Force de l`ordre
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Force de l`ordre
2013 Sommaire I. Didier Fassin, beaucoup plus qu’un simple auteur ! II. Les rapports déplorables de la BAC et des habitants de banlieues III. Une forte volonté de comprendre IV. Lexique et Bibliographie karayanl La Force de l’ordre : une anthropologie de la police des quartiers, de Didier Fassin, Editions Seuil, Octobre 2011 I. Beaucoup plus qu’un simple auteur ! Anthropologue et également médecin français engagé dans l’humanitaire, Didier Fassin est avant tout un professeur de sciences sociales à l’un des plus prestigieux laboratoires du monde, l’Institute for Advanced Study de Princeton, et un sociologue réputé aux Etats Unis et en Europe pour ses multiples travaux. Il est engagé pour des causes variées (handicap, saturnisme1, discriminations, aide humanitaire, etc), mais relevant cependant toutes principalement de l’ordre du social et politique, et les soutient et les analyse toujours de manière déterminée. Cet engagement et cette détermination se remarquent dans l’importance des postes (principalement hauts placés) qu’il a occupés depuis 1998 et dans les nombreux projets dont il est à l’origine. Extrait de l’article « Naissance de la santé publique », Revue n°49 « Anthropologie et Sociologie », publié en 2012. […] Après avoir fait des études de médecine « à cause de la guerre au Bangladesh » dit-il, il fut chef de clinique des Hôpitaux de Paris puis bifurqua vers l’anthropologie2 car même si il aimait les relations avec les patients, la dimension intellectuelle lui paraissait trop limitée. Depuis les années 1998, on relèvera les postes de vice-président de Médecins sans Frontières et du Conseil national du sida ainsi que ceux de président du Comité médical pour les exilés (COMEDE) et de Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), jusqu’en 2005. Un débat est d’ailleurs ouvert depuis plusieurs années, à propos de la santé pour tous, certains voulant couper du budget national le budget consacré aux soins hospitaliers des immigrants et d’autres le garder. (Fassin est donc au sein d’un conflit social entre le gouvernement et l’ensemble COMEDE-AME (aide médicale de l’Etat) depuis quelques années). Parmi les projets effectués par Didier Fassin à ce jour, on constate un programme (de l’Agence nationale de recherche) dirigé par ce dernier sur le thème de l’immigration et de la racialisation (le touchant particulièrement étant donné qu’il est lui-même petit fils d’immigré italien), et un important programme de recherches en sciences sociales (« Morals »), pour lequel il a été récompensé par le Conseil Européen de Recherche dernièrement. Le programme de recherche de sciences sociales effectué depuis 2011 par 12 hommes et femmes : sociologues (dont Didier Fassin), chercheurs au CNRS et chercheurs au CESSP (Centre Européen de Sociologie et de Sciences politiques). Les recherches ont porté principalement sur les relations entre la jeunesse des ZUS et la police, sur l’immigration, les politiques de répression du crime, le sort des immigrants face à la justice, la primauté des droits des prisonniers en général ainsi que la santé mental de ceux subissant des inégalités sociale. Après avoir exercé comme médecin au Pérou, enquêté comme anthropologue au Sénégal et en Afrique du Sud, cet auteur avec plus d’une trentaine de livres à son actif vit désormais à Princeton. Il est actuellement le dirigeant de 22 thèses d’anthropologie (comme par exemple Constructions morales et expériences enfantines : anthropologie de l’enfance rom), dont 4 ont déjà été soutenues ces dernières années. Ses ouvrages sont à propos des enjeux sociaux et politiques sur lesquels il a travaillé, comme Critique de la santé publique (éditions Balland, 2001), La raison humanitaire : une histoire morale du temps présent (Editions du seuil, 2010, où il étudie les « évidences morales » des ONG), Afflictions : l’Afrique du sud, de l’apartheid au sida (éditions Karthala, 2004) ou encore l’ouvrage ici présent que nous étudierons plus en détails par la suite. De plus, il a publié également de nombreux articles. Ils portent sur des sujets des mêmes domaines encore une fois et ont été publié dans des revues françaises tout comme américaines, comme par exemple Social Science and Medecine, Cahiers de sciences humaines mais également British Medical Bulletin, revue anglaise. C’est le frère cadet de Didier Fassin, Eric, qui lui a fait aimer le monde des sciences sociales. Ce dernier est quant à lui professeur de sciences politiques à l’université Paris VIII et un sociologue renommé pour ses recherches et livres sur la politique des sexes et la race. II. Des observations révoltantes ! Dans son ouvrage « La force de l’ordre : une anthropologie de la police des quartiers », Didier Fassin nous raconte le quotidien d’une équipe de policiers d’un commissariat de Paris, dont notamment celui de la Brigade AntiCriminalité, plus connue sous le nom de BAC. La conclusion qu’on tire de cette lecture est effarante, à travers un portrait affligeant de ces unités : la brigade ayant peu d’interventions ou arrestations à faire, c’est elle-même qui, face à l’ennui, va chercher des activités, des faits, afin de respecter les objectifs quantifiés que leur impose la politique actuelle. On ne peut pas dire cependant que les policiers ne travaillent pas : ils ne peuvent pas produire plus de délits qu’il n’y en a d’accessibles. Ecusson de Brigade AntiC’est ainsi que pour s’occuper et remplir ces objectifs, Criminalité de Seine et Marne la BAC perquisitionne, lors d’une recherche des suspects, le premier passant ayant n’importe quelle point commun avec le suspect recherché pour simplement dire d’avoir trouvé la personne recherchée, pour faire du chiffre. Le Nouvel Observateur Une fois arrivés au commissariat, ces innocents (pour la grande majorité du moins), souvent d’origine d’Afrique sub-saharienne ou maghrébine, se voient fouillés, humiliés, insultés de tous les noms avec sarcasme, pour au final être relâchés après ces injustices subies. Ce racisme et ces provocations gratuites, ainsi que les fréquents contrôles d'identité font partie du quotidien des jeunes de banlieues et de ZUS, où cette brigade passe une grande partie du temps. Ces jeunes savent qu’ils sont contrôlés non pas pour vérifier qu’ils n’ont rien d’illégal sur eux, mais parce que c’est un moyen de leur imposer un contrôle social, si l’on puit dire. Le problème le plus relaté par Didier Fassin est la tension exacerbée la pression que créent les zonages de ces policiers et par ces contrôles d'identité ciblés sur l'apparence physique ainsi que leurs manières de faire brutes et humiliantes. En effet de nombreuses familles ont peur de cette brigade qui donne une image de policiers qui n'ont peur de rien, qui sont capables d’aller au contact physique même pour des faits mineurs. Certains parents vont jusqu'à recommander à leurs enfants de rester polis et de ne pas commettre de provocations et répondre à celles qu’on leur fait, sachant que le seul mot à connotation impertinente dit pourra être un argument pour les policiers pour les embarquer et leur serait fatal. Cependant cette tension fait de leurs interventions brutales des actions contreproductives, étant donné qu’elles ne font qu’inciter à la délinquance (et non à la réduire), à la violence et à entrainer la répulsion des jeunes, celle-ci menant très souvent à des lancers de projectiles ou autre provocations, venant cependant de groupes car provoquer en étant seul est le meilleur moyen de se faire frapper et embarquer dans le quart d’heure qui suit. Ces agents de la BAC, d’après l’auteur, associent Il y a donc dans ce conflit asymétrique deux camps, des jeunes stigmatisés et qui ont pour la plupart rien demander, et une brigade avec aucun scrupule à user de la force avec l’avantage de la loi pour les seconds. En effet Didier Fassin révèle que les contrôles d’identité dont il a été témoin étaient ne relevaient « ni du judiciaire (pas de délits commis), ni de l’administratif ». Autrement dit aucune justification légale de leurs contrôles, uniquement le respect de la volonté des politiques de faire une certaine quantité de ILE (infractions à la législation sur étrangers ». Il fait un rapprochement entre ce type de policiers et les policiers américains dits les « cops », utilisant le racisme, dépréciation et méthodes brutales pour s’imposer et se faire respecter, s’opposant au « bobby » anglais, vus comme des gardiens de paix proche de la population. De plus, il nous explique que les moyens employés sont démesurés : certains faits majeurs ne sont pas traités car prévenus trop tard, tandis que certains petits faits mineurs peuvent entraîner la présence d’une dizaine de voitures sur le terrain, d’une présence très remarquable par les gyrophares, sirènes et le tapage que leurs interventions déclenchent. Cet ensemble d’injustices que le sociologue développe de façon prenante, explique la médiocrité et la faible crédibilité des dossiers, dont notamment ceux analysés au tribunal de grande instance de Bobigny, qui donnent lieu à des nonlieux. Faute de preuves concrètes. III. Une forte volonté de comprendre Cet ouvrage est le résultat des observations et prises de note constantes de Didier Fassin , effectuées lors de son enquête dans un commissariat de Paris lors de son immersion en deux fois entre mai 2005 et juin 2005. Lui-même petit-fils d’immigré d’italien, le sociologue a toujours plaidé pour l’intégration des personnes non françaises du droit du sol. Comprendre le comportement xénophobes voire racistes des hommes et l’origine de leur opinion dépréciative de ces populations l’a toujours intéressé, de même que la véridicité des rapports entre policiers et jeunes de ces quartiers dits sensibles. Ce sont les scandales des interactions meurtrières entre policiers disant être en « légitime défense » et jeunes qu’a connu la France ces dernières années qui ont a incité l’auteur. Ce fait et les injustices d’origine raciale le touchent, (ce que souligne son programme de recherche basé sur ce sujet), et il a donc voulu comprendre, observer, que se cache derrière cette insigne BAC et pourquoi les classes populaires étaient plus ciblées que les classes moyennes ou riche. Il se sentait encore plus concerné quand son fils fut l’une des trois victimes que ces policiers ont ramené au poste et fait subir les injustices évoquées précédemment. Cette étude met donc en lumière « l’exception sécuritaire à laquelle sont soumises les cités » et permet de nous partager le fruit de l’enquête menée par Didier Fassin à travers des scènes à la fois saisissantes et ordinaires, bien que inattendues par moments. « Ca ne m'intéresse pas de dénoncer la police ou les bons sentiments. Je voudrais plutôt rendre visible le lien entre les deux. Montrer par exemple comment la compassion, en masquant les inégalités, va à l'encontre de ce qu'elle cherche. » Didier Fassin (article « Mais qui sont Didier et Eric Fassin », du site le Nouvel Observateur). En juin 2007 l’autorisation du commissariat lui a été enlevée , mais les observations récoltées étaient suffisantes. Sa incompréhension a cédé place à la comprehension de ces milieux. Site Internet de l’anthropologue Colette Milhé IV. Lexique et bibliographie Vocabulaire annoté : 1 Saturnisme : maladie ayant pour origine une intoxication par du plomb (toxique pour nos cellules), notamment celle contenue dans des peintures anciennes s’effritant et pouvant être inhalées. 2 Anthropologie : Étude générale de l'homme sous le rapport de sa nature individuelle ou en collectif, étude de sa relation physique ou spirituelle au monde, ses variations dans l'espace et dans le temps. ________________________________ Sources - Page de présentation de Dider Fassin sur le site de l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociale, daté de l’époque où l’auteur y travaillait : http://iris.ehess.fr/document.php?id=131 - Article sur Didier et Eric Fassin, le Nouvel observateur, décembre 2011 : http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20111201.OBS5765/mais-quisont-didier-et-eric-fassin.html - Le livre lui-même, La force de l’ordre : une anthropologie des quartiers - Cairn.info.fr, site chargé de la publication et la diffusion de revues de sciences humaine et sociales, revue Genese, numero 89, « Anthropologie et Sociologie » : http://www.cairn.info/revue-geneses.htm - Présentation Wikipédia de l’Advanced Study de Princeton http://fr.wikipedia.org/wiki/Institute_for_Advanced_Study http://www.liberation.fr/societe/01012372244-bac-les-flics-mis-enexamen