Le 10 février à la MCA, lors des réglages lumières pour le spectacle

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Le 10 février à la MCA, lors des réglages lumières pour le spectacle
Date : 26 FEV 16
Page de l'article : p.28-29
Journaliste : Frédérique Roussel
Pays : France
Périodicité : Quotidien
OJD : 93781
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Le 10 février
à la MCA, lors
des réglages
lumières pour
le spectacle
dè Nicolas
Le Riche et
Clairemarie
Osta.
Tous droits réservés à l'éditeur
AMIENS 6297807400506
Date : 26 FEV 16
Page de l'article : p.28-29
Journaliste : Frédérique Roussel
Pays : France
Périodicité : Quotidien
OJD : 93781
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Patrimoine
La Maison de
la culture de la
ville s'apprête à
fêter ses SO ans.
Visite des
préparatifs
dans ce lieu
toujours aussi
dynamique
malgréles aléas
financiers.
Par
FRÉDÉRIQUE ROUSSEL
Envoyée speciale a Amiens
Photo SAMUEL RIRSZENBAUM
I y a toujours une première dans les
histoires et toujours une bonne raison
de la commémorer. La Maison de la
culture d'Amiens (MCA) a été la première
construite de toutes pièces et inaugurée
par André Malraux le 19 mars 1966. Ce
n'est pas seulement le demi-siècle de son
édifice que célèbre le paquebot amiénois,
mais aussi la pérennité d'une utopie. Celle-ci s'est arrêtée rapidement ailleurs,
prise à la gorge par les aléas de la politique
et les griffes du budget (lire ci-contre).
Amiens, comme Le Havre (1961) ou Bourges (1964) ouvertes dans des bâtiments
existants, ont perduré, tentant de laisser
l'esprit de Malraux souffler entre les colonnes de béton de la «cathédrale» consacrée
à toutes les cultures.
I
UN JARDIN À LA RENTRÉE
On imaginerait s'enfermer immédiatement dans la «cathédrale» du bout de la
rue centrale à l'opposé de la gare, mais Gilbert Fillinger, qui dirige les lieux depuis
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2005 après avoir tenu celle de Bourges
neuf ans durant, préfère entamer la visite
par le récit enthousiaste d'un événement
prévu à plus de 4 DOO km de là. La MCA est
en effet partenaire du premier festival des
jardins filtrants à Téhéran,
grâce à son expertise déployée
depuis 2010 dans les hortillonnages. Il ne s'agit pas que de culture
-ou plutôt si, de cette culture engagée que
Fillinger défend sans ambages : la création
de cinq jardins filtrants dans la capitale
iranienne vise à sensibiliser le public à la
crise de l'eau qui menace. L'appel à projets
vient d'être bouclé pour une inauguration
fin septembre. Qui aurait dit en 1966 que
la culture tous azimuts dans ces cathédrales départementales prônées par Malraux
irait semer en Iran?
Ce dégagement international ne vise pas
à faire oublier ce qui se déroule intra muros. Pour Gilbert Fillinger, il en fait clairement partie. Les maisons de la culture ont
été conçues comme des lieux pluridisciplinaires, faisant se côtoyer spectacle vivant,
cinéma, musique et, pourquoi pas, jardins.
«La culture touche à des choses fondamentales, et avec le jardin, on touche d'une
autre manière au sens de la vie, c'est une
démocratisation au sens le plus noble du
terme.» En attendant la plantation du jardin qui doit embellir son parvis en septembre, le bâtiment amiénois de
20 DOO m2 abrite deux salles de spectacle
(1067 et 301 places, un cinéma (200 places), un espace
d'exposition, une aile réservée à Label Bleu, label mythique de jazz
(Henri Texier, David Krakauer...) initié par
Michel Orier, qui fête quant à lui ses
30 ans...
Au fil des années, la tendance a été de
grossir un peu plus. En 1993, des travaux
ont agrandi le bâtiment initial, ajoutant
deux salles et une aile dédiée au Label
Bleu. Le cinéma art et essai Orson-Welles
sera rénové en 2008, le studio d'enregistrement en 2015 avec bientôt au-dessus
l'aménagement de huit chambres pour les
artistes. C'est aujourd'hui au tour de l'espace d'exposition de faire des frais avec
l'ouverture prochaine, au rez-de-chaussée,
d'un nouveau corner convivial dévolu à la
photographie et aux nouvelles technologies. Gilbert Fillinger parle de fédérer dif-
férents théâtres qui ont des cinémas
(Tournai, Mons, Villeneuve-d'Ascq)
autour de ce café.
DU TEMPS POUR RÉPÉTER
Ces cinquante années ne se sont pas écoulées sans ressacs pour autant. Elles ont traversé aussi «degrandes difficultés, des crises artistiques etflnancières, des ratés, des
crises humaines», écrit le directeur dans
le Journal des SO ans. Ainsi de Label Bleu,
dont il a fallu arrêter la production et supprimer six postes sur huit en raison d'un
déficit de 100 DOO euros en 2006. «On a repris les enregistrements en 2012 à raison de
trois ou quatre disques par an, mais il faut
rembourser la dette jusqu'en 2018», précise
Gilbert Fillinger. Ainsi de dépressions
dans les subventions, celle de la région il
y a cinq ans, qui ont accentué la recherche
de finances complémentaires. La MCA
gère un budget de 6,4 à 7 millions d'euros,
largement abondé par la ville qui a même
accordé un million supplémentaire sur
trois ans pour la série de travaux en cours.
Il n'empêche : «II faut trouver 40 à 50%
tous les ans», poursuit Gilbert Fillinger.
C'est ainsi qu'est né le festival de jardin,
par appel d'offres, grâce au soutien de
Martin Kirsch et Marin Karmitz.
La maison s'est construite au fil des ans
comme une famille. Avec ses aficionados
y trouvant l'affinité artistique et un outil
de création idéal. Ainsi, les murs connaissent bien Marcel Bozonnet, Daniel Jeanneteau, Denis Podalydès, Pippo Delbono,
Benjamin Lazar ou encore Nathalie Garraud et Olivier Saccomano. Pour le temps
fort de l'anniversaire, Gilbert Fillinger coproduit trois créations qui ont cohabité
dans leurs derniers jours d'accouchement.
Les deux ex-danseurs étoiles de l'Opéra de
Paris Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta
sont arrivés quinze jours avant la première, le 22 février, pour répéter Parallel,
sur une musique de Matthieu Chedid.
«C'est une chance, tout ce temps de création, On peut se confronter avec un certain
recul à la réalité sur cette scène-là», raconte Nicolas Le Riche. «Ce temps-là vaut
de l'or», renchérit Clairemarie Osta, qui
poursuit: «C'est une scène qui voit du pays.
Onysent la vibration de celle qui a traversé
certaines époques dans un cahier des charges assez libre.» Le couple parle de son
nouveau spectacle, Para-ll-èles, comme le
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récit fabuleux de deux personnages qui se
rencontrent et créent des liens (I). «C'est
un duo solitaire, ou un solo à deux, qui dit
aussi qu'on est seul avec les traces de gens
qu'on a croisés.» Sur le plateau de la grande
salle, les techniciens œuvrent à l'éclairage.
«On a la lumière comme décor, reprend Nicolas Le Riche. C'est Jean-Michel Désiré,
éclairagiste de Roland Petit, qui fait la
création lumière.»
La première fois où le danseur était venu,
Daniel Jeanneteau, qu'il connaît pour
avoir scénographie Caligula, répétait déjà
dans une salle voisine. «Que Daniel soit encore à côté ne tient pas du miracle.» De l'esprit maison... Il suffit de traverser le foyer
pour pénétrer dans la petite salle où, en effet, Daniel Jeanneteau est tout à saMénagerie de verre, de Tennessee Williams. Lui
est indéniablement un fidèle parmi les fidèles du lieu, le fréquentant depuis dix
ans, depuis sa mise en scène de la Sonate
des spectres, d'August Strindberg. «Je n'ai
même pas signé de contrat, j'ai une complicité artistique avec Gilbert Fillinger. Je ne
propose pas un projet mais je l'avertis.» Le
metteur en scène parle de l'accompagnement avec des personnalités qui fonde son
parcours: ses débuts à 25 ans avec Claude
Régy et l'Amante anglaise au Théâtre Renaud-Barrault, puis avec Alain Ollivier au
Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis et
Stéphane Braunschweig à la Colline.
La scène est enrobée d'un voile blanc, le
sol recouvert de fourrure immaculée, une
table et des chaises pour seul décor. C'était
déjà la scénographie de sa mise en scène
au Japon en 2011, pays où il se rend depuis
vingt ans et où il est régulièrement invité
par Satoshi Miyagi, directeur du Shizuoka
Performing Arts Center. Avec la traductrice Isabelle Framdon, il a travaillé pendant des mois sur une nouvelle traduction
de la Ménagerie de verre pour en enlever
le vernis passéiste qui lui avait été appliqué. La pièce a d'abord été répétée pendant quatre semaines au Théâtre-studio
de Vitry, dont il est le directeur, avant de
squatter la petite salle d'Amiens depuis le
1er février. «J'adore être là. Dans cette
grande carcasse autour, c'est une sorte
d'écrin très doux, avec une excellente
acoustique, dans laquelle on peut s'enfermer dans le travail.»
cette période exceptionnelle: l'artiste, décorateur et créateur Tim Vip, connu pour
avoir été le directeur artistique de Tigre et
Dragon, d'AngLee, et des Trois Royaumes,
de John Woo. Gilbert Fillinger l'avait rencontre à Amsterdam avant de lui proposer
sa première exposition en France pour le
quarantième anniversaire de... la Maison
de la culture de Bourges. Talent protéiforme, Tim Vip expose dé-ci dé-là dans le
paquebot amiénois costumes, photos et
sculptures. Certaines oeuvres ont été spécialement créées pour Amiens, où il s'est
pris de passion, pendant son séjour, pour
le fameux labyrinthe de la cathédrale et le
passé de champ de bataille de la Première
Guerre mondiale. «Chaque moment est une
expérience que je mets dans mon travail»,
explique-t-il.
Depuis six ans, il ne se déplace jamais sans
Lili, un mannequin dont la présence suscite une étrange atmosphère. «Quand je la
place dans un endroit, elle crée quelque
chose. J'ai besoin de l'objet pour saisir l'infinité. Cela crée de l'émotion dans le public
et suscite de l'énergie.» Son exposition s'intitule «In parallel», proche duPara-ll-èles
de Nicolas Le Riche. Qui démentirait qu'il
existe une parenté inconsciente entre ces
artistes associés à la Maison de la culture
d'Amiens, cherchant à montrer l'excellence au public ? Cinquante ans après,
Amiens poursuit la route impulsée par
Malraux («La culture, c'est ce qui répond à
l'homme quand Use demande ce qu'il fait
sur Terre», lançait-il, lyrique, à l'inauguration). Même si la culture se trouve à la fin
d'un cycle, selon Daniel Jeannetau, il faut
avoir confiance dans ces moments-là et se
réinventer pour rester vivant. Il dit : «On
ne regarde pas derrière soi. L'art, c'est l'anti-peur, c'est ce qui avance.» -*•
(I) «Para-ll-èles» de Nicolas Le Riche
sera joué au Théâtre des Champs-Elysées
(Paris VIIIe) du ll au 13 mars.
LA MÉNAGERIE DE VERRE
de TENNESSEE WILLIAMS
m. s. de Daniel Jeanneteau. Le 26 février
à20h30,le28à!6h,le29à20h30.
TENDANCE JAZZ Pont les 30 ans
de Label Bleu, concerts les 4 et 5 mars
avec Henri Texier, Thomas Pourquery
et Rokia Traoré.
TIM VIP UV PARALLEL jusqu'au 15 mai.
MANNEQUIN ÉTRANGE
Troisième hôte d'honneur des lieux en Maison de la culture d'Amiens (80).
www.maisondelaculture-amiens.com.
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