Motion "Halte à la pollution des sacs plastiques"

Transcription

Motion "Halte à la pollution des sacs plastiques"
Motion "Halte à la pollution des sacs plastiques"
Prise de position
1.
Résumé
Lors de la transmission, fin 2012, de la motion de Buman 10.3850 "Halte à la pollution des sacs
plastiques" au Conseil fédéral, celui-ci a été chargé d'interdire la distribution de sacs plastique à
usage unique aux caisses des magasins. L'Office fédéral de l'environnement (OFEV) a proposé les
deux variantes suivantes: a) Une interdiction des sacs plastique à usage unique incluant certaines
exceptions et b) la même interdiction assortie d'une obligation de rendre payants les sacs réutilisables
(avec, là encore, quelques exceptions). La CI CDS juge ces propositions inefficaces et incompatibles
avec l'évolution de la législation européenne. C'est pourquoi elle suggère plutôt d'interdire la
distribution gratuite de sacs de tous types aux caisses des magasins proposant principalement des
denrées alimentaires. Cette solution est efficace, non discriminante et facile à mettre en œuvre, et
répond parfaitement aux besoins des consommateurs.
2.
Interdiction des sacs plastique: rappel de la situation
2.1
Motion de Buman
Le Conseil national et le Conseil des Etats ont adopté respectivement le 12 juin et le 13 décembre
2012 une motion du conseiller national Dominique de Buman, qui charge le Conseil fédéral d'interdire
la distribution de sacs plastique aux caisses des magasins. Voici ce que stipule la motion:
"L'article 30a lettre a de la LPE, intitulé "Limitation", dit: "interdire la mise dans le commerce de
produits destinés à un usage unique et de courte durée, si les avantages liés à cet usage ne justifient
pas les atteintes à l'environnement qu'il entraîne". Le Conseil fédéral est chargé d'interdire la
distribution des sacs plastiques appelés aussi "sacs de caisse", comme cela se fait dans de
nombreux pays."
Motifs du dépôt de la motion:

Problème planétaire; appel des membres du G8 à réduire la production de sacs plastique

Energie nécessaire à la production des sacs plastique

Efforts faits par d'autres pays en vue de réduire la consommation de sacs plastique

Développement du rôle de modèle de la Suisse en matière de gestion des déchets

Signal fort dans la lutte contre le gaspillage des ressources
Titre Prise de position sur la motion relative à l'interdiction des sacs plastique
Auteur Thomas Mahrer, responsable du GT Environnement et énergie
Document Prise de position
Contact [email protected]
Date de 19.11.2014
création
Version 3
2.2
Evolution dans l'Union européenne

Le 16 avril 2014, le Parlement européen a transmis au Conseil de l'Union européenne (UE) un
projet de révision de la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d’emballage.

Ce projet vise notamment à réduire la consommation de sacs plastique fins à usage unique de
50% dans les deux ans et de 80% dans les cinq ans qui suivront, et ce en les rendant payants.

Le Conseil de l'UE, qui délibère actuellement sur cette révision de la directive, souhaite en
atténuer fortement la teneur et donner une grande marge de manœuvre aux Etats membres dans
sa mise en œuvre, notamment en ce qui concerne:
2.3

les mesures économiques, comme p. ex. l'obligation de vendre les sacs;

les conventions passées avec les acteurs économiques;

les exceptions pour certains types de sacs.
La situation en Suisse

En Suisse, le commerce de détail génère chaque année moins de 3'000 tonnes de sacs
plastique1, soit 0,3% de la quantité totale de plastique transformée dans notre pays

L'abandon de sacs plastique dans la nature constitue un problème mineur en Suisse, où le
système d'élimination des déchets est très efficace; il n'est d'ailleurs comparable à celui d'aucun
autre pays. En Suisse, les ordures ménagères sont en grande partie recyclées et le reste est
valorisé thermiquement dans des usines d'incinération des déchets.

Les pays qui ont décrété l'interdiction des sacs plastique (Italie, France, Chine, Rwanda,
Ouganda, Érythrée, Australie, etc.) mettent la plupart des ordures ménagères collectées en
décharge. Résultat: les déchets les plus légers, comme les sacs plastique par exemple, s'envolent
et polluent fortement les sols et les eaux. Un tel problème ne se pose pas en Suisse.

Les sacs plastique distribués dans le commerce présentent un écobilan relativement bon par
rapport à d'autres matériaux.

L'objectif est de parvenir à une solution qui constitue une amélioration sur le plan écologique et
qui soit bien acceptée par les clients.

Les consommateurs doivent être incités à opter pour des sacs réutilisables.
2.4
Propositions de mise en œuvre de l’OFEV du 28 octobre 2014
Le 28 octobre dernier, l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) a présenté deux propositions de
mise en œuvre de la motion de Buman:
1. Interdiction des sacs plastique à usage unique. Seule exception: les sacs plastique en contact
direct avec les denrées alimentaires, qui sont distribués pour des raisons d'hygiène ou qui sont
utilisés pour la vente au détail de petites quantités.
2. Interdiction mentionnée au point 1 assortie d'une obligation de rendre payants les sacs
réutilisables, sauf s'il est clairement stipulé sur le ticket de caisse que leur distribution est
gratuite.
1
Cf. prise de position du Conseil fédéral du 24.11.2010 sur la motion de Buman
2/6
2.5
Évaluation des propositions de mise en œuvre
La CI CDS reconnaît la nécessité de mesures supplémentaires en faveur d'une économie
respectueuse des ressources (cf. prise de position de la CI CDS sur la révision de la Loi sur la
protection de l'environnement (LPE)).
Elle soutient l'objectif de la motion du conseiller national D. de Buman, qui vise à réduire la pollution
engendrée par les sacs plastique, bien que celle-ci soit relativement faible en Suisse et qu'elle
constitue donc un problème mineur.
Compte tenu de la situation en Suisse, la CI CDS rejette les propositions de l'OFEV. Elles sont
discriminantes et inefficaces, et n'offrent pas aux entreprises la marge de manœuvre préconisée par
la législation européenne:

L'interdiction pure et simple des sacs plastique à usage unique à base de pétrole n'est pas la
meilleure solution pour réduire la pollution.

En effet, elle encouragerait indirectement le recours à d'autres matériaux qui, selon une étude du
Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche2, présentent des écobilans moins bons
alors que les sacs en plastique recyclé, qui selon cette même étude présentent le meilleur
écobilan, seraient quant à eux interdits.

Les bioplastiques, par exemple, sont issus de l'agriculture intensive et, à résistance égale, leur
fabrication nécessite davantage de matériaux. Autre problème: ils sont fabriqués à partir d'amidon
de maïs, de pommes de terre ou de soja, qui sont des aliments de base importants pour de
nombreuses populations, et leur production empiète donc sur celle des denrées alimentaires. En
outre, les sacs plastique biodégradables et les sacs en bioplastique contiennent une quantité
considérable de composants pétroliers.

Si la deuxième proposition de l'OFEV était retenue, les clients pourraient facilement contourner
l'interdiction des sacs plastique à usage unique en optant pour les sacs réutilisables gratuits.

Imprimer une mention spéciale sur le ticket de caisse ne permet pas de sensibiliser les
consommateurs.

Les propositions de l'OFEV ne respectent pas le principe de subsidiarité, qui prévoit de ne recourir
aux dispositions étatiques qu’en dernière instance, si les mesures volontaires et les accords
sectoriels se révèlent insuffisants.

Ce non-respect est d'autant plus regrettable que la révision en cours de la Loi sur la protection de
l'environnement prévoit justement de renforcer le principe de subsidiarité.

La législation européenne évolue en faveur d'une réduction de la consommation et non d'une
interdiction. Il n'y a donc aucune raison de suivre une autre voie en Suisse, d'autant plus que cette
dernière se distingue déjà par un système d'élimination des déchets efficace, des habitudes de
consommation différentes et une sensibilité écologique très développée. La pollution engendrée
par les sacs plastique est faible en Suisse par rapport à d'autres pays. Les propositions de l'OFEV
sont par conséquent disproportionnées.
CONCLUSION: l'intérêt écologique des variantes proposées par l'OFEV est discutable, car celles-ci
ouvriraient la porte à des matériaux dont l'écobilan est moins bon que le plastique utilisé jusqu'ici. Ces
deux propositions freinent en outre les mesures volontaires prises par les acteurs économiques, qui
reposent sur les dernières découvertes scientifiques et avancées technologiques. Enfin, elles sont en
2
Hischier Roland, EMPA (2014): Ökobilanz von Tragetaschen
3/6
désaccord avec l'évolution de la législation européenne, ce qui pourrait nuire à la compétitivité des
acteurs économiques suisses.
3.
Contre-proposition de mise en œuvre de la motion
La CI CDS demande une révision des propositions de l'OFEV concernant la mise en œuvre de la
motion de Buman. Elle soutient une mise en œuvre:

judicieuse sur le plan écologique;

économiquement supportable et applicable dans la pratique;

efficace: l'intérêt écologique doit être à la hauteur des frais générés;

libérale, garantissant à tous les acteurs économiques une marge de manœuvre importante (pas
de discrimination concernant le choix des matériaux et respect du principe de subsidiarité);

claire et compréhensible pour les clients, et accompagnée d'une campagne d'information
préalable de l'OFEV sur le sujet;

assortie d'une période de transition d'au moins deux ans afin de permettre aux acteurs concernés
d'adopter le nouveau règlement.
Dans cette optique, ce n'est donc pas la distribution de sacs fabriqués à partir d'un ou de plusieurs
matériaux qu'il faut interdire, mais bien la distribution gratuite de sacs. La CI CDS soumet donc la
contre-proposition suivante:
1. La distribution gratuite de sacs à usage unique est interdite, quels que soient leur poids,
le matériau utilisé, etc.
2. L'interdiction de distribuer gratuitement des sacs s'applique aux caisses des magasins
proposant essentiellement des denrées alimentaires.
3. Ne sont pas concernés par cette interdiction, les sacs:
a.
destinés à emballer directement des denrées alimentaires;
b.
dont l'utilisation est indispensable pour des raisons d'hygiène;
c.
destinés à emballer des articles vendus en vrac;
d.
distribués dans les magasins de moins de 500 m2 (boutiques de stations-service
comprises);
e.
distribués aux caisses en libre-service.
4.
Motifs de la contre-proposition
4.1
Une solution applicable quels que soient le poids du sac, le matériau utilisé, etc.

Le passage à des sacs payants (vendus 5 centimes pièce) chez l'un des membres de la CI CDS a
entraîné une baisse de 94% de la consommation de sacs plastique.
4/6

Cette nouvelle mesure incite les clients à emporter avec eux un sac réutilisable lorsqu'ils vont faire
leurs courses. Et pour les achats spontanés, les magasins proposent toujours une solution
pratique.

Au vu de la forte baisse de la consommation de sacs plastique constatée après l'introduction des
sacs payants, cette proposition constitue pour la CI CDS une alternative efficace à l'interdiction
stricte des sacs plastique.

La proposition de la CI CDS n'interdit aucun matériau en particulier. Les grands distributeurs
peuvent donc continuer à proposer les sacs qu'ils souhaitent. Résultat: pas de discrimination
écologiquement non justifiée de certains matériaux.
4.2
Une interdiction limitée aux supermarchés

Cette interdiction s'appliquerait uniquement aux caisses des magasins qui proposent
essentiellement des denrées alimentaires. L'expérience a montré que les supermarchés étaient à
l'origine de plus de 80% des sacs plastique distribués gratuitement.

L'interdiction de distribuer des sacs gratuits dans ce type de magasins se révèlerait très efficace
et serait dans la droite ligne de la motion de Buman.

Les points de vente qui ne vendent pas ou peu de denrées alimentaires (p. ex. les Grands
Magasins ou les magasins spécialisés) proposent déjà pour la plupart des sacs à usage multiple
plus épais et plus résistants, qui ne doivent pas être concernés par cette interdiction.

Dans le secteur non alimentaire, le conseil à la clientèle, mais également la distribution de sacs,
constituent des prestations supplémentaires importantes aux yeux des clients.

En outre, les articles en verre ou encore la vaisselle p. ex. doivent impérativement être protégés si
l'on veut qu'ils arrivent intacts à la maison.

Une interdiction trop stricte des sacs plastique mettrait en péril la compétitivité du commerce de
détail suisse.

Le prix des sacs ne doit en aucun cas être imposé par la loi; il doit refléter la valeur de marché.
4.3
Exceptions à l'interdiction de distribuer des sacs gratuits

Les denrées alimentaires proposées non emballées (fruits, légumes, viande, poisson, fromage)
doivent être vendues dans un sac pour des raisons pratiques ou d'hygiène.

Il serait totalement injuste de faire payer au client le sac plastique qui empêche ses grains de
raisin de tomber ou qui retient le jus de sa viande (= élément de l'emballage).

Il en va de même pour les produits vendus à l'emporter et destinés à être consommés sur le
pouce, et notamment pour les plats chauds et/ou liquides, pour lesquels un sac plastique
s'impose.

Le passage à des sacs biodégradables ou à des sacs en bioplastique n'est en aucun cas
judicieux sur le plan écologique, car ceux-ci présentent un écobilan moins bon que les sacs
plastique classiques. En outre, ils contiennent toujours une quantité importante de composants
pétroliers. La fin ne justifie donc en aucun cas les moyens.

Les petits magasins (de moins de 500 m2) ne sont responsables que d'une infime partie des sacs
plastiques distribués gratuitement aux clients. Ces derniers s'y rendent essentiellement pour
effectuer de petits achats spontanés, par exemple après le travail.

Il paraît donc difficile de sensibiliser les clients à se servir de sacs plastique réutilisables et, par là
même, d'interdire la distribution gratuite de sacs dans ce type de magasins. Il en va de même
5/6
pour les caisses en libre-service. L'introduction de sacs plastique payants nécessiterait en plus de
modifier les logiciels informatiques, ce qui entraînerait des coûts disproportionnés (mauvais
rapport coût/intérêt écologique).
6/6