Rezension über: André Bazzana / Nicole Bériou

Transcription

Rezension über: André Bazzana / Nicole Bériou
Zitierhinweis
Chandelier, Joël: Rezension über: André Bazzana / Nicole Bériou /
Pierre Guichard (Hg.), Averroès et l’averroïsme, XIIe-XVe siècle. Un
itinéraire historique du Haut Atlas à Paris et Padoue, Lyon: Presses
Univ. de Lyon, 2005, in: Annales, 2008, 2 - Histoire médiévale, S.
472-473,
http://recensio.net/r/8bca927376f65b54e17a81dceb002e61
First published: Annales, 2008, 2 - Histoire médiévale
copyright
Dieser Beitrag kann vom Nutzer zu eigenen nicht-kommerziellen
Zwecken heruntergeladen und/oder ausgedruckt werden. Darüber
hinaus gehende Nutzungen sind ohne weitere Genehmigung der
Rechteinhaber nur im Rahmen der gesetzlichen
Schrankenbestimmungen (§§ 44a-63a UrhG) zulässig.
COMPTES RENDUS
corps, les rites, les rêves, le temps. Essais d’anthropologie médiévale, Paris, Gallimard, 2001, p. 241-262
et Caroline W. BYNUM, « Did the twelfth century
discover the individual? », Journal of Ecclesiastical
History, 31, 1980, p. 1-17.
André Bazzana, Nicole Bériou
et Pierre Guichard (éd.)
Averroès et l’averroïsme, XII e-XV e siècle.
Un itinéraire historique du Haut Atlas à Paris
et Padoue. Actes du colloque international
organisé à Lyon, les 4 et 5 octobre 1999
Lyon, Presses universitaires de Lyon,
2005, 352 p.
472
Depuis la parution, en 1852, de l’ouvrage
d’Ernest Renan intitulé Averroès et l’averroïsme,
le sujet de la réception des théories philosophiques du maître cordouan n’a eu de cesse
d’attirer les historiens français comme étrangers, faisant l’objet d’interprétations fort
variées. En reprenant le même titre, il est
évident que ce colloque tenait à se placer dans
cette longue tradition.
Pourtant, la table des matières de l’ouvrage
démontre que la perspective dans laquelle
ont voulu se placer les organisateurs de cette
rencontre est fort différente de celle qui a,
jusqu’ici, dominé les études sur l’averroïsme.
En effet, quand ces dernières insistaient avant
tout sur les problèmes essentiellement philosophiques et théologiques soulevés en Occident
par la réception des théories du savant arabe,
à travers une étude intellectuelle faite d’influences et d’échanges culturels, les articles
réunis ici préfèrent mettre l’accent sur le
contexte proprement andalou de la carrière
d’Averroès. Ainsi, sur les quatre parties qui
constituent l’ouvrage, les deux premières
abordent l’état de l’empire almohade dans la
seconde moitié du XIIe siècle et la biographie
d’Averroès, tandis que seule la quatrième
traite, en trois contributions, des utilisations
de son œuvre dans l’Occident latin. On ne
peut que louer cette volonté de replacer dans
son contexte social et politique l’épanouissement d’une doctrine trop souvent considérée
comme purement intellectuelle : bien que
difficile, seule cette démarche permet aux
chercheurs d’éviter le piège de l’analyse
anhistorique.
9080$$
DE10
Les instructifs articles de Santiago Macias
et André Bazzana sur les cités de Mértola et
Saltés, fondés sur des recherches archéologiques pointues, introduisent au contexte
de l’empire almohade, tandis que plusieurs
études d’histoire de l’art illustrent les divers
champs dans lesquels l’idéologie de cette
dynastie s’exprime. Enfin, Pascal Buresi
revient sur l’apogée supposé de l’empire, la
bataille d’Alarcos (1195), et en précise le véritable sens historique. Bien que ces différents
éclairages sur le contexte politique et social du
temps d’Averroès se révèlent intéressants, on
regrettera toutefois l’absence pratiquement
complète d’articulation avec le thème principal de l’ouvrage : si le lien entre contexte social
et production des idées est toujours difficile à
établir, il est ici malheureusement un peu trop
laissé à l’appréciation du lecteur.
La deuxième partie de l’ouvrage est sans
doute la meilleure. Intitulée « Un intellectuel
musulman en son temps », elle propose plusieurs essais sur la carrière et les opinions du
philosophe. La synthèse de Dominique Urvoy
sur les rapports entre Ibn Rushd et le pouvoir
almohade et la remarquable étude érudite
d’Émile Fricaud sur les causes de sa disgrâce
permettent de mieux comprendre les conditions de travail du savant, en détruisant au
passage certains mythes sur sa prétendue
hétérodoxie : bien plus que la simple conséquence de ses prises de positions intellectuelles, les difficultés du cadi à la fin de sa
carrière doivent désormais être comprises
comme la résultante des luttes d’influences au
sein du pouvoir almohade entre divers courants de pensée, qui ne se limitent pas au seul
cas d’Averroès. Du reste, les liens entre politique et monde intellectuel apparaissent plus
étroits que l’on ne pourrait le penser : Maroun
Aouad montre dans son analyse de la valeur
épistémologique du témoignage chez Averroès
combien les contingences politiques ont eu un
rôle majeur dans l’élaboration de la pensée du
philosophe ; la note de Pierre Guichard, qui suit
cette étude, est sur ce point particulièrement
suggestive et, en quelques lignes, démontre le
bien-fondé d’une approche sociale de l’histoire intellectuelle.
Enfin, les deux derniers chapitres du
volume s’intéressent au devenir des idées
d’Averroès. Si l’averroïsme occidental est, en
29-04-2008 11:38:01Imprimerie CHIRAT
COMPTES RENDUS
fin de compte, peu abordé (à l’exception des
travaux de Maurice-Ruben Hayoun sur l’averroïsme dans les milieux juifs et de Marwan
Rashed sur l’humaniste Lauro Quirini), c’est
pour laisser plus de place à des thèmes jusqu’alors largement négligés voire complètement oubliés. Mohamed-Chérif Ferjani prouve
ainsi que, contrairement à l’idée répandue, Ibn
Rushd ne fut pas complètement oublié dans
le monde arabe, et pousse même son étude
jusqu’à la période contemporaine, remarquant
que les réutilisations parfois étonnantes de la
pensée du philosophe ne sont pas l’apanage
des savants médiévaux. De même, Juliane Lay
met au jour un texte inédit conservé uniquement dans sa traduction hébraïque, l’Abrégé
de l’Almageste, et Péter Molnár le rôle du Liber
Nichomachie dans la première réception des
théories politiques d’Aristote. L’ouvrage n’apporte donc finalement, malgré son titre, que
peu d’éléments sur l’averroïsme latin proprement dit ; mais il a le grand mérite d’explorer
des terrains nouveaux, et évite ainsi de tomber
dans les lieux communs de l’histoire intellectuelle.
En définitive, cet Averroès et l’averroïsme n’a
que peu de choses à voir avec l’ouvrage homonyme d’E. Renan : laissant de côté la longue
suite d’influences qui, en Occident, conduit à
maintenir une école averroïste jusqu’au cœur
du XVII e siècle, il préfère s’attarder sur le
contexte de production et de réception du
savoir, tant pour souligner l’originalité de
l’œuvre du philosophe que le rôle des événements contemporains dans la diffusion de ses
théories – approche stimulante, qui ne peut
qu’inciter à reprendre à nouveaux frais le lourd
dossier de l’averroïsme.
JOËL CHANDELIER
Damien Coulon
Barcelone et le grand commerce d’Orient
au Moyen Âge. Un siècle de relations
avec l’Égypte et la Syrie-Palestine
(ca. 1330-ca. 1430)
Madrid/Barcelone, Casa de Velázquez/
Institut Europeu de la Mediterrània,
2004, 933 p.
Les Vénitiens et les Génois se sont de longue
date taillé la part du lion dans l’abondante
9080$$
DE10
historiographie consacrée au commerce du
Levant à la fin du Moyen Âge, laissant dans
l’ombre d’autres acteurs importants, comme
les marchands de Barcelone. Le présent
ouvrage, tiré d’une thèse de doctorat, vient
réparer cet oubli en mobilisant une masse
importante de documents en grande partie
inédits, pour éclairer la participation des sujets
de la couronne d’Aragon au grand commerce
d’Orient entre 1330 et 1430.
C’est surtout l’exploitation minutieuse des
registres de quinze notaires, conservés dans
les fonds de l’Arxiu Històric de Protocols à
Barcelone, qui fait la nouveauté du présent
travail. Entre le milieu du XIVe siècle (registres
de Pere Martı́ et Jaume Ferrer) et le milieu du
e
XV siècle (registres d’Antoni Brocard et de
Bernat Pi), ces minutiers ont rassemblé plusieurs milliers d’actes liés au grand commerce
avec l’Égypte et la Syrie-Palestine, dont une
partie, difficile à estimer, a été perdue. Certains
notaires, tels les frères Bernat et Joan Nadal
entre 1388 et 1410, paraissent même s’être
spécialisés dans ce domaine, offrant ainsi à
l’historien des séries abondantes et cohérentes, bien que limitées dans le temps.
Damien Coulon n’ignore pas les limites d’une
telle documentation qui, prise isolément,
aurait pu l’entraîner à commettre des erreurs
de perspective, en raison de la répartition très
inégale des actes sur l’ensemble de la période.
Il contourne toutefois cette difficulté avec
aisance, en ne négligeant nullement ce que
peuvent offrir d’autres fonds émanant de
l’État – archives de la couronne d’Aragon et
de la cité de Barcelone – ou de l’Église : les
archives diocésaines de Barcelone conservent
ainsi la précieuse trace des serments que
devaient prêter les patrons de navire qui
bénéficiaient d’une licence pontificale pour
commercer librement dans les ports du Levant
entre 1347 et 1418. L’ensemble de ce corpus
offre une base particulièrement solide pour
évaluer le nombre des navires qui circulaient
annuellement entre Barcelone, Alexandrie,
Beyrouth et, secondairement, Jaffa ; il permet
de scruter avec une grande précision le montant des capitaux investis, l’origine géographique et sociale des bailleurs de fond et
des preneurs, ou encore la nature des produits échangés.
29-04-2008 11:38:01Imprimerie CHIRAT
473