Les séries biologiques à la Station Marine d`Endoume Centre d

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Les séries biologiques à la Station Marine d`Endoume Centre d
Les séries biologiques à la Station Marine d’Endoume
Centre d’Océanologie de Marseille
SALEN-PICARD C.
Université de la Méditerranée, Centre d’Océanologie de Marseille, UMR CNRS 6540 DIMAR, Station marine
d’Endoume, Rue de la Batterie des Lions, 13007 Marseille.
La Station Marine d’Endoume, Centre d’Océanologie de Marseille, a été fondée par
Marion en 1889. Dus à la situation de Marseille à la limite entre Provence calcaire et
Provence alluviale, les habitats marins de la région sont très diversifiés et de nombreux
travaux sur les communautés planctoniques et benthiques ont été réalisés. Cependant,
Marseille est une grande métropole urbaine, industrielle et portuaire. Outre la présence d’un
certain nombre de petits fleuves côtiers, les eaux de la baie de Marseille sont, sous certaines
condition météorologiques, soumises à l’intrusion d’eau dessalée en provenance du panache
du Rhône. Très tôt s’est donc imposée la nécessité de surveiller et préserver cette biodiversité.
Cette nécessité est accrue dans le contexte actuel de réchauffement climatique. Le laboratoire
est doté d’un Service d’observation depuis 1994. Il suit un certain nombre de paramètres
hydrologiques en un site adossé au SOMLIT et, a entrepris, récemment, un suivi des apports
du Rhône à Arles de même qu’un enregistrement de paramètres météorologiques au Frioul.
De plus, la proximité du seul Parc National marin existant à ce jour en France (Parc national
de Port-Cros) a initié de nombreux travaux coordonnés par les chercheurs du laboratoire.
La majorité des séries biologiques répertoriées (Tableau 1) a été initiée au cours des
années 90. Les Séries « planctoniques » s’appuient sur le site labellisé SOMLIT. Les séries
« benthiques » concernent des milieux très variés et une grande diversité d’espèces.
Tableau 1 – Les séries répertoriées au centre d’Océanologie de Marseille (GEM : Groupe
d’Etude du mérou).
Nature de la série
Début-fin
Fréquence
Continuité
Site
Responsable
Microphytoplancton
1994-
15 j
oui
SOMLIT
B. Becker
Mesozooplancton
2002-
15 j
oui
SOMLIT
F. Carlotti
Pico et nanoplanctonen
En projet
SOMLIT
M. Denis G. Grégori
Macrozoobenthos
1965-
non
Cortiou
G. Bellan
Macrozoobenthos
1993-2006
saison
non
Large Rhône
C. Salen-Picard
Macrozoobenthos
1984-2006
saison
non
Large Fos
C. Salen-Picard
Herbier de Posidonie
1984-2004
3 ans
oui
33 sites PACA
C.F. Boudouresque
Colonisation de plaques
expérimentales
1969 -
annuelle
oui
Marseille
J.G. Harmelin
Mysidacés des grottes
2000 –
2 mois
oui
Marseille
P. Chevaldonné
Eponges commerciales
1998 -
annuelle
oui
Port-Cros
T. Pérez
Gorgones
1998-2008
annuelle
oui
Divers
J. Garrabou
Récifs artificiels
2009 -
saison
Marseille
S. Ruitton
Corb
1990
4-5 ans
oui
Port-Cros
J.G. Harmelin S. Ruitton
Mérou brun
1993
3 ans
oui
Port-Cros
GEM J.G. Harmelin
Les méthodologies utilisées sont spécifiques des habitats et des taxons ciblés. Elles sont
classiques pour le phytoplancton et pour le macrobenthos de substrat meuble (respectivement
prélèvements à la bouteille Niskin et à la benne Van Veen puis dénombrements). Les suivis
des limites de l’herbier à Posidonia oceanica s’effectuent par balisages, photographies sousmarines, orthophotoplans (Boudouresque et al., 2006). Comme pour l’herbier, les suivis sur
substrats rocheux s’effectuent en plongée. Parmi ces derniers, signalons une expérience de
colonisation de plaques expérimentales commencée en 1969 (Harmelin et al ;, 1970). Il s’agit
de carreaux de calcaire de 20 cm de côté immergés dans différents types de peuplements
sessiles de la région marseillaise. Outre les expériences de colonisation, ces plaques
permettent d’estimer le suivi de la mortalité, du recrutement et de la croissance d’espèces
longévives (spongiaires et anthozoaires). Ces paramètres démographiques sont quantifiés par
photographies et analyse d’images (Teixido et al., 2009). Les espèces ciblées sont une durée
de vie longue : plusieurs décades, un faible taux de mortalité : 1 % environ, un faible
recrutement et un faible taux de croissance : 0,24 + 0,05 mm pour le diamètre basal de
Corallium rubrum (Garrabou et Harmelin, 2002).
Quelques autres résultats des séries répertoriées
1) Des témoignages du changement climatique : les anomalies thermiques de l’été 1999.
Décrit au début des années 60, le mysidacé Hemimysis speluncola a été jusqu’à la fin
des années 90 l’espèce dominante, voire unique, des grottes de la région marseillaise. Une
seconde espèce Hemimysis margalefi, décrite plus tardivement y avait été également observée
mais restait plus discrète. Entre janvier 1997 et juin 1999, H. speluncola a disparu de toutes
les grottes, à l’exception d’une seule, où elle était connue. Ces grottes sont désormais
exclusivement habitées par H. margalefi. Les éléments déclencheurs sont attribués aux
anomalies thermiques de 1997 et 1999, c’est-à-dire des périodes anormalement longues
(surtout en 1999) de temps chaud et calme et une plongée de la thermocline jusqu’à 45 m
(Chevaldonné et Lejeune, 2003).
Les anomalies de l’été 1999 ont entraîné sur les substrats rocheux des côtes de Provence
une mortalité massive de grands invertébrés sessiles (Spongiaires, Cnidaires, Bryozoaires,
Bivalves, Ascidies). 90 % des éponges commerciales de Port-Cros ont été touchés. 92 % des
colonies de Paramuricea clavata étudiées le long du littoral provençal ont présenté des
nécroses importantes et on estime que plusieurs décennies seront nécessaires pour que les
colonies retrouvent leur état de référence (Pérez et al., 2000).
Les suivis des populations phytoplanctoniques sur le site SOMLIT ont montré que si
Chaetoceros curvisetus est une des espèces de diatomées les plus courantes, des espèces
d’eaux chaudes ont été récoltées au cours de l’été 1999 (C. rostratus) et de l’automne 2003
(C. rostratus et Eucampia cornuta) (Becker, 2004).
2) – Les invertébrés benthiques : un lien entre climat et pêcheries côtières
On avait montré une corrélation positive entre les débarquements annuels de sole dans
les ports de Martigues et de Sète, ports situés de part et d’autre de l’embouchure du Rhône, et
les variations du débit moyen annuel du fleuve à proximité de son embouchure avec un
décalage de 4 à 5 ans entre les deux courbes (Salen-Picard et Arlhac, 2003). Le fait de
posséder un suivi de la densité des populations de polychètes au large de l’embouchure a
permis d’expliquer ce décalage. Après une crue importante il se produit une succession de
pics d’espèces de polychètes de biologie et d’éthologie différentes. Populations qui exploitent
la ressource en matière organique particulaire allochtone ou autochtone générée par la crue.
L’augmentation de la densité, à l’échelle de la communauté va durer pendant environ 4 ans.
Les jeunes soles qui ont déjà bénéficié de la production planctonique accrue, vont se nourrir
de la première vague de polychètes tandis que les adultes vont bénéficier des pics suivants. Il
s’ensuivra des œufs plus nombreux et plus gros, donc une meilleure reproduction. La sole
entrant dans la pêcherie à l’âge de 2 ans environ, on a ainsi pu expliquer le décalage observé
entre débit du fleuve et les quantités de soles débarquées.(Salen-Picard et al, 2003)
Références
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