Joan Miró Joan Miró photographié par Carl van Vechten le 13 juin

Transcription

Joan Miró Joan Miró photographié par Carl van Vechten le 13 juin
Joan Miró
Joan Miró photographié par Carl van Vechten le 13 juin 1935, à Barcelone.
Naissance
Décès
20 avril 1893
Barcelone,
Catalogne,
Espagne
25 décembre 1983 (89 ans)
Palma de Majorque, Baléares, Espagne
Mouvement(s) Surréalisme, influences du dadaïsme, cubisme et fauvisme
Maîtres
Modest Urgell, Josep Pasco
Élèves
Arshile Gorky
Distinctions
Prix de l’imprimé à la Biennale de Venise (1954).
Joan Miró i Ferrà, plus connu sous le nom de Joan Miró est un peintre, sculpteur, graveur et céramiste catalan. C'est l'un des principaux représentants du
mouvement surréaliste. Il est né le 20 avril 1893 à Barcelone et décède à Palma de Majorque le 25 décembre 1983. Son œuvre reflète son attrait pour le subconscient,
pour « l'esprit enfantin », et pour son pays. À ses débuts, il montre de fortes influences fauvistes, cubistes et expressionnistes, avant d'évoluer vers une peinture plane
avec un certain côté naïf. Le tableau intitulé La ferme, peint en 1920, est l'une des toiles les plus connues de cette époque.
À partir de son départ pour Paris, son œuvre devient plus onirique, ce qui correspond aux grandes lignes du mouvement surréaliste auquel il adhèreDans de nombreux
entretiens et écrits des années 1930, Miró manifeste son désir d'abandonner les méthodes conventionnelles de la peinture, pour — selon ses propres dires — « les tuer,
les assassiner ou les violer », et favoriser ainsi une forme d'expression contemporaine. Il ne veut aucunement se plier aux exigences ni à l'esthétique de ces méthode,
pas même dans sa démarche vers le surréalisme.
L'un de ses plus grands projets est la création à Barcelone de la « Fondation Miró » en 1975. C'est un centre culturel et artistique dévolu à la présentation des nouvelles
tendances de l'art contemporain. Elle est initialement alimentée par un important fond offert par le maître. D'autres lieux possèdent d'importantes collections d'œuvres
de Miró : la Fondation Pilar et Joan Miró de Palma de Majorque, le Musée national d'art moderne de Paris et le Museum of Modern Art de New York.
Personnages fantastiques au quartier de La Défense à Paris en 1978.
Joan Miró est né en 1893 dans un passage proche de la plaça Reial de Barcelone. Son père, Miquel Miró i Adzeries, est le fils d'un forgeron de Cornudella et tient une
bijouterie-horlogerie. Il rencontre dans ce village Dolorès Ferrà i Oromí, la fille d'un ébéniste de Majorque avec laquelle il se marie. Le couple s'établit dans la rue du
crédit à Barcelone où naissent leurs deux enfants, Joan et Dolorès
Joan épouse Pilar Juncosa à Palma de Majorque le 12 octobre 1929 et s'installe à Paris dans un local suffisamment grand pour accueillir l'appartement du couple et
l'atelier du peintre. Le 17 juillet 1931 nait la fille unique du couple. À la fin du contrat avec son marchand d'art Pierre Loeb, Miró décide de rentrer avec sa famille à
Barcelone. Il fait plusieurs séjours à Majorque et à Mont-roig del Camp. En 1936, il se trouve dans ce village lorsqu'éclate la guerre civile espagnole. Il se rend à Paris
en novembre pour une exposition. Les évènements en Espagne le dissuadent de rentrer. Sa femme et sa fille le rejoignent ensuite.
Peu avant le début de la seconde guerre mondiale, l'ambiance parisienne est tendue. Miró fait un séjour à Varengeville-sur-Mer sur la côte normande, dans une villa
offerte par son ami l'architecte Paul Nelson. Le village proche de la nature lui rappelle les paysages de Majorque et de Mont-roig. Il décide de s'y installer et y achète
une maison. Au printemps 1940, ses amis quittent peu à peu Varengéville. Le couple rentre en Catalogne avant de déménager à Majorque, lieu où, selon Miró, il était
« seulement le mari de Pilar ». Il retourne à Barcelone en 1942[Malet 2].
Miró meurt à Palma de Majorque le 25 décembre 1983 et est enterré au cimetière de Montjuic de Barcelone.
Études
Femme Bouteille (Parc Culturel Viera y Clavijo à Santa Cruz de Tenerife).
Miró respecte le vœu de son père et commence par étudier le commerce pour avoir une bonne formation et réussir à être « quelqu'un dans la vie ». Le père de Joan
accepte la volonté de son fils de s'inscrire à l'école de dessin de la Llotja en tant que passe-temps. Joan y suit des cours du soir[Malet 3]. Il y reçoit les cours de deux
maîtres : Modest Urgell et Josep Pasco. Les dessins de 1907 conservés à la Fondation Miró sont empreints de l'influence du premier. D'autres dessins du maître
exécutés peu avant sa mort portent la mention « en souvenir de Modest Urgell » et résument la profonde affection de Miró envers son professeur.
Il reste également des dessins de l'époque où Miró reçoit les cours de Josep Pascó, professeur d'arts décoratifs de l'époque moderniste. On y trouve par exemple les
dessins d'un paon et d'un serpent. Miró apprend de ce professeur la simplicité de l'expression et les tendances artistiques à la mode.
À dix-sept ans, Miró termine ses études de commerce et commence à travailler durant deux ans comme employé d'une droguerie, jusqu'à ce qu'en 1911 il contracte le
typhus et soit obligé de se retirer dans une maison de famille à Mont-roig del Camp. Il rentre à Barcelone avec la ferme résolution d'être peintre. Malgré des réticences,
son père appuie sa vocation. Il intègre l'académie d'art dirigée par Francesc d'Assís Galí i Fabra où il découvre les dernières tendances artistiques européennes. Il
assiste à ses cours jusqu'à la fermeture du centre en 1915. En parallèle, Miró suit les cours du Cercle artistique de Saint-Luc où il apprend le dessin d'après nature. Il y
rencontre Josep Francesc Ràfols, Sebastià Gasch, Enric Cristòfor Ricart et Josep Llorens i Artigas avec qui il constitue le groupe artistique intitulé « Groupe
Courbet », qui se fait connaître le 28 février 1918 en apparaissant dans une publicité dénommée « la publicité »[1].
Premières expositions
Bronze intitulé Grande maternité (San Francisco).
Les galeries Dalmau de Barcelone accueillent la première exposition individuelle de Joan Miró du 16 février au 3 mars 1918. Elle regroupe soixante-quatorze œuvres,
paysages, natures mortes et portraits. Ces premières peintures dénotent une influence claire de la tendance postimpressionniste française, du fauvisme et du cubisme.
Les toiles de 1917 Ciurana, le village et Ciurana, l'église montrent une proximité avec les couleurs de Van Gogh et les paysages de Cézanne, le tout renforcé par une
palette sombre. L'une des toiles de cette époque qui attire le plus l'attention est Nord-Sud, du nom d'une revue française de 1917 dans laquelle Pierre Reverdy écrit à
propos du cubisme. Dans cette œuvre, Miró mêle des traits de Cézanne avec des symboles peints à la façon des cubistes Juan Gris et Pablo Picasso. La toile Portrait
de V. Nubiola annonce la fusion du cubisme avec d'agressives couleurs fauves.
Durant ce même printemps 1917, Miró expose au Cercle artistique de Saint-Luc avec les membres du « Groupe Courbet ».
Miró continue pendant des années à passer ses étés à Mont-roig, comme il en avait l'habitude. Il abandonne là-bas les couleurs et les formes dures utilisées jusqu'alors
pour les remplacer par d'autres plus subtiles. Il explique cette démarche dans une lettre du 16 juillet 1918 à son ami Ricart :
« Pas de simplifications ni d’abstractions. En ce moment je ne m’intéresse qu’à la calligraphie d’un arbre ou d’un toit, feuille par feuille, branche
par branche, herbe par herbe, tuile par tuile. Ceci ne veut pas dire que ces paysages deviendront cubistes ou rageusement synthétiques. Après, on
verra. Ce que je me propose de faire est de travailler longtemps sur les toiles et de les achever autant que possible. À la fin de la saison et après
avoir tant travaillé, peu importe si j'ai peu de toiles. L'hiver prochain, messieurs les critiques continueront à dire que je persiste dans ma
désorientation. »
Dans les paysages peints à cette époque on observe l'archétype d'un vocabulaire nouveau fait d'iconographie et de symboles méticuleusement sélectionnés et organisés
de façon à être l'agent structurant du dessin. Par exemple, dans les Vignes et oliviers de Mont-roig, on voit les racines qui sont dessinées sous la terre, complètement
individualisées pour représenter une connexion physique avec la terre.
La ferme
De 1921 à 1922, Miró travaille sur La ferme qui est l'œuvre principale de cette époque dite « détailliste ». La relation mythique maintenue par le maître avec la terre
est résumée par cette toile qui représente la ferme de sa famille de Mont-roig. Il sépare le graphisme au caractère ingénu et réaliste des objets, les animaux
domestiques, les plantes avec lesquelles l'être humain travaille, et les objets quotidiens de l'homme. Tout est étudié dans le moindre détail dans ce qu'on appelle la
« calligraphie miróniène » et qui est le point de départ du surréalisme de Miró dans les années suivantes.
Une fois cette toile achevée à Paris, l'auteur entreprend de la vendre pour des motifs économique. Léonce Rosenberg, qui s'occupe des toiles de Pablo Picasso, accepte
de la prendre en dépôt. Après quelques temps, et devant l'insistance de Miró pour la vendre, il propose au peintre de partager l'œuvre en toiles plus petites pour faciliter
sa commercialisation. Miró furieux récupère la peinture à son atelier avant de la confier à Jacques Viot de la galerie Pierre. Celui-ci la vend à l'écrivain américain
Ernest Hemingway pour 5 000 francs
Miró et le Surréalisme
Oiseau lunaire Madrid (1968).
À Paris, Miró s'installe dans l'atelier de Paul Gagallo et entre en contact avec des artistes des courants dadaïste et surréaliste, dont le poète français André Breton qui
affirme que Miró est « le plus surréaliste d'entre nous »
Durant cette période, le maître abandonne son style détailliste. Il travaille à la synthèse des éléments magiques déjà présents dans ses travaux antérieurs. Miró trouve
dans l'inconscient et dans l'onirisme — matériaux offerts par les techniques surréalistes — l'inspiration de ses futures œuvres. On peut découvrir ces tendances dans Le
champ de Llaurat. C'est une allusion à La ferme dans laquelle sont ajoutés des éléments surréalistes tels qu'un œil et une oreille à côté d'un arbre. À la même époque,
on note le synthétisme de la description du personnage de la toile Tête fumante
Du 12 au 27 juin 1925 a lieu une exposition à la galerie Pierre où Miró présente 16 peintures et 15 dessins. Tous les représentants du groupe surréaliste signent une
invitation à l'exposition. Fait rare à cette époque, l'inauguration a lieu à minuit, pendant qu'à l'extérieur, un orchestre invité par Picasso joue une sardane. Des files
d'attente se forment à l'entrée. Les ventes et les critiques sont très favorables à Miró.
En 1926, Joan Miró collabore avec Max Ernst pour la pièce Roméo et Juliette de Sergei Diaghilev par les ballets Russes. La première a lieu le 4 mai 1926 à
Montecarlo et est jouée le 18 mai au théâtre Sarah Bernhardt de Paris. La rumeur court que la pièce altère les pensées des surréalistes et des communistes. Un
mouvement se développe pour le boycott du « bourgeois » Diaghilev et des « traitres » Ernst et Miró. La première représentation se fait sous les sifflets, une pluie de
feuilles rouges ; Louis Aragon et André Breton signent un texte de protestation contre la pièce. Cependant, les faits s'arrêtent là, et peu après la revue La Révolution
Surréaliste éditée par Breton continue à publier les œuvres des artistes.
Carnaval d'Arlequin
Sculpture de Joan Miró au musée Hakone de Tokyo.
Une des plus intéressantes peintures de cette période est sans doute le Carnaval d'Arlequin (1925). C'est une toile totalement surréaliste qui obtient un grand succès à
l'exposition collective « Peinture surréaliste » de la galerie Pierre (Paris). Elle est exposée à côté d'œuvres de Giorgio de Chirico, Paul Klee, Man Ray, Pablo Picasso et
Max Ernst.
Cette peinture est considérée comme étant l'apogée de la période surréaliste de Joan Miró. Réalisée de 1924 à 1925, le maître l'exécute à une époque de sa vie
économiquement difficile où il souffre, entre autre, de pénurie alimentaire et à laquelle le thème de l'œuvre est lié :
« J'ai essayé de traduire les hallucinations que la faim produisait. Je ne peignais pas ce que je voyais en rêve, comme diraient aujourd'hui Breton et
les siens, mais ce que la faim produisait : une forme de transe ressemblant à ce que ressentent les orientaux »
— Joan Miró
Les personnages principaux de la composition picturale sont un automate qui joue de la guitare et un arlequin avec de grandes moustaches. On note également de
nombreux détails d'imagination répartis sur toute la toile : un oiseau aux ailes bleues sorties d'un œuf, un couple de chats jouant avec une pelote de laine, un poisson
volant, un insecte qui sort d'un dé, une échelle avec une grande oreille, et, sur la partie supérieur droite, on voit au travers d'une fenêtre une forme conique supposée
représenter la tour Eiffel.
En 1938, Miró écrit un petit texte poétique sur cette toile : « Les écheveaux de fils défaits par les chats vêtus en arlequin s'enroulent et en poignardant mes
entrailles... ». La toile se trouve actuellement dans la collection Allbright-Knox Art Gallery à Buffalo (États-Unis).
Intérieurs hollandais
Miró réalise pour la première fois en 1927 une illustration pour le livre Gertrudis, du poète espagnol Josep Vicenç Foix. Il déménage dans un studio plus grand, rue
Tourlague où il y retrouve certains de ses amis, tels Max Ernst et Paul Éluard, et rencontre Pierre Bonnard, René Magritte et Jean Arp. Il s'initie au jeu du « cadavre
exquis » surréaliste. En 1928, Miró se rend en Belgique et en Hollande et visite les principaux musées de ces pays. Il est impressionné par Vermeer et les peintres du
XVIIIe siècle siècle. L'artiste achète des cartes postales colorées de ces toiles. Lors de son retour à Paris, Miró travaille sur une série connue sous le nom d’Intérieurs
hollandais. Il réalise de nombreux dessins et ébauches avant de peindre son Intérieur hollandais I, inspirée du Joueur de luth d'Hendrick Martensz Sorgh, puis
Intérieur hollandais II d'après Jan Havicksz Steen. Dans cette série Miró abandonne la peinture de ses rêves surréalistes. Il utilise des espaces vides aux graphismes
soignés et renoue avec la perspective et les formes analysées.
La série des Portraits imaginaires peinte entre 1928 et 1929 est très similaire aux Intérieurs hollandais. L'artiste prend également pour point de départ des peintures
déjà existantes. Ses toiles Portrait de madame Mills en 1750, Portrait de femme en 1820, La Fornarina sont clairement inspirées des toiles homonymes de George
Engleheart, John Constable et Raphaël respectivement.
La quatrième toile de la série provient d'une publicité pour un moteur Diesel. Miró réalise une métamorphose de la réclame qu'il termine en figure féminine nommée
La reine Louise de Prusse. Il se sert dans ce cas de la toile non pour réinterpréter une œuvre existante, mais comme point de départ d'une analyse des formes pures qui
s'achève avec les personnages miróniens. L'évolution du procédé au fil des peintures peut être développée par une analyse des ébauches conservées à la Fondation
Miró et au Museum of Modern Art.
Rupture avec le surréalisme et « assassinat » de la peinture
Personnage gothique (Palma de Majorque).
De 1928 à 1930, les dissensions dans le groupe des surréalistes se font chaque fois plus évidentes, non seulement du point de vue artistique, mais également du point
de vue politique. Miró prend peu à peu ses distances avec le mouvement. Bien qu'il en accepte les principes esthétiques, il s'éloigne des manifestations et évènements.
À ce titre, une réunion du groupe surréaliste au Bar du château le 11 mars 1929 est particulièrement notable. Alors qu'à cette date Breton est déjà adhérent au parti
communiste, la discussion s'ouvre autour du destin de Léon Trotsky mais évolue rapidement et oblige chacun des participants à clarifier ses positions[Raillard 3].
Certains s'opposent à une action commune basée sur un programme de Breton. Parmi eux on compte Miró, Michel Leiris, Georges Bataille et André Masson.
Entre la position de Karl Marx d'un côté, qui propose de « transformer le monde » par la politique, et d'un autre côté celle de Rimbaud qui est de « changer de vie » par
la poésie, Miró choisi la seconde. Il veut lutter avec la peinture.
Georges Hugnet explique que Miró ne peut se défendre qu'avec sa propre arme, la peinture : « Oui, Miró a voulut assassiner la peinture, il l'a assassiné avec des
moyens plastiques, par un art plastique qui est l'un des plus expressif de notre temps. Il l'a assassiné, peut-être, parce qu'il ne voulait pas s'astreindre a ses exigences, à
ses esthétiques, à un programme trop étroit pour donner vie a ses aspirations ».
Dès lors, Miró dessine et travaille intensément sur une nouvelle technique, le collage. Il ne la travaille pas comme l'ont fait les cubistes en coupant le papier
délicatement et en le fixant à un support. Les formes de Miró sont sans précision, il laisse déborder les morceaux du support et les unis entre eux par des graphismes.
Cette recherche n'est pas inutile et lui ouvre les portes des sculptures sur lesquelles il travaille à partir de 1930.
Cette année-là, il expose à la galerie Pierre des sculptures-objets et réalise bientôt sa première exposition individuelle à New York, avec des peintures des années
1926-1929. Il travaille à ses premières lithographies pour le livre L'Arbre des voyageurs de Tristan Tzara. Pendant l'été 1930 il commence une série nommée
Constructions, suite logique de celle des Collages. Les compositions sont faites à partir de formes élémentaires, cercles et carrés de bois posées sur un support —
généralement de bois — ainsi que le collage de clefs qui renforcent les lignes du cadre]. Ces pièces sont d'abord exposées à Paris.
Après que la chorégraphe Leonide Massine ait vu cette série, elle demande à Miró de réaliser la décoration, les vêtements et divers objets pour son ballet Jeux
d'enfants. Le peintre accepte et part à Montecarlo au début de l'année 1932. Les décors sont faits à partir de volumes et de divers objets dotés de mouvement. La
première a lieu le 14 avril 1932 et rencontre un grand succès. La pièce est ensuite jouée à Paris, à New York, à Londres et à Barcelone
Mosaïque de Miró sur La Rambla (Barcelone).
À partir de janvier 1932, Miró rentourne à Barcelone tout en continuant de faire des voyages fréquents à Paris. Il prend part à l'Associació d'amics de l'Art Nou
(« Association d'amis de l'Art Nouveau ») avec des personnes telles que Joan Prats, Joaquim Gomis et l'architecte Josep Lluís Sert. L'association a pour objectif de
faire connaître les nouvelles tendances artistiques internationales et de promouvoir l'avant-gardisme catalan. Elle réalise de nombreuses expositions à Barcelone, Paris,
Londres, New-York et Berlin, dont profite naturellement le maître.
Miró continue ses recherches et crée les Dix-huit peintures selon un collage à partir d'images extraites de publicités de revues. Il en fait plus tard le commentaire
suivant :
« J'étais habitué à couper dans des journaux des formes irrégulières et à les coller sur des feuilles de papier. Jour après jour j'ai accumulé ces
formes. Une fois fait, les collages me servent comme point de départ pour des peintures. Je ne copiais pas les collages. Simplement je les laissais
me suggérer des formes[12] »
L'artiste crée de nouveaux personnages qui portent une expression dramatique dans une parfaite symbiose entre les signes et les visages. Les fonds sont généralement
sombres, peints sur papier épais, comme on peut le voir sur la toile Homme et femme face à une montagne d'excréments (1935), Femme et chien face à la lune (1936).
Ces toiles reflètent probablement les sentiments de l'artiste peu avant la guerre civile espagnole et la seconde guerre mondiale.
Nature morte au vieux soulier
Au mois de novembre 1936, Miró se rend à Paris pour une exposition qui y est programmée. Avec le drame de la guerre d'Espagne, il ressent la nécessité de peindre
de nouveau « d'après nature ». Dans sa toile Nature morte au vieux soulier il y a mise en relation entre la chaussure et le reste d'un repas sur une table, le verre, la
fourchette et un morceau de pain. Le traitement des couleurs participe à un effet de la plus grande agressivité avec des tons acides et violents. Sur cette toile, la
peinture n'est pas plane comme sur des œuvres antérieures, mais en relief. Elle donne une profondeur aux formes des objets. Cette toile est considérée comme une
pièce clef de cette période réaliste. Miró indique avoir réalisé cette composition en pensant aux Chaussures de paysan de Van Gogh, peintre qu'il admire.
Pavillon de Paris en 1937
Après avoir réalisé l'affiche Aidez l'Espagne pour l'édition d'un timbre postal destiné à aider le gouvernement républicain espagnol, Miró se charge de peindre des
œuvres de grandes dimensions pour le pavillon de la seconde république espagnole à l'exposition internationale de Paris de 1937 qui est inaugurée au mois de juillet.
Le pavillon accueille également des pièces d'autres artistes : Guernica de Pablo Picasso, la Source de mercure de Julio González, la sculpture Montserrat d'Alberto
Sánchez et enfin une œuvre érotique Le peuple espagnol a un chemin qui conduit à une étoile.
Miró quant à lui sculpte El segador (le moissonneur), un paysan catalan représenté avec une faux au poing, symbole d'un peuple en lutte clairement inspiré du chant
national catalan Els segadors (les moissonneurs). L’œuvre disparaît à la fin de l'exposition lorsque le pavillon est démonté. Il n'en reste que des photographies en noir
et blanc[Malet 12]. À cette époque, Balthus peint un portrait de Miró accompagné de sa fille Dolorès.
Constellations
De 1940 à 1941, Miró demeure à Varengéville-sur-Mer sur la côte de Normandie. Le ciel du village l'inspire, et il commence à peindre une série de 23 petites toiles
dont le titre générique est Constellations. Elles sont réalisées sur un support de papier de 38x46 cm que l'artiste imbibe d'essence et frotte jusqu'à obtenir une texture
rugueuse. Il ajoute alors la couleur en conservant une certaine transparence pour obtenir l'aspect final désiré. Sur cette couleur de fond, Miró dessine avec des couleurs
très pures pour créer le contraste.
L'iconographie des Constellations veut représenter l'ordre cosmique : les étoiles font référence au monde céleste, les personnages symbolisent la terre et les oiseaux
sont l'union des deux. Ces peintures intègrent parfaitement les motifs et le fond.
Plus tard, en 1958, Miró publie un livre également nommé Constellations. Cette édition tirée à peu d'exemplaires contient la reproduction de deux poèmes : Vingtdeux eaux de Miró et de Vingt-deux proses parallèles, d'André Breton.
À partir de 1960, l'artiste entre dans une nouvelle étape de sa vie artistique qui reflète son aisance dans le graphisme. Il dessine avec une spontanéité proche du style
enfantin. Les traits épais sont faits avec de la couleur noire, et ses toiles sont pleines de peintures et d'esquisses qui rappellent toujours les mêmes thèmes : la terre, le
ciel, les oiseaux et la femme. Il utilise en général des couleurs primaires.
Monochromes
Si de 1955 à 1959 Miró se consacre entièrement à la céramique, en 1960, il recommence à peindre. La série sur fond blanc et le triptyque Bleu I, puis Bleu II et Bleu
III datent de 1961. Ces toiles presque entièrement bleu monochrome rappellent par certains aspects les peintures d'Yves Klein. Après avoir réalisé un fond bleu, Miró
contrôle l'espace de couleur avec des signes minimalistes : lignes, points et coups de pinceau de couleurs appliqués avec la prudence « du geste d'un archer japonais »
pour reprendre les mots de l'artisteCes tableaux ressemblent à ceux de 1925, lorsqu'il peint la série de monochromes Danseuses I et II. Il résume son attitude par la
phrase suivante :
« Il est important pour moi d'arriver à un maximum d'intensité avec un minimum de moyens. D'où l'importance grandissante du vide dans mes
tableaux »
— Joan Miró
Autres techniques
Céramiques
Miró commence en 1944 une collaboration avec son ami d'adolescence Josep Llorens i Artigas pour la production de céramiques. Il mène des recherches sur la
composition des pâtes, des terres, des émaux et des couleurs. Les formes des céramiques populaires sont pour lui une source d'inspiration. Il y a peu de différence entre
ces premières céramiques et les peintures et lithographies de la même époque. En 1947, l'artiste se rend durant huit mois à New York où il réalise un mur de peinture
de 3x10 mètres destiné au restaurant de l'hôtel Cincinnati Terrace Hilton, puis illustre le livre L'antitête de Tristan Tzara. Plus tard, de retour à Barcelone, il reçoit
l'aide du fils de Josep Llorens, Joan Llorenç. Miró passe ses étés dans le mas-atelier de la famille Llorens à Gallifa. Les deux compagnons font tous types d'essais de
cuisson et de fabrication d'émaux. Le résultat est une collection de 232 œuvres qui sont exposées en juin 1956 à la galerie Maeght de Paris puis à la galerie Pierre
Matisse de New York.
Mur de céramiques au Wilhelm-Hack-Museum de Ludwigshafen (1971)
Miró déménage durant l'année 1956 à Mallorca où il dispose d'un grand atelier conçu par son ami Josep Lluís Sert. C'est à cette époque qu'il reçoit la commande de
deux murs de céramiques pour le siège de l'UNESCO à Paris. Ceux-ci mesurent respectivement 3x15 mètres et 3x7,5 mètres et sont inaugurés en 1958. Bien que Miró
ait déjà travaillé avec de grands formats, il ne l'avait jamais fait en utilisant des céramiques. Au côté du céramiste Josep Llorens, il développe au maximum les
techniques de cuisson pour réaliser un fond dont les couleurs et textures ressemblent à ses peintures de la même époque. La composition doit avoir pour thème le soleil
et la lune. Selon les paroles de Miró « ... l'idée d'un grand disque rouge intense s'impose pour le mur le plus grand. Sa réplique sur le mur plus petit serait un quart de
croissant bleu, imposé par l'espace plus petit, plus intime, pour lequel il est prévu. Ces deux formes que je voulais très colorées, il fallait les renforcer par un travail en
relief. Certains éléments de la construction, comme maintenant la forme des fenêtres, m'ont inspiré des compositions en écailles et les formes des personnages. J'ai
cherché une expression brutale sur le grand mur, une suggestion poétique sur le petit ».
Sculpture
Femme et oiseau Barcelone (1983)
En 1946, il travaille sur des sculptures destinées à être coulées dans du bronze. Certaines doivent être peintes de couleurs vives. Dans le domaine de la sculpture, Miró
est intéressé par la recherche des volumes et des espaces. Il cherche également à incorporer des objets du quotidien, ou simplement des objets trouvés : pierres, racines,
couverts, tricornes, clefs. Il fond sur ces compositions de la cire perdue de telle manière que le sens des objets identifiables se perde par l'association avec les autres
éléments. En 1967, il produit la montre du temps, œuvre créée à partir d'une couche de carton et d'une cuillère, fondus en un bronze et unies dans un ensemble qui
constitue un objet sculpté qui mesure seulement l'intensité du vent.
Il construit en collaboration avec Josep Llorens la déesse de la mer, une grande sculpture de céramique qu'ils immergent à Juan-les-Pins. En 1972, Miro expose ses
sculptures au Walker Art Center de Minneapolis, au musée d'art de Cleveland et à l'institut d'art de Chicago. À partir de 1965 il produit une grande quantité de
sculptures pour la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence. Les œuvres les plus notables sont oiseau de lune, lézard, déesse, fourchette et femme au cheveux
emmêlés.
En avril 1981, Miró inaugure à Chicago une sculpture monumentale de 12 mètres connue sous le nom de Miss Chicago, le 6 novembre, deux autres bronzes sont
installées dans la ville de Palma de Mallorca. L'année suivante la ville de Houston dévoile personnage et oiseau
Cette même année 1982, en collaboration avec Joan Gardy Artigas, l'artiste réalise sa dernière sculpture qui est destinée à la ville de Barcelone. Elle est faite de béton
et couverte de céramique. L'état de santé chancelant de Miró l'empêche de participer à la cérémonie d'inauguration en 1983. Située dans le parc Joan Miró de
Barcelone près d'un étang artificiel, l'œuvre de 22 mètres de haut représente une forme féminine surmontée de l'image d'un oiseau. La silhouette de femme se termine
par une grande feuille évidée. L'extérieur est couvert de céramique dans les tons les plus classiques de l'artiste : le rouge, le jaune, le vert et le bleu. Les céramiques
forment des mosaïques[16].
Gravures
Miró a toujours été intéressé par la gravure et par la lithographie. Durant ses dernières années il s'investit beaucoup dans ces domaines. En 1947, pendant son voyage à
New York, le maître travaille un certain temps à l’atelier 17, dirigé par Hayter. Il développe là-bas ses connaissances sur les techniques de chalcographie. Durant ces
quelques mois à New York, il produit les planches pour Le Désespéranto, l'un des trois volumes de l'ouvrage L'antitête de Tristan Tzara. L'année suivant il collabore à
un nouveau livre du même auteur, Parler seul, et réalise 72 lithographies de couleur.
À partir de ces travaux, Miró participe avec certains de ses amis poètes à plusieurs publications. C'est notamment le cas pour les ouvrages de Breton Anthologie de
l'humour noir (1950) et La clé des champs (1953) ; pour René Char Fête des arbres et du chasseur et À la santé du serpent ; pour Michel Leiris a Bagatelles végétales
(1956) ; et pour Paul Éluard, À toute épreuve qui contient quatre-vingt gravures sur bois de buis. La réalisation de ces gravures dure de 1947 à 1958.
Du 9 juin au 27 septembre 1969 Miró expose ses gravures à Genève dans « Œuvres gravées et lithographiées » à la galerie Gérald Cramer. Cette même année a lieu
une grande rétrospective de ses œuvres graphiques au Norton Simon Museum (Californie).
Sources d'inspiration
Deux infinis
Une fois assimilés les principaux courants artistiques de son époque entre 1916 et 1918, Miró met en place progressivement les éléments qui forment son langage
« détailliste » où il accorde la même importance aux petits éléments et aux macros éléments. Pour reprendre ses mots : « Un brin d’herbe est aussi gracieux qu’un
arbre ou une montagne"
Après avoir détaillé ses toiles jusqu'aux racines des plantes, Miró s'attache à représenter les grands espaces. Si dans les années 1920 son œuvre fait penser à la mer, ses
toiles des années 1970 évoquent le ciel qui reflète l'évolution de son rapport au monde « je suis bouleversé quand je vois dans un ciel immense, le croissant de la lune
ou le soleil. Il y a d’ailleurs, dans mes tableaux, de toutes petites formes dans des grands espaces vides. »
Corps féminins
La femme, les rapports hommes femmes et l'érotisme sont une autre source majeure d'inspiration du maître. Leurs représentations sont abondantes dans l'œuvre de
Miró, tant dans les peintures que dans les sculptures. Cependant, il ne s'attache pas à la description canonique des corps, mais tente de les représenter de l'intérieur.
En 1923, la fermière succède à la ferme peinte un an plus tôt. L'année suivante, il suggère la féminité par la grâce des lignes dans la baigneuse, alors que dans le corps
de ma brune la toile elle même évoque la femme aimée.
Catalogne
Pour Miró la Catalogne, et notamment la ferme parentale de Montroig est le lieu par excellence de son art. Il séjourne la moitié de l'année dans ce village. Il y puise
son inspiration, des sensations et des souvenirs, sa relation à la vie et à la mort. La végétation, le climat aride, les ciels étoilés ainsi que les personnages des campagnes
se retrouvent dans ses créations. La ferme et le catalan sont sans doute les toiles les plus importantes de cet aspect de l'œuvre mironienne.
La figure du Le toréador, est à ce titre l'une des plus énigmatiques. La toile prolonge aux confins de l'abstraction la série sur le paysan catalan (1925-1927) par une
figure éminemment espagnole où le rouge en face de la muleta évoque plus la barretina du paysan catalan que le sang du taureau

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