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LE DROIT DE L’ARBRE
Romain Musialek
Société française d’arboriculture
Arbre malmené, arbre à protéger… Mais comment s’y
prendre ? La conscience et la connaissance du vivant, la «
fibre » écologique, les règles de l’art ou tout simplement le
bon sens… Mais est-ce suffisant ?
Je n’aborderai pas ces différents points qui ont été ou seront
développés tout au long de cette journée. Mais mes propos
se tourneront vers les mesures de protection juridique et les
règles pouvant préserver le patrimoine arboricole.
Dans la « jungle » des textes, lois et autres jurisprudences,
cet exposé visera à faire le point sur les principales mesures
en vigueur.
L’arbre en espace privé
Les règles assujetties aux arbres plantés sur un espace privé
sont définies par l’article 671 du Code civil. Celui-ci fait foi
sauf dans le cas d’un règlement particulier ou d’un usage
local constant et reconnu. Il peut donc s’agir :
- de règlement de copropriété, de cahier des charges de lotissement ou de règlement de lotissement,
- de règlements d’urbanisme tels que le Plan local d’urbanisme (PLU) ou le Plan d’occupation des sols (POS) avec
notamment les Espaces boisés classés, ainsi que de Zone
de protection du patrimoine architectural, urbanistique et
paysager (ZPPAUP)
- d’arrêté municipal, d’arrêté d’autre collectivité locale ou
d’arrêté préfectoral…
Si ces usages sont à caractère agricole, ceux-ci sont groupés,
coordonnés et codifiés par les chambres départementales
d’agriculture avant d’être soumis à l’approbation des départements (Article L511-3 du Code rural).
Un exemplaire des usages codifiés est en général déposé et
conservé au secrétariat des mairies pour être communiqué à
ceux qui le demandent (Article R511-1 du Code rural).
• Si il n’y a pas de règlements ou d’usages, les arbres,
arbustes et arbrisseaux ne dépassant pas 2 m de haut
(ou maintenus à 2 m de haut) peuvent être plantés,
au minimum, à 50 cm de la ligne séparative de deux
propriétés.
Le Code civil précise donc dans son article 671 :
• Si il n’y a pas de règlements ou d’usages, les arbres,
arbustes et arbrisseaux qui mesurent (ou mesureront)
plus de 2 m de haut doivent être plantés, au minimum, à 2
m de la ligne séparative de deux propriétés.
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• Si il n’y a pas de règlements ou d’usages, les arbres,
arbustes et arbrisseaux conduits en espaliers sur
un mur mitoyen peuvent être plantés de chaque
côté d’un mur mitoyen sans distance minimum,
mais ils ne doivent pas dépasser la crête du mur.
Dans le cas d’un mur non mitoyen, seul le propriétaire
dudit mur a le droit d’y appuyer des arbres, arbustes ou
arbrisseaux conduits en espaliers.
propriétés, ils ne pourront plus ensuite exiger de revenir
sur les distances réglementaires, sans rompre ce contrat par
consentement mutuel.
Pour que ce contrat s’applique également aux propriétaires
successifs, il est nécessaire de faire rédiger un acte authentique par un notaire qui le fera ensuite publier au bureau des
hypothèques (Code civil, Article 1134).
Remarques
Ces règles de distance et les mesures dérogatoires ne dispensent pas le propriétaire d’un entretien régulier de ses arbres
et ne l’exonèrent pas de sa responsabilité si ces derniers
causent un dommage (Code civil, Articles 1382 à 1384).
Le voisin pourra exiger que les branches soient coupées à
l’aplomb de la ligne séparative (Art. 673 du Code civil) ; il
pourra aussi invoquer un trouble anormal de voisinage causé
par les arbres. Le voisin ne peut en aucun cas porter atteinte
au bien d’autrui en sectionnant lui-même les branches. En
revanche, si ce sont les racines qui avancent sur sa propre
propriété, il a le droit de les couper lui-même à la limite de
la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire
couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est
imprescriptible. C’est la raison pour laquelle, au-delà des
règles de distance de plantation définies par la loi, il est indispensable de se projeter dans l’avenir et de choisir l’essence et
l’implantation en prenant en compte le développement de
l’arbre lorsqu’il sera adulte.
Remarques
La distance se mesure à partir du centre du tronc, à sa base,
au niveau du sol, jusqu’à la ligne séparative.
La hauteur se mesure entre la base du tronc, au niveau du sol
et la cime de l’arbre. Le relief du lieu n’est pas à prendre en
compte.
Cependant, certaines mesures permettent de déroger à ces
règles : il s’agit de la « Destination du père de famille », de
la « Prescription trentenaire » et de servitudes particulières
passées entre propriétaires. Afin de faire jouer ces cas particuliers, le propriétaire de l’arbre doit rechercher les preuves
de cet état de fait (Code civil, Article 690).
• Destination du père de famille
Lorsqu’un propriétaire divise sa propriété en plusieurs lots
qu’il donne ou vend séparément, les donataires ou acquéreurs doivent, s’ils n’ont pas fait d’objection lors du transfert
de propriété, supporter la présence des arbres se trouvant
à une distance de la limite séparative inférieure à la limite
d’usage légal (Code civil, Article 693).
• Prescription trentenaire
Lorsqu’un arbre implanté en deçà de la distance légale ou
d’usage a atteint la hauteur de 2 m depuis plus de trente ans,
le propriétaire riverain ne peut plus demander l’étêtage ou
l’arrachage de l’arbre.
• Servitudes
Deux voisins peuvent s’entendre mutuellement pour
établir, de bonne foi, une convention écrite reconnaissant
la possibilité de planter en deçà des limites réglementaires
ou sur la ligne séparative des deux propriétés. Ayant ainsi
admis la création d’une « servitude de plantation » sur leurs
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L’arbre en espace privé mitoyen d’un espace public
L’arbre en secteur public
Il n’existe pas de texte imposant le respect d’une distance
minimale entre des plantations établies sur des terrains
bordant une voie publique et cette voie, que celle-ci soit
nationale, départementale ou communale. La jurisprudence
a d’ailleurs précisé que les règles édictées par les articles 671
et 672 du Code civil ne s’appliquent qu’aux arbres plantés
sur la limite de deux héritages privés. Les propriétaires riverains d’une voie publique sont toutefois tenus au respect de
certaines prescriptions incluses dans les règlements de voirie,
qui relèvent de l’entière liberté des collectivités territoriales
en ce qui concerne la voirie locale, et qui imposent généralement les mêmes distances que celles prévues à l’article 671
du Code civil, c’est-à-dire 2 m pour les plantations dont la
hauteur dépasse 2 m, et 0,50 m pour les autres plantations.
Cette distance est calculée à partir de la limite de la voie
publique, toutes dépendances comprises.
S’agissant du domaine public routier national, ce sont des
arrêtés préfectoraux pris selon un modèle type qui réglementent dans chaque département les modalités de plantation en
bordure des routes nationales ; ils imposent le respect des
distances susvisées. S’agissant enfin des plantations établies
le long de chemins ruraux, qui relèvent du domaine privé
communal, un décret du 18 septembre 1969 relatif aux caractéristiques techniques, aux limites, à la conservation et à la
surveillance des chemins ruraux dispose que les plantations
d’arbres et de haies vives peuvent être faites sans condition
de distance. Le maire peut toutefois, dans un souci de sûreté
et de commodité de passage, imposer le respect de distances
minimales.
Il n’existe pas de texte de loi précisant la distance minimale à
respecter par les collectivités territoriales dans le cas où une
plantation est réalisée sur l’espace public, à proximité d’une
propriété privée.
L’article 671 du Code civil qui détermine la distance minimale qui doit exister entre les arbres et la ligne séparative
de deux propriétés voisines ne s’applique pas aux plantations
faites sur les espaces publics riverains des propriétés privées,
mais seulement aux arbres plantés de part et d’autre de la
limite de deux propriétés privées.
Cependant, par souci de bonne gestion et de relations
cordiales entre les collectivités territoriales et les propriétaires privés, il est recommandé de choisir avec discernement la distance d’implantation par rapport aux limites de
propriétés, pour privilégier le développement harmonieux
de l’arbre, tout en évitant les nuisances de cohabitation et
conflits futurs.
Cette distance sera déterminée en fonction des deux critères
intimement liés qui sont l’espace disponible et l’essence
adaptée. Le volume qu’occupera l’arbre lorsqu’il sera adulte
(en port libre ou taillé avec les frais que cela engendre) doit
impérativement être inférieur à l’espace disponible.
• Sur les routes nationales
L’État a le droit de faire des plantations à une distance quelconque des propriétés riveraines. Cependant, pour éviter de
gêner les riverains, il applique les règles suivantes :
- En dehors des agglomérations, les arbres de grand développement peuvent être plantés par l’État, au minimum, à 2 m
de la limite des propriétés riveraines.
- Dans les agglomérations, lorsque les habitations sont
construites à l’alignement, sauf si les arbres sont taillés en
forme étroite, l’État s’efforcera de planter les arbres de
grand développement, au minimum, à 3 m des façades.
- Les végétaux à développement réduit peuvent être plantés
par l’État, au minimum, à 50 cm de la limite des propriétés
riveraines.
Lors du renouvellement des plantations d’arbres de haute
tige hors agglomération, les arbres doivent être plantés à 4 m
minimum du bord de la chaussée. Ils doivent être implantés
au-delà d’un fossé.
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• Autres types de route : route express à chaussée unique
avec 2 ou 3 voies où la limitation de vitesse hors agglomération est de 90 km/h, artère interurbaine 2 x 2 voies où
la limitation de vitesse hors agglomération est de 110 ou
90 km/h, carrefours giratoires à îlot central, autoroutes.
L’arbre en zone rurale
L’article L126-3 du Code rural relatif à la protection des
boisements, haies et plantations d’alignement précise que le
préfet peut prononcer la protection de ces structures existantes ou à créer, soit lorsque les emprises foncières correspondantes ont été identifiées, soit lorsque le propriétaire en
fait la demande.
La demande de protection de structures paysagères arborées
ou de vergers de hautes tiges d’éléments végétaux formés est
adressée au préfet. Le préfet se prononce en tenant compte
des intérêts de la politique des structures des exploitations
agricoles, de la politique forestière et du respect et de la mise
en valeur des milieux naturels, du patrimoine rural et des
paysages (Code rural, Article R126-36).
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Les boisements linéaires, haies et plantations d’alignement susceptibles d’être protégés sont constitués d’espèces
ligneuses buissonnantes et de hautes tiges figurant sur une
liste fixée par arrêté du ministre chargé des forêts. Ils doivent
avoir une surface minimale de 500 m . La surface des haies
est égale au produit de leur longueur par une largeur forfaitaire, fixée à cinq mètres pour les haies constituées d’espèces
buissonnantes et à dix mètres pour les haies d’arbres de haute
tige.
Les vergers de haute tige susceptibles d’être protégés sont
constitués d’espèces fruitières et de variétés figurant sur une
liste fixée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture ; cet
arrêté fixe également une densité minimale des plantations.
Elles doivent avoir une superficie minimale de vingt ares.
• L’arbre est situé dans une Zone de protection du patrimoine architectural, urbanistique et paysager (ZPPAUP).
Dans ce cas, l’arbre ne peut pas être abattu sans autorisation
du Service départemental de l’architecture et du patrimoine
(SDAP) (Code du patrimoine, Art. L642-3).
• L’arbre est un monument naturel, ou est situé dans un site
classé ou inscrit.
Dans ce cas, l’arbre ne peut pas être abattu sans autorisation
de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (ex Direction régionale de l’environnement - DIREN) (Code de l’environnement, Art. L341-10).
L’arbre et les réseaux aériens
Lorsque le chemin départemental est emprunté par une ligne
de distribution d’énergie électrique régulièrement autorisée, aucune plantation d’arbres ne peut être effectuée sur
les terrains en bordure de ce chemin qu’à la distance de 3 m
pour les plantations de 7 m au plus de hauteur ; cette distance
est augmentée d’un mètre jusqu’à 10 m au maximum, pour
chaque mètre de hauteur de plantation au-dessus de 7 m.
Toutefois, des dérogations à cette règle peuvent être accordées aux propriétaires par le préfet, s’il est reconnu que la
situation des lieux ou les mesures prises, soit par le distributeur d’énergie, soit par le propriétaire, rendent impossible la
chute d’un arbre sur les ouvrages de la ligne électrique.
De plus, la déclaration d’utilité publique d’une distribution
d’énergie confère au concessionnaire le droit de couper les
La protection du patrimoine
Plusieurs mesures s’appliquent dans le cadre de la protection
du patrimoine. Les arbres peuvent être sauvegardés en appliquant ces réglementations.
• L’arbre est situé dans un Espace boisé classé (EBC) dans
le Plan local d’urbanisme (PLU) ou dans le Plan d’occupation des sols (POS) de la commune. Dans ce cas, l’arbre ne
peut pas être abattu (sauf s’il est dangereux) sans autorisation. Une demande préalable d’abattage doit être adressée
au maire. Ce dernier la transmet à la Direction départementale de l’équipement et de l’agriculture (DDEA) qui donne
un avis technique sur lequel le maire s’appuie pour accorder
(ou non) l’autorisation d’abattage (Code de l’urbanisme, Art.
L130).
• L’arbre est situé dans un Espace naturel sensible (ENS).
Dans ce cas, l’arbre ne peut pas être abattu (sauf s’il est
dangereux) sans autorisation de la Direction départementale
de l’équipement et de l’agriculture (Code de l’urbanisme,
Art. L142-11).
• L’arbre peut être protégé au titre de l’article L123-8 du
Code de l’urbanisme dans le Plan local d’urbanisme (PLU) de
la commune (Zones naturelles et forestières classées « N »).
Dans ce cas, les arbres ne peuvent pas être abattus sans autorisation du maire.
Une demande préalable d’abattage doit être adressée au
maire. Ce dernier la transmet à la Direction départementale
de l’équipement et de l’agriculture qui donne un avis technique sur lequel le maire s’appuie pour accorder (ou non)
l’autorisation d’abattage.
• L’arbre est classé ou inscrit au titre des Monuments historiques.
Dans ce cas, l’arbre ne peut pas être abattu. Il en est de même
s’il est situé dans un rayon de 500 m autour d’un Monument historique classé ou inscrit, visible de ce dernier ou
en en même temps que lui. L’arbre ne peut pas être abattu
sans autorisation (Avis conforme) du Service départemental
de l’architecture et du patrimoine (SDAP) (Code du patrimoine, Art. L621-30-1 et L621-3).
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arbres et branches d’arbres qui, se trouvant à proximité des
conducteurs aériens d’électricité, gênent leur pose ou pourraient, par leur mouvement ou leur chute, occasionner des
courts-circuits ou des avaries aux ouvrages (Loi du 15 juin
1906 sur les distributions d’énergie, Article 12).
Les règles d’espacement sont les suivantes :
Distance(d) minimale entre le câble ou Distance (D) minimale entre le câble
le poteau et l’extrémité des branches ou le poteau et le tronc de l’arbre
Conducteur nu, Basse tension en 2 m
agglomération
3m
Conducteur nu, Basse tension 3 m
hors agglomération
4m
Conducteur nu, Haute tension 4 m
A, isolateur rigide
5m
Conducteur nu, Haute tension 5 m
A, isolateur suspendu
6m
Conducteur isolé
2m
1m
L’arbre et les réseaux souterrains
Les réseaux ne peuvent pas passer dans la fosse de plantation, ni dans la terre végétale, ni sous la fosse de plantation
d’un arbre existant. Des plantations peuvent être réalisées
au-dessus des réseaux si un protocole a été mis en place.
S’il n’y a pas d’autres solutions, en milieu urbain, les réseaux
peuvent être implantés au minimum à 1,50 m des troncs en
mettant en place des systèmes permettant de protéger les
réseaux en déviant le parcours des racines. Les racines de
diamètre supérieur à 0,05 m ne peuvent pas être coupées. Si
ces racines sont coupées accidentellement, le propriétaire ou
le gestionnaire doit en être averti.
La norme Afnor NF P98-332 (février 2005) définit les règles
de distance entre les réseaux enterrés et les règles de voisinage entre les réseaux et les végétaux.
Ce document précise, entre autres, les règles à appliquer
pour implanter des réseaux à proximité de végétaux existants
ou pour planter des arbres à proximité de réseaux en place.
Cette norme s’applique aux propriétaires et gestionnaires du
domaine public ou privé et aux propriétaires et gestionnaires
des réseaux.
Les réseaux ne peuvent pas être implantés à moins de 2 m du
tronc des arbres sans protections particulières.
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Pour conclure, il convient de rappeler que, devant la
complexité du système législatif, seuls les juristes sont
compétents pour faire, selon la question et le cas précis, une
bonne interprétation des textes réglementaires.
Merci à Augustin Bonnardot du CAUE 77 pour le prêt de
documents et pour son aide toujours précieuse. Toutes les
illustrations sont aimablement mises à disposition par le
CAUE 77.
De plus, cet arsenal législatif et réglementaire n’est pas une
solution infaillible à la protection des arbres et encore moins
à leur respect en terme de taille ou de traitement.
Il ne dédouane pas pour autant le propriétaire d’arbre ou le
gestionnaire d’appliquer une règle élémentaire : planter la
bonne espèce au bon endroit et ceci en tenant compte de son
développement futur. C’est la base des règles de l’art.
Il convient de reconsidérer notre rapport à la nature et
plus particulièrement à l’arbre sur un modèle plus respectueux de son intégrité biologique et esthétique. Mais ceci
est un problème d’éducation à l’environnement, c’est tout le
rapport, ardu, entre nature et culture. Il nous faut repenser
l’idée de nature dans nos villes.
Bibliographie
- Société Française d’Arboriculture (1998) – L’arbre et la loi,
actes du colloque de Nantes. Société des Éditions Horticoles
Françaises. 114 p.
- CAUE 77 / SFA – Fiches « Arbres en question ». Société
Française d’Arboriculture
- CAUE 77 / SFA (2007) – CD Rom « L’arbre et la loi, recueil
des textes réglementaires classés par thèmes ». Société Française d’Arboriculture
- Ministère de l’Écologie et du Développement durable
(2003) – Les droits de l’arbre, aide mémoire des textes juridiques. M.E.D.D. 41 p.
- www.legifrance.gouv.fr
- www.courdecassation.fr
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