Walkability US

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Walkability US
Brève Vigie, 22 février 2010
États-Unis : la marche à pied bonne pour l’immobilier ?
Les Américains seraient-ils prêts à laisser au garage la reine voiture pour redécouvrir les
joies de la marche à pied ? Selon une récente étude, dans la plupart des villes des États-Unis,
les logements qui se vendent le plus cher sont les plus « marchables » (walkable), c’est-à-dire
qu’ils permettent d’accéder à pied, à des commerces, à l’école, etc.
S’il peut être utilisé dans différents contextes et avec des définitions plus ou moins précises, le
concept de walkability est surtout connu, aux États-Unis, au travers du site Internet
Walkscore.com, qui propose de calculer la « marchabilité » de n’importe quel logement dans
le pays en indiquant son adresse.
D’après ses fondateurs, le degré de marchabilité d’un logement est défini par plusieurs
élements tels que la présence, à moins d’1,5 kilomètre, de commerces, de transports en
commun, de parcs et d’espaces publics, de lieux de travail et d’éducation... La marchabilité
est alors notée entre 0 et 100 : en dessous de 24, les habitants sont totalement dépendants de la
voiture, alors qu’à partir de 90, le quartier est le « paradis du marcheur ».
Pour être réellement pertinent, l’indicateur nécessiterait des informations précises pour
chaque quartier, et des mises à jour régulières : les incohérences des données du site
fréquemment relevées par les internautes révèlent qu’il s’agit là d’un défi. Pour l’instant, le
site Internet utilise en effet presque exclusivement les données du site Internet de Google
maps, qui ne sont pas systématiquement actualisées.
Pourtant, l’outil de Walkscore, créé en 2007, est aujourd’hui utilisé par plus de 700 agences
immobilières américaines en ligne, totalisant environ 2,5 millions de requêtes de walkability
par jour 1. La marchabilité constituerait en effet pour les Américains un critère de plus en plus
important dans le choix de leur logement.
Une étude publiée en août 2009 par CEO’s for Cities, un réseau américain promouvant des
villes américaines plus « durables », a comparé le prix de vente de 90 000 maisons dans 15
villes américaines en fonction de leur marchabilité. Dans 13 villes, les logements obtenant des
taux de marchabilité supérieurs à la moyenne se sont vendus plus cher que les autres. Dans
certaines villes (Chicago, San Francisco…), la différence de prix pouvait atteindre jusqu’à
30 000 dollars US par maison.
Dès 2008, le CEO’s for Cities estimait que la hausse du prix du pétrole observée en 2005
s’était traduite par une baisse des prix des logements situés dans les zones les plus éloignées
des centre-villes, soit une évolution contraire à celle connue jusqu’à présent par l’immobilier
aux États-Unis.
Ce constat a également été fait par la Federal Housing Finance Agency, une agence fédérale
indépendante : alors que l’évolution des prix des maisons dans les centres-ville et les
banlieues était proche entre 2000 et 2004, entre 2005 et 2006, une rupture a été observée :
1
Source : frontseat.org/media/front-seat-rockefeller.pdf.
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Évolution des prix de vente observée entre 2000 et 2005 dans plusieurs villes américaines
en fonction de leur proximité du centre-ville
Rupture dans l’évolution des prix de vente observée entre 2005 et 2006
Source : FHFA (Federal Housing Finance Agency). « The Market Slowdown and Home
Prices in the Suburbs and Exurbs ». Highlights, 2006, site Internet :
http://www.fhfa.gov/Default.aspx?Page=193
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Autre signe de cet engouement, la multiplication des classements des villes américaines en
fonction de leur marchabilité 2. Parallèlement, des médecins et des universitaires mènent des
études pour prouver que les Américains (notamment les plus âgées) habitant dans des
quartiers « marchables » ont tendance à se déplacer plus fréquemment à pied, et donc à être en
meilleure santé que les adeptes du tout-voiture 3…
Dommage, déplore le CEO, que les politiques d’urbanisme menées aux États-Unis tout au
long du XXe siècle aient favorisé la multiplication des zones résidentielles éloignées en culde-sac, et que les réseaux urbains plus développés, permettant d’accéder rapidement à pied à
des lieux de vie, soient devenus rares.
Reste que les calculs réalisés par le CEO’s for Cities, très limités, ne permettent pas de savoir
si l’attrait pour les maisons et les quartiers « marchables » est nouveau aux États-Unis.
Surtout, rien n’indique que les heureux propriétaires de ces maisons choisissent effectivement
plus que les autres de se déplacer à pied plutôt qu’en voiture. Ils peuvent, tout simplement,
préférer ces quartiers parce qu’ils sont animés et disposent de tous les lieux de vie dont ils ont
besoin.
Par ailleurs, une étude réalisée dans la ville de Vancouver indique que les quartiers
théoriquement les plus abordables à pied sont aussi parfois les plus soumis à la pollution
atmosphérique. Il s’agit, en l’occurrence, des quartiers les plus proches du centre-ville, les
quartiers résidentiels étant certes moins pollués, mais accessibles presqu’uniquement en
voiture 4.
L’intérêt des Américains pour le concept de walkability traduit sans doute moins (pour
l’instant) leur intérêt pour la marche à pied que leur souci d’habiter près de lieux de vie au
quotidien. Mais cette simple évolution, si elle se confirme, pourrait constituer à elle seule une
remise en cause du modèle américain des suburbs résidentiels.
Cécile Désaunay
Sources : CORTRIGHT Joe, CEOs for Cities. Walking the Walk. How Walkability Raises
Home Values in U.S. Cities. Chicago : CEOs for Cities, 2009, 30 p. ; site Internet de Walk
Score : http://www.walkscore.com/ ; CORTRIGHT Joe ; CEOs for Cities. Driven to the
Brink. How the Gas Price Spike Popped the Housing Bubble and Devalued the Suburbs.
Chicago :
CEOs
for
Cities
,
2008,
30
p.,
site
Internet :
http://www.ceosforcities.org/work/driven_to_the_brink.
2
Voir
par
exemple :
http://www.prevention.com/cities/index.html
ou
http://www.runtheplanet.com/trainingracing/training/walkers/americancities.asp.
3
Voir « Walkable communities may make elders healthier ». The Mature Market, 20 février 2007, site Internet :
www.thematuremarket.com/SeniorStrategic/walkable-communities-elders-healthier-8354-5.html.
4
MARSHALL Julian, BRAUER Michael, FRANK Lawrence. « Links Between City Walkability and Air
Pollution Exposure Revealed ». Environmental Health Perspectives, 2 novembre 2009, site Internet :
http://www.sciencedaily.com/releases/2009/11/091102171728.htm.
© Futuribles, Système Vigie, 22 février 2010

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