet ne serait pas réalisable sans les certificats de réduction d'émission. Il faut donc démontrer que des barrières financière, culturelles, technologiques, institutionnelles, etc. existent, et que ces barrières peuvent être franchies grâce au MDP.
Il n'existe pas de méthodologie prédéfinie pour démontrer l'additionnalité, chaque projet étant particulier.
Afin d'illustrer le principe d'additionnalité, l'exemple d'une centrale électrique au charbon peut être examiné : Des technologies existent qui permettent d'atteindre un rendement de production électrique de 40 %. Cependant, ces technologies sont trop onéreuses et les investisseurs privilégient généralement des centrales aux technologies éprouvées, moins coûteuses mais moins performantes, dont le rendement maximal est d'environ 35%. Le MDP permet par la vente des certificats d'émissions, de rendre la technologie la plus performante rentable, épargnant ainsi les émissions de CO2 correspondant aux 5% de rendement additionnels.
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Figure 4: Illustration du principe d'additionnalité pour un projet de centrale électrique
4 Le MDP : état des lieux
Le marché des certificats d'émissions est entré en vigueur en 2005. Depuis, le coût de la tonne de CO2 a évolué d'une valeur tournant autour de 2 à 8 €/Teq (tonne équivalent) CO2 à ses débuts pour atteindre une valeur de 16€/Teq CO2 aujourd'hui (source : CarbonPositive, 2008). La Figure 5 montre l'évolution du prix de la tonne d'équivalent CO2 sur le marché des certtificats de rédution d'émissions (CER) et sur le marché européen du Carbone (EUA). Figure 5: Evolution du prix de la tonne de CO2 sur le marché MDP et sur le marché européen
On constate que le coût de la tonne de CO2 sur le marché des CER suit la courbe du coût du CO2 sur le 13
Sylvain Quoilin Le mécanisme de développement propre
marché européen, mais lui est systématiquement inférieure. La valeur du « crédit d'émission » européen tourne autour de 22€ tandis que celle du CER tourne autour de 15€. En guise de comparaison, la région Wallonne, par le mécanisme des certificats verts, ocrtoie un certificat pour 456 kg de CO2 évités. Le coût du certificat vert avoisinant 90 €, on obtient une valeur de 197 €/Teq CO2, soit 13 fois plus que le prix de revient du CER. L'objectif du MDP de permettre aux pays industrialisés de réaliser leurs objectifs de réductions d'émissions à moindre coût prend ici tout son sens.
En 2006, le volume total des certificats de réduction d'émissions était de 450 MTeq CO2, ce qui représente 4 à 5 fois le total des émissions de CO2 d'un pays comme la Belgique, soit 0.9% des émissions d'équivalent CO2 mondiales.
On remarque un important déséquilibre dans les répartitions des certificats de réduction d'émissions (Figure 6) : la chine compte presque la moitié des certificats émis mondialement, tandis que l'ensemble de l'Afrique ne compte que pour 2.67% (source : CDM, 2008) Figure 6: Localisation des projets CDM source : World Bank/IETA
La Figure 7 montre également une large disproportion dans la répartition des projets CDM sur la carte du monde.
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Figure 7: Localisation des projets MDP Source : CDM, 2008
Figure 8: Distribution des project MDP par domaine, Source : CDM, 2008
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La Figure 8 montre la distribution des projets MDP selon le domaine. On remarque qu'une part très importante des projets est réservée au secteur énergétique (plus de 50%), et que le deuxième domaine en importance est celui du traitement des déchets.
La Figure 9 montre la distribution des projets MDP, mais classés cette fois­ci en volume de certificats de réductions d'émissions produits. La part correspondant au traitement des fluides hydrofluorocarbonés et du N2O est particulièrement importante, tandis que celle réservée à la production d'énergie est faible. Cet hiatus entre le nombre de projets de génération d'énergie et le nombre de certificats émis dans ce domaine est dû au faible pouvoir d'effet de serre (global warming potential, GWP) du dioxyde carbone. Les projets de traitement de gaz comme les HFC, le N 2O, ou le méthane dont le GWP atteint des valeurs de 24000 sont en effet beaucoup plus rentables puisque qu'un volume 24000 fois inférieur de gaz doit être traité. Ils produiront donc beaucoup plus de certificats de réduction d'émissions. On remarque cependant une tendance en 2006 à la diminution de la part des projets HFC. Cette diminution est due à des questionnements sur l'opportunité de continuer fournir des crédits pour ce type de projets de la part du conseil exécutif. Cette incertitude a sensiblement refroidi les investisseurs et explique le nombre moindre de projets.
Figure 9: Volume des certificats d'émission par secteur
HFC : fluides hydrofluorocarbonés
N2O : Oxyde nitreux
Hydro, wind, biomass : Production d'énergie et économie de CO2
EE + Fuel S. : Efficacité énergétique et économies de carburant
Animal waste, LFG (Landfill gas), CMM (coal mine methane) : destruction du méthane
Agro­forestry : projets de reboisement
Source : world bank/IETA, 2007
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5 Critiques et limitations du MDP
Depuis sa mise en place en 2005, de nombreuses critiques ont été formulées à l'encontre du MDP. Plusieurs sources relèvent des problèmes récurrents dans le mécanisme d'octroi des crédits. Ces problèmes sont listés ci­dessous. 5.1 La faible part des énergies renouvelables.
Comme indiqué dans la Figure 9, la part des énergies renouvelables et des projets de reforestation est faible dans le total des certificats émis. Comme indiqué plus haut, ce déficit est dû au système d'octroi de certificats, directement proportionnel au GWP du fluide traité. En guise d'exemple, un parc éolien de 50 MW en Inde est estimé à 58 millions de dollars, et peut produire environ 112500 certificats de réduction d'émission (CER) par an (Chintan Shah, 2005). D'autre part, deux installations de traitement des HCF en Chine, financées par la banque mondiale en décembre 2005, génèrent annuellement 19 millions de CER par an. On comprend donc aisément que la technologie de traitement des HCF soit plus rentable que celle des éoliennes. Les projets HCF possèdent ainsi un temps de retour sur investissement inférieur à un an grâce aux CER, ce qui induit un double effet pervers : 1. Les subsides occidentaux sont utilisés pour sur­financer une activité peu coûteuse
2. Les entreprises du sud sont encouragées à continuer la production des fluides HCF, alors que ces fluides ont été interdits dans les pays industrialisés.
Les projets de traitement des gaz permettent en outre de fournir sur le marché un grand nombre de CER, ce qui augmente considérablement l'offre et diminue ainsi mécaniquement le coût de ces CER. Le prix des certificats devient alors insuffisant pour permettre la pérennité des projets de production d'énergie propre (Wara, 2007) (Willis et Al, 2006) (Pearson, 2007).
En plus du problème évoqué ci­dessus, Pablo Del Río (2006) énumère une série de barrières à l'implémentation de projets « renouvelables ». Il cite notamment : ● Les délais d'approbation du projet
● Les difficultés pratiques à évaluer l'additionnalité et à définir le cas « business as usual »
● Le manque de capacité institutionnelle dans le pays hôte à définir les critères « de développement durable »
● Les coûts de recherche et de validation du projet élevés.
● Les risques et incertitudes concernant l'autorisation d'exporter des CER par la législation du pays hôte.
● Le manque d'information et de guidance sur les projets CDM
● Le coût trop bas de CER
● La difficulté d'accès à des financements
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5.2 Les problèmes de répartition
Comme nous l'avons vu à la Figure 7, la répartition des projets MDP est très inéquitable. Nombres de raisons peuvent être invoquées pour expliquer cette constatation. Parmi celles­ci, citons :
● La très faible demande énergétique en Afrique. La demande étant faible, les opportunités d'investissement le sont aussi. Les certificats de réduction d'émission ne peuvent en effet pas à eux seuls se substituer à une demande quasi nulle.
● Beaucoup de pays africains voient dans les MDP un moyen d'attirer l'assistance internationale, plutôt qu'un moyen de d'attirer l'investissement, ce qui est contraire à l'esprit du protocole de Kyoto (Bess, 2005)
● Le manque d'infrastructures rend très difficile la mise en place de projets et leur maintenance. Habtesion et al. (2002) relèvent ainsi un exemple représentatif : En Erythrée, les générateurs électriques au diesel, bien que plus chers que la mise en place d'un réseau électrique, sont préférés à cette dernière solution car les infrastructures permettant l'entretient du réseau sont absentes.
● Le manque de possibilités de financement : Gilaua et Al (2007) montent par exemple, par une étude économique sur l'opportunité d'un projet photovoltaïque hybride en Erythrée, que l'investissement est rentable sans le recours aux CER et permet une économie de CO 2 de 87% par rapport au cas de référence, mais avec un investissement initial beaucoup plus important. Le facteur limitant est ici la difficulté d'accéder au financement, plus que la rentabilité du projet.
● Le manque de main d'oeuvre qualifiée
● Le manque de prise de conscience des opportunités offertes par le MDP
● Le manque de politique énergétique nationale et l'absence d' « autorité nationale désignée »
● L'instabilité politique
Afin de susciter les projets MDP en Afrique, le CNUCC a mis en place le « Nairobi Framework », dont les objectifs sont les suivants :
– Rendre les « Autorité Nationales Désignées » pleinement compétentes et présentes dans chaque pays
– Favoriser la prise de conscience des opportunités offertes par le MDP
– Promouvoir les opportunités d'investissement pour les projets
– Améliorer l'information, l'éducation et la formation aux projets MDP
– Mettre en place un fond d'investissement MDP pour l'Afrique
5.3 L'incertitude post­Kyoto
Une deuxième barrière à la création de projets MDP, et principalement de projets « énergie renouvelable », est l'incertitude relative à l'ère post­Kyoto. En effet, les engagements pris à Kyoto ne portent que sur la période 2008 – 2012. Or, les projets énergétiques ont généralement une durée de vie 18
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de 25 à 30 ans. Les revenus des CER ne sont donc garantis que pour une infime partie de la durée de vie du projet. Le manque de garantie sur les revenus des CER après 2012 décourage ainsi nombre d'investisseurs potentiels (Willis et Al, 2006).
5.4 Absence du MDP dans le secteur des transports
Selon l'IEA, le secteur du transport compte pour 18.4% des émissions de CO 2 mondiales (23.6% dans les pays développés et 16.4% dans les pays en développement). Or, ce secteur ne compte que pour 0.16% des projets MDP, avec seulement 2 projets acceptés, et 6 en cours de validation (CDM, 2008) (Fenhann, 2008).
Le mécanisme de développement propre s'est révélé incapable de promouvoir les projets de transport pour plusieurs raisons. La première est que les émissions de CO2 dues au transport sont hautement dispersées du point de vue des sources d'émissions (les véhicules). La deuxième est qu'il existe peu de substituts aux carburants fossiles. Malgré ces limitations, Zegras (2007) montre par plusieurs exemples que le MDP pourrait agir comme un catalyseur, permettant de créer des « niches » dans le secteur des transports. Il devrait néanmoins être complété par des politiques nationales fortes en matière de transports « propres ».
5.5 Le problème de l'aide au développement officielle
Il arrive que certains projets MDP soient financés par des organismes d'aide officielle au développement, bien que cela soit expressément interdit par les accords de Marrakech. Ainsi, Ricardo Pedraz González (2007) relève que le texte Espagnol « Plan Nacional de asignación de derechos de emisión de gases de efecto invernadero » précise explicitement que « ...los Créditos del Fondo de Ayuda al Desarrollo (...) se pueden destinar a financiar parte de proyectos MDL... » Le fait d'utiliser l'aide officielle au développement pour des projet MDP est bien évidemment tentant pour un état : il peut ainsi obtenir des crédits d'émissions sans dépense supplémentaire. Cela constitue par contre une violation du principe mercantile à la base du MDP.
5.6 La définition du critère de « développement durable »
Comme nous l'avons vu précédemment, le conseil exécutif laisse aux autorités nationales désignées le soin de définir les critères « de développement durable » propres à la situation particulière de leur pays. Rappelons que ici que la vérification de l'adéquation entre le projet et ce critère est un pré requis avant l'introduction du projet au conseil exécutif.
La réalisation de ce critère est essentielle car le bénéfice apporté par les réductions d'émission peut être contrebalancé par des effets collatéraux catastrophiques pour l'environnement et/ou la vie sociale. Ricardo Pedraz González (2007) cite ainsi l'exemple d'un projet de reforestation en Equateur, dont les conséquences étaient clairement négatives : ● Plantation d'arbres non autochtones en monoculture et donc réduction de la biodiversité, et 19
Sylvain Quoilin Le mécanisme de développement propre
●
●
●
destruction d'écosystèmes.
Diminution de la rétention d'eau par le sol
Terres hypothéquées
Conflits communautaires
Certains auteurs considèrent qu'il serait préférable d'énoncer des critères « de développement durable » valables pour tous les pays. Karimanzira (1998) propose ainsi les critères de développement durable suivants, supposés être assez larges pour prendre en compte la réalité de chaque pays, tout en évitant les retombées négatives :
● Pas d'impact environnemental adverse
● Pas d'augmentation de la dette
● Transfert de technologie de pointe
● Promotion de l'efficacité énergétique
● Promotion des énergies renouvelables
● Distribution équitable des bénéfices et des expériences par secteur et région à l'intérieur du pays hôte.
6 La contribution du MDP au développement
Après avoir examiné les impacts environnementaux du MDP, il est bon de s'intéresser à son impact sur le développement, puisqu'il s'agit de l'un de ses objectifs annoncés. Il n'existe pas à notre connaissance d'étude d'impact portant sur un grand nombre de projets MDP et sur leurs retombées. Cependant, on peut s'intéresser à certains types de projet propres au MDP. Pablo del Rio (2007) montre ainsi que le développement des énergies renouvelables peut avoir un impact socio­économique positif sur la région dans laquelle il est développé. Il énumère les avantages potentiels apportés par le projet, et notamment :
● La création d'emplois
● La génération de revenus pour les propriétaires terriens
● La réduction de l'exode rural
● Les connaissances acquises par les populations locales en cas formation de techniciens et de gestionnaires pour l'installation
● L'attrait touristique engendré par le projet (« projet de démonstration »)
● L'utilisation de ressources locales et la création d'activité
● Etc.
Xua et Al, (2007), ont mené une étude sur les conséquences d'un projet de reforestation dans la région sous­développée de Liping en Chine. Les données qu'ils utilisent se basent sur une enquête effectuée en 2004 auprès de 277 ménages de la région. Il ressort de cette enquête que 78% des ménages interrogés ont constaté une amélioration de leur situation économique suite au projet de reforestation. 20
Sylvain Quoilin Le mécanisme de développement propre
Une importante proportion des paysans est passée de l'agriculture à l'activité forestière, augmentant dans le même temps ses revenus grâce aux subsides alloués pour le projet. Xua et al montrent également que le projet a contribué à la transformation sociale de la société traditionnelle rurale en une société plus mobile, plus ouverte, et moins dépendante de l'agriculture.
Dans le cas où le projet permet de fournir de l'énergie (par exemple électrique) à une communauté retirée et non reliée au réseau, il est généralement admis que cette électrification peut améliorer l'éducation des enfants, générer des revenus supplémentaires, et réduire l'exode rural (voir par exemple Shumacher, 1973). Elle peut également jouer un rôle majeur dans le décollage industriel de la région, par exemple en permettant la création d'ateliers d'usinage du métal, qui sont un pré requis à la production d'éléments de machines.
Jones et al (1996) montrent ainsi une bonne corrélation entre le niveau de développement (PNB, taux d'alphabétisation, mortalité infantile, fécondité) et la consommation d'énergie/capita pour 151 pays (Figure 10). Figure 10: Corrélation entre la consommation énergétiques et certains indicateurs de développement Source : Jones et Al, 1996
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Il faut néanmoins garder à l'esprit le traditionnel problème de causalité entre deux variables corrélées: Peut­on affirmer que l'accès à l'énergie permet le développement? Ou au contraire le développement favorise­t­il la consommation d'énergie? Ou bien peut­être existe­t­il une troisième variable induisant les deux effets? La réponse se situe probablement à l'intersection de ces trois propositions. On peut en tout cas affirmer que le développement est concomitant à la consommation énergétique.
Il est nécessaire de nuancer l'affirmation selon laquelle l'accès à l'énergie induit inévitablement un certain développement des activités productives et de la qualité de vie dans une région donnée. Jacobson (2007) étudie par exemple les impacts sociaux de l'électrification rurale par panneau solaires photovoltaïques au Kenya. Ses conclusions sont (1) que des panneaux solaires bénéficient en priorité à la classe moyenne, (2) qu'ils jouent un rôle modeste dans la création d'activités productives et d'activités liées à l'éducation, (3) qu'ils participent principalement à l'expansion de l'utilisation du téléviseur et de l'éclairage artificiel. Le panneau solaire photovoltaïque constitue donc ici un bien de consommation destiné à la classe moyenne avant d'être un investissement productif. Jacobson note cependant que le téléviseur peut participer à une demande accrue pour des bien de consommation et donc à un accroissement de l'activité, et que l'éclairage artificiel peut favoriser l'apprentissage scolaire pour les enfants de la classe moyenne et augmenter ainsi le niveau d'éducation. Le caractère de « contribution au développement » est dans ce cas conditionné par l'utilisation que la population cible fait du système énergétique. La problématique devient donc socio­culturelle et non plus purement économique.
Le transfert de technologie du nord vers le sud est une préoccupation centrale, puisqu'il conditionne la prise en charge par les populations elles­mêmes de leur propre développement.
Dechezlepretre et al (2008) ont effectué une étude empirique qualitative et quantitative des transferts de technologies ayant lieu dans le cadre de 644 projets du MDP. L'étude montre que ces transferts de technologies internationaux ont lieu dans un peu moins de la moitié des projets étudiés. Très peu de projets engendrent des transferts d'équipement uniquement. Ils engendrent plutôt des transferts de connaissance et de compétences, qui permettent aux instigateurs du projet de s'approprier la technologie. Les transferts de technologie concernent principalement deux domaines. Le premier est celui de la destruction des gaz à haut GWP. Le deuxième est celui de l'éolien. Les autres projets comme la production d'électricité à partir de biomasse font plutôt appel à des technologies locales.
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7 Conclusion
Le mécanisme de développement propre est un mécanisme parmi d'autres permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Depuis sa mise en place, environ 1000 projets ont été mis sur pied et approuvés. Ces projets permettent une économie de gaz à effet de serre substantielle, même si leur contribution est infime par rapport aux émissions mondiales.
Plusieurs problèmes ont été relevés durant ces quelques premières années de vie du MDP : ● La répartition des projets dans les monde est très inéquitable, particulièrement pour l'Afrique,
● Les énergies renouvelables et le secteur des transports occupent une place marginale
● Certains projets peuvent induire des effets collatéraux néfastes
● Le principe d'additionnalité semble ardu à définir et à évaluer
● L'aide publique au développement est parfois « détournée » vers des projets MDP
Une critique récurrente et plus générale concerne la philosophie du mécanisme plutôt que sa mise en oeuvre. Le recours au marché dans la prise en charge des objectifs environnementaux est très contesté. Il semble en effet pour le moins ambigu de confier aux comportements individuels égoïstes propres à une économie de marché la gestion d'une vision stratégique globale de lutte contre le réchauffement climatique.
Le marché possède cependant plusieurs avantages non négligeables :
● Il possède la faculté de déterminer les technologies les moins onéreuses en ressources et en moyens humains. Le recours aux ressources non durables et ici découragé par la création d'un coût fictif attribué aux émissions de gaz à effet de serre.
● Le libéralisme constitue l'idéologie dominante dans le monde et le recours au marché s'est généralisé. Toute stratégie de politique volontariste globale et coercitive semble donc très difficile à établir. Le marché globalisé constitue ici un moyen pragmatique pour introduire les objectifs de Kyoto dans le champ du développement.
Le marché semble donc être un moyen relativement efficace, principalement au niveau de l'allocation des ressources. Il doit cependant être régulé et contrôlé par des normes fortes, notamment en matière d'objectifs environnementaux et sociaux.
Enfin, le potentiel de développement et/ou d'industrialisation induits par un accès accru aux sources d'énergie est manifeste, même si certains exemples montrent qu'il doit être nuancé et qu'il ne s'agit pas d'un lien de cause à effet mécanique.
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Le mécanisme de développement propre possède donc un important potentiel de développement et sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique pourrait croître fortement dans les année à vernir. Il faudra cependant veiller à résoudre les différents problèmes relevés plus haut :
● Un système doit être mis en place afin de décourager les projets de destruction de gaz à haut GWP. Ce système peut être défini soit au niveau du conseil exécutif, soit au niveau des autorités nationales désignées (comme cela s'est fait en Chine). Un facteur de correction du GWP pourrait par exemple être appliqué à ces fluides, afin d'en diminuer l'avantage comparatif. Une autre solution consisterait à retirer purement et simplement ces gaz de la liste des gaz subsidiables.
● Une décision doit être prise dès que possible afin d'assurer l'après Kyoto. Les projets MDP doivent en effet pouvoir s'assurer des revenus des CER après 2012.
● Le principe d'additionnalité doit être clarifié et/ou simplifié. De nombreux projets sont en effet découragés par le flou existant quant à la définition de ce concept, et il est parfois très difficile de démontrer l'additionnalité d'un projet.
● De gros efforts d'information, de sensibilisation et d'investissements doivent être effectués vis­à­
vis des pays africains. Le nombre de projets MDP y est en effet marginal. Les autorités nationales désignées de ces pays, trop faibles ou absentes doivent également être épaulées et le critère « développement durable » doit être clairement défini en fonction des besoin de chaque pays.
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