Le congrès du Fatah : une belle occasion

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Le congrès du Fatah : une belle occasion
Le congrès du Fatah : une
belle occasion manquée…
Abdel Bari Atwan – Le 7ème Congrès du Fatah montre jusqu’à
quel point le mouvement a sombré, réduit comme il l’est à
choisir entre deux options tout aussi désastreuses l’une que
l’autre : Abbas ou Dahlan.
Le « président » palestinien, Mahmoud Abbas avait une
excellente occasion d’impulser quelques changements
nécessaires lors du tout récent 7e Congrès du Fatah, le groupe
politique palestinien dominant et pilier de l’OLP. Mais – à en
juger par les résultats du congrès, la liste des délégués et
les critères sur lesquels ils ont été choisis, ainsi que les
discussions tenues à ses côtés ou à huis clos – cela a été une
occasion manquée.
Le Comité central nouvellement élu du Fatah a connu peu de
changements par rapport au précédent. Certains des critiques
et des opposants du président, en particulier les partisans de
l’ancien chef de la sécurité, Muhammad Dahlan, ont été effacés
et remplacés par de nouveaux visages. Parmi ceux-ci se
trouvaient Sabri Saidam, Rawhi Fatouh, Dalal Salameh (la seule
femme), Samir Rifai et Ahmad Hillis – celui-ci ayant été un
ennemi féroce de Dahlan même quand ce dernier était un allié
politique proche du président.
Abbas a fait le vide autour
de lui
Abbas a réussi à obtenir sa propre réélection, à grands
renforts d’applaudissements, comme chef du Fatah et par
extension à ses quatre autres postes de direction (président
du comité exécutif de l’OLP, président de l’Autorité
palestinienne, président de l’État de Palestine et commandant
en chef des forces armées palestiniennes). Il a également fait
confirmer l’expulsion de Dahlan et de ses acolytes au Fatah –
la principale raison de la convocation de ce congrès.
Assurément, le 7ème Congrès va passer dans l’histoire comme le
plus terne et plus improductif de toute l’histoire du Fatah.
Il était dépourvu de discussions tant soit peu significatives,
et encore moins de surprises, et aucune « étoile » n’a émergé
autre que celle d’Abbas lui-même. Son discours de trois
heures, largement diffusé sur les médias sociaux et rempli de
plaisanteries et d’à côtés, lui a valu des dizaines d’ovations
de la part des délégués qui l’ont interrompu à plusieurs
reprises en criant des slogans démontrant leur loyauté envers
le leader. On peut seulement se demander combien leurs
applaudissements auraient été enthousiastes si Abbas avait
réellement accompli quoi que ce soit pour
palestinien depuis son entrée en fonctions…
le
peuple
Aucune divergence réelle
C’est le « lendemain », une fois que les délégués seront
dispersés, qu’Abbas et ses partisans devront s’inquiéter.
C’est alors que les défis commenceront. L’intérêt public
palestinien pour le congrès du Fatah était des plus réduits.
La participation de représentants d’autres factions comme le
Hamas et le Jihad islamique, plutôt que de donner une plus
grande légitimité à la réunion et à ses résultats, risque de
saper la légitimité et la popularité de ces deux groupes euxmêmes – surtout une fois que les querelles post-congrès auront
sérieusement commencé.
Certains considèrent que la plus grande et plus immédiate
menace à la direction du Fatah et à Abbas personnellement
vient de Dahlan – qui est censé organiser un congrès
parallèle, rassemblant au Caire ou dans l’un des autres
capitales arabes qui le soutiennent, ses partisans expulsés du
Fatah et d’autres adversaires d’Abbas. Mais ce n’est que
partiellement vrai.
Abbas a utilisé son contrôle sur les salaires et pots-de-vin
pour assurer la participation et le soutien de nombreux
délégués du congrès. Ses rivaux « dahlaniste » sont capables
de convoquer un rassemblement encore plus important s’ils
veulent utiliser les mêmes moyens sonnants et trébuchants, à
savoir les larges ressources financières de ses sponsors
arabes. Pourtant, même si les deux hommes ont beaucoup
d’argent à disposition, ni l’un ni l’autre n’a un programme
politique ou un plan d’action nationale pour affronter
l’occupation.
A part leur rivalité personnelle et leur lutte pour le
pouvoir, il n’y a aucune différence réelle entre eux.
Cela peut déboucher sur l’émergence d’une « troisième force »
dirigée par de jeunes militants mécontents – non seulement au
sein du Fatah, mais aussi parmi les autres organisations,
islamistes ou laïques – établissant les bases d’une nouvelle
direction palestinienne soutenue par le peuple.
Un déclin inexorable
Abbas n’est pas en bons termes avec les quatre pays arabes
influents qui constituent le soi-disant « Quartet arabe ».
Deux d’entre eux, l’Égypte et la Jordanie, ont une importance
cruciale pour les Palestiniens en tant que voies d’accès
externes et exclusives à la bande de Gaza et à la Cisjordanie.
Les deux autres, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis,
ont l’argent sans lequel Abbas ne pourrait pas rester à son
poste, et qui peut également être utilisé pour renforcer ses
adversaires.
Abbas et son nouveau comité central n’ont pas la capacité de
résister à ces quatre poids lourds, politiquement,
financièrement ou géographiquement, tant qu’ils continuent à
adhérer aux politiques actuelles, comme la coordination
répressive avec l’occupant et la recherche à tout prix d’un
retour à des négociations futiles et avilissantes, en passant
par des lamentations à l’occasion de la mort de Shimon Peres
comme si celui-ci avait été un parent proche. Ils ne
pourraient résister à toutes ces pressions qu’à la condition
de rassembler le peuple palestinien derrière une politique de
résistance par tous les moyens disponibles, pour rendre
l’occupation aussi coûteuse que possible. Mais il n’y a aucun
signe d’un tel changement.
La position d’Abbas aurait pu être « renforcée » au sens
précis du terme lors du congrès du Fatah. Ses partisans et ses
idolâtres voient ce congrès comme un triomphe pour lui. Mais
la réalité que peu de gens peuvent sérieusement nier, c’est
qu’il a perdu beaucoup de ce qui reste de son pouvoir et de sa
légitimité, en même temps que le soutien arabe et
international à son leadership et à la cause palestinienne
dans son ensemble. La faible couverture médiatique accordée au
congrès du Fatah en témoigne.
Le Fatah, autrefois leader, et ses affiliés sont dans une
situation extrêmement grave. Ils ont été réduits à choisir
entre deux options tout aussi désastreuses l’une que l’autre :
Abbas ou son rival Dahlan. On ne saurait mieux illustrer
l’état tragique du mouvement qui a jadis tenu le drapeau de la
cause nationale palestinienne et l’a brandi pendant un demisiècle, affirmant l’identité nationale palestinienne et
donnant des milliers de martyrs à la cause.
Le Fatah semble se diriger inexorablement vers la
désintégration et le déclin. En effet, le Fatah d’aujourd’hui
n’est plus le Fatah que les Palestiniens de toutes les
convictions politiques, toutes les croyances et origines
sociales avaient un jour rallié et embrassé.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du
journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de
L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A
Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle
génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter :
@abdelbariatwan
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4 décembre 2016 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de
Palestine – Lotfallah

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