Article Efficence21_ p.46-48
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L E M AG A Z I N E D E L’ E F F I C I E N C E É N E RG É T I Q U E | N° 1 3 | hiver 2 0 1 4 | C HF 5 . 9 0 Efficience enquête Quel avenir pour l’hydroélectricité? interview DOSSIER «Aider les PME dans leurs 21 visions pour l’efficience énergétique actions pour le climat» RECHERCHE Solar Impulse prêt pour le tour du monde Sacs en plastique bientôt interdits? Société FOTOLIA L’océan boit la tasse… et la planète trinque On l’appelle le «7e continent plastique». Constitué de milliards de déchets, dont la plupart proviennent de l’intérieur des terres, il représente un peu moins de la superficie de l’Amérique du Nord et ne cessera de croître si rien n’est fait. La Suisse a aussi son rôle à jouer. 4 6 | EFFICIENCE 21 | h i v e r 2 014 Stéphanie Milliquet D eux millions de déchets plastiques au kilomètre carré. C’est le chiffre affolant avancé par Greenpeace. Cette pollution, invisible depuis l’espace, se retrouve dans cinq grands bassins océaniques, au sein du Pacifique Nord, mais DR aussi du Pacifique Sud, de l’Atlantique Nord et Sud et de l’océan Indien. Ces zones sont en effet caractérisées par la rencontre de courants marins qui, influencés par la rotation de la Terre, forment d’immenses vortex appelés gyres océaniques. La force centripète aspire alors très lentement tous les détritus qui flottent en surface vers le centre de la spirale, où ils s’amoncellent pour ne jamais en ressortir. Les conséquences sont sans précédent: mort des fonds marins, de la faune et de la flore, et pollution de la chaîne alimentaire, le plastique libérant des substances toxiques au fur et à mesure de sa dégradation. L’avenir? Sombre, si l’on en croit les scientifiques. Malgré quelques initiatives inventives pour ramasser le plastique flottant (lire encadré ci-contre), l’unique solution est d’en limiter la production, de supprimer l’usage unique de ses dérivés et de filtrer les cours d’eau en amont des océans et des mers. Migros Vaud précurseur Si de nombreux pays, à l’instar du Kenya, du Rwanda ou de la Chine, ont déjà interdit l’emploi du sac plastique à usage unique, ce n’est pas encore le cas de la Suisse. Les choses sont toutefois en voie d’évolution avec la motion «Halte à la pollution des sacs plastiques» du conseiller national Dominique de Buman, actuellement à l’étude. La volonté de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) va dans le même sens: rendre tous ces sacs payants. Migros Vaud a d’ailleurs anticipé puisque, depuis plus d’un an, il propose des sacs biocompostables pour 5 centimes au lieu du traditionnel sachet plastique disponible en caisse. «Migros Vaud propose des sacs biocompostables depuis le 1er novembre 2013, explique Tristan Cerf, porte-parole de Migros Vaud. L’expérience est très positive, autant pour la coopérative que pour les clients. En effet, sur une année, nous avons remarqué une diminution de 1 million de sacs par mois, soit 94% de distribution en moins de sacs en plastique. Les 6% restants étant Un jeune de 19 ans veut nettoyer les océans Bien qu’elles ne fassent de loin pas l’unanimité auprès de la communauté scientifique, les initiatives pour venir à bout de la «soupe de plastique océanique» sont nombreuses. Parmi elles, The Ocean Cleanup, un projet ambitieux mené par un jeune Néerlandais de 19 ans, épaulé par plusieurs scientifiques et spécialistes de l’environnement et des océans. Boyan Slat n’a que 16 ans lorsqu’il prend conscience de l’ampleur de cette pollution lors d’une plongée en Grèce, où il croise plus de sacs plastiques que de poissons. Le jeune homme et son équipe (dont de nombreux volontaires) ont mis au point un ingénieux système de collecte des plastiques via des barrages flottants munis de catalyseurs pour récupérer les déchets. Ces dispositifs, qui se déplacent au gré des courants, ramassent les déchets sans porter atteinte à la vie marine. Boyan Slat estime que son procédé serait 33 fois meilleur marché et 7900 fois plus rapide que le système de collecte actuel (filets tractés par des cargos). Le jeune Néerlandais cherche à lever 2 millions de dollars pour tester son projet. Les scientifiques se montrent toutefois sceptiques quant à l’efficacité du système, principalement parce que les déchets qui composent l’essentiel de cette pollution sont microscopiques et que la surface à couvrir est bien trop importante. Boyan Slat envisage de nettoyer 140 tonnes de plastique par an, tandis que l’Europe en produit 25 millions à elle seule… Si les chiffres laissent songeurs, The Ocean Cleanup pourrait tout de même être efficace sur de petites surfaces. A suivre. 280 mio 6,4 mio Seuls 2,7% 90% de tonnes de plastique produites chaque année de tonnes de déchets déversées dans les océans de ces plastiques sont recyclables des déchets flottants sont des plastiques h i v e r 2 014 | EFFICIENCE 21 | 47 Sacs en plastique bientôt interdits? Dégradable, oui, mais attention! DR maintenant des sacs biocompostables et payants. Ceci représente 70 tonnes de plastique économisées par année.» Pour Frédéric Mauch, CEO de BioApply, fournisseur en sacs biodégradables du géant orange, le succès de cette opération trouve son origine au-delà des produits qu’il propose: «Ce distributeur a une vraie politique de développement durable. Il ne fait pas qu’interdire ou supprimer un produit, il propose une alternative qui a du sens; en l’occurrence, un sac doublement utile puisqu’il permet de porter les achats et de faire du compost. Cette réflexion est intéressante pour mener une politique efficace sur le long terme. La Californie et la France s’orientent résolument vers cette approche.» A eux seuls, les deux géants du commerce de détail helvétiques Coop et Migros produisent plus de 240 millions de sacs en plastique par an, et ils sont loin d’être les seuls. Des chiffres qui laissent songeurs. Alors, interdire? Taxer? L’avenir le dira mais, en attendant qu’une loi soit ratifiée, il est plus que jamais évident que chaque geste compte. Même les plus petits. E Entre bio et oxo, la différence est totale. Sacs biodégradables: ils sont faits à base d’amidon de pomme de terre, de blé ou de maïs et ne renferment aucune ressource fossile. Ils se décomposent donc totalement, sont compostables et ne laissent aucune trace. Sacs oxo-dégradables: ils sont en plastique, auquel est ajouté un additif qui accélère leur dégradation en microparticules toxiques. En cas d’abandon dans la nature, ces dernières polluent durablement l’environnement et sont quasi impossibles à extraire. Jusqu’à 10 fois plus de plastique que de plancton 4 8 | EFFICIENCE 21 | h i v e r 2 014 «les sacs plastiques contaminent nos filières de valorisation des déchets» DR Société Frédéric Mauch a fondé BioApply en 2006, une entreprise spécialisée dans les emballages et produits biosourcés, biodégradables et compostables. En tant que professionnels, avez-vous été contactés par la Confédération au sujet de la motion de Buman sur l’interdiction des sacs plastiques à usage unique? Oui, nous avons été consultés en février et en octobre. Tous les intéressés étaient conviés dans une volonté concrète d’appliquer cette motion de Buman. Qu’en est-il ressorti? L’OFEV a proposé d’interdire tous les sacs à usage unique, avec quelques exceptions. Les sacs à usage multiple seraient vendus à un prix minimum. C’est une solution supplémentaire [encore à l’étude] à la loi de Buman, que nous soutenons. Que répondez-vous aux détracteurs de ce projet? S’il est vrai qu’ici les déchets sont plutôt bien traités, on ne peut se limiter à une vision suisse; c’est un problème écologique mondial. La preuve avec la pollution plastique des océans: le poisson contaminé finit quand même dans nos assiettes. Et puis, il me semble que la Suisse a été récemment mal notée pour l’état de ses cours d’eau et lacs de montagne. Une simple visite dans les compostières finit par convaincre que les sacs plastiques contaminent nos filières de valorisation des déchets. Que penser des sacs oxo-dégradables? Ces sacs sont un vrai problème. Le lobby du plastique est derrière et cela lui permet de contourner la difficulté en apposant sur ce produit le mot «dégradable». Mais, en fait, c’est la pire des solutions. Ces sacs ont un additif qui dégrade le plastique en microparticules polluantes. Dans un compost ou dans la nature, c’est une catastrophe. On peut les distinguer facilement du sac compostable, car ils ne sont pas certifiés. Le coût de production des sacs biodégradables est-il plus important? Pour l’instant, c’est un peu plus cher que pour un sac plastique standard, mais l’écart se réduit considérablement. Mais surtout, nos sacs ont une valeur ajoutée telle qu’ils sont aussi vendus en rayon. Comparer les prix serait périlleux puisque l’un ne sert à rien ou presque, alors que l’autre permet notamment de réduire la facture du sac-poubelle taxé en diminuant le volume de déchets, puisque 30-40% sont des déchets organiques compostables. Donc, non seulement on économise en taxe, mais on dégage de l’énergie verte, le tout en polluant moins. La production de sacs à base de denrées alimentaires impacte-t-elle les ressources destinées à la consommation? Absolument pas. Si c’était le cas, cela n’aurait aucun sens. Les pommes de terre et le maïs utilisés sont des variétés non consommables pour les humains. De plus, les biomatériaux sont évolutifs. L’idéal serait de produire à partir des déchets. Toutefois, il n’y pas de concurrence avec la chaîne alimentaire. 1000 ans pour disparaître 250 mrd 240 mio de déchets plastiques en Méditerranée de sacs par an chez coop et migros