Brunschvicg et l`histoire de la philosophie « occidentale

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Brunschvicg et l`histoire de la philosophie « occidentale
Brunschvicg et l’histoire de la philosophie « occidentale »
Tomokazu BABA
(Research Fellow of the Japan Society for the Promotion of Science)
Grand néo-kantien, historien de la philosophie et de la mathématique, éditeur des
œuvres de Pascal, et, selon Paul Nizan, représentatif des « chiens de la garde de la Sorbonne »,
Léon Brunschvicg semble avoir attiré peu d’attention de commentateurs de Levinas. Pourtant,
celui-ci a consacré deux articles (« L’agenda de Léon Brunschvicg » (1949), « Etre occidental »
(1951) repris dans Difficile liberté) à ce philosophe juif et dreyfusard qui cependant « ignore le
judaïsme » (Difficile liberté, troisième édition revue et corrigée (1976), Le Livre de poche, 2003, p. 77 ).
Pour Levinas, il était un personnage qui a parfaitement incarné l’esprit « occidental », sans
aucune trahison envers le judaïsme pour autant, ni la dissimulation de son origine. La position
philosophique de ce juif exemplairement assimilé ne semble pas avoir non plus d’affinité avec
l’esprit de la phénoménologie. Donc, il ne serait pas inintéressant de poser une question ; en
quoi Levinas a apprécié ce grand philosophe « occidental » ?
On se demanderait quelle est la contribution de Brunschvicg et de sa pensée au
développement de la philosophie du jeune Levinas. D’une part, comme d’autres auditeurs de
cours de Brunschvicg, Levinas était conscient de l’écart entre lui et ce grand idéaliste. D’autre
part, il est vrai que celui-ci lui a appris une certaine vision extrêmement cohérente de l’histoire
de la philosophie occidentale.
En effet, la présence de Brunschvicg se confirme également dans un passage vers la
fin de « L’ontologie dans le temporel » (1949) où la pensée brunschvicgienne se présente
comme totalement opposé à l’ontologie de Heidegger, néanmoins, Levinas reconnaît une
certaine continuité qui lie ces deux philosophes. La pensée brunschvicgienne ne se fait pas
l’objet de la critique lévinassienne au même titre que Heidegger, pourtant elle motive d’une
certaine manière la formation du projet philosophique de Totalité et infini ; la critique de
l’histoire de la philosophie comme violence du Même subie par l’Autrui.
Afin d’éclairer de premiers moments de la genèse de cette critique, nous allons
examiner l’influence de Brunschvicg sur elle. Dans un premier temps, nous allons présenter
comment Levinas a interprété l’homme et la pensée du philosophe surtout à partir des deux
articles de Difficile liberté. Dans un deuxième temps, en tenant compte de la constellation des
autres chez Levinas, nous allons nous interroger comment l’idéalisme de Brunschvicg a
contribué à la genèse de la vision critique de l’histoire de la philosophie occidentale. Enfin, nous
allons méditer ce que signifie l’« Occident » pour Levinas.
Bibliographie
Brunschvicg, Léon
- L’idéalisme contemporain, deuxième édition, Félix Alcan, 1921
- Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale, Alcan, 1927, vol.1
- Agenda retrouvé 1892-1942 Préface de Jean Wahl, Minuit, 1948
- De la Vraie et de la Fausse Conversion, suivi de la Querelle de l’Athéisme, PUF, 1950
Levinas, Emmanuel
- « Spinoza, philosophe médiéval », Revue des études juives, t.I, n°1-2, janvier-juin, 1937
- « La ontologia en lo temporal segun Heidegger », Sur, n°167, 1948
- « L’ontologie dans le temporel » (1949), En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger
suivis d’essais nouveaux, J. Vrin, 1967
- « L’agenda de Léon Brunschvicg »(1949), Evidences, n°2, repris dans Difficile liberté,
quatrième édition, 1976
- « Etre occidental » (1951), Evidences, n°17, repris dans Difficile liberté, quatrième édition,
1976