Brochure «Vivre aussi ma sexualité - CAP

Transcription

Brochure «Vivre aussi ma sexualité - CAP
REMERCIEMENTS
Le souhait de faire paraître une brochure pouvant répondre à certaines questions
ou tout au moins faire réfléchir tout personne concernant la sexualité des personnes handicapées physiques était présent depuis de nombreux mois. Grâce
aux soutiens financiers que nous avons reçus, nous sommes heureux de vous la
proposer aujourd’hui. Nous tenons à remercier vivement:
Nos sponsors:
– LA LOTERIE ROMANDE
– L’ASSOCIATION SUISSE DES PARAPLÉGIQUES
– PRO INFIRMIS - SUISSE
Les institutions et les médecins qui ont bien voulu répondre au questionnaire
qui leur a été transmis.
Les personnes handicapées physiques pour leur participation active, soit en
répondant au questionnaire, soit lors de leur participation à des conférences
et réflexions et à la relecture de cette brochure.
1
2
INTRODUCTION ET PROLOGUE
4-7
INVENTER
Faire le deuil des pertes physiques. . . . . . . . . . .
Apprivoiser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Se «réapproprier» le droit d’être aimé . . . . . . . . .
La procréation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Revendiquer une meilleure mobilisation sociale.
Revendiquer ses droits et assumer ses devoirs . .
Oser demander aide et information . . . . . . . . . . .
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ACCOMPAGNER
Etre parent d’un enfant handicapé . . . . . . . . . . . . . . . .
Droits du partenaire d’une personne handicapée . . . . .
La sexualité est-elle abordée avec des professionnels?
Les thèmes abordés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Peut-on améliorer les choses et comment ? . . . . . . . . .
Au-delà des chiffres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Questionnements au quotidien . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Interrogations du soignant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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FACILITER
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Les devoirs de la société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Autonomie personnelle et dépendance physique . . . . . . . . . . . . . 56
Le cadre de vie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Regards du public ... peur ? – ignorance ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
SAVOIR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Quelques notions juridiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Centres de planning familial en Suisse romande . . . . . . . . . . . . . .
Moyens de détente. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Filmographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Introduction
Personne ne connaît mieux sa sexualité que soi-même!
Le plaisir intime, solitaire ou partagé, amoureux et/ou érotique, se vit
par essence dans le secret.
Deux affirmations exactes, alors pourquoi une brochure portant le débat sur la
place publique... au-delà du seul regard sur soi?
Pour établir un dialogue sans fard
Afin que se poursuivent ou se créent des ouvertures sur la légitimité des besoins
sexuels variés des personnes handicapées physiques. Parler ouvertement ici,
c’est prendre le pari que l’intimité puisse se développer dans tous les ailleurs.
Parce qu’être handicapé physique ne handicape ni l’amour ni la sexualité d’homme et de femme
Il handicape encore moins la puissance érotique et fantasmatique. Seul l’acte
sexuel «classique» est parfois rendu difficile, voire impossible en tant que tel.
La sexualité de personnes vivant un handicap physique est trop souvent réduite à
une série de problèmes. Elle n’est pas suffisamment définie quant à ses besoins,
ses forces et ses droits. C’est pourquoi cette brochure propose des éléments
d’ordre éthique, pratique, légal et technique, dont le but est d’enrichir le quotidien des personnes handicapées physiques de la dimension fondamentale de
l’amour et de la sexualité.
Cette brochure est destinée, en priorité, aux personnes directement concernées,
puis à leur entourage familial, ensuite aux professionnels et à tous ceux qui, de
près ou de loin, sont liés à la vie des personnes handicapées physiques.
Elle ne prétend pas être une réponse à toutes les questions qui se posent. Ce
serait tâche impossible, chaque situation, chaque handicap devant être vu dans
sa dimension individuelle. Elle est simplement le début d’un espoir: que se crée
une longue chaîne de réflexions, de contacts et surtout de discussions entre les
lecteurs et les personnes qui les entourent.
Avis aux lecteurs
Cette brochure s’adresse à toutes les personnes handicapées physiques et à leur
entourage. Les personnes atteintes de troubles sensoriels n’ont pas pu y être
intégrées. Aucun élément les concernant n’apparaît donc dans ce document.
Nous espérons cependant que ce n’est que partie remise et que dans une nouvelle édition, nos sections seront complétés avec l’aide de représentants des
types de handicaps omis ici.
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Introduction
Il va de soi que toute personne est libre de vivre sa sexualité comme elle l’entend. En raison des réalités, notamment du coût de l’impression, nous n’avons
cité, le plus souvent, que les relations entre partenaires hétérosexuels. Que les
transsexuels, les travestis et les homosexuels veuillent bien nous excuser de ne
pas les avoir nommés plus souvent.
Tous les substantifs et adjectifs ont été cités au masculin, afin d’éviter des longueurs inutiles.
Les passages écrits en italique sont des citations émanant de livres et documents.
Pour élaborer cette brochure, nous nous sommes, entre autres, appuyés sur les
résultats de trois questionnaires envoyés aux institutions, médecins et personnes handicapées physiques. Si les deux premiers sont cités et «décortiqués»,
nous avons préféré intégrer les réponses du troisième, celles des personnes handicapées, à travers tout le document. Ce sont elles qui en ont déroulé le fil
conducteur et c’est pour cette raison que nous ne citons pas directement les
résultats du questionnaire qui leur a été transmis.
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Prologue
La recherche du plaisir est probablement ce qui mobilise le plus d’énergie chez
l’être humain. De fait, il semble que les préoccupations concernant la survie de
l’individu et de l’espèce soient passées au deuxième plan (augmentation de l’espérance de vie, accompagnée d’une baisse de la natalité). Ce qui compte avant
tout, à notre époque, c’est la réalisation de soi, la satisfaction des désirs dans
une frénésie quasi compulsive. La frustration et la souffrance paraissent des
vécus devant être éliminés jusqu’à devenir anecdotiques, sous peine d’être
taxés de déviants. Or, la structuration de la personnalité se produit grâce à un
savant dosage de ces deux notions: la frustration renforçant le désir et la souffrance augmentant la combativité. Pourtant, la satisfaction du désir ne peut être
indéfiniment différée, sans risquer de faire disparaître cette stimulation mobilisatrice et créatrice qu’est la recherche du plaisir et de provoquer la dépression.
Ce préambule, quelque peu caricatural et incomplet, a pour but d’introduire le
sujet de la sexualité dans le contexte socio-économique actuel. Depuis 1968, la
libéralisation des moeurs en général, sexuelle en particulier, autorise chacun à
légitimer ses désirs, la satisfaction de ceux-ci devenant un droit et par extension
une nécessité vitale. Les personnes en situation de handicap, pour parler «politiquement correct» et ne pas dire «les handicapés», n’échappent pas non plus à
cette tendance. Le fait qu’une personne handicapée ait des désirs sexuels est
donc désormais reconnu et admis. Que se passe-t-il alors si cette personne ne
peut assouvir ses désirs? Elle en ressentira immanquablement une frustration
croissante et son entourage, conscient de cette frustration puisqu’on peut en
parler, en sera culpabilisé. C’est probablement cette culpabilité qui conduisait,
antérieurement, à nier l’existence de la sexualité chez les personnes handicapées ou à la considérer comme une déviance.
Le cliché du handicapé obsédé et voyeur n’a pas pour autant disparu. La frustration créée par l’inassouvissement d’un besoin pulsionnel, que l’on pourrait dire
physiologique (et non vital), ne peut que renforcer le désir et par conséquent
l’envahissement du sujet par des pensées obsédantes. De là découlent des comportements très variés, mais qui ne sont que des tentatives d’assouvir ou de calmer des besoins pulsionnels, sans pour autant permettre l’épanouissement. Ces
tentatives peuvent en outre faire naître, chez la personne handicapée, un sentiment croissant de culpabilité dû au simple fait d’avoir voulu quelque chose d’impossible ou d’interdit – sentiment encore renforcé par les réactions choquées et
choquantes de l’entourage. Pareille situation peut mener à une impasse véritablement insupportable. C’est sans doute pourquoi sont nées d’une part la revendication des personnes handicapées de jouir d’une sexualité équilibrée et épanouissante, et d’autre part, celle d’un entourage souhaitant ne plus ressentir la
culpabilité due à l’inégalité entre handicapés et non-handicapés. Le programme
est ambitieux, puisqu’il s’agit de faire disparaître ces inégalités. Est-il bien réaliste? Ne conduira-t-il pas à la négation des différences irréductibles entre individus? En réalité, la complexité du problème vient probablement du fait que le
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Prologue
désir sexuel est rarement isolé et la plupart du temps mêlé à d’autres besoins
affectifs. Entendons par là la tendresse, mais aussi la considération, le respect,
l’acceptation, la reconnaissance: en un mot, ce qu’on appelle l’amour. Les
besoins d’amour et de chaleur humaine n’ont pas été démontrés physiologiquement par des dosages sophistiqués, mais il est prouvé que leur assouvissement
est vital et indispensable au développement et à l’épanouissement de l’individu.
Si ce sont donc en réalité deux besoins distincts, l’expression en est souvent
simultanée. Habituellement, les partenaires d’une relation aspirent à une
concordance de leurs désirs, mais les décalages sont fréquents et les carences
de la communication peuvent nuire à la résolution des divergences.
Pour la personne handicapée, il s’agit du même problème, hormis la difficulté de
trouver un ou une partenaire. L’obstacle le plus souvent évoqué est la présence
du handicap. Celui-ci stigmatise la différence, génératrice de gêne, de peur,
voire de dégoût. Or cette explication est insatisfaisante, car elle s’appuie sur des
mécanismes projectifs. C’est l’autre qui n’accepte pas la différence et qui
s’éloigne. L’origine du problème se situe bien au coeur même de l’individu en difficulté de s’accepter, renforcée par l’attitude des proches qui ne parviennent
guère mieux que lui à accepter la situation, de sorte que la solution la plus facile
consiste à s’éloigner pour ne plus voir. Reste la personne handicapée qui ne peut
échapper à sa condition. Pour rencontrer les autres, elle doit pouvoir assumer sa
réalité, accepter et se sentir propriétaire de sa condition. Il s’agit pour elle d’opérer un travail d’acceptation, corollaire du deuil, et dans lequel l’entourage affectif tient une place prépondérante.
Dans le cas d’individus jeunes, ce sont les parents qui doivent en premier lieu
restaurer leur propre confiance dans la capacité de leur enfant, croire en lui, l’accompagner, l’aider sans «porter» à sa place, pour ainsi être en mesure d’affronter
ses peurs, y compris celles liées à l’expression de sa sexualité. En ce qui
concerne les adultes devenus handicapés, a priori cette capacité d’affrontement
des peurs est un acquis, mais il est indispensable de restaurer l’identité et la
validité sexuelle malmenées par le traumatisme, la maladie et l’hospitalisation.
C’est le travail de la personne handicapée, mais aussi, bien évidemment celui de
l’entourage, qui joue le rôle de «sponsor affectif» et, si nécessaire, de thérapeute.
En conclusion, il n’y a pas plus de rééducation que d’éducation sans l’amour qui
préside à la réhabilitation affective du sujet.
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Inventer
«Trahi par mon corps, me voilà comme un étranger,
dans un monde où je n’ai pas de place».
«Trahi oui, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Comment ne pas parler ainsi quand
une partie de ce corps me «lâche»? Quand les moyens physiques du simple quidam ne me sont pas donnés à moi? Pourquoi à lui d’ailleurs et pas à moi?»
«Etranger oui, et parfois étranger à moi-même... Avec mes désirs, ceux de
Monsieur et Madame tout le monde, justement: aimer et être aimé, tout simplement! Ces désirs trahis par ce corps, cet étranger à moi, qui fait partie de moi,
que je ne peux pas jeter, mais sans lequel il n’y aurait tout simplement pas la
vie!»
«Etranger au monde oui encore. Prisonnier d’une enveloppe qui, cernée par vos
regards, me donne envie de vous fuir. Une enveloppe qui, dans un monde d’apparence, me laisse si peu de place. Et je pense à ces bribes d’une chanson: «‘’Là,
devant ta porte, mon regard caressant le tien, là mon âme est morte dans le
creux de ma main’’». J’exagère? Non ou à peine... Au fil de vos refus, j’ai peur de
la perdre, mon âme».
«J’aimerais travailler? Pas rentable! Etudier, me distraire? Pas accessible! Etre
aidé? Oui mais... Aimer? Pourquoi pas... Etre aimé? Je t’aime bien mais... Faire
l’amour? «‘’Mais comment pourriez-vous? Distrayez-vous, vous y penserez
moins, vous avez d’autres chats à fouetter’’».
Monologue recomposé, mais écrit grâce à ces hommes et ces femmes qui nous
ont prêté leurs mots. Des mots qui expriment refus, colère, déprime, souffrance,
culpabilité parfois. Et au-delà des mots, l’impression d’un long tunnel dont la sortie est invisible, si lointaine, hors de portée.
Réalité difficile, au début du handicap, de la maladie ou encore à certaines
périodes lors d’un handicap de naissance. Réalité qui accompagne les pertes
subies et les limites constatées.
Il est normal d’avoir envie de fermer la porte et de s’isoler; normal
d’être en colère contre le sort, contre ces autres qui infligent des blessures. Il est normal et nécessaire de vivre un «passage à vide» pour
assimiler les pertes ou les limites si brusquement surgies.
FAIRE LE DEUIL DES PERTES PHYSIQUES
C’est bien d’un deuil qu’il s’agit, avec des souffrances qui peuvent, pour un certain temps, envahir tout l’espace de vie et annuler les occasions de rencontre ou
les moyens d’ouvrir la porte aux autres. Par étapes, ces souffrances tissent pourtant de nouvelles possibilités pour la majorité des personnes. Des étapes qui ne
sont toutefois pas linéaires, l’une pouvant être franchie avant l’autre ou resurgir
avec force et ainsi donner l’impression d’un retour à la «case départ». Des
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Inventer
étapes vécues par tout un chacun dès qu’il y a perte, mais qui prennent une coloration différente selon le moment et les circonstances dans lesquelles est survenu le handicap.
Dans le cas d’un handicap de naissance, les limites se mesurent progressivement, le plus souvent par comparaison aux autres. L’adaptation est moins brutale, elle connaît toutefois un pic de confrontation délicat à l’adolescence,
lorsque naît le désir, lorsque commencent à se poser les questions sur un avenir
indépendant de la famille ou/et des systèmes spécialisés. Toute l’identité
sexuelle est à créer conformément à la réalité des limites physiques, mais elle
n’est pas compliquée par les comparaisons entre avant et après le handicap.
L’accident qui invalide, c’est le coup de tonnerre, ravageur. Sans transition, il
fracture la vie et la sexualité entre avant et après le traumatisme. C’est la brutalité des pertes qui constitue la difficulté première, provoquant souvent des sentiments de deuil plus intenses. Pourtant, les pertes physiques resteront longtemps
stables et les victoires sur les limites quotidiennes seront donc acquises pour de
nombreuses années.
Les maladies évolutives sont marquées par la réalité de pertes successives dont
il n’est pas toujours possible de prévoir le lieu. Ainsi, le travail de deuil devra-t-il
se renouveler. Travail douloureux, certes, mais nous constatons que la maîtrise
de chaque nouvel obstacle est facilitée par l’effort qu’a exigé l’étape précédente. L’intensité des sentiments n’est pas automatiquement identique et souvent, tout se passe comme si l’esprit avait gardé en mémoire un message disant:
«Il est possible de s’en sortir».
La force de vivre reprend le dessus un jour ou l’autre.
Les personnes qui ont réussi à gérer les réalités de leur handicap disent en
résumé ceci: «C’était bien un long tunnel, sans lueur. Des souffrances que je ne
voudrais pas revivre, mais un jour quelque chose s’est imposé. C’était comme si
je devais impérativement choisir entre deux chemins: me coucher dans le tunnel
ou en trouver la sortie. J’ai pris le deuxième, il est difficile d’en expliquer le pourquoi... c’était comme une force faite de beaucoup de détails».
Objectivement, pour les personnes qui parlent de cette force, rien ou peu d’éléments se sont modifiés dans leur réalité physique. C’est donc ailleurs qu’il nous
faut en chercher les raisons.
«Depuis son accident, mon mari ne veut pas remonter la pente. Il reste enfermé à
ne rien faire ou presque et il ne veut pas me parler de ce qu’il vit. J’ai essayé
beaucoup de choses: le brancher sur l’informatique, inviter des gens, lui proposer des moyens auxiliaires, des sorties... Il refuse tout. Je crois avoir tout tenté
et aujourd’hui, après dix ans de tentatives, je sens que je vais abandonner et le
quitter. Je peux accepter son handicap et les réalités qu’il impose, je ne peux pas
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Inventer
accepter qu’il refuse de se battre, pour lui et pour nous. Je ne peux plus accepter
qu’il m’exclue de ses souffrances et que j’en souffre à ce point-là ».
«C’est vrai que j’ai pensé au suicide à une certaine période de ma vie... Et puis, il
y a eu des gens, leurs sourires, leurs regards, des mains tendues, des mots aussi
et même si «‘’le fond du bocal’’» dans lequel je me sentais était difficile à communiquer, des courants ont passé... J’ai eu de moins en moins, puis plus du tout,
envie de me laisser couler. Aujourd’hui je suis remarié, nous avons un enfant. Je
vis heureux, comme tout le monde ».
• La parole et la communication sont des leviers puissants contre l’emprisonnement de la souffrance.
«Oui mais, c’est difficile de dire...»
«Oui mais, personne ne peut rien changer à ma réalité...»
Oui, c’est difficile. La réalité du handicap ne changera pas radicalement, mais
parler, c’est offrir une chance au bonheur.
«Oui mais, je n’ai pas le droit de charger les autres, je suis déjà un poids» .
Le premier témoignage ci-dessus montre où se situe la plus grande souffrance, le plus grand poids pour l’entourage, le plus grand risque pour la personne handicapée elle-même: dans le silence plutôt que dans la parole.
• Il est important de choisir des gens capables de comprendre. Facile, non.
Possible, oui, car ces autres, capables de comprendre, sont plus nombreux
qu’on le croit généralement. Parfois pourtant, ils ont besoin d’être un peu
aidés. Tout n’est pas facile pour eux non plus... Pour mieux le saisir, veuillez
vous reporter aux sections «Accompagner» et «Faciliter».
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Inventer
APPRIVOISER
Son corps
Apprivoiser ce nouveau corps marqué par les limites, apprivoiser ce corps que
l’on découvre différent, en grandissant ou après une poussée évolutive, c’est
gérer une série de réalités, parfois complexes et qui n’ont pas toutes la même
importance.
Les problèmes de sphincters
De l’avis d’hommes para- et tétraplégiques, les problèmes de vessie, durant les
premiers mois, «gâchent la vie plus que la perte des jambes» 1. Les réactions
semblent moins intenses pour d’autres types de handicap ou chez les femmes en
général. Cependant, que le handicap soit dû à un accident, une sclérose en
plaques, une myopathie, une spina-bifida, une infirmité motrice cérébrale ou
toute autre réalité, demander de l’aide pour aller aux toilettes, porter des protections urinaires ou dépendre d’un moyen auxiliaire, est source de difficultés: peur
des fuites, honte en public, gêne face à la personne qui aide. Il peut en résulter
des restrictions d’activités, surtout dans le domaine de la sexualité. Compliqué
en effet, parmi d’autres réalités, de «draguer» si l’on a besoin d’aide pour une
fonction aussi intime; de dire à sa partenaire: «Attends un moment, je passe aux
toilettes avant de faire l’amour»; de se sentir encore séduisante avec des
couches-culottes ou lorsqu’une fuite se produit...
Outre le problème des fuites, se pose celui des gênes face aux odeurs accompagnant les émissions d’urine. Il faut cependant savoir que le recours à des diètes
légères en produits carnés (ou dépourvues de certains aliments, dont la viande)
contribue largement à neutraliser et à atténuer les émanations désagréables.
Par ailleurs, il est intéressant de rappeler que l’urine n’est pas forcément considérée comme un déchet repoussant par tous les peuples de la terre, ni par toutes
les cultures, ni à toutes les époques de l’histoire de la médecine. Hippocrate,
goûtait, paraît-il, l’urine de ses patients pour poser son diagnostic. La médecine
ayurvédique en Inde, entre autres, considère cet élément comme un auto-médicament externe et interne (technique appelée Amaroli). Plus près de nous, en
Occident et au siècle dernier, des soins de bonne «fame» (de fama: réputation)
comprenaient l’usage quotidien de l’urine.
Les représentations très péjoratives des différentes émissions de notre corps urine, sperme, sécrétions vaginales, sueur - ne seraient-elles pas une invention
récente qui, si elle peut faciliter la vie en groupe en neutralisant le trop d’odeurs,
nous amène à aseptiser non seulement les odeurs, mais également les aspects
positifs et vitaux des écoulements corporels?
1
Soulier Bernadette «Aimer au-delà du handicap», voir bibliographie
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Inventer
L’importance de la rééducation
Qu’elle soit urinaire ou rectale, la rééducation doit être rapide, engagée dès
l’hospitalisation après un accident et le plus vite possible dans tous les autres
cas entraînant un handicap. Elle doit être réactualisée lors des poussées importantes d’une maladie évolutive. Plusieurs méthodes, différentes selon la hauteur
de la lésion, donnent des résultats évitant généralement la confrontation aux
fuites. Il est de première importance de s’adresser à son médecin pour trouver le
moyen le plus adapté à sa réalité.
Le port d’une sonde ou d’une protection n’est pas facile, personne n’en disconviendra. Une partie des difficultés peuvent être réduites par la recherche de
moyens apportant un maximum de confort et aussi peu visibles que possible.
Pour soi-même et pour les autres, une barrière s’opposant à l’entrée en relation
sera ainsi tombée. Reste, indépendamment des rééducations possibles et du
confort assuré, la manière dont seront abordées ces réalités, mais aussi le degré
de confiance que chacun est prêt à accorder à son partenaire.
Les moyens auxiliaires et la prévention
Aborder positivement ces difficultés ou encore faire confiance à l’autre, voilà
deux attitudes certes plus faciles à énoncer qu’à appliquer et dont la complexité
affecte parfois plus une nouvelle relation que des rapports déjà anciens. Et pourtant... Laissons la parole à des personnes concernées.
«Lorsque, avec l’évolution de la sclérose en plaques, il est devenu évident que je
devais porter des protections jour et nuit, je ne me sentais plus du tout séduisante, avec ces trucs comme un bébé. Heureusement j’en ai parlé avec mon
conjoint et, ensemble nous en avons fait un sujet de plaisanterie. Dans le fond,
c’est plutôt moi, dans ma tête, qui ai dû retrouver ma séduction, séparer la réalité physique de ce que je suis. Le physique fiche le camp, c’est vrai, et ce n’est
pas drôle, mais ma personnalité n’a pas changé, elle s’est plutôt améliorée
depuis que j’ai accepté mes réalités physiques».
«C’est vrai qu’il y a un passage difficile lorsque l’on crée une nouvelle relation et
qu’il faut bien se résoudre à dire la réalité sonde. Je n’ai pas tellement rencontré
de rejets à ce moment-là, ou alors ce n’était pas une bonne relation. J’ai simplement constaté que nos futures partenaires ne sont pas sottes. La vulgarisation
médicale aidant, beaucoup de femmes ont connaissance d’une partie du problème.
Ainsi, les questions trottent dans la tête de la personne non handicapée, la
manière d’expliquer trotte dans la nôtre, et aussi longtemps que les choses ne
sont pas clairement expliquées, la relation reste boiteuse. Après, si la fille a vraiment envie d’une relation avec vous, les choses se passeront dans la simplicité ».
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Inventer
«J’ai appris à faire attention à ce que je bois, dans les heures qui précèdent un
rendez-vous. Cela me sécurise en me donnant l’impression que je gère les
risques de fuites. De fait, je n’ai que rarement été confronté à ce problème. Une
discipline de vie contraignante, mais ainsi je dirige mieux ma vie et j’en suis heureux».
• Séparer la réalité physique des forces constituées par sa personnalité. Bien
qu’elles paraissent amoindries jusqu’au rétablissement de l’équilibre intérieur,
les capacités personnelles ne sont pas modifiées par les limites physiques.
• Le sens de l’humour. Il est vital dans un couple, quelle que soit sa réalité physique. Le rire, surtout à deux, dédramatise nombre de situations quotidiennes.
• La simplicité. Lorsqu’un partenaire donne des signes d’intérêt, il est rare que
les réalités physiques lui soient totalement inconnues. En parler ouvertement
détend la situation et enrichit la relation naissante plus souvent qu’elle ne
l’interrompt.
• La responsabilisation, ou le fait de «prendre sur soi», de se donner une discipline de vie pour éviter certaines difficultés, entraîne un sentiment de fierté
légitime.
La peur de poser des questions
Difficile, certes, de verbaliser toutes les questions qui se bousculent dans sa
tête. Erection? Sensibilité? Orgasme? Paternité et maternité? En quels termes
les poser? Comment seront-elles acceptées?
• Les craintes sont normales et elles sont largement partagées. «Après trois
ans de vie avec le handicap (mais aussi à l’adolescence), les préoccupations
sexuelles deviennent le premier souci d’une large majorité des personnes
(handicapées) interrogées» 2.
• Le droit élémentaire à l’information. Personne ne peut refuser l’accès aux
informations jugées nécessaires par l’intéressé. L’interlocuteur choisi a
certes le droit de dire que telle ou telle question le met mal à l’aise ou qu’il ne
possède pas suffisamment d’éléments pour répondre, mais ce droit est limité
par l’obligation morale de procurer d’autres adresses, d’aiguiller sur d’autres
personnes.
• Choisir l’interlocuteur approprié. Il est inutile, et ce pourrait être une blessure supplémentaire, de s’adresser à quelqu’un pour qui la sexualité est un
sujet délicat, voire pénible. Tâter le terrain avant de se lancer, c’est aussi une
manière de respecter l’autre, tout en se préservant des mauvaises surprises.
2
Porter, Marie «Les personnes physiquement handicapées et la sexualité», (P. Leterrier, 1989), voir
bibliographie.
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Inventer
• Le droit au respect. C’est un droit qui présente plusieurs facettes. Si, pour
aider à verbaliser des questions trop souvent tues, les soignants prennent
l’initiative de les aborder, ils le feront sans insister. Il est du droit de chacun
de décider du moment où il est prêt à parler. Les professionnels doivent traiter ces questions comme étant strictement confidentielles. Qui déroge à cette
règle est passible de poursuites. Quelle que soit la forme de sexualité choisie, les questions posées ne doivent donner lieu à aucun jugement, ni entraîner des sanctions de la part d’une institution, d’une organisation ou d’un praticien.
• Résister à l’idée que le handicap impose une vie asexuée. La croyance populaire commet une lourde erreur lorsqu’elle confond la sexualité avec la seule
possibilité de pénétration et d’orgasme classique (voir les sections
«Accompagner» et «Faciliter»).
La rue et le regard des autres
Il faut le répéter, les peurs, les craintes, les replis sur soi ne seront apprivoisés et
modifiés que lorsque le temps aura fait son œuvre; autrement dit, quand sera
créée ou rétablie la confiance en soi au-delà du handicap.
Peu après l’accident, l’annonce de la maladie ou à certaines périodes lorsqu’il
est de naissance, le handicap provoque une profonde réorganisation de la pensée par rapport au rythme des actes quotidiens. Le temps se conjugue alors à
tous les temps. Le présent s’amplifie, le passé se compose de nostalgie et de
14
Inventer
comparaisons, le futur s’embrume, le conditionnel devient omniprésent, le subjonctif est un luxe... Considérables deviennent les décalages entre les bouillonnements intérieurs et la lenteur imposée par les mille détails mécaniques; lourds
parfois sont les efforts à fournir pour se maintenir dans le flot des autres. Alors,
par pudeur, par habitude, par non-envie de souligner continuellement la différence, on prend parfois le chemin des risques: celui des non-dits, des malentendus, des incompréhensions, des lassitudes et des solitudes.
«Laisser le temps au temps», apprivoiser le nouveau présent, inviter le passé
sans amertume, désembrumer le futur, renvoyer le conditionnel et s’offrir, à nouveau, le droit au subjonctif: apprentissage qui peut prendre plusieurs années et
qui ne sera pas toujours facilité par les autres.
« Le handicap, ce sont les autres surtout, c’est-à-dire leurs yeux, leurs
regards, leurs questions qui le révèlent de façon aigüe, tous les jours,
plusieurs fois par jour 3 ».
Cette réalité dévalorisante est difficile à transformer autrement que par soimême.
• Essayer de comprendre ces autres dont le regard griffe si souvent, mais qui
ne peuvent ne pas penser à la fragilité humaine et par conséquent à la leur.
Leurs regards et leurs gestes, souvent maladroits, ne sont généralement que
l’expression de leurs peurs.
Il peut être utile de se demander pourquoi ils sont tentés de détourner les
yeux de qui est différent, physiquement ou dans son comportement; de se
souvenir de cette phrase qu’ils ont prononcée si souvent: «Moi je ne pourrais
pas supporter», quand ils n’ont pas l’expérience du handicap; enfin de penser
que les regards de curiosité ne sont pas automatiquement des rejets: une
chaise roulante, croisée dans la vie courante, ce n’est pas encore, dans notre
pays, du quotidien banal.
• Faciliter la rencontre avec eux. Le vêtement, la coiffure, le maquillage, la
posture physique sont des messages qui révèlent l’accueil ou le refus d’un
contact.
«Quand j’ai pensé à mon langage corporel, qui ressemblait à une coquille, j’ai
prêté attention aux mains sur le ventre, au corps prostré. J’ai mis du rouge
aux lèvres, je me suis mise en position d’avoir plus de pouvoir».
«Au début, je n’avais plus envie de me faire belle. A quoi bon? De toute façon,
je ne me sentais plus que comme une handicapée sur une chaise... Les autres
ne pouvaient voir que cette fichue chaise et certainement pas la femme
assise dessus. Je sais maintenant que j’avais tort. Dès que j’ai à nouveau fait
attention à mon apparence, les contacts se sont multipliés».
3
Soulier Bernadette, op. cit.
15
Inventer
Le regard sur soi
Le handicap peut être vécu comme frein majeur à la formation d’un couple.
«Lorsqu’est venu le temps de m’intéresser aux filles, je connaissais celle qui est
devenue ma femme, mais elle était comme moi handicapée depuis sa naissance
et je ne la voyais pas. Je ne voulais pas d’une handicapée, ayant les mêmes problèmes que moi».
Ce témoignage fait apparaître deux éléments importants. D’abord, il situe une
réalité objective: un couple formé de deux personnes handicapées verra certaines difficultés quotidiennes multipliées par deux ou presque. Ensuite, il
exprime le refus de l’autre, objet des mêmes limites et qui, par un effet de miroir,
renvoie à ses propres incapacités physiques - celles que l’on voudrait peut-être
oublier ou constater moins souvent.
«Quand le diagnostic de ma sclérose en plaques est tombé, je sortais déjà avec
mon mari et j’ai tout fait pour le décourager de continuer. Je ne voulais pas lui
imposer quelqu’un comme moi avec tout ce qui pouvait arriver de dégradation et
de charge pour lui. Je me sentais malade et plus du tout femme, je ne voulais
pas qu’il reste avec moi par pitié ou parce que nous avions fait des projets et
qu’il n’osait peut-être pas les renier. Il m’a fallu du temps pour accepter que je
pouvais avoir un avenir avec un homme et dans une vie de couple. C’est peutêtre, d’ailleurs, le temps d’accepter un peu la réalité du handicap».
«Je me vivais comme un futur boulet... pour lui». Il serait vain, là aussi, de nier la
réalité objective. Une maladie évolutive peut signifier, à plus ou moins long
terme, la confrontation au fauteuil roulant et à la mort. Mais la même personne
nous dit aussi: «J’avais peur qu’il reste par pitié...», comme si l’ensemble de sa
personnalité était réduite au handicap, comme si les autres ne pouvaient plus
éprouver autre chose que de la pitié à son égard – réduction qu’opèrent certains
non handicapés – mais à laquelle se livre également la personne handicapée
elle-même, et parfois à la place des autres.
Le handicap est aussi difficile à vivre pour le partenaire
«La frustration du conjoint est aussi dure à vivre que mes séquelles motrices» 4.
On oublie trop souvent combien le conjoint est seul. Ce non-handicapé, de qui
l’on attend de la force pour deux parce que, en plus de sa détresse, il doit soutenir son partenaire, pense-t-on suffisamment qu’il a lui aussi besoin d’être
épaulé?
«Le taux des divorces chez les personnes handicapées, comme chez
les gens non handicapés, diminue lorsqu’il y a possibilité de parler, de
comprendre et de dédramatiser les choses» 5.
4
5
«Communication et sexualité», compte rendu rédigé par P. Lerebourg, Le Point carré, 1990.
Soulier, Bernadette, op. cit.
16
Inventer
Le handicap fait éclater les rôles
Le handicap brutal ou la maladie détruit le schéma corporel d’où est issue l’identité sexuelle d’homme ou de femme. L’invalidité s’accompagne trop souvent
d’une perte d’identité professionnelle, doublée de la perte du rôle dans la
famille. Ces identités différenciées sont alors réduites à une seule, celle de
malade ou d’handicapé, avec tout son cortège de dépendances. Il n’est donc pas
étonnant qu’au début d’un handicap ou d’une maladie et lorsque tous les autres
rôles éclatent, la personne se sente réduite au seul handicap.
Même si les choses évoluent plus progressivement parce que le handicap est de
naissance, l’adolescent et le jeune adulte connaîtront ce passage de réduction. Il
ne sera pas lié à des pertes d’identité, mais aux difficultés à s’en créer une ; il
faut bien dire que la société n’aide pas à les aplanir.
Etre adolescent
«Lorsque j’étais enfant, je me rendais compte de ma différence physique.
Pourtant, mes parents me faisaient participer à toutes les activités de la famille
et je n’y pensais plus.
Aujourd’hui, à 17 ans, j’ai besoin de sortir du cocon familial. J’ai besoin d’avoir
des amis et des amies, mais je prends mes limites physiques comme des coups
de poings dans la «gueule». Mes amis ont des petites amies, moi non. Oh bien
sûr, plusieurs filles se confient à moi, je suis le confident de service, mais audelà rien, je suis celui qui fait systématiquement tapisserie».
«Vous croyez sérieusement, vous oseriez me dire les yeux dans les yeux et sans
détourner le regard, que quelqu’un, un jour, pourra m’aimer avec tout ça?»
Comment s’envoler vers l’adolescence quand on est rivé à une chaise, un lit,
enchaîné à des béquilles? L’adolescence est la période par excellence où l’on
acquiert les outils permettant de devenir adulte, la période où:
• l’on subit des transformations physiques et psychiques déroutantes, excitantes, inquiétantes;
• l’on recherche la confrontation, aiguise ses griffes, tente de se faire comprendre tout en restant autre et hermétique;
• l’on hésite entre l’envie de partir et le devoir de rester;
• l’on change d’humeur tous les quarts d’heure;
• l’on glisse dans le paradoxe «à en perdre la raison»;
• l’on ressent de nouveaux besoins à rôder, à se frotter à ses pairs, à se distancier de sa famille et à rejoindre ses copains qui deviennent la priorité et à qui
l’on a tellement envie de ressembler.
A ces réalités, sources de conflits et de malaises, s’ajoutent les craintes des
parents, l’inquiétude quant à l’apprentissage d’un métier et la planification de
l’avenir. Est-il étonnant dès lors que la route semble bouchée, que les insatisfac17
Inventer
tions, les doutes, voire les angoisses, occupent le terrain et laissent peu de place
à l’espoir?
Etre adolescent et handicapé, c’est vivre les mêmes tempêtes que la très grande
majorité des adolescents. Le handicap impose cependant une gestion supplémentaire, celle du besoin d’appartenir à un clan, alors que les «normaux» semblent inaccessibles et les «semblables» redoutables. C’est un pilotage délicat
qui peut comporter un danger d’isolement.
Dans tout cela, y a-t-il un chemin vers l’espoir?
Nous en voyons deux au moins:
• Les tempêtes de l’adolescence ont l’avantage de donner des outils qui rendront plus fort et qui seront utilisables tout au long de la vie d’adulte. Ces turbulences ne durent que le temps, relativement bref de l’adolescence, même
s’il est bien difficile de croire en de futurs avantages lorsqu’on se sent comme
une coquille de noix sur une mer agitée!
• «J’ai l’impression que Régis (depuis qu’il a eu l’occasion de parler de ses
désirs et de ses craintes) attache désormais moins d’importance au statut
social du partenaire qu’à ses propres valeurs dans la relation. Il se montre
plus tolérant et privilégie la compréhension de ses frustrations et de ses
déceptions par sa volonté de dialoguer plutôt que de fuir ou d’agresser
l’autre».
Le silence tue, la parole guérit. C’est vrai à tout âge - particulièrement à l’adolescence – et, même si rien ne peut changer par un simple coup de baguette
magique – le dialogue permet de reprendre espoir.
SE «RÉAPPROPRIER» LE DROIT D’ÊTRE AIMÉ
Notre section «Faciliter» fait état de recommandations adressées à la société
pour que le droit d’aimer soit plus aisé. Disons simplement ici que, quels que
soient les efforts de l’extérieur, une grande partie du travail incombe à la personne handicapée. En effet, aussi longtemps que persiste l’impression que
l’autre ne peut s’intéresser à soi que par pitié, aussi longtemps que le handicap
et ses limites sont vus comme des impossibilités à intéresser quelqu’un, une
relation sexuelle a peu de chances de se nouer. Ceci s’applique d’ailleurs à n’importe qui: personne non handicapée, obnubilée par un nez trop grand, un poids
trop élevé ... (la liste pourrait être longue).
Les regards négatifs sur soi et sur l’autre, l’incompréhension
envers l’autre, sont des freins souvent
plus importants que le handicap lui-même.
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Inventer
Au-delà des stéréotypes
L’homme est celui qui prend l’initiative du premier pas, quitte à risquer l’échec.
Fort et vigoureux, surtout au travers de ce membre érectile, fait pour pénétrer, le
voilà lancé à la conquête de la femme, chargé de donner de lui une image
sexuelle avantageuse.
La femme, c’est un capital de beauté, de préférence important et grâce auquel
elle se doit de tisser les fils de la toile destinée à capturer l’homme le plus puissant possible, auprès duquel elle sera parvenue, coiffant toutes les autres
femmes au poteau, à éveiller désir et convoitise.
Créés et valorisés par notre société, nos deux prototypes seront lancés vers ce
qui doit être réalisé: un orgasme qui ne peut qu’être sublime.
Y a-t-il meilleur moyen d’allumer la mèche d’une vraie bombe à retardement? Un
pénis défaillant, occasionnellement ou définitivement (défaillance bien visible),
et c’est, outre l’incapacité d’un organe, une négation de soi. Un capital de
beauté que la vie a détruit ou qu’elle n’a pas donné, et c’est l’humiliation de celle
qui ne pourra plus être aussi pleinement objet de désir.
Ces images du puissant et du beau créent une confusion sociale majeure entre
génitalité et sexualité, puisque cette dernière est réduite à ses seuls aspects
mécaniques et esthétiques. Ainsi conçue, elle exclut non seulement les handicapés mais les personnes âgées ou elle ne correspond pas aux canons de la beauté
et de la virilité.
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Inventer
• «On peut très bien satisfaire une femme sans sa verge. Aimer une femme,
c’est avoir une envie folle, extraordinaire, intense de donner. Donner un
regard, un sourire, un baiser, une caresse, sa vie... tout... et surtout tellement
de tendresse. Quelle femme n’en serait pas épanouie?» 6
Témoignage d’un homme handicapé, qu’en changeant peu de mots, une femme
pourrait elle aussi apporter et qui renvoie à ces questions: seraient-ils nombreux
les couples stables s’il n’y avait pas, entre les deux personnes, une dimension
autre qu’un pénis ou un vagin performant? Combien de personnes, non handicapées, ne souhaitent-elle pas la tendresse dont il est question? Combien ne sontelles pas à se plaindre lorsque le partenaire se contente de ces quatre secondes
(moyenne de plaisir d’un coït), sans caresse, sans tendresse, deux manifestations de plaisir humain qui, elles, ne sont pas limitées dans le temps?
• L’amour ne peut être réduit au seul coït.
Au-delà des regards sur le couple
«L’important handicap de mon mari ne peut que «sauter aux yeux». Malgré les
années et après avoir, à peu près, accepté les horreurs entendues à l’annonce de
mon mariage, j’ai encore de la peine à supporter les regards sur nous. Ceux portés sur lui, faits souvent de pitié, ceux qui le sont sur moi du type: mais qu’est-ce
qu’elle f... avec lui».
«J’ai toujours cru que les choses étaient claires pour mes amis et qu’ils savaient
que mon mari et moi faisions l’amour comme tout le monde. Un soir pourtant, je
suis tombée sur mes fesses... Nous avions passé une bonne soirée, bien arrosée,
il était tard et on a parlé sexe, j’ai dit quelque chose sur notre couple et un de
nos amis a ouvert des yeux comme des soucoupes et a laissé tomber: «‘’Ah parce
que vous aussi...’’» Il nous regardait comme si nous étions des martiens! Je
n’avais pas imaginé une seule seconde que des gens, proches de nous, pouvaient faire un tel barrage face à notre sexualité, et ceci parce que je suis handicapée».
«Je crois que dans chaque couple, il est essentiel que chacun garde des intérêts,
des activités en dehors de l’autre. Lorsque l’un des deux est handicapé et ne
peut pas travailler, comme c’est mon cas, il est nécessaire d’être encore plus
vigilant. Sans cela, le risque est grand d’étouffer la relation. Ainsi nous nous
accordons des moments de séparation, même si je dois entrer en UAT (unité
d’accueil temporaire) pour quelques jours. Nous les vivons bien, mais les autres
ne comprennent parfois pas ce besoin d’espace. Ils ne comprennent pas que ma
femme m’abandonne à des mains étrangères, ou alors ils font le contraire, ils
appuient sur la compréhension bébête auprès de ma femme, du style: «‘’Je
6
Chapelle, P.A., 1989, in Soulier, Bernadette, op. cit.
20
Inventer
comprends que vous ayez besoin d’air, c’est vraiment dur pour vous’’». Nous
avons appris à «‘’laisser couler’’» ces réactions. Depuis le temps on s’est habitué, mais il reste quand même cette impression que nous ne sommes pas considérés comme un couple, avec un mode de vie qui lui est propre et qui n’est pas
lié directement au handicap».
• Se distancier de ceux qui rejettent les couples «non ordinaires» et adopter la
technique du canard sur les plumes duquel l’eau glisse. Il n’y a pas beaucoup
d’autres solutions. Mais faire face à deux, ce peut être un bonheur et devenir
une force! Et si un coup de pouce est nécessaire, il sera peut-être donné par
les groupes de partage ou les séminaires que proposent certains organismes 7.
«Les gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux...», chanson
célèbre qui peut aider à comprendre que cette «autre route» déconcerte ces
«gens». Elle les renvoie à leur propre manière de vivre, à leurs doutes, à leurs
limites, aux changements qu’ils devraient peut-être envisager, mais qu’ils ont
peur de concrétiser.
Avec et au-delà de la génitalité
Ce n’est pas l’espace d’une brochure, mais celui d’un ouvrage entier qu’il nous
faudrait pour faire le tour des possibilités purement physiologiques qui persistent malgré le handicap. Disons simplement que dans les cas de lésions médullaires, les possibilités d’érection et d’éjaculation, de même que les sensations
génitales, dépendent de la hauteur de la lésion.
Certaines maladies comme la sclérose en plaques et des handicaps tels que l’infirmité motrice cérébrale, peuvent provoquer une grave spasticité chez la femme
ou/et un manque de lubrification rendant l’acte sexuel difficile et parfois très
douloureux.
Seul un médecin est en mesure d’aider à effectuer un bilan personnel.
D’une manière générale, pour chaque type de handicap et pour chacune des
catégories qui peuvent en être établies, il existe des moyens de pallier nombre
de difficultés.
Nous savons par exemple que:
• «59 % des blessés peuvent réaliser un coït. Les autres peuvent être aidés,
souvent, par des moyens auxiliaires» 8.
• La spasticité, présente dans beaucoup de handicaps ou de maladies évolutives, peut être corrigée par des médicaments, de la relaxation ou des massages. Elle peut également l’être par un meilleur positionnement du corps ou
7
8
Voir liste des principaux organismes à la fin de la section «Savoir».
Les différentes citations de ce paragraphe sont tirées du livre de Soulier, Bernadette, op. cit
21
Inventer
par la bonne disposition de coussins. De l’avis de personnes handicapées,
l’aide d’un physiothérapeute est primordiale. Bien choisi, parmi ceux qui
acceptent de travailler en partenariat, celle-ci peut éveiller la conscience du
moment de rupture entre détente et spasticité, ce qui semble particulièrement précieux lorsque le handicap découle d’une infirmité motrice cérébrale.
• Le manque de lubrification peut être compensé par des crèmes adaptées.
• La recherche de positions optimales du couple est importante car elle peut
favoriser un acte sexuel agréable ou tout simplement le permettre sans
risque. Les personnes atteintes de myopathie, par exemple, conservent des
érections, des éjaculations et des sensations complètes, mais leur musculature présente une fragilité générale. Certaines d’entre elles éprouvent des
difficultés respiratoires selon la position du thorax, d’autres doivent porter
des appareillages dorsaux. Ces réalités imposent une recherche de positionnement très soignée qui, la plupart du temps, tirera grand profit des conseils
d’un médecin et d’un physiothérapeute.
• Certaines femmes ayant une insensibilité complète des organes génitaux ressentent la pénétration vaginale. Il s’agit de sensations difficiles à définir ou à
comparer à quelque chose de connu. L’essentiel est dans la sensation de
bien-être qui est alors ressentie. Pour les autres, la stimulation de certaines
parties du corps entraîne le même sentiment de plénitude et de détente que
l’orgasme traditionnel 8.
Indépendamment de l’aspect purement fonctionnel de l’acte, il est essentiel de
ne pas oublier qu:
• « Chaque fois qu’un individu se met à jauger sa performance ou celle de son
partenaire, il détruit les conditions naturelles de l’acte sexuel» 9.
• La fixation sur les seules performances s’oppose à la génitalité. La peur de
ne pas être à la hauteur engendre l’échec dans la majorité des cas.
• « L’amour et la nourriture ont la même importance vitale pour notre santé et
notre survie » (KO-Tseu).
Entre le non-handicapé et la personne handicapée, il n’y a aucune différence
dans le besoin vital d’amour, pas plus qu’il n’y en a dans les désirs. Alors, qu’à
l’interlocuteur suggérant de sublimer besoins et désirs, la personne handicapée
rétorque qu’il n’a vraiment rien compris au sujet!
Orgasme et paraorgasme
9
Masters, W.H., Johnson, V.E. «Les mésententes sexuelles et leur traitement», voir bibliographie.
22
Inventer
Un bilan physiologique complet et des aides diverses permettent de recouvrer
des orgasmes par pénétration. Mais même sans pénétration, nombreux sont les
moyens de donner et de recevoir un plaisir intense. Qui plus est, bien des personnes non handicapées pourraient s’en inspirer pour améliorer leurs propres
relations sexuelles!
• Le plaisir sexuel n’est pas impérativement lié à la pénétration. Il n’est pas
non plus, chez l’homme, impérativement lié à l’éjaculation. La force du jet
éjaculatoire n’est pas synonyme de qualité du plaisir: un jet faible ou l’absence d’érection n’empêche pas un orgasme fort.
Lorsque la hauteur de la lésion le permet, l’éjaculation peut être obtenue par
diverses méthodes. Les énumérer ici ne paraît cependant pas approprié et
pour un complément d’information nous vous renvoyons à l’adresse et au
numéro de téléphone mentionnés à la fin de cette section.
• L’orgasme féminin peut être déclenché tant par des situations que par des
manœuvres de pénétration.
• La sexualité, qui comprend la tendresse, l’amour et le plaisir physique, est
un domaine insuffisamment exploré.
• Notre corps a prévu des relais aux zones érogènes classiques. Si la «parole»
lui est laissée, le haut du corps, notamment, est très sensible aux caresses.
• Le toucher est le langage privilégié du corps. Outre le seul sexe, la bouche,
les mains sont également dispensateurs de plaisir.
• Le paraorgasme permet de contourner un obstacle génital.
• Le paraorgasme peut être développé par l’homme comme par la femme. Les
freins constatés sont d’ordre éducatif et non physique.
« Je compare volontiers la vie d’un couple à celle d’un mur:
tous les jours, le vent, la pluie, le soleil ou le gel viennent
l’agresser, l’user, participer à sa destruction...
Alors, tous les jours, il faut surveiller les dégradations et les réparer,
remettre une pierre à l’édifice qui ne demande qu’à s’effriter
si l’on ne prend pas garde à son entretien » 10.
Quand le vent, la pluie et le gel se conjuguent...
La survenance du handicap ou l’annonce de la maladie cumule momentanément
les effets des trois agresseurs. Lorsque le couple a été formé avant le «coup de
tonnerre», les éventuelles difficultés sexuelles préexistantes compliquent le
nouvel apprentissage.
10
Chapelle, P.A.,1989, in Soulier, Bernadette, op. cit.
23
Inventer
L’éducation de chacun aura une influence sur la capacité à développer ou non le
paraorgasme.
Il est bien connu que, quelles que soient les réalités physiques, la vie en couple
connaît des périodes de crise. Il serait pourtant erroné de conclure que crise
signifie moins d’amour. Elle n’est que la manifestation des peurs, des doutes,
des souffrances et d’un excès de solitude. La crise est surtout, et dans n’importe
quel cas, une occasion de renouveau. En grec, le mot «crisis», duquel vient le mot
crise, signifie naissance et les Chinois expriment par le même idéogramme les
mots «crise» et «chance».
Crise, naissance, chance ... Sagesse issue d’expériences multiples et d’observations reprises par les professionnels de la relation de couple. Ils s’accordent, eux
aussi, à reconnaître la valeur positive, voire la nécessité du passage par une
crise (qu’il y ait ou non handicap) pour qu’un couple puisse «retrouver ses
marques» ou aborder librement une nouvelle relation.
Les risques de renonciation
La tentation peut être grande de museler le désir pour éviter la souffrance due à
une érection faible, inexistante ou à une irritation clitoridienne; pour fuir la
confrontation à une éducation interdisant les caresses ou certaines d’entre elles,
notamment buccales; pour éluder les questions que le couple écartait déjà avant
le handicap; ou encore pour ne pas prendre le risque d’un refus du partenaire
éventuel ou s’épargner des comparaisons entre l’avant et l’après.
La nécessité de réinventer
Il est indispensable de remplacer la recherche de la performance par celle d’une
communication privilégiée entre partenaires ; d’oser se laisser aller pour être en
mesure de dépasser ses peurs et ses préjugés et de s’exposer sans crainte à l’inconnu d’une rencontre; d’admettre que la réinvention est parfois ardue par ses
propres moyens et que des aides externes sont utiles. Celles-ci peuvent prendre
des formes multiples: détente par des cours de relaxation ou par des massages,
verbalisation des craintes dans le couple avec un professionnel, groupe de
paroles ou échanges avec d’autres personnes handicapées.
L’essentiel dans ce domaine est une certaine exigence de qualité des professionnels approchés et des méthodes sollicitées. Demander de l’aide ne signifie pas
se soumettre, mais utiliser un service. La nuance est de taille, car toute utilisation implique l’évaluation d’une offre et des prestations offertes. Ainsi le choix et
la reconduction des services seront-ils fonction du mieux-être ressenti, étant
entendu cependant qu’il n’existe pas de miracles. Réinventer sa sexualité ou
repousser les peurs et les préjugés demande du temps, de la persévérance et
parfois des périodes de souffrances.
24
Inventer
«La tendresse retrouvée, c’est comme des lunettes correctrices qui
pourraient corriger le regard et la vision de la vie» 11.
L’aide directe
«Les gens qui nous entourent ont compris que nous avions envie d’être
ensemble. Ils nous ont trouvé un studio pour que nous puissions vivre ensemble
certains week-ends. Au début c’était bien, mais nous avions envie de plus...
Nous voulions tout bêtement faire l’amour et là, le mur. Seuls, nous ne pouvons
pas, en raison de nos handicaps. Nous aurions eu besoin d’une aide pendant
l’acte et... impossible d’en discuter. Pour nous en fin de compte, ce «‘’vivre
ensemble à moitié’’» était trop difficile, nous rendait agressifs l’un envers l’autre
et avec les autres».
Sujet sensible et impossible à passer sous silence, à moins d’accepter que certains soient exclus de leur sexualité. Cependant l’aide, par conséquent la présence d’un tiers pendant l’acte sexuel, soulève de nombreuses questions, autant
pour le couple que pour les aidants.
• Cette aide ne peut être que le fruit d’un consentement mutuel, basé sur une
négociation et une réflexion appartenant à l’intimité de chacune des personnes en présence.
11
Salomé, J. «Apprivoiser la tendresse», voir bibliographie.
25
Inventer
«Moi aussi, qui suis né comme ça, j’ai envie de rencontrer une fille, de connaître
une expérience sexuelle. J’aimerais faire l’amour, et pourquoi pas, avec une
prostituée, mais si je ne trouve pas quelqu’un pour un coup de pouce, simplement pour le déplacement, c’est quasi impossible. Si le chauffeur d’un transport
officiel m’emmène jusqu’à la porte d’une professionnelle, comment puis-je espérer que l’institution n’en sera pas avertie? Quelque part, ton intimité est sciée
d’avance parce que tout se sait et se raconte. La solution serait de trouver une
complicité parmi le personnel, mais c’est délicat. A qui faire vraiment confiance,
je ne sais pas...»
Qu’il s’agisse d’une rencontre avec un professionnel du sexe, d’une relation
homosexuelle ou de masturbation, il n’appartient pas aux autres de décider où
se situe le bien et le mal. Nous ne voyons, en effet, aucune raison justifiant
qu’une personne handicapée soit, plus que tout citoyen ordinaire, soumise à des
pressions institutionnelles ou sociales. Demeure cependant le fait que la dépendance physique impose des restrictions, et précisément dans le choix d’une personne de confiance. Notre expérience nous permet d’affirmer que ces personnes
sont bien plus nombreuses qu’on ne l’imagine, ce qui n’efface pas la nécessité
de «négocier», dans le respect de l’autre, de sa morale et de ses réalités personnelles ou professionnelles.
• Demander le non-jugement pour soi implique également ne pas juger l’autre
dans ses éventuels peurs ou refus.
LA PROCRÉATION
Un bilan physiologique indispensable
Il est impossible de donner ici toutes les indications et contre-indications liées a
ce sujet. Ce serait prendre le risque de créer de faux espoirs comme de décourager de réelles possibilités.
Des progrès connus
«Le taux de procréation naturelle des hommes, blessés médullaires, est passé
de 5 % 12 à 30 % 13 grâce à certaines techniques d’induction artificielle de l’éjaculation. Il ne semble pas y avoir de corrélation entre la qualité du liquide séminal et le temps écoulé après la première année de l’accident. Cependant les
hommes qui peuvent recueillir une éjaculation ont tout intérêt à entretenir ce
phénomène pour conserver une bonne qualité de sperme» 14.
12
François, N. «Techniques de stimulations du paraplégique», voir bibliographie.
13
Dizien, O. «Sexualité – fécondité: séquelles génito-sexuelles des blessés médullaires», voir bibliographie.
Soulier, B. op. cit.
14
26
Inventer
Pour la femme atteinte du même type de handicap, la fécondité n’est pas modifiée. L’accouchement se fera «par les voies naturelles, la césarienne étant très
rarement indiquée» 15, exception faite des cas de lésions hautes (au-dessus de
D6), pour lesquelles une anesthésie péridurale peut s’avérer suffisante.
Dans la majeure partie des handicaps et principalement dans les cas de paralysie, de scléroses en plaques, de spina-bifida ou de certaines myopathies, durant
la grossesse il importe de veiller à l’absence d’infection urinaire dont le risque
est plus élevé que chez une femme non handicapée.
Un bilan médical individualisé reste toutefois nécessaire lorsqu’une femme,
souffrant d’une maladie évolutive, envisage une grossesse.
Le problème central consiste à trouver un gynécologue connaissant suffisamment bien les réalités du handicap pour ne pas surmédicaliser la grossesse et
l’accouchement; un gynécologue qui acceptera de réfléchir avec la future mère
sur les différentes possibilités d’accouchement, de lui donner toutes les informations permettant d’arrêter son choix et de prévenir certains risques. Dans
quelques cas, un travail sur la respiration, avec l’aide d’un physiothérapeute, est
en mesure de favoriser un accouchement sans anesthésie, s’il est souhaité.
Dites-nous docteur...
«Je ne comprends pas pourquoi les médecins ne font pas systématiquement un
prélèvement de sperme lorsqu’un homme jeune est accidenté et que des
séquelles sont probables. C’est une manière de ne pas prendre en compte l’avenir et le désir d’avoir un enfant de soi. Je ne crois pas que le problème vienne
d’une question de technique médicale, mais de la manière dont le corps médical
se représente la personne handicapée ou ne la voit plus du tout comme un
homme ou un futur père».
Cette interrogation est reprise dans la section «Faciliter». Certains contacts nous
permettent de dire que la réflexion est en marche, mais également que de
sérieuses résistances persistent. Un domaine à suivre attentivement à l’avenir.
Etre motivé pour réussir
Qu’il s’agisse d’actes médicaux ou d’adoption, la motivation du couple a une
influence déterminante sur la réussite. Ceux qui en ont suivi le parcours ne
cachent pas les difficultés rencontrées, partagées d’ailleurs par les couples nonhandicapés. Ils ne dissimulent pas non plus que l’une d’entre elles réside dans le
regard des autres sur leurs capacités à être parents plutôt que sur leur aptitude à
élever leur enfant.
15
François, N. «La fonction génito-sexuelle du paraplégique», voir bibliographie.
27
Inventer
Bon père? Bonne mère?
«A cette question, j’ai envie de répondre ‘’Comment identifier le parent parfait?’’
Il s’agit plus, je crois, de bien accepter nos limites et de regarder les avantages
de la situation. C’est terrible quand les autres jouent avec vos enfants, que vous
ne pouvez pas courir et que vos enfants ont plus de plaisir avec ceux qui courent
et sautent. Dans ces cas-là, je me dis: ‘’Tu dois être patiente, tu auras un avantage, tu n’as pas mille choses à faire, mais le temps de lire un livre jusqu’au
bout’’. Ainsi je peux créer mes propres espaces et satisfactions».
«C’est incroyable à quel point, rapidement, l’enfant apprend que son parent est
handicapé. Il sait demander automatiquement à d’autres de le relever lorsqu’il
est par terre ou au lit» .
Cette connaissance se situerait avant la première année de l’enfant.
«Je ne crois pas que notre fils se soit posé beaucoup de questions sur mon handicap. Quand il a commencé l’école, c’est moi qui allais le chercher, dans mon
fauteuil. Il n’a pas posé de questions, ses copains non plus. Ils venaient simplement vers moi, très intéressés par la mécanique de la chaise. Je ne sais pas ce
qu’il en sera plus tard et surtout à l’adolescence. Ce que je sais pourtant, c’est
que j’ai eu tout le temps de m’occuper de mon fils. J’ai rattrapé ce que je
n’avais pas fait
avec les
enfants de
mon premier
mariage, car
je travaillais et
je n’étais pas souvent à la maison. Je pense que ce temps, cette
disponibilité ont créé une relation privilégiée, en tout cas pour
moi. C’est une grande satisfaction et j’en suis heureux».
28
Inventer
Le désir d’enfant non réalisé
«Le désir d’enfant, oui, je me souviens bien, nous étions dans une phase d’espoir
avec le traitement x, et nous avons envisagé d’avoir un gosse. Et puis heureusement, nous ne l’avons pas fait. Heureusement, parce que le traitement n’était
qu’un faux espoir et aujourd’hui je ne vois pas comment j’aurais fait avec cet
enfant, sans compter les risques sérieux d’aggravation de la maladie».
Le choix sans enfant
«Il n’est pas question que nous ayons un enfant. Comment ferions-nous pour
l’élever? Ce n’est pas l’aspect matériel qui nous inquiète, c’est la réalité quotidienne. Nous ne pourrions pas nous en occuper seuls en raison de nos deux handicaps. Nous serions obligés d’engager quelqu’un qui se charge de tout ce que
nous ne pouvons pas faire et c’est inimaginable pour nous. Quelqu’un dans notre
vie et pratiquement tout le temps, du moins lorsque l’enfant est petit, quelqu’un
dans la vie de l’enfant:.. Qui seraient ses parents, comment s’y retrouverait-il?»
REVENDIQUER UNE MEILLEURE MOBILISATION SOCIALE
«La sexualité est une question qui dépend aussi de la manière dont on se sent
faire partie d’une société, de la manière dont on y est accueilli. Parqués dans des
institutions, dans des ateliers protégés; classés dans les définitivement inactifs
et improductifs, donc ‘’à charge’’; réduits à la dépendance, donc au silence sur
ses besoins; freinés face aux multiples barrières architecturales, donc encombrants... Il faut être rudement fort pour développer un sentiment suffisant de
valeur personnelle qui permette d’aborder une femme ou un homme».
«Le plus difficile ce n’est pas tellement le handicap. Je peux faire avec, même si
parfois j’enrage. Non, le plus difficile ce sont ces changements de conversation
lorsque l’on veut parler de sexualité, ou ces banalités que l’on nous répond, que
l’on m’a dites lorsque j’étais enfant. C’est comme si je n’existais pas comme
homme et homme jeune».
«[Après l’accident], les retours précoces à domicile en brefs congés sont (...) très
favorables à une reconnaissance des conjoints» 16. Très favorables, mais combien
insuffisamment favorisés...
«S’il est une chose que j’aimerais vraiment beaucoup, c’est que mon compagnon
ne doive plus assumer les soins intimes et surtout les changements de protections. Je crois que ce n’est pas bon de devoir être à la fois l’amant et l’infirmier.
Il ne me fait aucune remarque, peut-être que pour lui c’est égal, c’est en tout cas
ce qu’il dit quand je lui pose la question, mais moi cela me gêne. Je ne peux pas
m’empêcher de me demander comment il peut encore me voir comme femme
16
Maury, M., 1981, in Soulier, Bernadette, op. cit.
29
Inventer
après certains soins et je me sens moins séduisante, donc je suis moins séductrice. Il faudrait que des aides extérieures puissent être engagées pour ces
soins».
Ce point est particulièrement important car il est connu que les soins physiques
intimes, dispensés par le partenaire, peuvent influencer négativement la vie
sexuelle du couple.
Ils pourraient être multipliés, les exemples de revendications qui, aujourd’hui, ne
sont pas encore satisfaites, malgré des kilomètres d’écrits, les flots de paroles et
les montagnes de bonnes intentions... D’emblée cependant, quelques conclusions s’imposent:
• «Il est indispensable que nous (personnes handicapées) fassions usage de
tout notre pouvoir personnel et collectif pour faire évoluer les attitudes du
public et les politiques officielles en vue de surmonter les obstacles qui nous
empêchent de mener une vie sexuelle complète et normale» .
• «Nous devons donc apprendre à dire ce que nous voulons et quand nous le
voulons, affronter le monde extérieur, jouer un rôle dans les organisations
visant à améliorer notre situation».
• «Ceux d’entre nous qui peuvent sortir, vivre de manière autonome et s’exprimer, devront aider les autres. Nous ne devons pas accepter la condition de
citoyens de seconde classe. Tout en reconnaissant la situation difficile des
personnes dépendantes ou vivant isolées, nous pouvons aider les personnes
hésitantes à sortir et à jouer un rôle actif dans la collectivité».
• «C’est également nous qui devrons faire en sorte que les agences matrimoniales, les clubs et organisations de vacances élargissent leur clientèle pour
inclure les personnes handicapées».
• «Nous ne devons pas nous résigner et renoncer par peur du refus et de
l’échec. Nous devons être prêts à prendre des risques et à persister, même en
cas d’insuccès».
• «Enfin nous devons admettre qu’il existe des barrières réelles à une autonomie complète et à un plein développement des relations et de la sexualité.
C’est à nous de ne pas nous laisser enfermer» 17.
REVENDIQUER SES DROITS ET ASSUMER SES DEVOIRS
Le premier de ces droits est celui d’être considéré comme un citoyen à part
entière.
Il est indéniable, et également dans notre pays, que cette considération est
insuffisante. La section intitulée «Faciliter» est consacrée à ce que nous esti17
Porter, Marie, op. cit.
30
Inventer
mons être les devoirs de la société à l’égard des personnes handicapées. Nous
ne les répéterons pas ici. Relevons ici simplement un point central:
• Toute personne handicapée
est en droit d’attendre que
son autonomie et sa qualité
d’adulte à part entière soient
respectées.
«Si autonomie signifie vivre
exactement comme Monsieur
et Madame tout le monde, je
m’interroge. Si je pousse jusqu’au bout les conséquences de
cette affirmation, il faudrait
que, par exemple, la ville de
Lausanne soit rasée à hauteur
des quais d’Ouchy. Soyons sérieux: la société a des devoirs,
mais il est de ma responsabilité
de personne handicapée de
trouver des aménagements réalistes et de tenir compte de mon
handicap».
«Le très grand piège qui nous guette est celui de la dépendance exagérée. J’ai
besoin d’aides certes, mais les demander ou les accepter plus qu’elles ne sont
nécessaires, ce serait m’enfermer dans une cage dorée. La dorure pourtant s’effacera rapidement parce que, lassés par mon attitude, les autres risquent de
manifester de l’agressivité ou, pire, de partir».
• «Ce n’est pas aux autres à assumer notre handicap et à se mettre à notre disposition. Si tu ne te modifies pas, c’est ‘’le piège à guignol ’’ ou la non-relation».
Il faut bien s’entendre sur ces affirmations. Elles n’atténuent en rien les devoirs
de la collectivité. Par contre, et c’est une loi valable pour toute relation humaine,
les devoirs de l’autre s’arrêtent lorsque ses droits ne sont plus respectés.
31
Inventer
Cela est vrai dans les relations de couple. La mort du couple commence lorsque
s’insinuent un sentiment de manipulation éprouvé par l’un des partenaires, la
résistance au partage des souffrances et des doutes avec l’autre, l’exagération
de la dépendance et, bien entendu, le refus de s’interroger sur soi, au-delà des
entraves physiques. Le comportement sexuel n’échappe pas à cette règle. Qu’il
s’agisse de la manière dont se manifeste, en public, une relation hétérosexuelle
ou homosexuelle, du recours à la masturbation ou à la drague; qu’il s’agisse de
fréquenter des professionnels du sexe ou des maisons spécialisées, la responsabilité de la personne handicapée est identique à celle d’une personne non handicapée.
La revendiquer et l’assumer, c’est vivre sa qualité de citoyen à part entière. Il en
découle à l’évidence que les éventuelles provocations ou délits auront les
mêmes répercussions que celles auxquelles s’expose quiconque.
OSER DEMANDER AIDE ET INFORMATION
Des formes d’aide existent hors de l’entourage et le catalogue de prestations
offertes est important. Vous en trouverez un aperçu à la fin de cette brochure.
D’autres informations ou simplement une oreille attentive vous sont offertes par
ces deux canaux:
Cap-Contact Association – 18, Praz-Séchaud – 1010 Lausanne
021 653 08 18 (téléphone et fax)
L’anonymat sera respecté si vous le souhaitez.
• Demander de l’aide n’est pas synonyme d’incapacité. C’est malheureusement là une erreur courante et qui semble plus répandue chez les hommes
que chez les femmes. C’est précisément en raison de l’image de l’homme
fort, qui doit assumer, serrer les poings et s’en sortir seul, que perdure cette
peur de recourir à autrui quand «ça va mal». Réfléchissons simplement à ceci:
le handicap et tout ce qu’il entraîne, n’est-ce pas trop pour un seul individu?
• Etre exigeant quant à la qualité de l’aidant. Le client est roi, c’est le cas dans
les affaires commerciales, mais ce doit l’être aussi lors de demandes d’aide.
Le recours à un thérapeute comprend le droit de choisir un praticien avec
lequel on se sente en confiance, mais également celui de suivre une méthode
de travail qui convienne.
• Rechercher des avis différents. Les conseils et informations entre pairs sont
très utiles. Il est moins gênant, surtout au début du handicap, de s’adresser à
ceux qui ont vécu la même expérience. Cependant le recours à un médecin
reste nécessaire car chaque handicap a sa physiologie propre.
• Recommencer si le premier essai est négatif. Dans toutes les professions
existent d’excellents praticiens et d’autres qui le sont moins. Dans toute relation d’aide interviennent deux personnalités, entre lesquelles le contact réel
est assujetti à de subtiles lois.
32
Accompagner
ETRE PARENT D’UN ENFANT HANDICAPÉ
Outre qu’ils doivent accepter le handicap proprement dit, les parents ont à
affronter un quotidien nouveau, notamment à songer que leur enfant va grandir,
devenir un homme ou une femme. Tôt ou tard surgira donc le problème de la
sexualité, dont il faudra bien qu’ils parlent puisqu’ils sont hors de mesure d’empêcher des pulsions après tout naturelles, avec les risques pouvant en découler.
Leur comportement sera alors d’autant plus approprié qu’ils seront reconnus
dans leurs droits et qu’en cas de recours aux professionnels du médico-social, ils
auront établi un partenariat étroit avec ces derniers. Dans cet esprit - et nous
fondant largement sur la Charte des parents18 – nous proposons une Charte des
droits des parents, contribution qui nous paraît utile pour jalonner le chemin du
futur adulte.
CHARTE DES DROITS DES PARENTS
«Le droit de ne pas être blâmé»
La culpabilisation n’est d’aucun secours et si, faisant état de ses connaissances
ou d’un statut qu’il estime supérieur, un professionnel utilise ce moyen à votre
égard, vous êtes en droit de refuser l’intimidation et de lui indiquer qu’il se
trompe. La critique est rarement fructueuse. Par contre, une discussion franche,
ayant pour but la compréhension mutuelle des difficultés ressenties ou vues de
part et d’autre, sera tout bénéfice pour votre enfant.
«Le droit de ne pas saisir ce qui se passe
Aucun parent ne devrait quitter un entretien avec des enseignants, des
professionnels de la santé mentale ou des médecins sans avoir parfaitement
saisi la portée de ce qui a été dit. Si des abréviations de tests ont été utilisées
ou qu’un diagnostic vous a été livré dans un jargon qui vous est étranger, vous
demanderez des éclaircissements dans un langage que vous êtes certains de
comprendre».
«Le droit de ne pas être exploité»
Votre investissement en faveur de votre enfant peut être énorme. Il l’est s’il vit
chez vous. Il l’est également si, accueilli en institution, il revient au sein de votre
famille durant les fins de semaines et les vacances. Les aides financières
octroyées, en particulier pour vous permettre de vous reposer de temps à autre,
sont encore insuffisantes. Vous êtes en droit d’attendre que la société reconnaisse, non seulement sous forme d’admiration, mais également en espèces, le
travail que vous accomplissez. Sans vous, votre enfant ne devrait-il pas être
accueilli dans des structures professionnalisées? Et à quel prix? Si l’argent ne
18
Gordon, Dr. S., Institute for Family, Research and Education, New York. Les caractères en italiques
ont été conservés chaque fois que nous avons gardé le texte original. Le texte intégral est disponible à l’adresse indiquée en page 32.
33
Accompagner
doit pas rétribuer l’amour, il y a des limites aux charges supportables au nom de
l’amour.
«Le droit d’être aidé sans devoir s’excuser»
N’hésitez pas à accepter l’aide proposée par un ami ou un proche. Nombreux
sont, en effet, les «coups de pouce» concevables, à long terme, si vous tenez
compte des moyens physiques et psychologiques de qui vous les suggère. Il se
peut que les offres, surtout celles faites au début, ne soient pas toutes sincères
et que vous vous exposiez à des ruptures. Cependant, même si 10% seulement
des promesses sont tenues, vous dépendez d’elles et offrez à vos fidèles l’occasion de vous prouver leur amitié.
«Le droit de prendre des décisions»
La pression des professionnels sur vous peut être forte et vous donner l’impression que des décisions vous sont imposées. Si vous vous trouvez en désaccord
avec divers experts intervenus, vous êtes en droit de le dire, de rechercher des
avis extérieurs et de vous accorder le temps de choisir. Votre enfant est sous
votre responsabilité et c’est à vous qu’il incombe de prendre les décisions le
concernant. Ce droit est pourtant limité par la réalité et la volonté de votre
enfant, qu’il exprime parfois en se faisant aider par des professionnels. Tel est
souvent le cas lorsqu’il a le sentiment que ses parents «oublient» qu’il devient
grand.
Il n’est pas toujours simple d’aborder sereinement l’avenir sexuel d’un enfant
handicapé. Il peut être difficile - que l’enfant soit, au demeurant handicapé ou
non - d’accepter le choix de ses expériences sexuelles ou de son partenaire.
Pourtant, la nature l’emportera, quelles que soient les craintes des parents:
l’adolescent revendiquera ses droits, notamment sexuels, et aucune opposition
ne changera le cours des choses. Tout au plus pourrez-vous lui offrir l’aide la plus
précieuse qui soit: l’accompagner dans sa recherche d’autonomie, sexuelle
aussi.
Pour certains parents, habitués à être plus attentifs à leur enfant handicapé qu’à
un autre, ‘’relever le gant’’ nécessite une complète réinvention. Pour presque
tous les parents, le handicap et ses limites posent un dilemme ardu: doivent-ils
s’engager avec le futur adulte sur la voie de l’espoir quant à un avenir en couple
ou doivent-ils lui montrer le chemin d’un réalisme maximal?
Leur réponse ne sera guère aisée car les chances d’autonomie offertes par la
société au jeune adulte sont encore très insuffisantes. Comment, en effet,
découvrir le travail qui permettra la création d’une famille? Comment choisir son
lieu de vie? Assurer son indépendance financière et administrative? L’avenir se
vivra d’autant mieux que les parents auront su trouver le si subtil point d’équilibre entre possibilités et limites et que, par leurs mots et leurs gestes, ils en
auront transmis le message.
Nous pensons que des accompagnements extérieurs sont souvent indispen34
Accompagner
sables, en raison des réalités fort complexes auxquelles les parents d’un jeune
handicapé sont confrontés lors de l’adolescence.
«Le droit d’être en colère»
Nombre de progrès faits dans le domaine des soins et de la prise en charge des
enfants handicapés sont dus à la colère des parents. Vous n’améliorerez votre
comportement et vos actes quotidiens vis-à-vis de votre enfant que si vous
conservez votre capacité à dire vos désaccords, à réclamer des changements et
que vous vous mobilisiez pour qu’ils se réalisent.
«Le droit à une vie familiale normale»
Avoir un enfant handicapé ne doit pas exclure les rencontres familiales, les
invitations ou tout ce qui constitue les joies et corvées d’une vie de famille.
Certes, chacun ne se sentira pas à l’aise dans ses contacts avec votre enfant
handicapé. Or la gêne prononcée que l’on éprouve généralement face aux personnes handicapées freine précisément leur acceptation dans la société. Parler
de cette gêne, ce n’est pas un appel à la pitié, c’est simplement le prologue à
une possible intégration.
«Le droit de vivre une part de votre vie sans votre enfant handicapé»
La vie de couple se construit avant la naissance des enfants, elle se poursuivra
lorsqu’ils auront quitté le toit familial. Il est très important, pour préserver,
consolider et parfois réparer la relation entre les deux partenaires, qu’ils puissent préserver leur intimité, s’échapper par moment et se retrouver sans leurs
enfants.
35
Accompagner
«Le droit à un avenir autonome pour ses enfants»
Vous êtes nombreux à être confrontés à cette question lancinante: «A qui et à
quoi mon enfant sera-t-il livré lorsque je n’aurai plus la force voulue ou que je ne
serai plus là»? Le droit à une réponse de la société entraîne, pour cette dernière,
un engagement à respecter l’autonomie du futur adulte.
La suite de cette section - celle qui interroge les professionnels - et la section
intitulée «Faciliter», qui s’adresse à la société, reprennent les principaux éléments fondant le droit à l’autonomie. Nous vous prions de vous y reporter et
serions heureux d’accueillir vos éventuelles suggestions.
En rédigeant cette charte des parents, nous avons eu le sentiment que le partenaire d’une personne handicapée devait lui aussi jouir d’un certain nombre de
droits. C’est pourquoi, nous en proposons ci-dessous une liste, en précisant
qu’elle est encore imparfaite et qu’elle exige un travail d’approfondissement, si
possible avec l’aide des personnes concernées.
DROITS DU PARTENAIRE D’UNE PERSONNE HANDICAPÉE
Le droit de ne pas être blâmé ou jugé
Que vous décidiez d’épouser une personne déjà atteinte d’un handicap, que vous
restiez avec votre partenaire après la survenance du handicap ou que vous décidiez de partir, personne n’a le droit de porter un regard négatif sur votre choix.
Votre vie sexuelle, les moyens que vous vous donnez pour la développer vous
appartiennent. Il est rare que vous puissiez espérer que les autres comprennent
spontanément ces droits. Vous verrez plus vraisemblablement se rétrécir le
cercle de vos présumées amitiés, ce qui, pour vous, présentera l’avantage de
vous resituer par rapport à elles. Il est de votre droit de décider d’assumer le rôle
de père ou de mère, de votre droit de choisir le moyen vous permettant d’y parvenir. Vous seul pouvez apprécier vos forces et donner une orientation à votre
avenir. L’adoption d’un enfant, ne peut vous être refusée au seul motif que votre
partenaire est handicapé. Si elle se révèle nécessaire, la fécondation artificielle
doit vous être facilitée et les éventuelles restrictions légales en la matière doivent être abolies.
Le droit de ne pas être exploité
Nombre de personnes handicapées ne pourraient rester chez elles sans l’aide de
leur partenaire. L’aide à un proche est assimilée au devoir d’assistance que prévoit la Constitution suisse. Cependant, eu égard aux économies qu’il fait réaliser
à la société, votre investissement personnel ne devrait pas avoir pour conséquence la suppression d’une compensation financière (actuellement, le niveau
en est, au demeurant, dérisoire). C’est le principe du partage des efforts qui
devrait être mis en oeuvre, vous donnant ainsi les moyens financiers de prendre
du repos sans inquiétude pour votre partenaire et étant entendu que votre acti36
Accompagner
vité auprès de celui-ci est un travail ouvrant au minimum, à l’âge de la retraite,
une situation à la mesure de votre investissement.
Le devoir d’assistance n’autorise pas les abus. Votre partenaire a le devoir de ne
pas exagérer sa dépendance et de vous respecter. Ses droits s’arrêtent là où
commencent ses devoirs, par conséquent vos droits.
Le droit d’être en colère
Ce droit devrait vous être reconnu
– lorsque votre vie professionnelle et sociale est menacée: accessibilité défectueuse aux lieux publics; appartement inapproprié; besoins de moyens auxiliaires, notamment de ceux favorisant la vie de couple; absence de structures
permettant de décharger la famille (soins à domicile et unités d’accueil temporaire);
– lorsque vous vous sentez insuffisamment associé aux actes de réadaptation
(réadaptation après laquelle vous serez pourtant «en première ligne»);
– lorsque vos questions sur la sexualité de votre couple demeurent sans écho
et que ne vous est pas fournie, au minimum, une liste des ressources, organisations et services auxquels faire appel;
– lorsque, immédiatement après l’accident ou au début de la maladie de votre
partenaire, vous vivez un temps d’intense solitude et que vous éprouvez un
besoin d’autant plus pressant d’être épaulé et soutenu que vous êtes appelé
à être fort pour deux.
Comme dans le cas des parents d’enfants handicapés, les progrès nécessaires
ne se réaliseront que si vos colères poussent la société à agir.
Le droit d’exister hors du couple
Que le couple soit constitué de deux personnes non handicapées, d’un handicapé et d’une non-handicapée (ou l’inverse), ou de deux personnes handicapées,
le risque premier qui le guette est l’étouffement de l’un par l’autre.
Pour préserver l’avenir de votre couple, vous êtes en droit d’exiger le respect de
votre besoin de développer des activités pour vous-même, des activités qui vous
fassent plaisir et vous permettent de vous ressourcer.
Le droit de choisir
Vous devez pouvoir recourir à des aides professionnelles pour ne pas être obligé
de donner à votre partenaire les soins intimes susceptibles d’appauvrir votre
sexualité.
Le droit d’être écouté
Vous êtes en droit d’attendre que les structures professionnelles prennent en
compte votre avis, dans la mesure où il concorde avec celui de votre partenaire,
37
Accompagner
exigence d’autant plus évidente si vous assurez une partie des soins et que vous
possédez une expérience vous conférant le rang de spécialiste.
Rien ne justifie qu’un professionnel, lequel n’assumera probablement pas le
même volume d’aide que vous-même, vous relègue au second rang. Tout parle,
au contraire, de la part des professionnels et de vous-même, en faveur d’un
esprit de coopération et de partenariat.
LA SEXUALITÉ EST-ELLE ABORDÉE AVEC LES PROFESSIONNELS ?
Nombre de personnes handicapées nous ont aidés à construire la première section de cette brochure. De leur apport, nous avons déduit, à tout le moins, la
volonté d’aborder franchement le thème de la sexualité et l’importance de leur
propre questionnement.
A partir de là, il nous paraissait indispensable d’interroger les organismes d’aide
et les médecins, car leur fonction les met en prise directe avec les questions qui
se posent.
Ainsi ont été contactés 224 institutions établies en Suisse romande et 251
médecins. En les sollicitant, nous souhaitions savoir si la sexualité était abordée,
par qui et selon quelle fréquence. Nous souhaitions également obtenir des indications sur les thèmes particuliers d’intérêt, sur la nature des réponses fournies
et recueillir des idées pour, le cas échéant, améliorer la situation actuelle.
Notre «coup de sonde» n’a pas valeur d’enquête, nous n’en avions pas les
moyens. Il n’est qu’un éclairage qui, nous l’espérons, favorisera une réflexion
commune.
Accompagner
Les institutions
96 institutions ont répondu, soit près de 43% de celles que nous avons contactées. C’est un résultat réjouissant, vu le nombre habituel de réponses à de tels
sondages et le fait que le questionnaire était envoyé sans accompagnement
téléphonique ou physique. Parmi ces 96 réponses 19, une légère majorité (55%)
indique que le thème de la sexualité est abordé. Les écoles (80%) arrivent en
tête, suivies des foyers (67%), des associations (60%) et des services sociaux
(43%). Il est intéressant de noter que la première place est occupée par les
écoles et non par les foyers. S’agissant de la formation, ce phénomène est
certes encourageant, mais son importance doit être tempérée quant au profit
qu’en tirent les handicapés, car 21% des institutions (sur les 55%) indiquent ne
recevoir des questions que rarement et dans ce même constat apparaissent des
foyers.
Le chiffre le plus bas, celui relevé pour les services sociaux, nous paraît devoir
être nuancé et mis en relation avec les observations figurant dans certains
questionnaires.
Ainsi: «Cette problématique n’est pas une préoccupation essentielle chez nous
et aucune réflexion particulière n’a été menée au niveau du service».
«Notre service s’occupe de rééducation physique et les personnes qui viennent
ne nous posent pas, ou très rarement, des questions par rapport à la sexualité.
(...) Si la personne n’aborde pas ce thème, nous n’allons pas entrer dans le sujet.
Par contre, si elle (...) pose des questions, [nous en parlons], nous allons l’aider,
l’écouter et éventuellement l’orienter vers un service spécialisé».
Les médecins
20% des médecins interrogés ont répondu, ce qui est également un beau résultat, eu égard aux raisons évoquées plus haut et au fait que, contrairement aux
institutions, ces praticiens n’ont pas une clientèle importante de personnes handicapées.
Pourtant, si 16% des médecins s’estiment fréquemment sollicités, 43% le sont
rarement et 41% jamais. On peut ainsi constater que la sexualité et les questions qui s’y rapportent paraissent peu abordées dans le cadre médical.
Apparemment ce sont les neurologues qui sont les plus impliqués.
L’une de nos questions aux médecins portait sur les possibles obstacles s’opposant à ce que la sexualité soit abordée. Les réponses peuvent être regroupées en
trois catégories:
– la communication est difficile (50%);
– la sexualité est considérée comme secondaire par les patients concernés
(23%);
– le problème de la sexualité peut être abordé ailleurs (16%).
19
25 associations, 10 écoles (8 destinées aux professionnels et 2 aux usagers), 18 foyers et 43 services sociaux.
39
Accompagner
Au vu des résultats obtenus, nous croyons être autorisés à nous demander si la
difficulté qu’éprouve la personne handicapée à débattre de ce sujet avec son
médecin ne vient pas aussi de l’attitude du médecin lui-même. A-t-il un esprit
suffisamment ouvert pour que son patient se sente libre de lui poser les questions voulues? Bernadette Soulier suggère cette piste lorsqu’elle écrit: «Ne
serait-ce pas une projection de leurs propres angoisses et malaises, avec le
retentissement psychique qu’elle aura sur le patient?» 20
• Dans le groupe des médecins, la sexualité n’est pas franchement évitée,
mais elle apparaît dans une proportion très faible par rapport à celle constatée pour le groupe des institutions, où elle n’est pourtant pas élevée.
Des efforts peuvent être faits
Indépendamment des chiffres, considérons ces réflexions émanant d’organismes
contactés ou retenues au fil de nos lectures:
– «Il faudrait que les enfants, les jeunes, les adultes soient mieux informés,
mieux écoutés, surtout lorsqu’ils vivent toute leur vie en institution. La sexua20
Soulier, Bernadette, op. cit.
40
Accompagner
lité est encore un sujet tabou pour les personnes qui s’occupent de personnes
handicapées. Souvent, trop souvent, les personnes handicapées sont considérées comme des êtres asexués».
– «La sexualité est un sujet tellement tabou qui nous fait résonner dans nos
propres sexualités».
– «Le règlement de la ‘’maison’’ interdit les relations sexuelles dans l’institution.
Elles sont évidemment tolérées pour un couple ‘’officiel’’».
– «Nous imposons une contraception à toutes les femmes du foyer».
Légalement, une institution n’a pas le droit d’imposer des mesures contraignantes contre la volonté de la personne intéressée, si elle est présumée
capable de discernement.
Qui pose des questions et comment y est-il répondu?
55% des organismes reçoivent des questions de leur clientèle, la majorité émanant d’élèves (80%) et de pensionnaires de foyers (67%). C’est en discutant avec
l’intéressé que le sujet est le plus souvent abordé (72%). La remise de publications spécialisées et l’organisation de soirées d’information sont également des
possibilités de dialogue (45%). Les interlocuteurs privilégiés sont les animateurs
et animatrices en éducation sexuelle (36%), suivis des infirmiers et infirmières
(30%), des éducateurs et éducatrices (26%) et des psychiatres (23%).
Du côté du corps médical, le sujet est abordé par les patients (66%), soit
spontanément (32%), soit à partir de plaintes physiques ou psychiques (35%),
plutôt qu’à l’initiative du médecin (33%).
• Le dialogue avec les personnes handicapées devrait être considéré comme
un instant privilégié, si l’on songe à la nécessité d’individualiser les réponses
relatives à un sujet aussi intime que la sexualité. Les sources écrites et/ou
l’organisation de soirées d’information – cette dernière dans les cadres
institutionnels existants – présentent un recours intéressant.
Etant donné que le groupe professionnel des infirmiers et éducateurs est fortement sollicité, il serait utile de mettre le résultat obtenu en relation avec les pro-
grammes de formation des différentes écoles. Dans cette optique, le commentaire de l’une d’elles est intéressant: «Si le thème de la sexualité est traité dans
le cadre de formations sociales, la spécificité des problèmes qu’entraîne le handicap physique ne se trouve abordée qu’en fonction des demandes des étudiants. A priori, la sexualité des personnes handicapées mentales semble plus
les préoccuper que celle des personnes handicapées physiques». Il est également important de relever que, dans certaines écoles, les récentes restrictions
budgétaires ont eu pour effet une forte réduction des heures de cours à la
demande. Quelles disciplines en feront les frais? Ne risque-t-on pas d’ignorer
ceux qui souhaitent le maintien ou l’organisation de cours sur la sexualité?
41
Accompagner
LES THÈMES ABORDÉS
Auprès des organismes
Par souci de simplification, nous les regroupons en trois catégories, même si
nous avons conscience d’introduire un effet réducteur.
Questions médicales et physiologiques: contraception – SIDA - acte sexuel –
reproduction, connaissance du corps – hérédité – postures adaptées au handicap – port de sondes – implant pénien – comment remédier à une impossibilité
d’érection – possibilité d’avoir des relations sexuelles et si oui, jusqu’à quel
moment (s’agissant d’une maladie musculaire progressive).
Questions existentielles: comment assumer sa sexualité et la vivre – désir de
vivre en couple – vie de couple – désir d’enfant – possibilités de rencontre,
notamment avec un autre pensionnaire - comment entrer en contact avec un garçon ou une fille – comment vivre ses désirs dans la solitude – normalité de tel ou
tel comportement.
Questions plus pratiques: à qui parler – mon ami peut-il dormir dans ma
chambre – qui peut nous aider en cas de handicap physique important – pourquoi la relation sexuelle n’est-elle pas un plaisir pour les deux partenaires –
comment faire l’amour avec mon handicap - pouvez-vous m’accompagner au
cabaret, j’aimerais rencontrer une partenaire.
Un service social estime que les questions posées sont l’expression d’une souffrance liée à une asexualité difficile à vivre. Pour sa part, le personnel s’interroge
sur des sujets tels que: sensibilité personnelle au comportement sexuel peutêtre inusité de certains résidents - nécessité d’une meilleure connaissance de la
problématique.
Auprès du corps médical
Les sujets le plus souvent abordés concernent la contraception et l’aspect relationnel. Les problèmes liés au SIDA, aux MST, aux aspects techniques de l’acte
proprement dit et aux abus sexuels sont rarement soulevés. Quant aux spécialistes consultés, on constate que généralistes, gynécologues et pédiatres sont le
plus fréquemment sollicités sur des sujets divers. Les urologues sont interpellés
pour des raisons d’ordre technique.
• Les questions posées renvoient généralement à la manière dont la personne
handicapée «vit avec» ses réalités ou pourra s’y adapter. Elles appellent, de
la part du répondant, infiniment de doigté, outre de solides connaissances
physiques.
PEUT-ON AMÉLIORER LES CHOSES ET COMMENT
Du côté des institutions
Pour pallier la rareté des questions posées par les personnes handicapées, 37%
des institutions envisagent d’intensifier l’information, d’autres préfèrent rester à
42
Accompagner
l’écoute et développer la méthode d’évaluation des besoins. Un organisme
désire être attentif aux «demandes déguisées».
Pour mettre en route un éventuel changement: 58% des institutions proposent
que l’information soit confiée à des spécialistes, 29% désirent établir une bibliographie d’ouvrages traitant de sexualité, 15% suggèrent l’aide d’instituts de perfectionnement et la création d’un cours. 17% souhaitent donner des réponses
personnalisées et 42% ne font aucune suggestion.
Un travail considérable reste à faire: «Notre association comprend plusieurs
groupements. Le groupe des parents se rencontre régulièrement pour des
échanges. La sexualité est une préoccupation pour eux. Le groupe des jeunes et
l’organisation de camps sont basés sur l’échange entre jeunes handicapés et valides. L’intensité des relations provoque des attachements très forts et on peut
se rendre compte à quel point la sexualité est un sujet pesant. Nous pensons
qu’un travail considérable reste à faire sur ce thème de la sexualité pour les
myopathes. Nous allons essayer de persévérer avec l’aide de professionnels».
43
Accompagner
Moyens d’inscrire la sexualité dans les intentions de l’institution: Parmi les 96
organismes qui ont répondu, 4 déclarent posséder un code de déontologie 21,
dont l’un nous est parvenu. Il indique entre autre ce qui suit:
«(...) Chaque soignant respectera la sphère privée que constitue le studio du
résidant. Il n’entrera qu’après avoir sonné et respectera les indications invitant à
«ne pas déranger». Ce même respect s’étend à tous les domaines de la vie privée et intime du résidant, le courrier, le téléphone, etc.»
• L’existence d’un code de déontologie comprenant la sexualité et déterminant clairement les conduites à adopter par le personnel est sécurisante
pour les pensionnaires et pour le personnel lui-même.
Du côté du corps médical
Les médecins choisissent essentiellement l’information écrite (32%) et les relais
(25%). Là réside peut-être l’une des raisons du faible pourcentage de questions
posées aux praticiens.
• Confier l’information à des spécialistes? Sont-ils en nombre suffisant et ontils suivi une formation particulière dans le domaine du handicap physique?
A quel spécialiste sera transmise la demande? Quel est le premier besoin
des personnes concernées? Faut-il enfermer leur vie intime dans une spécialité précise? Ne vaut-il pas mieux chercher les premières réponses du
côté de l’environnement direct?
AU-DELÀ DES CHIFFRES
Ce chapitre n’est plus principalement basé sur les réponses aux questionnaires
adressés aux institutions et aux médecins. Il découle de nos réflexions et de
questions évoquées lors de conférences ou de discussions auxquelles certains
membres de notre association ont participé.
L’accessibilité en question
Lorsque nous nous sommes adressés aux organismes, nous avons voulu
connaître l’état d’accessibilité de leurs locaux. Si les foyers, les associations et
les écoles sont en grande majorité directement accessibles (entrée, W-C., secrétariat, cafétéria), il n’en est pas ainsi des services sociaux. La question n’a pas
été posée aux médecins, mais nous gageons que leurs réponses s’apparenteraient à celles des services sociaux.
Nous admettons à la rigueur que chaque service social polyvalent ne puisse
encore disposer de bureaux dans des immeubles accessibles. (Tous les cantons
romands possèdent une loi ou un règlement sur l’accessibilité des immeubles
21
«Actions et limites de l’équipe soignante» - Foyer handicap des montagnes neuchâteloises.
44
Accompagner
pour les personnes en fauteuil roulant). Il est par contre surprenant que des trois
plannings familiaux qui ont répondu, aucun ne soit accessible en fauteuil roulant. Dans l’un d’eux, quelqu’un a déclaré se déplacer à domicile en cas de
nécessité. C’est là une offre intéressante et susceptible de contribuer à effacer
un sentiment de gêne. En effet, il faut une dose certaine de courage et de motivation pour se présenter dans la salle d’attente d’un planning familial – pour
autant qu’il soit accessible – et faire face à des regards chargés de probables
interrogations: « Pourquoi a-t-il besoin de venir ici?» Mais, aussi longtemps que
les lieux à disposition de tout citoyen ordinaire demeureront inaccessibles aux
personnes handicapées, les regards posés sur elles, en l’occurrence sur leur
sexualité, ne se modifieront pas.
Vie en institution et valorisation
La vie en institution est faite d’ambiguïtés. Il est difficile de concilier indépendance des personnes handicapées, charge de travail inévitablement accrue de
ce fait et règlement, d’autant plus que la signification d’autonomie baigne fréquemment dans le flou. Tout foyer affirme, et c’est normal, que le but d’une existence en institution est de donner à la personne handicapée les moyens de gérer
sa vie dans et hors de ses murs, libérée qu’elle est des contraintes quotidiennes
(repas, toilette, etc.). La valorise-t-on pour autant au point d’accepter qu’elle ait
une vie sexuelle, y compris à l’intérieur du cadre institutionnel?
QUESTIONNEMENTS AU QUOTIDIEN
Ne pas ajouter aux blessures existantes
Attendre des personnes handicapées un comportement différent de celui des
non-handicapés, donc avant tout asexué, ce n’est pas uniquement éviter des
questions ou interdire les relations sexuelles dans l’établissement, c’est, d’une
manière plus générale, révéler une manière de se conduire avec elles dans la vie
de tous les jours.
«Parqués dans des institutions, classés parmi les inactifs, freinés par les barrières architecturales, donc encombrants... Il faut être rudement fort pour développer un sentiment suffisant de valeur personnelle qui permette d’aborder une
femme, un homme».
Ces paroles résument le témoignage d’une personne handicapée. Elles mettent
en évidence le principal obstacle au développement d’une sexualité épanouie: il
faut un minimum de confiance en sa valeur personnelle pour nouer une relation
amoureuse. Cette confiance ne s’acquiert pas par magie, mais à travers des
rôles sociaux, selon qu’ils sont assumés et valorisés dans la société dans
laquelle on vit. Certains handicapés sont ou seront progressivement exclus de tel
ou tel de ces rôles – c’est inévitable.
45
Accompagner
En raison des regards portés sur elles et des risques d’exclusion auxquelles elles
sont exposées, les personnes handicapées font partie des groupes victimes de
dévalorisations constantes. En conséquence, il est du devoir des institutions, des
professionnels de l’aide et des responsables de programmes de soins à domicile,
de ne pas ajouter des blessures à celles qu’elles ont déjà à supporter.
Qui est-il, qui est-elle pour moi, soignant ?
Un enfant que je peux automatiquement tutoyer? Que je peux appeler par son
prénom sans lui demander si cela lui convient? Quelqu’un que je peux embrasser
sans lui en demander l’autorisation? Un adulte que je vouvoie s’il le désire, que
j’appelle par son nom de famille s’il le veut?
Est-il un malade, un patient? Il ne s’agit pas d’une simple question de vocabulaire. La réduction au terme de malade indique clairement que c’est la maladie
qui apparaît en premier lieu, et c’est ainsi que l’on pourra voir – ce n’est pas rare
– des personnes handicapées cheminer dans des couloirs, fesses découvertes,
pour se rendre à la douche communautaire ou des portes ouvertes durant les
soins... Mais plus subtilement s’insinuera, chez le soignant, une démobilisation
empêchant la récupération des bribes de fonctions qui permettraient au handi46
Accompagner
capé d’assumer, même partiellement, un rôle valorisé. Il est bien entendu une
manière autre d’agir et dont le but est de préserver la personnalité du handicapé:
ne pas le considérer comme un seul malade. Et c’est elle qui doit inspirer les
interrogations quotidiennes du soignant, le détournant ainsi de possibles actes
dévalorisants, même s’ils sont plus commodes et expéditifs pour lui-même.
Est-il un passif pour lequel je décide, fixe les rendez-vous médicaux et choisis le
médecin, par exemple? (C’est loin d’être rare.) Pour lequel je détermine les
besoins d’aide et à qui j’impose mon programme? Pour lequel j’établis des factures sans lui demander un relevé horaire des prestations fournies à son domicile? Ou plutôt un utilisateur de services qui effectue ses propres choix, discute,
contrôle les prestations effectives et la façon dont elles sont dispensées?
Est-il un irresponsable, pour lequel il est inutile de prévoir des lieux de concertation dans l’institution? Pour lequel il est illusoire de faciliter l’accès aux décisions en l’intégrant dans le comité ou dans le conseil? (L’inviter même aux colloques le concernant? «Il ne dira pas grand chose...») Ou plutôt un citoyen qui a
son mot à dire quant à la marche du service ou de l’institution, qui fait partie d’un
environnement dans lequel sa présence compte réellement? Un citoyen que l’on
souhaite entendre, mais qui se sent abandonné s’il ne comprend pas le langage
du spécialiste?
Les exemples d’interrogation de chacun de nous dans son quotidien professionnel pourraient être multipliés. Tous ramènent cependant à deux postulats essentiels pour nous:
«Rehausser le rôle d’un individu revient à penser et agir positivement, en respectant sa dignité et en reconnaissant ses compétences, aussi minimes soient-elles.
La perception de l’entourage et les attitudes qui en découlent auront indiscutablement une influence sur la représentation de soi d’un individu, d’où l’importance
de favoriser des moyens suscitant les images les plus valorisantes possible » 22.
Le cadre matériel favorise-t-il la sexualité?
Qui, parmi nous valides, pourrait, à moins de pratiquer l’échangisme ou le voyeurisme, imaginer de vivre sa sexualité dans une chambre à deux, voire quatre lits?
C’est pourtant ce à quoi l’on soumet nombre de personnes handicapées vivant en
institution.
Qui accepterait facilement que son courrier soit contrôlé? C’est pourtant ce qui
est imposé aux personnes handicapées, dont les lettres doivent passer par une
réception. Aussi discret que soit le personnel, on peut craindre qu’il repère les
expéditeurs, de même que la fréquence ou l’interruption des messages, particulièrement lorsqu’ils émanent d’un partenaire.
22
« Valorisation des rôles sociaux et évaluation », in textes choisis, Ed.des deux continents, Genève.
47
Accompagner
Les locataires d’un immeuble mal insonorisé peuvent doubler les parois de leur
chambre à coucher, si «l’amour est quelque peu bruyant». Est-ce également possible dans une institution? Les chambres sont-elles insonorisées entre elles ou la
politique de la «feuille de papier» destinée à diminuer les coûts de construction
est-elle la règle ?
Si l’on ne vit pas seul, faire l’amour chez soi donne le privilège de fermer sa porte
à clé et de ne pas redouter l’irruption de quiconque en posséderait un double.
Les institutions acceptent-elles la porte fermée à clé? Les doubles ne sont-ils
jamais utilisés abusivement? Des gémissements ne sont-ils pas interprétés trop
hâtivement comme des signes de problème physique?
Faire l’amour peut laisser des traces sur les draps. Les changer ne pose peut-être
pas de problème matériel, mais si c’est une femme de ménage qui en est chargée, acceptera-t-on ses éventuelles remarques ou grimaces? Certainement pas,
sans quoi elle court le risque d’être licenciée. Dans une institution, ce genre de
tâche fait-il partie du quotidien ou est-il exceptionnel?
Dans certains cas, un rendez-vous amoureux peut exiger des préparatifs particuliers: vidange des sphincters, toilette plus approfondie, voire changement de vêtements destiné à procurer un sentiment de bien-être esthétique. Après l’amour,
il est également possible que certains soins doivent être donnés. Comment ces
surcroîts de travail sont-ils acceptés?
INTERROGATIONS DU SOIGNANT
L’aide directe
«Il faudrait également tenir compte du fait que l’on ne peut agir comme on le
veut. Au-delà du désir d’aider une personne dans sa sexualité, il y a des collègues de travail, une direction qui peut accepter mais aussi refuser, un conseil
de fondation ou un comité qui peut viser l’ouverture ou voir d’un mauvais oeil
toute tentative dans ce sens. Il ne sert par conséquent à rien de foncer ‘’bille en
tête’’ sans assurer ses ‘’arrières’’ et sans tenir compte des réalités dans lesquelles nous sommes engagés».
«L’aide directe à la sexualité devrait faire partie du cahier des charges des soignants.»
«Je ne sais pas comment il est vraiment possible de gérer l’aide directe. C’est
quoi, ma place dans tout cela? L’empathie, O.K., mais on entre là dans le
domaine de la plus grande intimité. J’assiste à l’acte. Je peux bien ne pas regarder par discrétion, j’entends quand même, à moins de me mettre des boules
dans les oreilles... Qu’est-ce qui va se passer pour moi? Et là je pense aussi «au
niveau des pâquerettes», à mes propres réactions physiques. Et puis, est-ce que
je serai capable de ne pas prendre parti dans des difficultés éventuelles du
48
Accompagner
couple? De ne pas m’identifier tout simplement à l’un des deux? Ce n’est vraiment pas simple».
Ces trois témoignages mettent en évidence deux positions fondamentalement
opposées. L’une consiste à inscrire l’aide directe à la sexualité dans le cahier des
charges des soignants et entraîne donc une quasi-obligation, alors que l’autre
avance les réalités professionnelles et personnelles du personnel soignant.
«Si l’institution admet l’aide directe à la sexualité, les équipes doivent impérativement accepter les refus de certains de leurs collègues. Aucune pression visant
à les faire changer d’avis, aucun rejet, aucune dévalorisation ne peuvent être
admis. Dire oui ou non à ce type d’aide suppose d’abord un dialogue avec soimême, dialogue sur les limites et les risques, sur la distance que l’on peut
mettre; il est ensuite nécessaire de tenir compte de son entourage: comment
mon partenaire civil peut vivre cela, comment notre couple peut le gérer, par
exemple. Dire oui ou non, c’est le résultat d’un bilan interne que chacun doit respecter».
«Je crois que le soignant et l’équipe doivent être conscients qu’un oui peut devenir momentanément ou définitivement un non. Non, parce que le couple civil est
en crise et que l’aide professionnelle devient une charge trop lourde, par
exemple. Non, parce que malgré toutes les précautions prises, malgré toutes les
réflexions, la pratique peut s’avérer trop difficile, d’une manière générale ou
dans une situation particulière».
Dans ce dernier cas, l’institution aura à gérer les frustrations que pourraient ressentir les personnes handicapées. L’un des moyens à envisager ne consisterait-il
pas à les associer à la prise de conscience évoquée?
• Aucun soignant ne peut être obligé de dispenser une aide directe aux personnes handicapées dont il s’occupe. C’est une question de respect de la
dignité humaine.
• Les équipes doivent bénéficier d’une supervision régulière et chacun devrait
pouvoir compter sur un soutien, disponible rapidement si nécessaire. Laisser
une équipe naviguer toute seule dans ce domaine, c’est, indépendamment
des risques que l’on fait courir aux personnes handicapées, lui manquer de
respect.
Accepter les demandes et y répondre
«J’ai été choquée et déçue par un jeune handicapé et on ne m’y reprendra plus. Il
m’avait demandé de contacter une professionnelle, de lui expliquer sa situation
et, alors que tout était arrangé, il a laissé tomber. J’ai vraiment l’impression qu’il
m’a fait marcher ou qu’il m’a prise pour une poire».
«J’ai constaté que parfois la personne handicapée veut simplement tester sa
capacité à faire une demande ou un bout de démarche concernant sa sexualité.
Elle veut peut-être aussi tester ma capacité à l’écouter. Je peux donner un
49
Accompagner
exemple: un résident m’avait demandé de l’amener dans le quartier chaud de X,
de faire avec lui le tour des professionnelles, de l’aider à engager ‘’la tractation’’
et de l’emmener jusqu’à la chambre. J’avais accepté tout en mettant une limite,
je ne voulais pas dispenser de l’aide dans la chambre et il fallait donc qu’il
trouve une professionnelle capable de se débrouiller. Nous avons fait le tour des
offres, comme prévu, nous avons mené à bien les transactions puis il a laissé
tomber. Comme si la démarche lui suffisait, comme si le fait qu’il n’ait pas
essuyé un refus lui suffisait... du moins pour cette fois».
«Je trouve choquant, comme cela m’est arrivé, qu’un homme handicapé me pose
tout à trac la question: est-ce que vous accepteriez de faire l’amour avec moi? Ce
sont des choses qui ne se font pas, que l’on soit handicapé ou non. S’agissant
d’une personne handicapée, qui doit déjà beaucoup assumer, je ne savais pas
quoi répondre. Non? C’était dur pour lui. Oui? Je ne voulais pas. J’ai fait comme
si je n’avais rien entendu...»
Evidemment, poser «tout à trac» ce genre de question a de quoi déstabiliser et
faire rougir, surtout une jeune professionnelle. Pourtant, outre la surprise provoquée par la proposition, ce compte rendu est exemplaire à plusieurs titres. «Ce
sont des choses qui ne se font pas...» C’est exact, mais dans la vie ordinaire
comment auriez-vous réagi? Probablement par une remise en place claire qui
aurait pu être la suivante: «Non merci, il me faut plus que la connaissance partielle d’un homme pour faire l’amour avec lui». Ce qui paraît simple n’a pu être
exécuté en l’occurrence. Pourquoi? «Une personne handicapée doit déjà beaucoup assumer, c’est dur pour elle». Voilà que pointe peut-être, cette pitié qui
entraîne l’inévitable surprotection. C’est là qu’un travail sur soi peut être fait,
travail qui permettra ensuite de décoder, et avec empathie, la nature réelle de la
question posée: coucher avec vous ou se rassurer soi-même sur les possibilités
de plaire à une femme? La seconde réponse s’avérera souvent la bonne. Dans le
cas contraire, rien n’empêchera de donner la réponse que l’on fournirait à tout
homme valide s’autorisant la même question.
«Je ne suis pas du tout d’accord avec votre argument disant qu’une érection chez
un homme peut se produire simplement de manière fonctionnelle parce que le
soin donné a fait réagir des terminaisons nerveuses. Enfin, que diable, un
homme est parfaitement capable de contrôler une érection s’il le veut bien. S’il
n’y arrive pas, c’est qu’il a autre chose dans la tête et c’est une agression pour
l’infirmière».
A ce sujet, un médecin indique: «Dans le cas de lésions médullaires, quelle qu’en
soit l’origine, les cellules nerveuses continuent à fonctionner de façon autonome
dans la partie de la mœlle épinière restée intacte sous le niveau lésé. Ceci veut
dire qu’il s’agit d’un fonctionnement réflexe non contrôlable par le sujet, vu l’interruption du passage nerveux au niveau de la partie lésée de la moelle épinière.
50
Accompagner
C’est ce qui produit la spasticité chez le blessé médullaire, conséquence directe
de la persistance de l’arc réflexe. C’est donc une stimulation sensitive qui est
acheminée par les voies afférentes nerveuses jusqu’à la moelle épinière et qui
déclenche une réponse motrice par l’intermédiaire de l’arc réflexe. L’exemple
que tout le monde connaît est le fameux réflexe rotulien, qui provoque une
extension de la jambe, à la suite du coup porté au tendon sous-rotulien. C’est un
mécanisme indépendant de la volonté du sujet. Un phénomène similaire est à
l’origine du déclenchement de l’érection chez le blessé médullaire. Les fameux
centres réflexes se situent dans l’extrémité inférieure de la moelle épinière et, si
cette partie est préservée, elle continuera son activité réflexe. Le sujet ne sent
rien, mais la stimulation cutanée déclenche le réflexe conduisant à l’érection. De
telles stimulations sont fréquentes lors des soins de toilette. C’est dans ces
situations qu’il peut y avoir méprise sur l’intention réelle du sujet. Cependant
l’érection garde toute sa valeur symbolique, ce qui ne peut pas laisser le sujet
indifférent, surtout si par ailleurs il se sent diminué par sa perte de mobilité.
C’est bien au «soignant» de comprendre la situation et de ne pas faire d’interprétation déplacée, quand bien même il perçoit une certaine émotion chez le
«patient»».
• Accompagner quelqu’un, qui que ce soit d’ailleurs, ce n’est pas le précéder,
mais être avec lui dans ce qu’il vit. Ni à côté, ni devant, ni derrière. L’attitude
la plus adéquate consiste à écouter sans dire ou faire plus qu’il n’en faut.
Telle est la conclusion par laquelle nous souhaitons terminer cette section, en
précisant qu’elle peut épargner bien des déboires, tant aux personnes handicapées qu’au personnel soignant. Déboires enregistrés notamment lorsque, voulant bien faire, voulant peut-être se situer à la pointe du progrès, l’on répond trop
précipitamment à une demande d’aide et que l’on propose des solutions ne correspondant pas au souci réel de la personne concernée.
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Faciliter
LES REGARDS DU PUBLIC : PEUR ? IGNORANCE ?
Au handicap physique s’ajoute le handicap du regard des autres. Regard prolongé du quidam fasciné? Regard gêné qui s’esquive? Regard apitoyé?
«–
–
–
–
–
Je n’aime pas voir des personnes handicapées physiques, ça me fait peur!
Peur de quoi?
Ca pourrait m’arriver à moi aussi...
Et alors?
C’est pour ça que ça me touche».
« – Que pensez-vous de leur sexualité?
– Ca doit être un problème terrible pour elles. Elles ne peuvent pas avoir de
rapports. Enfin ... Peut-être que certaines pourraient, mais avec de l’aide.
Enfin ... Je n’en sais rien».
Peur, ignorance et évitement
Peur parce que tout corps blessé fait naître, chez le spectateur, l’angoisse d’être
frappé d’une catastrophe semblable toujours possible. Ignorance de certaines
données purement physiologiques du handicap qui, il faut le relever à la
décharge des personnes non handicapées, se modifient rapidement grâce à la
recherche médicale. Evitement en raison des tabous sexuels que nous puisons,
sans le savoir, dans l’inconscient de notre groupe humain. En effet, notre société,
par instinct de conservation de l’espèce, a longtemps lié la sexualité à la procréation. Dans la somme des méconnaissances médicales qui fut longtemps
notre réalité, la procréation du «non normal» était de l’ordre de l’impensable
puisque comportant, au bas mot, des risques majeurs pour la perpétuation de
l’espèce.
• «Faire l’amour» se situe aujourd’hui bien au-delà de la seule procréation.
C’est se sentir vivre: recevoir et donner, communiquer des sentiments,
assouvir des besoins, des désirs, des fantasmes, s’apaiser, lutter contre la
solitude existentielle, se sentir touché et toucher l’autre.
• La personne handicapée, qui a, comme chacun, un besoin vital de se sentir
vivre, doit réinventer sa sexualité et acquérir la capacité de transgresser
certains tabous par une créativité nouvelle. Stimulant le dépassement des
normes habituelles, cette créativité ne serait-elle pas une chance pour les
personnes non-handicapées elles aussi? Une chance de repousser le risque
que se banalise leur propre sexualité?
• «Il faut apprendre à se méfier des modèles que la société nous propose, des
modèles qui, s’ils ne sont pas adaptés aux personnes handicapées, ne sont
pas forcément adaptés aux valides non plus» 23.
23
J. Waynberg – conférence à Lavigny.
52
Faciliter
Aider à réinventer
Entrer en relation avec un partenaire présuppose suffisamment de confiance en
soi pour avoir confiance en un avenir à deux. Ce sentiment de valeur personnelle
s’acquiert, pour chacun, au fil des expériences de vie positives, d’activités, de
relations, mais aussi grâce aux regards, aux sourires, par lesquels l’on se forge
le sentiment d’avoir une place, d’être reconnu par ses pairs. Les personnes handicapées sont affublées de nombre de préfixes négatifs ou privatifs: in-valides,
a-sexuées, etc. Outre leur combat journalier contre les barrières imposées par la
société, elles doivent donc se protéger des messages de rejets, physiques et verbaux, envoyés par nombre de personnes valides.
Il n’est certes pas facile pour tout un chacun de savoir comment se comporter
avec une personne handicapée. Voyant quelqu’un cloué dans un fauteuil roulant,
il n’est pas facile de résister à la peur, non pas pour l’autre mais pour soi-même,
renvoyé que l’on est à sa très grande fragilité humaine.
Il est normal d’avoir peur... pour soi! Il est normal d’avoir besoin de temps pour
apprivoiser cette peur. Il est normal de se sentir gauche, embarrassé lorsque l’on
côtoie une personne handicapée pour la première fois. Il est normal aussi de ne
pas savoir réagir adéquatement à la variété des différences par rapport à soi:
certaines font trop mal, à nouveau trop .... peur.
• Il est de la responsabilité de chacun de ne pas «en rajouter».
Passer son chemin à la vue d’une personne handicapée, oui, si la regarder en
face est trop pénible: personne n’est en droit d’exiger de quiconque des capacités de surhomme. Par contre, l’on peut se garder des remarques de pitié et des
jugements à l’emporte-pièce:
«Quel courage, quelle charité vous avez, de vous occuper de votre mari handicapé!» «Comment vont vos deux bébés?» (Pas mal quand on sait que l’un des
deux est le conjoint handicapé!) «Normal que cet enfant soit turbulent, avec sa
mère handicapée...». «Je ne comprends pas qu’avec son handicap il veuille
adopter un enfant. Qu’aura-t-il à lui offrir?» «S’il reste avec elle, c’est parce qu’il
doit y avoir trouvé un avantage. Vous ne me direz pas qu’il lui est fidèle, parce
que quand même... Il peut au moins être sûr qu’elle ne fera pas ses valises!» «Il
doit avoir de l’argent... Pas possible autrement!»«Elle lui a fait porter le chapeau,
l’enfant ne peut pas être de lui!»
Plus subtilement, il appartient aux personnes non handicapées de résister à la
tentation de surprotéger, à la certitude – erronée – qu’elles en savent plus que la
personne handicapée, cette certitude pouvant donner lieu à des situations
absurdes. Ainsi celle dont se rend responsable tel quidam bien intentionné
conduisant une dame aveugle sur le trottoir d’en face, alors qu’elle ne cherche
nullement à traverser la rue!
53
Faciliter
• La personne handicapée sait ce dont elle a besoin et elle connaît ses limites.
«Spécialiste» d’elle-même, elle a elle aussi un avis à donner, qui peut aider
celui qui l’aide.
LES DEVOIRS DE LA SOCIÉTÉ
L’implication personnelle dans la défense d’une cause a souvent pour origine
l’existence ou le souvenir d’un proche ayant ou ayant eu à faire face à tel ou tel
problème. Pourtant, chacun, à sa mesure, peut offrir quelque chose. «A sa
mesure», ce peut être beaucoup. Ne dit-on pas que les petits ruisseaux, lorsqu’ils s’additionnent font les grandes rivières? Il suffirait de se remémorer les
difficultés rencontrées soi-même lors de déplacements avec un plâtre, avec des
cannes, quand on a les bras chargés ou que l’on véhicule une poussette, pour
appréhender l’inaccessibilité; d’évoquer ses propres maladies ou périodes d’hospitalisation, pour saisir ce qu’est la dépendance physique; de se rappeler les
moments où l’on s’est senti rejeté, pour approcher l’exclusion; de repenser à
cette impression que l’on a pu avoir de s’adresser à un mur, pour cerner l’impuissance face aux structures établies.
A partir de là, chacun est capable d’imaginer et de pressentir l’effet que produisent la dépendance, la sujétion, le rejet, lorsque la gravité ou la progression d’un
handicap ou d’une maladie les rend répétitifs. Se souvenir, c’est donner une
chance à l’indulgence à l’égard de ceux qui sont différents. C’est acquérir la
capacité de rompre, ne serait-ce que par un sourire, par une attention, la chaîne
de l’exclusion. C’est parfois s’engager plus avant et devenir initiateur de changement, pilote… ayant cependant besoin de nombreux passagers pour ne pas
perdre espoir.
• Chacun de nous fait partie de la société et peut, à ce titre et à sa mesure, la
faire évoluer.
Les fondements de l’autonomie
«On ne peut vivre pleinement, y compris sur le plan de l’expression et du
comportement sexuel, que si l’on dispose de l’autonomie. Les personnes handicapées ont le droit de disposer d’une autonomie aussi complète que possible, ce
qui inclut plus précisément de pouvoir accéder aux bâtiments publics, de pouvoir vivre dans des habitations adaptées à leurs besoins, de pouvoir se déplacer,
de disposer des aides nécessaires à une vie autonome et d’avoir un revenu de
base qui leur permettra d’acquérir ces moyens. Les services destinés à faciliter
la vie autonome doivent être considérés comme un droit et non comme une charité.
Aussi longtemps que les personnes handicapées seront considérées comme un
groupe à part, qu’elles seront exclues et ignorées ou isolées et ostracisées, elles
ne disposeront pas des moyens leur permettant de vivre normalement. Les
conditions préalables à une vie épanouie et à des relations sexuelles sont de
pouvoir faire des rencontres, d’être autonome et d’être traité en adulte respon24
Porter, Mary, op. cit.
54
Faciliter
sable» 24.
Autonomie et accessibilité
Comment accéder à l’autonomie, mener une vie d’adulte responsable, quand le
service que l’on souhaite consulter seul n’est pas accessible? Comment choisir
son domicile, un hôtel, un cinéma, un théâtre, une salle de concert, s’ils ne sont
pas accessibles? Où rencontrer un partenaire si les cafés, restaurants et d’autres
lieux sont inaccessibles? Comment tirer avantage des chances offertes à tout
citoyen ordinaire, lorsque le seul besoin de transports spécialisés se heurte à
leur coût, au nombre limité de courses subventionnées, voire au fait que de tels
transports n’existent tout simplement pas dans la région d’habitation?
• La société renforce à tel point la dépendance des personnes handicapées
que celles-ci finissent du simple fait de leur handicap, par se considérer
comme n’ayant pas droit à une vie choisie, y compris dans leur sexualité.
• «L’effacement des barrières architecturales peut profiter à tous, handicapés
temporaires, mères de famille, cardiaques et personnes âgées. (...) L’on a
même dit, (...) en pensant aux difficultés de la jeune mère qui ne peut sortir
sans emmener son bébé, en pensant aux difficultés inéluctables qui accompagnent un vieillissement, en pensant aussi aux infirmités temporaires
comme celles qui résultent d’une fracture et du port d’un plâtre, que chacun
25
Conférence de Wiesbaden, septembre 1966.
55
Faciliter
Autonomie, formation et travail
• Les enfants handicapés physiques doivent, si la famille le désire, pouvoir
suivre le même enseignement que les enfants non handicapés. Le contact
quotidien entre adolescents handicapés et non handicapés permet de parler
de relations sexuelles aussi bien que de développer les occasions de rencontre et de confrontation à la réalité – deux voies d’intégration que ne sont
pas à même d’offrir les structures institutionnelles.
Les bâtiments scolaires doivent évidemment être accessibles. De plus, les
enseignants doivent avoir subi une formation spécialisée et pouvoir compter
sur un appui logistique. Une partie des résistances des enseignants est due à
la difficulté d’assumer une charge de travail supplémentaire, eu égard à la
présence des élèves non handicapés, lesquels requièrent également leur
attention. Différentes expériences indiquent des solutions possibles: intégration dans la classe d’un parent de l’enfant handicapé, si celui-ci la tolère;
attribution d’un poste supplémentaire à la classe qui intègre un enfant handicapé; appui ponctuel de bénévoles, etc.
• A formation égale, aucun handicapé ne devrait, pour des raisons d’accessibilité, être défavorisé par rapport à un non-handicapé et exclu du monde du
travail.
Rien ne justifie, à poste et rendement égaux, que le salaire d’un handicapé,
soit inférieur à celui d’un non-handicapé.
Des solutions existent. Encore faut-il que la société adopte cette position fondamentale consistant à «intégrer l’image du handicapé avec ses spécificités
à l’image de l’homme» 26.
• En atelier protégé, le salaire versé devrait correspondre à celui, usuel, de la
profession: il serait composé et de la rente AI et du salaire habituellement
octroyé pour le type d’activité concerné (complément possible à la rente AI).
Ainsi le handicapé serait-il considéré comme une personne à part entière,
investi d’une tâche, reconnu, au même titre que tout non-handicapé exerçant
une activité lucrative.
AUTONOMIE PERSONNELLE ET DÉPENDANCE PHYSIQUE
Dépendance physique ne signifie pas absence de possibilités d’autonomie personnelle. Même gravement handicapé, un homme ou une femme peut, par
exemple, assumer son rôle de père ou de mère, si l’on veut bien comprendre qu’il
ne se limite pas à la seule faculté matérielle de prise en charge. Même gravement handicapée, une personne a le droit de garder la direction de sa vie dans
toute la mesure de ses forces et de ses capacités.
26
Labrégère, A. « Insertion des personnes handicapées », voir bibliographie.
56
Faciliter
Nous savons que:
– «La mise en place des structures de soins à domicile (du moins dans le canton
de Vaud) n’a pas suffisamment tenu compte des personnes handicapées et
encore moins de leur vie en couple ou avec des enfants. Cette mise en place
s’est basée quasi exclusivement sur une population de personnes âgées et
les rectifications indispensables sont maintenant difficiles à effectuer. Or les
besoins d’intégration et d’aide et l’aspiration à assumer au maximum la gestion de sa vie ne sont pas comparables entre les deux groupes.»
– «Vu les horaires restrictifs et la pauvreté de la dotation en personnel, l’organisation des soins à domicile ne permet pas un horaire de vie proche de
celui de tout citoyen ordinaire. Ce n’est pas avec des possibilités réduites de
sorties le soir et durant le week-end, que l’on peut participer à la vie de la
société ou rencontrer un partenaire.»
– «Le maximum d’aide pouvant être assuré par les structures professionnelles
semble se situer aux alentours de 15 à 18 heures par semaine. Les personnes
dont le handicap nécessite davantage d’heures et celles auxquelles l’aide
doit être dispensée plus que toutes les deux heures, sont donc exclues des
soins à domicile, doivent compter sur leur partenaire ou «choisir» d’entrer
dans un établissement.»
Enfin, il est incompréhensible que la personne handicapée décidant de vivre à
son domicile ne soit pas traitée financièrement comme celle qui entre dans un
établissement. En effet, pour rester chez elles, certaines personnes n’ont pas
d’autre recours que d’engager des employées personnelles. Les besoins ne
connaissant de pause ni durant les vacances ni durant les week-ends, le coût en
sera élevé et entièrement à la charge de la personne intéressée. Si, par contre,
elle entre en institution, le coût personnel journalier sera plafonné, le reste étant
à la charge de la collectivité» 27.
• «Chacun a le droit de choisir son lieu de vie et doit avoir les moyens d’exercer ce droit». Le système que nous imposons actuellement aux personnes
handicapées génère nombre d’exclusions de la vie ordinaire.
• Les structures professionnelles doivent éliminer toutes les dépendances
inutiles et dévalorisantes. Du point de vue de la dignité humaine, rien ne justifie que les besoins d’aide soient déterminés par les institutions, ni que les
handicapés soient privés les moyens de se positionner comme utilisateurs de
soins, donc comme employeurs de personnel de soins et capables d’en assumer les devoirs, mais également d’en exercer les droits.
• Le rôle de partenaire sexuel n’est souvent pas conciliable avec celui de soignant. Les personnes handicapées et leurs partenaires doivent avoir le droit
et les moyens financiers d’engager un tiers pour les soins susceptibles de
contrecarrer l’épanouissement de la vie sexuelle.
27
source de ce paragraphe (caractères italiques): Cap-Contact Association, document «Vie à domicile et handicap physique».
57
Faciliter
• Le travail effectué par les parents auprès de leur enfant handicapé ou par le
partenaire auprès du compagnon handicapé doit être reconnu. Ces personnes, qui ne comptent pas leur temps et font réaliser des économies importantes à la société ont droit à une retraite décente, ainsi qu’à des vacances
comme toute personne exerçant une activité lucrative. Ceci implique qu’elles
puissent s’absenter sans crainte pour les soins devant être dispensés à la
personne qu’elles accompagnent quotidiennement.
LE CADRE DE VIE
Outre le droit à des moyens auxiliaires, lesquels devraient être des facteurs d’accroissement de l’autonomie plutôt que des remèdes économiques, nous croyons
que certaines questions, surgies de l’observation quotidienne et touchant au
confort du handicapé, exigent réponses. Ainsi:
• Est-il admissible que s’il a besoin d’un lit électrique, le handicapé se voie
imposer un type de lit ne correspondant pas à sa situation particulière
(octroi d’un lit simple seulement)?
• Est-il admissible que les systèmes d’électrification du lit, qui peuvent s’insérer dans un bois de lit ordinaire sans affecter le caractère de la chambre à
coucher, ne soient pas inclus dans la liste des moyens auxiliaires?
• Est-il admissible, comme nous l’avons vu récemment, qu’un fonctionnaire de
l’AI refuse la pose de barres d’appui dans une chambre à coucher sous prétexte qu’elle n’est pas un lieu de travail et que les barres ne répondent pas à
un besoin d’aide de première nécessité? Au demeurant, il s’agit là d’un cas
de non-respect de la loi sur l’assurance invalidité (AI), laquelle stipule en son
article 21 que «l’assuré a droit, d’après une liste que dressera le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour exercer une activité lucrative
ou accomplir ses travaux habituels, pour étudier ou apprendre un métier ou à
des fins d’accoutumance fonctionnelle (...)».
Autonomie, droit à l’information et à des aides
• «Les personnes handicapées ont le droit d’avoir accès à des services satisfaisants de conseil, d’éducation et d’information sur la sexualité et à des
relations intimes à tout âge, quel que soit leur degré d’incapacité. Une édu-
cation sexuelle, incluant les aspects relationnels et affectifs de la sexualité
et les facultés de décision et de communication, doit être donnée dans toutes
les écoles, les institutions et les services de soins à domicile. (...)
Enseignants, personnel du médico-social et parents, doivent être soutenus
pour pouvoir traiter en confiance les questions de sexualité et de relations
intimes.»
Les personnes qui viennent d’être frappées d’une incapacité, ainsi que leurs
partenaires, doivent aussi pouvoir consulter des conseillers dans les hôpitaux
et centres de réadaptation, qui leur apportent une aide en matière de sexua58
Faciliter
lité et de relations personnelles. Elles doivent pouvoir obtenir une liste des
ressources, organisations et services auxquels elles pourront faire appel.
• «Les personnes gravement handicapées peuvent avoir besoin d’aide physique pour avoir des rapports sexuels ou des échanges physiques avec une
autre personne, ou pour se masturber. Le personnel soignant devra, s’il le
souhaite, être formé pour écouter ces demandes et apporter l’aide requise. Il
s’agira de laisser la personne handicapée prendre l’initiative pour choisir la
personne assistante».28
Autonomie de procréation
• «Tout individu masculin, quel que soit son âge, ayant une lésion de la moelle
épinière et risquant à l’avenir de devenir stérile, doit avoir la possibilité de
faire immédiatement prélever son sperme pour qu’il soit stocké dans une
banque». 29
Autonomie dans le choix du partenaire
Le compte rendu de l’enquête menée par une commission ad hoc nommée par le
Conseil d’Etat genevois 30 indique ce qui suit: «La personne handicapée dispose
aussi du droit à se déplacer librement. Elle peut donc, dans la mesure où son
handicap lui laisse suffisamment d’autonomie, se rendre auprès de prostituées.
Elle peut recevoir chez elle, malgré le cadre institutionnel, qui elle souhaite, y
compris une prostituée (valable pour les deux sexes) en respectant néanmoins la
vie en cohabitation. La visite ne devra pas s’effectuer de manière ostentatoire
afin de ne pas heurter de front la morale des colocataires et du personnel qui
réprouveraient le recours à la prostitution (...).»
«Tout être humain, tout au long de sa vie, est en développement. Suis-je capable
de voir cet autre individu comme une personne qui est en devenir ou vais-je être
ligoté par son passé et le mien? Si j’accepte l’autre comme quelque chose de
figé, déjà formé par son passé, je continue ainsi à confirmer cette hypothèse limitée. Si je l’accepte comme «en devenir» alors je fais ce que je peux pour
confirmer ou réaliser ses potentialités» 31.
Cette réflexion implique le respect de l’individu et la reconnaissance de ses
droits transposés à notre domaine. Elle suppose que les professionnels traitent
les personnes handicapées en adultes, qu’ils aient une attitude ouverte face aux
incapacités physiques et aux questions touchant la sexualité. En matière de
réadaptation, elle signifie que la personne handicapée est prise comme un tout,
qu’il sera tenu compte des conséquences de toute action ou non-action sur la vie
de l’individu et non uniquement de ses incapacités physiques.
28
29
30
31
Porter , Mary, op. cit.
Porter, Mary, op. cit.
Compte rendu de l’enquête menée par une commission nommée par le Conseil d’Etat genevois,
21.12.95.
Rogers, Carl, « Le développement de la personne », voir bibliographie.
59
Faciliter
Pour une société qui ne soit plus handicapée
envers le handicap, ni handicapante
pour les personnes handicapées
le handicap
oblige
appelle
engage
autorise
contraint
incite
encourage
invite
pousse
la société
à se définir
à se situer
à se dépasser
à s’ouvrir à de nouvelles valeurs
à inventer
à s’adapter
à s’humaniser
à sortir de son cadre habituel
à bouger
au nom
de la vie
de l’amour
de l’équilibre
de la justice
du devoir d’assistance
de l’autonomie
du respect mutuel
de l’égalité
de l’évidence.
Savoir
QUELQUES NOTIONS JURIDIQUES
La loi, telle qu’elle s’applique à tout un chacun
La majorité sexuelle est fixée à 16 ans.
Avant 16 ans, il n’y a pas délit si l’écart d’âge entre les deux partenaires sexuels
n’excède pas trois ans.
La minorité sexuelle s’étend jusqu’à l’âge de 18 ans lorsqu’il y a rapport hiérarchique ou de dépendance (éducateur face à un résident, enseignant face à une
élève, tuteur face à un pupille, etc.).
Les infractions aux mœurs sont sanctionnées par les articles 187 à 212 du Code
pénal.
Le dépôt de plainte, par la personne abusée, doit intervenir dans le délai de un à
trois mois après l’acte délictueux, ces différences dépendant de la législation de
chaque canton. A défaut de respecter le délai prescrit, la victime ne pourra plus
prétendre à des dommages et intérêts. Un tiers peut dénoncer un acte délictueux
en lieu et place de la victime, dans le délai d’un an après la commission de
l’acte. Il n’a toutefois pas qualité de plaignant. Le délai de prescription est de
cinq ans, après l’acte, en-dessous de 16 ans et de deux ans au-dessus de 16 ans.
En principe...
Il n’y a aucune limite juridique à la vie personnelle. Ainsi une institution, un
tiers impliqué ou l’entourage, même si c’est lui qui a demandé le placement institutionnel, n’a rien à dire quant à l’expression de la sexualité, laquelle fait partie
des droits fondamentaux de la personne à disposer librement de sa vie intime et
de son corps. Ces droits, régis par les articles 28 et suivants du Code civil (CC),
s’inspirent de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui comprend,
entre autres, un chapitre consacré à la liberté sexuelle et traitant du droit:
– de disposer de son corps;
– à être respecté dans son intimité;
– à être protégé contre des contraintes contraires aux mœurs;
– au respect des sentiments intimes (atteintes par des propos obscènes,
par exemple).
Un tuteur n’a pas le droit d’intervenir dans ce qui est intimement lié à la personne. (Les dispositions des articles 28 et suivants du CC restent préservées.) En
revanche, il lui incombe de protéger la personne face à des abus sexuels.
61
Savoir
Des principes aux réalités...
Une ingérence de la part de la famille peut être sanctionnée par un procès pour
atteinte à l’honneur (action civile en dommages et intérêts) ou diffamation
constituée par la déclaration publique accusant la personne d’incapacité de discernement (plainte pénale). Le choix de cette chaîne juridique mérite cependant
une sérieuse évaluation des risques: coupure grave avec l’entourage, disparition
du réseau, etc.
La majorité des institutions disposent d’un règlement interne. Ce document est
un contrat généralement signé par l’institution et la personne handicapée. Régi
par le Code des obligations, il prévoit des délais de renouvellement et de dénonciation qui peuvent aboutir à des ruptures d’engagements.
S’il est vrai que certains de ces règlements limitent le droit à l’expression de la
sexualité, il y a peu de moyens de s’y opposer, sans compter qu’il est déjà difficile, moralement, de se dresser contre l’institution dans laquelle on doit vivre.
Cependant, sur le plan purement juridique, il serait possible d’attaquer un règlement en prouvant qu’il comporte un engagement excessif, disproportionné et
constituant une atteinte à la liberté personnelle (art. 28 et suivants du CC). En
réalité, cette option, qui n’a encore jamais été exploitée, demeure limitée, car il
s’agirait alors d’apporter la preuve de la disproportion et l’institution pourrait
arguer de la notion d’intérêt public prépondérant pour justifier son règlement. La
notion d’intérêt public prépondérant est liée à des données culturelles très
variables selon le lieu d’habitation. Pour exemple, une région plutôt rurale et à
prépondérance catholique n’évaluera vraisemblablement pas les choses de la
même manière qu’une région citadine et à majorité protestante.
Les limites restent floues entre le droit intime et la notion d’abus.
Un tuteur peut estimer qu’il y a abus sexuel ou acte contraire à la pudeur et
dénoncer le cas.
N’importe qui peut dénoncer une situation à l’autorité, s’il juge que les moyens
d’aide à la sexualité mis en place par une institution ou par des membres de son
personnel constituent des actes contraires à la pudeur.
Un proche d’une personne handicapée, ou une autorité, peut attaquer en justice
une institution ou des membres de son personnel pour manquement à leur
devoir d’assistance ou violation du devoir de diligence à l’égard d’un résident.
Pour autant qu’il en apporte la preuve, le dénonciateur peut évoquer de sérieux
doutes sur la capacité de discernement de la personne et, même en l’absence de
toute mesure de tutelle, accuser l’institution ou les accompagnants d’avoir pris
des risques en laissant faire. La capacité de discernement est présumée, mais
c’est une présomption dite «réfragable».
Ces réalités expliquent que certaines institutions soient obligées de trouver des
parades telles que: location d’une chambre aux partenaires, demande de discré62
Savoir
tion lorsque des professionnels du sexe entrent dans l’institution, tolérance
d’aides directes, mais sans en assumer la responsabilité, etc. Elles expliquent
également que le personnel des institutions fasse preuve d’une certaine prudence. Ainsi, s’agissant de la «capacité de discernement suffisante» de la personne handicapée, il faudra que le personnel s’assure que celle-ci est en mesure
de comprendre l’acte qu’elle entreprend et peut se déterminer librement par rapport à lui.
Les limites aux interventions extérieures
Les plaintes de tiers n’ont des chances d’aboutir que s’il y a souffrance chez la
personne concernée, si l’acte a eu lieu contre sa volonté ou était de nature à lui
porter un préjudice certain, ou si la capacité de discernement de la personne
n’est plus jugée suffisante. Le plaignant devra apporter des preuves des faits
avancés, faute de quoi, les personnes concernées peuvent porter plainte en diffamation, dénonciation calomnieuse ou atteinte à l’honneur.
Il semblerait que les possibilités de dépôts de plaintes par des tiers soient
réduites si la personne handicapée signe une décharge au personnel qui l’aide.
La capacité de discernement
La maturité est l’un des éléments révélant la capacité de discernement. Elle est
définie comme étant la faculté de comprendre et de mesurer les effets de ses
actes et d’agir en conséquence. Entre ainsi dans la décision de capacité ou d’incapacité la manière dont la personne gère les actes de sa vie courante. Le fait
d’avoir besoin de soins ou d’aides physiques ne justifie pas à lui seul une interdiction qui aboutirait à une mesure de tutelle (art. 360 et suivants du CC).
Il ne faut pas confondre tutelle et curatelle. Cette dernière mesure (art. 392 et
suivants du CC) se limite à la gestion des biens matériels, gestion qui peut être
rendue nécessaire par l’importance du handicap. Elle ne peut s’assortir d’interventions dans la vie intime.
• Si une tutelle ou une curatelle s’avère nécessaire, il est préférable de
demander une mesure volontaire car certaines de ses incidences pratiques
sont plus légères que celles d’une mesure imposée.
Observation à l’intention du législateur
Tous les textes que nous avons examinés parlent du droit de refuser une atteinte
(ou des abus), mais non de celui de décider de vivre sa sexualité et de l’affirmer.
Il existe donc un droit «négatif», mais il manque un droit «positif». Une source
pourrait en être trouvée dans la Convention européenne des droits de l’Homme
(signée par la Suisse) notamment dans ses articles 4 et 5 qui évoquent le respect
de la liberté personnelle et devraient pouvoir être interprétés comme reconnaissant le droit potentiel à des relations de nature sexuelle.
63
64
Savoir
Savoir
CENTRES DE PLANNING FAMILIAL EN SUISSE ROMANDE
Adresse
téléphone
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Hôpital régional - Vogelsang 84 - 2052 Bienne
032/324 24 15 oui
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021/312 25 93 oui
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021/804 22 11
3.96
Rue de Lausanne 21 - 1020 Renens
021/635 90 26 petit
non
ascenceur
besoin d’aide
3.96
Rue du Panorama 17 - 1800 Vevey
021/925 52 29
Rue des Pêcheurs 8 - 1040 Yverdon
024/423 63 00 non
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CIFERN - Bd de la Cluse 47 - 1205 Genève
NEUCHÂTEL
Faubourg du Lac 3 - 2000 Neuchâtel
accessible
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roulant
parking (P) mise
surdimen- à jour
sionné
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N.B. les consultations sont payantes, mais les prix sont négociables jusqu’à la gratuité.
* possibilité de déplacement à domicile sur demande
** uniquement pour les patients de l’hôpital
65
Savoir
MOYENS DE DÉTENTE **
•
•
•
•
•
•
•
yoga
sophrologie
acupuncture
réflexologie
drainage lymphatique
shiatsu
do-In
LEXIQUE
selon le petit Larousse
Autonomie
Indépendance, liberté. Droit pour l’individu de déterminer librement les règles auxquelles il se soumet.
Proposition du SEHP: «Aller au bout de mes possibilités».
Coït
Accouplement du mâle et de la femelle.
Déviance
(psycho) Comportement qui échappe aux règles admises par la
société.
Do-In
Génitalité
Massage qui se pratique sur soi-même (auto-shiatsu).
Capacité de reproduction des organismes sexués.
IMC
Infirme moteur cérébral.
MST
Maladie sexuellement transmissible
Orgasme
Point culminant du plaisir sexuel.
Ostentatoire
Qui témoigne de l’ostentation.
Ostentation = Etalage, parade. Mise en valeur excessive et indiscrète d’un avantage.
Ostracisme
Décision d’exclure ou d’écarter du pouvoir une personne ou un
groupement politique.
Par extension: hostilité (d’une collectivité) qui rejette un de ses
membres.
Paraorgasme «para», du grec, signifie «voisin de». Paraorgasme = voisin de
Réfragable
Shiatsu
l’orgasme.
dont on peut démonter la non-pertinence.
Prédécesseur de l’acupuncture. Se pratique, notamment, par
pression des doigts.
Spasme
Contraction brusque et violente, involontaire, d’un ou de plusieurs muscles.
Spasticité
Etat caractérisé par une exagération de la tonicité musculaire se
manifestant par des spasmes.
** ne sont pas toujours pris en charge par les caisses maladie.
66
Savoir
BIBLIOGRAPHIE
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«Valorisation des rôles sociaux et évaluation». Textes choisis, 1991. Ed. des
Deux-Continents, cp 507, 1211 Genève 24.
FILMOGRAPHIE
«Amour pas K.O.». Réalisation d’un groupe de personnes handicapées. Production
SSSP. 30 minutes, vidéo et diaporama, versions française et allemande en vidéo.
Cap-Contact Association, ch. de Praz-Séchaud 18, 1010 Lausanne.
«L’amour à corps perdu», Temps présent, Télévision suisse romande, avril 1996.
(Behinderte Liebe)» Marlies Graf, Suisse, 1979, 120
minutes. 16 mm Centrale du film scolaire à Berne, tél. 031 / 301 08 31,
fax 031 / 301 28 60 (uniquement en allemand). Marlies Graf prépare pour cet
automne une version vidéo.
«L’amour handicapé
68
CONCEPTION ET MISE EN PAGE: JEAN-CLAUDE BLANC – ATELIER MICRO-ÉDITION FFH
Savoir
«Vie à domicile et handicap, réalités et besoins». Enquête auprès de personnes