Salzbourg à l`Opéra de Paris ou quand la musique de Mozart se met
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Salzbourg à l`Opéra de Paris ou quand la musique de Mozart se met
Salzbourg à l'Opéra de Paris ou quand la musique de Mozart se met elle-même en scène... Juliette Buch Forumopera.com, VI/2003 Cosi Fan Tutte ossia La Scuola Degli Amanti (1790) Opéra National de Paris - Palais Garnier Représentation du 4 juin 2003 Les opéras de Mozart ont toujours exigé l'excellence en ce qui concerne la direction musicale, et Cosi peut-être plus encore que tout autre, en raison de l'extrême complexité de son écriture: ensembles, duos, trios, arie d'une grande difficulté - quasiment des airs de concert - travail raffiné de l'orchestre (en particulier des vents et des bois). La quatrième reprise de cette production datant de 1996 avait de quoi séduire pour au moins deux raisons: la présence au pupitre d'un chef mozartien de haut niveau, Armin Jordan, qui nous avait offert une Clémence de Titus et une Flûte Enchantée admirables, et la présence dans le rôle de Despina de la délicieuse Maria Bayo. Certes, le reste de la distribution ne comportait pas de "grands noms", on avait cependant applaudi à Garnier Alessandro Corbelli en Dandini de Cenerentola, et, à Bastille, Roberto Sacca en Almaviva du Barbier et Anja Harteros en Micaela. Certes, on avait vu et revu cette jolie production, très classique, très esthétique, où Naples avait pris le bateau pour Venise et où l'action se déroulait dans des tonalités délicates et raffinées, dignes de Tiepolo, de Canaletto, un peu mâtinées de Fragonard et de Nattier, sublimement éclairées par un des plus grands "maîtres en lumière" du moment: André Diot. Les précédentes distributions nous avaient plus ou moins comblés, les directions musicales de même, et l'on s'était parfois un peu ennuyés à contempler ce ravissant spectacle un peu languissant voire fade... Oui, mais voilà, la musique, comme la vie, dont elle est le corollaire direct, est parfois faite d'une étrange alchimie: ce qui n'avait guère "pris" lors des représentations précédentes se met soudain en place comme par enchantement: dès les premières mesures de l'ouverture, le miracle s'accomplit. L'enchanteur Armin Jordan nous avait, une fois de plus, capturés dans ses filets, en nous donnant à entendre Così comme rarement cela avait été possible, et cela depuis fort longtemps. Les ombres bienveillantes de Karl Böhm et de Jean-Pierre Ponnelle devaient planer ce soir-là sur le Palais Garnier, tant tous les protagonistes semblaient investis de ce charme inimitable qui n'appartient qu'au respect absolu de l'oeuvre. "Tout est dans la musique", disait Berganza, qui fut Dorabella, Chérubin, Sesto, comme bien peu pourront l'être après elle. [...] Le reste de cette distribution, constituée de musiciens accomplis, se révéla fort homogène, avec une mention spéciale pour la Despina surprenante, très "second degré" et superbement chantante de Maria Bayo et le don Alfonso noir et machiavélique d'Alessandro Corbelli. Cette Despina-là, réservée, noble, distante, directe héritière de la Susanne des Noces, qui regarde avec un certain dédain "quelle buffone" s'agiter, s'évanouir et s'éventer, et ce don Alfonso un tantinet méprisant qui se rejouit du malheur des quatre amoureux égarés, ne sont-ils pas les obscurs instruments du destin, les précepteurs pervers de cette rude "école des amants" que souhaitait le divin Mozart? Des deux "innamorati", c'est Roberto Saccà qui se distingue en Ferrando, le Guglielmo de Russell Braun paraissant moins à l'aise, plus en retrait. Aidé il est vrai par la direction à la fois impérieuse et attentive d'Armin Jordan, Saccà donna en particulier un superbe "Tradito, schernito", qui nous fit regretter de ne pas l'avoir entendu dans le redoutable "Ah lo veggio quest'anima bella", coupé comme c'est souvent le cas. Enfin, la Dorabella accorte, charmante et évaporée de la mezzo albanaise Enkelejda Shkosa, au beau timbre sombre et chaud, pulpeux à souhait, constitua un parfait duo avec la Fiordiligi racée d'Anja Harteros, promenant sa haute et mince silhouette avec une grâce et un ennui aristocratiques du plus bel effet. En conclusion, les plus grandes soirées ne se trouvent pas forcément où on croit les attendre, et il suffit parfois d'un chef inspiré dirigeant des chanteurs amoureux de la musique pour que le miracle s'accomplisse et que Paris devienne soudain Salzbourg à sa grande époque... www.mariabayo.net