CR St Germain des Prés
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CR St Germain des Prés
4 avril 2012 (CALM R&V) Saint-Germain-des-Prés La rue Mabillon Nous descendons au 8 rue Mabillon, dans un restaurant qui s’appelle "La Petite Cour« environ à 3m sous la rue actuelle, pratiquement au niveau de circulation du Moyenâge ; au XIVe siècle, il y avait ici la foire des abbés de Saint-Germain-des-Prés. La rue Mabillon actuelle date du Second Empire lorsque qu'on a percé le boulevard de SaintGermain-des-Prés, elle rejoint par la rue des Ciseaux, le boulevard de St-Germain-desPrés. La maison du compagnonnage À côté, la maison du compagnonnage est un musée, gratuit, qui est installé dans une ancienne cayenne c'est-à-dire une ancienne maison mère d'accueil des Compagnons ; avant la Révolution et même au XIXe siècle le compagnonnage était la condition sine qua none pour entrer dans les professions du bâtiment (charpentier, maçon, sculpteur ou tailleur de pierre etc.) Ici c'est la maison des Compagnons charpentiers et il y a des chefs-d’œuvre à voir. La foire St-Germain La foire de St-Germain-des-Prés était installée à l'emplacement de l'actuel marché de St-Germain-des-Prés, en clair entre la rue du Four et l'église St-Sulpice. La foire est restée en place pratiquement jusqu'au XVIIIe siècle ; c'était une foire presque aussi importante que la foire St-Ladre qui est à l'origine des halles de Paris ; cette foire était celle dans laquelle on se fournissait essentiellement en lainages, en dentelles et en vin. Au XVIIe siècle, dans les années 1670, il va y avoir ici un personnage qui va vendre des grains de café ; c'est un sicilien, Procopio dei Coltelli, qui a rapporté du café de Turquie et avait d'abord ouvert le premier débit de café à Marseille. La rue Guisarde En descendant la rue Guisarde, on est sous le charme, car ce sont des boutiques encore un peu comme celles du XIXe et du XXe avec des devantures en bois ; les maisons sont assez disparates et on peut voir de belles façades inclinées comme on en trouve dans les vieux quartiers de Paris, et juste en face rue des Canettes, on aperçoit également un type de constructions extrêmement simples qui datent pourtant du XVIIe siècle. C'est au XIXe siècle qu'elle devient la rue des bistrots de St-Germain-des-Prés et qu'elle est baptisée "la rue de la soif". La rue des Canettes Avant le XIXe siècle, il n'y a aucun règlement qui impose la pierre de taille, et on voit ici la diversité des constructions ; les maisons populaires côtoient les maisons en pierre de taille qui sont élevées au XVIIe généralement par des investisseurs. Le nom de la rue vient de cette sculpture sur la façade d'une maison. L'abbaye de St-Germain-des-Prés Avant de traverser le boulevard, il faut admirer le clocher, sur lequel on constate que des emplacements ont été bouchés ; ce clocher, qui est le plus vieux de Paris, était associé à deux autres clochers qui ont été supprimés au XIXe, et il a, donc, fallu le consolider, en supprimant des ouvertures, pour permettre de reconstruire, car toute la partie haute est du XIXe siècle ; c'est du roman mais du XIXe. Lorsque l'on commence à construire cette abbaye, au VIIe siècle, on est très loin de Paris ; et même plus tard lorsque Philippe Auguste fait bâtir son enceinte, elle est encore à l'extérieur de l'enceinte de Paris. La première chapelle est bâtie au VIIe siècle pour conserver des reliques qui viennent d'Espagne, rapportées par le roi Childebert, fils de Clovis ; il s'agit d'une croix, d'une tunique d'un martyr chrétien qui a été canonisé (Saint Vincent), des pierreries, des évangiles et autre mobilier liturgique comme des calices, etc. Un peu plus tard, vers la fin du VIIe siècle, l'évêque Germain, de Paris, va faire édifier, autour de cette chapelle, des bâtiments conventuels pour héberger environ une quarantaine de moines qui viennent d'Autun et qui sont sous la règle de Saint Basile. Du VIIe au XIIe siècle, l'abbaye va prendre une importance considérable ; elle va être une abbaye fortifiée et, tout autour de l'abbaye, les moines vont devenir propriétaires de terres qui vont jusqu'à Villeneuve-St-Georges et jusqu'à la plaine de Grenelle ; de là le surnom de ces abbés de St Germain "des près" parce qu'ils sont propriétaires de très nombreux domaines, en Île-deFrance principalement ; ces moines sont les seigneurs d'un bourg qui va se développer considérablement ; ils se sont beaucoup enrichis, en percevant des droits sur les emplacements loués par les marchands de la foire, des taxes sur les ventes et une taxe sur la cuisson du pain ; le nom de la rue "du four" est dû au four banal des abbés de St-Germain-des-Prés. Au XIIe siècle, les bâtiments de l'abbaye atteignent la rue Jacob. L'église St-Sulpice est construite à partir du XIIe siècle, pour les paroissiens du bourg. Le jardin de l'église Avant le percement du boulevard St-Germain-des-Prés, il y avait ici une prison gigantesque et un cimetière ; ce cimetière est transformé au XIXe en petit square public et au début du XXe, on va transporter, ici, cette gigantesque porte en céramique qui a été réalisée dans les ateliers de la manufacture de Sèvres pour orner l'entrée de la maison de Sèvres lors de l’exposition universelle de 1900. Le style de cette porte est très influencé par l'art nouveau notamment au niveau des couleurs, des représentations florales et végétales. Le carrefour du jazz Lors du percement du boulevard St-Germain et de la rue de Rennes, ce carrefour va devenir très important. Dès la fin du XIXe, on voit arriver plusieurs établissements qui vont devenir extrêmement célèbres. En particulier, les Deux Magots qui est d'abord une boutique de nouveautés, avec cette enseigne, les magots sont des figurines chinoises ; puis un brasseur s'installe ici et garde l'enseigne des deux magots. Plus tard, arrive de l'autre côté du boulevard un certain Monsieur Lippman, alsacien et la brasserie des bords du Rhin devient la brasserie Lipp, qui deviendra, pendant l'entre-deux-guerres, réputée pour ses rendez-vous politico-littéraires. Plus tard s'installe Le Flore, et, donc, on a au milieu de ce carrefour St-Germain-des-Prés une triangulaire célèbre : Lipp, Les Deux Magots, Le Flore, pour la réunion de tous les politiciens, de tous les étudiants, de tous les philosophes. Ce carrefour est considéré pendant l'entre-deux-guerres comme le carrefour intellectuel de Paris. Après la seconde guerre mondiale, quand le jazz arrive des États-Unis, les clubs de jazz vont s'ouvrir partout à St-Germain-des-Prés, depuis quasiment la rue de la Huchette jusqu'ici en passant par la rue Jacob et le Tabou (rue Dauphine) ; ces caves de jazz étaient aussi des caves où l'on faisait scandale ; elles étaient fréquentées par Juliette Greco, Boris Vian, mais également beaucoup d'autres, Michel Leiris, Papatakis, etc. L'église St-Germain-des-Prés L'église actuelle, romane, est celle qui a été reconstruite à partir du XIIIe siècle ; les arcatures sont romanes, les chapiteaux sont romans mais un seul date de l'an mil, date de la construction de ce clocher roman, les autres sont des moulages du XXe siècle ; les anciens se trouvent au musée de Cluny. L'église a été également modifiée au XVIIe ; les moines mauristes qui rejoignent les moines de St-Germain-des-Prés vont agrandir l'église, transformer un peu le chœur et recouvrir la nef ; cette nef est couverte de voûtes d'ogive gothiques du XVIIe. Au XIXe siècle, le percement du boulevard de St-Germain-des-Prés, de la rue de Rennes et de la rue de l'abbaye entraîne toutes les démolitions qui sont autour et tous les jardins sont aujourd’hui remplacés par les immeubles de la rue Jacob qui ont été construits essentiellement au XIXe. Flandrin est le restaurateur de toutes les fresques à la cire qui sont du XIXe siècle. Dans la rue Jacob, on voit quelques pierres de la chapelle de la Vierge construite au XIIe siècle, où a eu lieu l'inhumation de l'architecte Pierre de Montreuil, qui travaillait en même temps à la cathédrale Notre-Dame. Nous descendons quelques marches pour traverser toutes les anciennes écuries, transformées aujourd'hui en une boutique de décoration, et pour arriver Place de Fürstenberg qui est l'ancienne cour des écuries. Les chaînages de pierres que l'on voit sont les anciennes travées des remises à voitures. C’est ici, en 1585, que les abbés de St Germain font édifier leur palais abbatial, destiné à recevoir les hôtes du Roi, les hôtes des abbés et les étudiants qui viennent se tenir informés des affaires ecclésiastiques. Ce bâtiment, le premier construit en pierre et en briques à Paris, appartient toujours à la paroisse. La maison de Delacroix Dans une cour avec une arcade cochère, nous trouvons un immeuble, édifié entre 1804 et 1810, où Eugène Delacroix s'est installé, à partir de 1849, quand il reçu la commande des Saints anges de la chapelle St Sulpice ; il a occupé le 1er étage de cette maison et dans le jardin il a fait construire son atelier ; il a vécu ici jusqu'à sa mort en 1863 ; la société des amis de Delacroix, fondée en 1864, pour conserver toutes les œuvres du peintre, a créé un musée privé, qu'elle a légué à la ville de Paris ; aujourd'hui c'est un musée national. Hôtel du Maréchal de Saxe Ici au XVIIe, il n'y avait aucune porte, c'était juste un passage sous la maison qui permettait d'aller jusqu’à la rue Visconti ; on admire l'escalier qui a un rôle d'apparat, avec cette magnifique rampe en fer forgé qui marque bien son époque. Cette maison a abrité au XVIIIe un certain maréchal de Saxe, qui est l'aïeul de George Sand. Le 57 rue de Seine Encore un exemple d'ancienne rue, nous sommes dans une maison qui a été bâtie le long de la rue de Seine, donc avec obligation de laisser un passage ; on peut observer ici la manière de construire avec tout le chaînage en bois. Cette rue a été bouchée par des immeubles, probablement au début du XIXe siècle. Le 53 rue de Seine, la galerie Jeanne Bucher Une autre cour avec des immeubles d'habitation à loyer ; au XIXe, le long de la rue de Seine vont se construire des ateliers pour les artisans ; mais ce sont des lieux très populaires, où les gens travaillent et habitent en même temps. C'est dans les années 1950, lorsque c'est la grande époque du jazz, que l'on va voir arriver les premiers galeristes et parmi ceux-ci, la galerie Jeanne Bucher. Dans cette galerie d'avant-garde on va exposer pour la première fois les arts océaniens et africains, les arts du Mexique, bien avant l'arrivée des "Arts Premiers". Cette galerie est toujours d'avant-garde comme on le voit avec la sculpture dans la cour. L'arrivée du musée d'Orsay a aussi entraîné l’explosion de ces galeries d'art dans le quartier. L'enceinte de Philippe Auguste En descendant dans le parking de la rue Mazarine, nous découvrons le mur d'enceinte de Philippe Auguste en sous-sol. C’est un des rares morceaux sur lequel on peut observer l'épaisseur (environ 2m) ; ce mur avait une hauteur de 9m et il était entièrement crénelé, avec un chemin de ronde. On est en présence d'un mur qui a été construit à partir de 1190 et terminé en 1213 ; ce mur a survécu à toutes les guerres, il a été protégé par les constructions. Dans une salle de l'institut d'études pharmaceutiques et médicales, on peut voir un morceau de la tour de garde. Le café Laurent Le café Laurent remplace le Tabou ; c'était un club de jazz installé, dans les années 50, dans la cave de ce café fréquenté par Boris Vian, Juliette Greco et par tous les fêtards du quartier, car c'était le seul bistrot qui avait l'autorisation de rester ouvert toute la nuit en raison de la présence des imprimeries où les ouvriers imprimeurs travaillaient toute la nuit. Cette cave aujourd'hui n'existe plus, elle est transformée en salle de conférences. L’hôtel de Rohan Nous entrons maintenant dans une des plus belles cours ; c'est un ancien chemin qui permettait de sortir derrière l'enceinte de Philippe Auguste. Cet hôtel a été construit pour les évêques de Rouen et cette cour s'appelle "cour de Rohan" ; c'est une erreur. Les évêques de Rouen ont fait partie de ces religieux qui se sont fait édifier à Paris des hôtels particuliers, comme les archevêques de Sens et un certain nombre d'autres religieux. Au XIXe siècle, ces quartiers n'intéressent personne ; ils vont être dénaturés pour construire un grand nombre d'appartements dont les loyers sont très modiques, jusque dans les années 1965 – 1970. Le Procope Nous arrivons dans le passage du commerce St-André, à l'emplacement du mur d'enceinte ; la salle du restaurant "Un dimanche à Paris" est juste sur le mur d'enceinte et à l'intérieur il y a une tour de garde qui est entière, magnifiquement rénovée. Ici, les fossés ont été comblés au XVIIe siècle. Sous Louis XIV ; la première maison construite était un établissement thermal, qui a été racheté par Procopio dei Coltelli qui vendait les cafés à la foire St-Germain ; il va créer le premier salon de café qui va avoir un succès fantastique avec le café et aussi avec les décors de la salle. Tous les murs sont tapissés de papier peint, il y a des éclairages et des tables ; on va servir non seulement du café mais également de la glace, des entremets, et ce lieu va devenir le rendez-vous des professeurs et des étudiants qui viennent ici philosopher ; cela va permettre aussi de distinguer le Procope des tavernes dans lesquelles on vient s’enivrer. Puis de l'autre côté de la rue de l'Ancienne Comédie, va s'installer, à partir de 1686, la Comédie Française ; et au sortir de chaque représentation les spectateurs s'engouffrent en face pour discuter de la pièce ; ces critiques attirent les chroniqueurs, et le Procope devient le lieu des rendez-vous élégants de Paris, fréquenté aussi par les gens de la Cour de Versailles. Puis Procopio sera remplacé par un certain Zoppi qui va accueillir les futurs révolutionnaires. Au Procope, on va annoncer les nouvelles du pays, on remet en cause les gouvernements de Louis XV à Louis XVI ; dès 1780 c'est au Procope qu'on fait la politique du moment ; il devient un lieu dans lequel il est coutumier de rencontrer Robespierre, Danton, Marat, Saint-Just et les autres. Aujourd'hui le Procope est devenu un restaurant qui fonctionne très bien et c'est un lieu dans lequel on fait encore des conférences ; il y a surtout des professeurs de l'Université qui viennent philosopher avec leurs élèves. La guillotine C’est dans le passage Saint André que l’on a fabriqué la guillotine ; c'est un instrument d'exécution capitale qui est demandé par Louis XVI lui-même en 1787, dans de bonnes intentions. Louis XVI a supprimé tous les modes d'exécution capitale et toutes les tortures ; il voulait des exécutions capitales qui soient les mêmes pour toutes les couches sociales ; en supprimant tous les supplices, il voulait que ce soit la même exécution pour tous. Un concours a été lancé et le Docteur Louis a inventé un instrument qui permettait, en appuyant sur un bouton en haut, de voir le couperet et la tête tomber pratiquement en même temps. Quand la machine a été prête, aux premiers temps de la Révolution, elle a été présentée à l'Assemblée et elle a été refusée. Aux premières heures de la Révolution on voulait juste un changement de régime, une monarchie constitutionnelle, et on voulait surtout montrer qu'on était dans un élan de fraternité donc on ne voulait pas de peine de mort ; on a donc rangé "la Louisette". Quand les révolutionnaires ont fait ressortir la machine, l'inventeur le Docteur Louis était mort et le procèsverbal de mise en service a été signé par le Docteur Guillotin, d'où le nom de guillotine. On a testé la machine sur des prisonniers du Kremlin-Bicêtre et la première exécution fut celle de Monsieur Pelletier qui était un simple voleur de grand chemin ; cela s'est passé devant l'Hôtel-de-Ville, ensuite la machine a été déplacée sur la Place de la Concorde qui s'appelait la place Louis XV, et qui a été baptisée place de la Révolution; alors commence la période où les révolutionnaires vont faire passer à la guillotine tous les monarchistes et tous ceux qui osent riposter à Robespierre. La guillotine a duré jusqu'en 1976, le dernier condamné était Christian Ranucci. La peine de mort est abolie par François Mitterrand sur la demande de Robert Badinter en septembre 1981. Photos : Jeannette Texte : Jackie