Energie Plus Janv 2011

CAS VÉCUS F
Depuis les solutions techniques jusqu’au management, la société de conseil
Okavango a établi tout un processus innovant pour aider les entreprises à
développer des systèmes d’économies d’énergie. Exemple avec Pernod Ricard.
ean-Pierre Riche voulait
créer son entreprise
depuis longtemps. Mais ce
n’est qu’après avoir bourlingué pendant plusieurs
années à travers l’Europe
et surtout en discutant
avec divers clients qu’il s’est rendu
compte qu’il existait un manque
criant dans le monde du conseil en
matière d’accompagnement des
entreprises industrielles à réduire
leur consommation d’énergie. Pour
lui, l’interlocuteur clé doit être
membre du comité de direction,
c’est-à-dire capable de se rendre
compte de l’importance de maîtriser
son énergie, pour l’image environnementale de l’entreprise, mais
surtout parce que le prix des énergies augmentera fortement dans les
prochaines années. «Ces clients me
précisaient qu’ils ne savaient pas par
quel bout prendre cette problématique» souligne-t-il.
Un programme structuré s’inscrivant dans la durée était absent
du paysage des offres. En effet, il
existe de nombreux leviers d’action immédiate mais il manque
souvent «le couplage avec une vision
J
34
à moyen terme et la capitalisation
sur les processus réalisés». JeanPierre Riche constate par ailleurs
qu’est généralement proposée une
vision parcellaire et très technique,
mais rarement systémique. Ce qui
ne correspond pas forcément aux
attentes des industriels. Une bonne
raison qui l’a conduit à proposer à
ses clients la mise en place progressive d’un système de management
de l’énergie. Cela lui permettait en
outre de se différencier par rapport
au positionnement d’autres acteurs
du marché : «Ce que j’ai constaté, en
travaillant avec le monde industriel,
c’est qu’émettre une idée ne suffit
pas, il faut aller jusqu’à la réalisation.
Or, il n’existait pas d’interlocuteur
qui pouvait faire toute cette chaîne.»
Okavango naît donc en septembre
2009 et, très vite, Jean-Pierre Riche,
comprenant qu’il ne devait pas s’entourer uniquement d’énergéticiens, a
recruté des spécialistes de l’efficacité
opérationnelle et du lean manufacturing (voir encadré).
Pernod-Ricard, premier client
«Pour l’instant, le domaine de l’industrie agro-alimentaire est privi-
légié, mais nous commençons à nous
ouvrir à d’autres secteurs», indique
Jean-Pierre Riche. Ainsi, depuis un
an, Okavango travaille sur trois
sites appartenant à l’entreprise
Pernod-Ricard : le siège de Pernod à
Créteil (94), un site industriel du côté
de Perpignan et une distillerie près
de Cognac. «La méthode leanergy
permet de repenser l’utilisation de
l’énergie dans le fonctionnement du
site», explique Jean Pierre Riche qui
pointe cependant «la difficulté à faire
tomber des paradigmes internes à
l’entreprise». Pour Patrice Robichon,
conseiller scientifique du groupe
Pernod-Ricard, il s’agissait d’un positionnement stratégique et totalement réfléchi de l’entreprise : «Nous
devions nous positionner sur l’efficacité énergétique. L’approche d’Okavango et son couplage avec une politique d’amélioration de l’efficacité
du management était originale et
nous a tout de suite interpelés.» En
effet, la mise en place d’une gestion
de l’énergie intégrée à une démarche
de performance industrielle permet
de généraliser l’approche déjà mise
en œuvre pour la qualité. En quatre
points, cela signifie comprendre, dire,
mesurer et procéder aux améliorations en continu. «Okavango répondait à un vrai besoin dans le sens où
leur démarche a le mérite d’aborder
l’énergie sous tous les angles : tech-
© D.R.
En route pour le mana
H Le groupe Pernod-Ricard a déjà réalisé deux tiers
des préconisations formulées par Okavango.
gement de l’énergie
nique, pilotage, financier et retour
d’expérience», indique encore le
conseiller.
Jean-Marc Roue, directeur des opérations chez Pernod-Ricard, confirme :
«leur approche centrée sur le terrain
a permis d’établir une liste de progrès
à faire avec un chiffrage précis du
retour». La politique de développement durable de Pernod-Ricard se
décline sur plusieurs axes et notamment la maîtrise de l’énergie à
travers une lutte contre le gaspillage.
Concrètement, cela se traduit déjà
pour Jean-Marc Roue par la mise en
place d’un comptage pour suivre le
réseau de distribution d’eau : «Après
différents recoupements, nous serons
en mesure de traquer les fuites, ce qui
devrait avoir pour effet de réduire
de 10 à 20 % notre consommation
d’eau.»
Très vite, les industriels peuvent
se retrouver démunis en termes de
leviers s’ils ne couplent pas l’action
technique avec une optimisation de
la conduite des installations. «Par
exemple sur le site de Thuir, près de
Perpignan, Okavango nous a aidés à
identifier et reprendre les chaînes de
process qui étaient pour certaines très
énergivores afin que nous puissions
proposer une baisse de puissance
souscrite chez EDF», explique JeanMarc Roue. Aujourd’hui, le groupe a
déjà réalisé près des deux tiers des
L’économie
re
sur la facture
énergétique est de
18 % sur Thuir et
25 % sur Créteil.
initiatives qui avaient été proposées par Okavango, et «l’économie eest
réelle» selon Patrice Robichon
Robichon.
Suivre les performances
Autre élément important introduit
chez les industriels par Okavango,
le suivi des performances. «Souvent,
les industriels ne savent pas où part
l’énergie, il n’y pas de sous-comptage
et les facteurs d’influence ne sont pas
quantifiés, note Jean-Pierre Riche,
de fait, il est difficile de prendre des
décisions ou de mesurer les résultats». Okavango a donc développé
des outils statistiques et mathématiques pour évaluer les vrais facteurs
d’ajustement et pouvoir les corriger.
L’entreprise peut alors mesurer l’évolution des performances, détecter et
comprendre les écarts, ou fixer des
objectifs. Aujourd’hui, les industriels
qui ont avancé sur l’amélioration de
leur performance énergétique butent
encore souvent sur la problématique de l’amélioration continue et
du management. «Pour Okavango, il
s’agit alors de les aider sur cette partie
finale de leur parcours de performance», conclut Jean-Pierre Riche.
Le développement à l’international
est également prévu pour ce jeune
cabinet de conseil, qui a déjà réalisé
des premières missions en Belgique
et en Angleterre. m
Gayané Adourian
L’énergie s’inspire du “lean”
Okavango est à l’origine d’un processus très innovant dans la démarche d’économies d’énergie : la
démarche leanergy, concept breveté, librement inspiré du lean-manufacturing, un autre concept de
performance industrielle inventé par l’entreprise Toyota. Il permet d’optimiser au maximum les process industriels en enlevant tout ce qui pourrait être superflu. Pour Jean-Pierre Riche, appliqué au
domaine de l’énergie, cela revient à dire «je n’utilise que l’énergie dont j’ai vraiment besoin». Okavango
a donc développé à la fois des outils d’analyse et des outils de mise en œuvre basés sur cette approche
particulière. Leanergy permet notamment de mettre en œuvre de nombreuses optimisations liées à
l’organisation, à la conduite d’exploitation ou au comportement qui ne coûte pas d’argent à l’industriel. Aujourd’hui, Okavango est la seule entreprise de conseil à proposer cette approche qui nécessite
de fortes compétences : d’une part technique et d’autre part une connaissance des process du client
allié à une approche de performance industrielle. À ce titre, l’Ademe a entamé une réflexion avec la
société car toutes les grandes entreprises qui travaillent avec ce concept de lean-manufacturing se
posent des questions sur sa transposition dans le milieu de l’énergie.
15 JANVIER 2011 - SUPPLÉMENT DU N°458
35