septembre 2016

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septembre 2016
La Lettre d’Invest AM 3° trimestre 2016
« Brexit means Brexit » (T May) -
Après le choc du « brexit » du précédent trimestre, les marchés ont connu un regain de forme au
cours d’un été plutôt calme. En effet, les bons chiffres du chômage américain et une forme de déni
euphorique au Royaume Uni ont permis aux marchés de reprendre un peu d’altitude. La rentrée fut
plus compliquée avec le retour des craintes sur la pérennité du système financier européen et sur
l’attitude des banques centrales qui esquissent des stratégies monétaires un peu moins
accommodantes. Ces dernières, à l’instar des nombreuses échéances politiques à venir, risquent de
peser sur l’évolution des marchés lors du prochain trimestre.
1) Une période estivale calme
Le choc du « Brexit » a été suivi d’une baisse sans précédent des taux long dans le monde, conduisant
le bund allemand à 10 ans le 8 juillet 2016 à un taux record de – 0. 198%. Cet environnement de
chute des taux de l’argent sans risque associé à un retour de bonnes nouvelles du côté de l’emploi
américain a permis aux marchés boursiers de se reprendre. En effet, la fin du printemps avait été
morose du côté de l’économie américaine qui avait participé à la secousse du mois de juin. Côté
britannique, la saga politique shakespiro/ « house of cards » de la conquête du pouvoir a pris fin de
façon plus rapide que prévu initialement, avec la nomination le 13 juillet 2016, de Theresa May à la
tête d’un gouvernement composé fortement de partisans de la sortie de l’UE dans sa forme la plus
radicale.
L’Angleterre s’est ensuite engagée dans une forme de déni collectif sur l’ampleur de la rupture en
partie alimenté par des statistiques économiques satisfaisantes. L’absence totale d’opposition
politique du fait de la déliquescence du parti travailliste, maintenant fermement dirigé par un
partisan caché de la sortie de l’union, rend plus plausible la solution du « hard Brexit » (rupture
totale avec l’UE).
Notre conviction est que ce sont surtout les actifs libellés en livre sterling qui devraient continuer à
se déprécier fortement et qui seront pénalisés par cet état de fait. L’économie de la zone euro
devrait souffrir de la perte d’un client dont la prospérité devrait décroitre tout en bénéficiant
marginalement du rapatriement éventuel de certaines activités en provenance d’outre-manche.
2) Une rentrée plus compliquée sous l’égide des banques centrales
Au début septembre, les marchés européens actions ont bénéficié d’un quasi retour à l’équilibre sur
l’année. Cependant, le discours anormalement restrictif de certains membres du comité de politique
monétaire de la Federal Reserve américaine ainsi qu’une certaine prudence de la BCE ont mis la
pression sur les marchés. En effet, les opérateurs ont craint un resserrement des politiques
monétaires plus brutal que prévu qui serait contreproductif eu égard à une croissance américaine
réelle mais encore timide.
Cette crainte ne s’est pas matérialisée lors de la réunion de la FED de septembre mais un débat
commence à poindre sur les limites des politiques monétaires stimulantes et sur leur inefficacité.
La fin du trimestre a aussi été marquée par le retour des doutes sur la solidité des banques italiennes
et allemandes, ce qui a pesé sur les valeurs financières européennes. Au-delà du cas spécifique de la
« deutsche bank », il faut noter que ces deux pays ont été les seuls pour des raisons radicalement
différentes à ne pas rationaliser leurs systèmes financiers en laissant survivre une myriade de
banques locales qui diminuent la rentabilité globale d’un système déjà pénalisé par les taux bas. Les
autres pays européens en favorisant une organisation plus oligopolistique de leur marché bancaire
permettent à leur banque d’afficher des résultats convenables en dépit de la faiblesse des taux. La
concentration progressive du marché bancaire est en marche : elle a commencé partiellement en
Italie mais il faudra régler les cas de la Monte Paschi di Sienna et en Allemagne, celui de la Deutsche
Bank avant que les valeurs bancaires puissent accompagner les indices européens à la hausse.
3) Un prochain trimestre marqué par les échéances électorales et les banques
centrales
Ce débat sur les banques centrales devrait se prolonger au dernier trimestre pour deux raisons :
d’une part, l’annonce par la BCE des modalités de poursuite de sa politique d’achat d’actifs (80
milliards d’euros par mois) qui est censée s’achever en mars 2017 et d’autre part la hausse probable,
mais pas encore acquise, de 0.25% des taux de la Fed en décembre.
Concernant la BCE, l’attention se portera sur la durée de la politique actuelle. En effet, une
augmentation des achats ou bien une baisse des taux n’est plus à l’ordre du jour. Les conditions
économiques actuelles ne justifient pas une sortie du programme monétaire exceptionnel mais ce
sujet devrait nous occuper en 2017.
Concernant la Fed, il s’agit de la hausse des taux la plus circonvolue de l’histoire de l’institution (mi
2015, les taux monétaires pour fin 2016 étaient anticipés à 1.5/2%) et elle devrait intervenir en
décembre pour sauver un semblant de crédibilité.
L’évènement qui devrait marquer le trimestre sera bien entendu l’élection américaine sur laquelle
nous aurons l’occasion de revenir. Une élection pouvant en cacher une autre, le renouvellement
partiel du Sénat et du Congrès le même jour sera également important pour connaitre la future
politique budgétaire américaine. En effet, les deux candidats se sont affirmés en faveur d’une
augmentation significative de la dépense publique. Cette orientation est plutôt positive pour la
croissance du pays mais il faudra que le Congrès soit d’accord avec la mise en œuvre de cette
politique. Nous aurons également des élections législatives espagnoles, ainsi qu’un référendum
constitutionnel en Italie en décembre. Ceci pourrait créer un peu de volatilité notamment en Italie ou
la situation parait plus risquée.
En conclusion, ce trimestre aura été marqué par deux tendances :
. La bonne résilience affichée par les
marchés actions face aux différents chocs subis depuis un an
(dévaluation chinoise, pétrole, Brexit) aidés par la politique accommodante des banques centrales.
Cette tendance valide nos choix de privilégier des actifs bien rémunérés mais risqués, la seule
exception un peu douloureuse pour le moment restant les actions européennes marquées par les
déboires du secteur financier et la sortie des investisseurs américains.
. Un consensus croissant autour de perte d’efficacité la politique monétaire. Cette dernière, afin de
sortir l’économie mondiale du marasme va devoir être relayée par des politiques budgétaires
expansionnistes financées par les banques centrales (la « planche à billet » ou « helicopter money »).
On en constate les prémices avec la décision de la BOJ de financer sans limite le gouvernement
japonais ou bien par l’abandon des plans d’austérité du gouvernement précédent par le nouveau
chancelier de l’échiquier britannique P. Hammond. La prochaine élection américaine pourrait être un
étape décisive dans ce changement radical d’orientation de l’économie mondiale.
Gilles Etcheberrigaray
Achevé de rédiger le 10 octobre 2016